| Édition du lundi 13 octobre 2025 |
Crise politique
À peine renommé, Sébastien Lecornu déjà sous la menace d'une censure rapide
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Démissionnaire lundi 6 octobre, de nouveau Premier ministre quatre jours plus tard. Sébastien Lecornu a finalement accepté de reprendre la « mission » qu'il avait pourtant dit « terminée » l'avant-veille. Mais quelle va être la durée de vie de ce gouvernement ?Â
Cela aura été, sans doute, la semaine politique la plus folle de la Ve République. Récapitulatif : dimanche dernier, Sébastien Lecornu nomme son gouvernement après plus de 20 jours de réflexions et de tractations. Quelques heures avant, lors d'une réunion des parlementaires LR, le président du parti Bruno Retailleau défendait, seul, la nécessité de rentrer au gouvernement, « en responsabilité ». Mais à peine le gouvernement nommé, le même président des Républicains et ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, réalisant apparemment que la participation de son parti au gouvernement ne passe pas auprès de la base, publie un twitt qui laisse entrevoir qu’il va s’en retirer (« la composition du Gouvernement ne reflète pas la rupture promise »). Le ministre annonce convoquer le lendemain le comité stratégique du parti. Mais Sébastien Lecornu ne lui en laisse pas le temps et prend les devants : lundi 6 au matin, il annonce sa démission et celle de son gouvernement. Le « socle commun » constitué par Michel Barnier, réunissant les partis du centre et les Républicains, a vécu.
Dans la foulée, l’Élysée annonce qu’il charge Sébastien Lecornu d’une sorte de mission de la dernière chance : trouver, en 48 heures, le « chemin » permettant de réunir une « plateforme de stabilité et d’action ». Mercredi 8, au journal de 20 heures, le Premier ministre démissionnaire vient rendre compte de sa mission, qu’il reconnaît n’avoir « pas vraiment réussie ». Il estime tout de même possible que soit constitué un gouvernement à condition que ses membres soient « déconnectés » de l’élection présidentielle, et assure que dans ces conditions, le risque de dissolution « s’éloigne ».
Sauf que la situation n’avait, en réalité, guère changé : Sébastien Lecornu a reconnu ce soir-là qu’il n’y a que 210 députés qui veulent « à peu près la même chose » sur le budget (l’ancien socle commun), ce qui est très loin d’une majorité à l’Assemblée nationale. Il lançait donc quelques perches vers le Parti socialiste, en promettant un réflexion sur la possibilité d’un débat sur la réforme des retraites.
À partir de là, il ne restait plus qu’à attendre la décision du président de la République, qui se donnait à nouveau 48 heures pour trancher et choisir un Premier ministre. Le nom de Jean-Louis Borloo a circulé quelque temps avant que, vendredi à 22 heures passées, l’on apprenne que Sébastien Lecornu était reconduit à Matignon.
Une « carte blanche » très relative
Pourquoi ce choix ? La réponse tient sans doute à l’isolement croissant dans lequel se trouve le chef de l’État, lâché cette semaine par ses plus anciens soutiens, de Gabriel Attal à Édouard Philippe. En d’autres termes, Sébastien Lecornu est sans doute, aujourd’hui, la dernière grande figure macroniste à rester fidèle et loyal au chef de l’État. Personne n’est dupe : si le président de la République a dit donner « carte blanche » à son Premier ministre pour constituer son gouvernement, il garde néanmoins la main. Témoin, l’entretien de plus de deux heures entre les deux hommes, hier soir, avant la publication officielle de la composition du gouvernement, entretien synonyme de négociations serrées, très loin d’une « carte blanche ».
De son côté, le Premier ministre reconduit a indiqué qu’il acceptait le poste « par devoir », afin de « mettre un terme à cette crise politique qui exaspère les Français ». Il a indiqué les points sur lesquels il s’engageait à ouvrir la discussion, mais aussi ses lignes rouges : « Tous les dossiers évoqués pendant les consultations seront ouverts au débat parlementaire », et « les débats devront aller jusqu’au bout », ce qui veut dire que Sébastien Lecornu réitère sa promesse de ne pas faire usage du 49-3. Côté lignes rouges : « Le rétablissement de nos comptes publics demeure une priorité (…) : personne ne pourra se soustraire à cette nécessité. » Il a également annoncé que les futurs ministres « devront s’engager à se déconnecter des ambitions présidentielles pour 2027 ».
Et d’ajouter, dans une entretien accordé à La Tribune dimanche, hier, qu’il n’a pas changé d’état d’esprit : il a démissionné, la semaine dernière, « parce que les conditions n’étaient plus remplies » pour s’accorder avec Les Républicains et gouverner ensemble. « Si les conditions n’étaient de nouveau plus remplies, je partirais. »
Le bloc central fissuré
Même si le gouvernement nommé hier soir comprend des membres de tous les partis de l’ex-socle commun (lire article ci-contre), l’unité n’est absolument plus garantie entre ces partis. À commencer par celle avec Les Républicains, dont la direction a officiellement tranché, samedi : le parti ne participera pas au gouvernement – ce qui n’a pas empêché les débauchages individuels – mais le soutiendra de l’extérieur, « texte par texte ». Même position de « soutien sans participation » pour l’UDI. Quant à Horizons et au MoDem, on ne peut pas dire qu’ils ont fait preuve d’un enthousiasme délirant devant la reconduction de Sébastien Lecornu à Matignon : le parti d’Édouard Philippe a rappelé son opposition absolue à tout retour en arrière sur la réforme des retraites et annoncé attendre « ce que va proposer le Premier ministre pour le pays » ; tandis que celui de François Bayrou a sobrement « pris acte » de la nomination de Sébastien Lecornu et attend maintenant « des clarifications ». Même le parti d’Emmanuel Macron, Renaissance, a annoncé du bout des lèvres soutenir le Premier ministre, bien que la nomination de celui-ci ne corresponde pas à la demande du parti de « partager le pouvoir » avec l’opposition.
Le spectre d’une censure express
Du côté de celle-ci, les choses sont bien plus tranchées – sauf, à cette heure, pour ce qui concerne le Parti socialiste. À droite, le RN et les ciottistes restent sur la position qu’ils ont adoptée depuis le début de la semaine dernière : « On censure tout le monde, jusqu’à la dissolution. » Même position à La France insoumise, chez les écologistes au Parti communiste, désormais tous acquis à la censure « automatique » du gouvernement.
La seule inconnue, qui sera absolument déterminante pour l’avenir du gouvernement à très court terme, reste donc l’attitude du Parti socialiste : selon que celui-ci votera ou ne votera pas la censure, dans les jours à venir, le gouvernement tombera ou ne tombera pas.
Pour le comprendre, il suffit de faire un peu d’arithmétique parlementaire. Si l’on additionne les députés membres des partis qui ont décidé de censurer systématiquement (RN, ciottistes, LFI, PCF, écologistes), on arrive à un total de 264 voix, soit 25 de moins que la majorité absolue. Pour faire tomber le gouvernement, il suffira donc de trouver 25 voix parmi les 69 députés socialistes. Sans compter les 22 députés Liot, dont plusieurs pourraient voter la censure… voire certains députés LR, qui n’avaient pas hésité, malgré la consigne de leur parti, à voter pour la chute du gouvernement Bayrou.
Autrement dit, si le PS devait annoncer clairement qu’il censurera, l’affaire est pliée : le gouvernement Lecornu II ne passera pas la semaine. Si, en revanche, le Premier ministre annonce, dans son discours de politique générale, des mesures qui lui garantiraient la non-censure du PS… sa chute passe de certaine à possible – car rien ne dit que tous les députés PS respecteront la consigne du parti.
Le PS a fixé, ces derniers jours, ses conditions pour ne pas censurer : « la suspension complète et immédiate de la réforme des retraites », l’engagement à ne pas utiliser le 49-3, et des mesures pour « le pouvoir d’achat et la justice fiscale ». Sur le 49-3, au moins, les choses sont claires. Sur le pouvoir d’achat, il n’est pas sûr que la nomination – pour la première fois – d’un « ministre du Pouvoir d’achat », suffise à convaincre les socialistes. Quant à la question des retraites, c’est la grande inconnue : le PS a certes ouvert la porte en ne demandant pas « l’abrogation », mais que signifie « une suspension complète et immédiate » ? Et surtout, Sébastien Lecornu sera-t-il prêt à donner des gages dans ce sens, dans la mesure où cela lui ferait automatiquement perdre le soutien des LR et d’Horizons, qui ont fait de cette question une ligne rouge ?
Faute d’une prise de position claire du Parti socialiste ce matin – et bien que trois députés PS aient déjà annoncé qu’il censureront dans tous les cas, estimant que « les socialistes n’ont pas vocation à devenir la béquille d’un macronisme finissant » –, il faut maintenant attendre le discours de politique générale du Premier ministre pour être fixé.
Si le nouveau gouvernement devait être renversé cette semaine, on ne voit plus guère ce qui pourrait éviter une dissolution, que de plus en plus de partis en viennent à réclamer. Les arguments inlassablement répétés par le RN, selon lesquels les autres partis « ont peur des élections », ont fini par porter : il n’est que de voir le nombre de responsables politiques, des LR au PS en passant par le PCF, qui ont assuré ce week-end dans les médias qu’il « ne faut jamais avoir peur de demander leur avis aux Français ». Ils savent, pourtant, que le prix électoral d’une dissolution risquerait, pour eux, d'être extrêmement lourd.
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Gouvernement
Un nouveau gouvernement largement dominé par l'ancien « socle commun »
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C'est un peu après 22 h, hier soir, que l'Élysée a publié le communiqué actant la nomination du nouveau gouvernement. On y trouve un mélange de ténors politiques, de hauts fonctionnaires, d'experts de la société civile et, fait notable pour les maires, deux présidents d'associations d'élus.Â
On se demandait, la semaine dernière, après l’interview de Sébastien Lecornu au « 20 heures » de France 2, si le pays allait finir par découvrir le fameux « gouvernement technique » prôné par certaines depuis la dissolution de 2024 – un gouvernement d’experts, non partisans, chargés de construire et faire adopter un budget par une Assemblée sans majorité. La re-nomination de Sébastien Lecornu, dernier grognard d’Emmanuel Macron, a éloigné cette perspective. Au final, le gouvernement de 34 membres qui a émergé hier soir, après 48 heures d’intenses négociations et tractations secrètes, est un savant mélange de continuité et de rupture, de politiques et d’experts, de personnalités très médiatiques et d’inconnus… Mais une chose n’a pas changé : la tonalité politique du gouvernement, alliant macronistes et Républicains.
Les équilibres politiques
Il y a des situations qui ne laissent pas d’étonner. Le gouvernement Lecornu I avait le soutien officiel des Républicains, et il ne comptait que quatre ministres LR. Le gouvernement Lecornu II ne l’a pas, le président du parti a clairement interdit à ses membres d’en faire partie… et il en compte six. Parmi eux, des poids lourds du parti comme Rachida Dati, qui reste à la Culture et Annie Genevard, qui conserve le portefeuille de l’Agriculture ; et des figures moins connues comme Philippe Tabarot, lui aussi reconduit aux Transports. Vincent Jeanbrun, ancien maire LR de L’Haÿ-les-Roses et député depuis juillet 2024, prend le portefeuille de la Ville et du Logement. Nicolas Forissier, qui fut ministre dans les années 2000 sous Jean-Pierre Raffain, revient au gouvernement comme ministre délégué au Commerce extérieur et à l'Attractivité.
Dès hier soir, Les Républicains ont fait savoir que tous ses membres qui ont choisi de rentrer au gouvernement seraient exclus du parti – ce sera, pour Rachida Dati, sa deuxième exclusion, et l’on ignore sous quelle étiquette elle concourra pour la mairie de Paris, en mars prochain.
Les autres « politiques » du gouvernement appartiennent tous, sauf deux, au « bloc central » (11 ministres Renaissance, 3 Horizons, 3 MoDem) : cela représente 17 ministres, soit la moitié du gouvernement. Les deux exceptions sont Françoise Gatel, puisque l’UDI a pris son indépendance par rapport au bloc central, et Laurent Panifous, ancien député ex-PS de l’Ariège, qui a quitté le PS par refus de l’alliance électorale avec LFI et rejoint le groupe Liot.
Vingt-quatre ministres, soit les trois quarts du gouvernement, sont donc issus de l’ancien socle commun. On ne peut donc en aucun cas parler de « rupture » politique.
Les ministres qui seront les plus en avant dans le débat budgétaire – si le gouvernement survit à cette semaine – ne sont, là encore, aucunement porteurs de la « rupture » pourtant promise par Sébastien Lecornu : Roland Lescure, macroniste de la première heure, a été reconduit à Bercy, tout comme Amélie de Montchalin au budget, poste qu’elle occupe depuis un an, après avoir participé à tous les gouvernements depuis 2019. On se rappelle que la semaine dernière, c’est Roland Lescure qui a été l’un des premiers à prendre la parole pour dénoncer le coût « qui se chiffrera en milliards » d’une suspension de la réforme des retraites. Sa re-nomination ne semble donc pas indiquer que l’exécutif semble se diriger sérieusement vers cette option.
Figures du macronisme
L’une des principales surprises de ce gouvernement est le maintien de Gérald Darmanin au ministère de la Justice – ce qui est parfaitement contradictoire avec l’exigence énoncée par le Premier ministre lui-même de voir tous ses ministres « déconnectés » de la présidentielle de 2027. Gérald Darmanin n’a pourtant jamais caché ses ambitions en la matière. Pour entrer tout de même dans les critères d’admission au gouvernement, il s’est donc tranquillement auto-déconnecté de la présidentielle, en annonçant hier soir se mettre « en congé de toute activité partisane » ce qui, on le reconnaîtra, ne veut pas dire grand-chose.
Autre poids lourd qui reste au gouvernement, Catherine Vautrin. L’ancienne présidente LR de Reims Métropole, passée à Renaissance en 2024, quitte le ministère de la Santé pour celui des Armées, où elle remplacera Sébastien Lecornu lui-même.
D’autres figures du macronisme entrent au gouvernement : c’est le cas, par exemple, de Stéphanie Rist. La députée du Loiret, ancienne rapporteure générale de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, a porté deux lois importantes ces dernières années : la loi de 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, et celle de 2023 visant à l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Elle hérite, en toute logique, du ministère de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Détail qui n’est pas sans importance, là encore au regard des projets de « suspension » de la réforme des retraites : c’est la même Stéphanie Rist qui, en 2023, a été rapporteure générale du projet de loi qui a permis de reculer l’âge de départ à 64 ans.
Parmi les autres macronistes qui entrent ou rentrent au gouvernement, on notera le retour de Maud Bregeon comme porte-parole, d’Aurore Bergé comme ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de Marie-Pierre Verdenne, auprès du ministre de l’Intérieur, ou encore de Mathieu Lefèvre (chargé de la Transition écologique), Benjamin Haddad (Europe) et David Amiel à la Fonction publique.
Les ministres Horizons du nouveau gouvernement sont Charlotte Parmentier-Lecocq (Autonomie et Personnes âgées), Anne Le Hénanff (Intelligence artificielle) et Naïma Moutchou, qui remplace Manuel Valls aux Outre-mer et va donc hériter du très sensible et très urgent dossier de la Nouvelle-Calédonie, désigné priorité majeure du gouvernement par le Premier ministre, au vu de l’extrême urgence à faire voter une loi reportant les élections provinciales.
Quant au MoDem, il voit entrer (ou rester) trois de ses membres au gouvernement : Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères, Marina Ferrari aux Sports, à la Jeunesse et à la Vie associative, l’ancienne navigatrice Catherine Chabaud, à la Mer et à la Pêche.
Représentants des collectivités
Une nouvelle plutôt positive pour les élus est le maintien de Françoise Gatel (UDI) au gouvernement, avec même une prise de galon : jusque-là ministre déléguée (à la Ruralité), l’ancienne maire de Châteaugiron devient ministre de plein exercice et hérite du ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, tenu précédemment par François Rebsamen et, pendant quelques heures, par Éric Woerth. Si le gouvernement survit, ce sera donc elle qui, d’une part, devra porter le « grand acte de décentralisation » voulu par Sébastien Lecornu et, d’autre part, veiller à une adoption rapide de la proposition de loi sur le statut de l’élu… dont elle est l’auteure.
On notera également l’arrivée surprise au gouvernement de deux présidents d’associations d’élus : Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, devient ministre délégué chargé de l’Industrie – sans que l’intéressé, qui a tenu la tribune pendant les trois jours du congrès de son association la semaine dernière, n’ait à aucun moment évoqué une telle perspective. Et Michel Fournier, maire de Voivres et président de l’Association des maires ruraux de France, devient ministre chargé de la Ruralité.
Ces noms s’ajoutent à la longue liste des présidents d’associations de maires qui ont, à un moment ou à un autre, cédé à la tentation d’entrer dans un gouvernement depuis l’élection d’Emmanuel Macron, d’Olivier Dussopt (APVF) à Caroline Cayeux (Villes de France) en passant par Gil Averous (Villes de France).
La « société civile »
Enfin, huit ministres sont issus de ce qu’il est convenu d’appeler la « société civile », même si la frontière entre société civile et monde politique est parfois assez floue. Laurent Nuñez, nouveau ministre de l’Intérieur, fait-il partie de l’une de ces catégories ou de l’autre ? S’il est certes préfet de police de Paris et ancien directeur général de la Sécurité intérieure, donc haut fonctionnaire, il a également déjà été deux ans au gouvernement, en 2018, sous Édouard Philippe, et a sa carte à Renaissance depuis 2019.
Même chose pour le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Édouard Geffray, ancien directeur général de l’enseignement scolaire (comme l’était Jean-Michel Blanquer au moment de sa nomination)… mais qui fut également directeur de cabinet de François Bayrou lors de son bref passage au ministère de la Justice en 2017. Ou encore Alice Rufo (ministre déléguée auprès de Catherine Vautrin, aux Armées), certes haute fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères mais surtout conseillère diplomatique du président Macron dès 2017.
Deux des trois représentants les plus purs de la société civile sont deux grands patrons. Celui de la SNCF, d’abord, Jean-Pierre Farandou, qui hérite du portefeuille du Travail et des Solidarités ; et celui du groupe de distribution Système U, Serge Papin, qui devient ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et d’un nouveau portefeuille, celui du Pouvoir d’achat. Ce sera donc Jean-Pierre Farandou qui devra gérer le dossier de l’éventuelle suspension de la réforme des retraites… si, là encore, il est encore ministre à la fin de la semaine. Enfin, c'est une vraie spécialiste des questions d'écologie et de climat qui a été nommée ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité et des Négociations internationales sur le climat et la nature : Monique Barbut a été longtemps présidente du WWF France, mais aussi secrétaire exécutive de la Convention de l'Onu sur la désertification et envoyée spéciale du chef de l'État dans les récentes négociations sur le climat.
L''avenir de ce gouvernement sera fixé demain, puisque le discours de politique générale du Premier ministre est annoncé pour le mardi 14 octobre.
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Aménagement du territoire
Urbanisme : les CAUE menacés de disparition à cause des « couacs » de la réforme de la taxe d'aménagement
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Les défaillances de la collecte de cette taxe ont entraîné une forte baisse des ressources des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) du pays. Résultat, une partie de ces organismes qui conseillent gratuitement les collectivités sont en grande difficulté, voire menacés de disparition. Le gouvernement envisagerait une refonte de leurs missions et de leur financement.
Liquidation, dissolution, plans de licenciement… Pas un jour ne passe sans qu’un des 92 Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) du pays – et leur millier de salariés – ne fasse les frais des conséquences de la mauvaise mise en œuvre de la réforme de la taxe d’aménagement.
Alors qu’un premier CAUE – celui de la Manche – est déjà en cours de liquidation, c’est désormais la possible hécatombe dans les rangs de ces structures, qui accompagnent gratuitement particuliers et collectivités, qui inquiète aux quatre coins de l’Hexagone.
« Disparition amorcée »
La Fédération nationale des CAUE vient ainsi d’alerter sur leur situation « extrêmement préoccupante » et leur « disparition amorcée ». Car les dommages s’étendent à nombre d’entre eux.
Outre la mise en liquidation de la structure manchoise la semaine dernière (laissant 14 salariés sur le carreau), celle de l’Orne est à son tour menacée de dissolution, quand certaines structures se retrouvent « en cessation de paiement imminente » et plusieurs autres ont échoué à recourir à l’emprunt… faute de banques qui suivent.
Pour tenter de sauver l’essentiel, les plans de licenciement se multiplient donc avec « 77 postes » supprimés entre début 2024 et mi-2025, comme dans les CAUE de la Haute-Marne et de la Gironde qui ont été relatés dans la presse locale. Mais d’autres réductions d’effectifs sont déjà « en cours ».
Pourtant, les actions des CAUE sont précieuses puisqu’elles bénéficient aux « porteurs de projets publics comme privés, aux professionnels de l’aménagement et au public scolaire », ces organismes offrant depuis une cinquantaine d’années « un accompagnement neutre et indépendant aux territoires » sur des thématiques aussi variés que la sobriété foncière, la rénovation énergétique, la revitalisation des centres bourgs, ou encore la renaturation et les mobilités.
Dans un reportage récent de France 3 Normandie, la maire des quelque 1 500 habitants de Pirou (Manche), Noëlle Leforestier, expliquait d’ailleurs que la gratuité de leurs prestations est quelque chose de « vraiment important » pour « les petites communes ».
Plus de 1,5 milliard d’euros non collectés
Pourquoi leur situation s’est-elle ainsi brutalement dégradée, jusqu’à les menacer ? En cause, une réforme fiscale « mal calibrée », se désole la Fédération nationale. C’est presque un euphémisme lorsque l’on parle du fiasco qui entoure l’encaissement de la taxe d’aménagement par la DGFiP depuis deux ans. Une taxe qui finance à hauteur de 80 %, via une portion de la part départementale, ces structures d’ingénierie territoriale et dont le mauvais recouvrement aboutit aujourd’hui à cette « situation catastrophique ».
Les dysfonctionnements de la réforme de la taxe d’aménagement ont ainsi conduit à un « effondrement » de sa collecte avec, fin août, une chute de « 75 % » de son produit par rapport à 2023. « Plus d’1,5 milliard d’euros » n’auraient ainsi pas été collectés et reversés aux collectivités sur « la période 2024-2025 », dénonce la Fédération nationale des CAUE, qui rapporte que « seulement 200 millions d’euros » de taxe d’aménagement seraient reversés en 2025 aux départements, contre « 352 millions en 2024, année déjà très critique, et de 591 millions en 2023 » (à ce sujet, l'AMF organise d'ailleurs un webinaire avec la DGFiP ce mercredi 15 octobre, à 14 h 30, dans le but d'expliquer ces problèmes de reversement qui touchent aussi les communes et EPCI).
La situation est connue puisque le syndicat Solidaires Finances publiques a alerté en début d’année sur ce nouveau couac du fisc lié notamment aux errements du dispositif « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) et à des réductions d'effectifs, tout comme les députés Christine Pirès Beaune (PS) et David Amiel (Renaissance) – fraîchement nommé ministre depuis hier (lire article ci-contre) – dans un rapport sur les dysfonctionnements récents dans la collecte des impôts locaux.
Au-delà du risque de pertes sèches pour les collectivités, la députée du Puy-de-Dôme constatait déjà que « certains CAUE, confrontés à une baisse significative des recettes de cette taxe, n’ont pas reçu des départements les financements escomptés et ont déjà dû procéder à des licenciements, et d’autres pourraient bientôt suivre cette voie ». « À moins de considérer les CAUE comme inutiles – ce qui n’est absolument pas mon cas – nous ne pouvons laisser disparaître ces structures qui offrent un service gratuit et précieux aux collectivités locales », plaidait-elle.
Vers une refonte du financement et des missions ?
D’autant que « l’absence totale de visibilité » sur la durée de cette crise, « le calendrier de résorption et les montants qui seront recouvrés, ne permet pas de gérer cette crise comme une crise ponctuelle », prévient la Fédération nationale des CAUE. À terme, « elle risque de provoquer la perte définitive du niveau de service, ainsi que des savoirs et savoir-faire apportés dans les territoires par les CAUE », s’inquiète celle-ci.
« La liquidation du CAUE de la Manche n’est pas un accident, c’est le premier maillon d’une chaîne qui risque de rompre », prédit ainsi le président de la Fédération, Joël Baud-Grasset, qui rappelle qu’« une cinquantaine de questions parlementaires n’ont pas permis à ce jour d’obtenir plus de visibilité sur l’avenir de nos structures ».
Avec le président de Départements de France, François Sauvadet, ce dernier avait déjà alerté cet été, dans une tribune, sur « la mise en péril des politiques publiques locales dédiées à l'aménagement du territoire et à la préservation de l'environnement ». « Si aucune mesure corrective n'est prise d'ici à la fin de l'année 2025, les politiques publiques et structures financées par cette taxe seront fragilisées dans tous les territoires et sur le long terme », annonçaient les deux responsables.
Après une pétition et une lettre des sénateurs à Sébastien Lecornu, la fédération réclame donc deux choses pour sauver les 92 CAUE. D’abord, « la mise en place d’une mission au sein de la DGFIP pour identifier et activer les leviers d’une rapide sortie de crise ». Ensuite, « l’adoption, dans les plus brefs délais, d’une mesure exceptionnelle, dans le cadre du projet de loi de finances 2026, permettant d’activer un système d’avance financière au bénéfice des départements, afin qu’ils puissent maintenir l’existence de leur CAUE ».
Malgré le contexte d’instabilité politique du moment, le ministère de la Culture a annoncé, la semaine dernière, vouloir mettre en place un groupe de travail avec la fédération des CAUE, les ministères de l’Aménagement du territoire et des Finances. Ce groupe examinerait notamment une refonte du financement et des missions des CAUE avec une « modernisation nécessaire ».
Reconnaissant l’avenir de sa propre structure d’ores et déjà « compromis », le directeur du CAUE de la Manche, Emmanuel Fauchet, estimait encore la semaine dernière qu’« il faut qu’il y ait une prise de conscience massive pour que tous les CAUE au niveau national puissent être aidés pour poursuivre leur activité au service des collectivités. C’est encore possible pour ceux qui sont toujours en activité ».
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Numérique
Transformation numérique des communes : encore du chemin à parcourir
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Les résultats du Baromètre « Numérique et collectivités » lancé au dernier Congrès des maires par la direction interministérielle du numérique (Dinum) et le réseau Déclic, viennent d'être publiés.
Partant du constat que le « niveau de transformation numérique des collectivités territoriales est aujourd’hui encore trop partiellement documenté », le Baromètre Numérique et collectivités lancé dans le cadre du programme Transformation Numérique des Territoires au sein de la Dinum, vise à collecter ces données manquantes, en partenariat avec le réseau Déclic, fédérateur national des Opérateurs publics de services numériques (OPSN).
Les derniers résultats de cette grande enquête qui a commencé au début de l’année 2024 viennent d’être dévoilés aux rencontres Déclic la semaine dernière, selon nos confrères de Localtis. Au total, 3 117 réponses ont été collectées jusqu’ici dont la grande majorité des répondants sont des communes avec un taux de réponse très élevé dans trois régions : Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.
Usage du numérique en interne : les collectivités à la traîne
Au sein même des collectivités, et notamment des communes, l’usage du numérique (équipements, télétravail, gestion logicielle, etc.) n’est pas une évidence. Au niveau de l’organisation du travail, seulement 34 % des collectivités disposent par exemple d’une charte télétravail pour leurs agents. De même, « la sécurisation du travail à distance, via des solutions comme le VPN, demeure limitée, tout comme l’usage du matériel reconditionné » (seulement 8 % du matériel informatique des communes est reconditionné).
La dématérialisation interne peine aussi à s’affirmer. Selon le Baromètre, seulement 22 % des collectivités disposent d’un système de dématérialisation des bulletins de paie, 66 % affichent leurs actes administratifs sur un média numérique et 44 % ont mis en place un registre communal d’alerte. La Dinum préconise de « renforcer ces dispositifs internes et élargir l’open data » ce qui « pourrait améliorer l’efficacité administrative, réduire les délais et accroître la transparence ».
Côté formation des élus, 49 % des agents et 26 % des élus ont suivi une formation ou une sensibilisation sur la cybersécurité au cours des deux dernières années – un chiffre qui progresse d’année en année. Plus globalement, l’effort de formation et de sensibilisation au numérique est insuffisant. 43 % des collectivités déclarent n’avoir proposé aucune formation ou action de sensibilisation au cours de l’année. La Dinum estime que si les collectivités montrent une « volonté de former leurs agents, notamment sur la cybersécurité et le RGPD », « l’effort reste inégal et touche encore trop peu de personnels. » De plus, « le niveau global de compréhension des enjeux numériques est jugé "juste suffisant" par une majorité, ce qui confirme l’importance de renforcer l’offre de formation ».
Des services d’inclusion et de médiation pour les administrés à renforcer
Les services numériques proposés aux administrés sont, eux aussi, sous-développés. Par exemple, en matière de communication, 82 % des collectivités ne font pas de retransmission des réunions en ligne et seulement 16 % utilisent des outils de participation citoyenne en ligne. Ces outils permettent pourtant « d’encourager un dialogue plus actif entre la collectivité et ses habitants ». De même, l’accessibilité numérique reste « marginale » : « Peu de sites ont été audités ou mis en conformité avec le RGAA ». Aussi, si la « majorité des collectivités propose déjà des services en ligne essentiels, comme la prise de rendez-vous pour les CNI/passeports ou le paiement sécurisé des prestations (...), la mise en place de modules pour d’autres rendez-vous administratifs reste encore limitée, tout comme l’offre globale de prestations payantes en ligne ».
Enfin, au niveau de l’inclusion numérique, seulement 28 % des collectivités interrogées disposent de lieux de médiation. Ce sont en majorité des maisons France services, des médiathèques, des bibliothèques ou encore des espaces publics numériques et centres sociaux. Seulement 25 % des collectivités interrogées disposent d’un conseiller numérique France services.
Difficultés à s’approprier l’Intelligence artificielle
Le constat du manque de gouvernance dédiée au sujet du numérique dans les collectivités est sans appel : seulement 22 % des collectivités disposent d'une feuille de route dédiée au numérique et 52 % n'ont pas désigné d'élu en charge du numérique. Si l’enjeu est pourtant stratégique, le manque de compétences, de moyens et de temps sont des obstacles pour les collectivités.
Ce n’est pas sans lien si les collectivités ont également du mal à se saisir de l’open data et de l’intelligence artificielle. La Dinum observe que l’exploitation avancée des données des collectivités, « que ce soit via l’intelligence artificielle, des capteurs connectés ou l’open data, reste encore limitée ». Seulement 5 % des collectivités utilisent l’Intelligence artificielle dans le cadre de leur projet. Cependant, les usages vont progresser. 26 % des collectivités ont par exemple ouvert leurs jeux de donnés en Open Data et 7 % sont en réflexion pour le faire.
Rappelons qu’en 2023, Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche, avait remis un rapport de mission au gouvernement détaillant quelques exemples intéressants d’appropriation de l’IA au service des territoires.
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Sports
Handicap et sport : un nouvel appel à projets pour renforcer l'accompagnement humain
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Vendredi, le Comité paralympique et sportif français (CPSF), le ministère des Sports, l'Agence nationale du Sport (ANS) et Basic-Fit ont annoncé la mise en place d'une enveloppe de 500 000 euros dédiée au renforcement de l'aide humaine dans le parasport. Les collectivités peuvent répondre à cet appel à projets.
Dans le but de renforcer l’accompagnement du mouvement sportif dans le développement de l’accès au sport pour les personnes en situation de handicap, une enveloppe de 500 000 euros a été confiée à l’Agence nationale du Sport.
L’ANS lance désormais un appel à projets intitulé « Soutien à l’aide humaine dans le parasport » en direction des collectivités territoriales, de certaines organisations à but non lucratif, d’établissements publics à caractère administratif, d’établissements publics de santé ou d’établissements scolaires et universitaires.
L’appel à projets doit permettre de « soutenir des dispositifs qui permettent de palier les besoins en aide humaine des publics en situation de handicap les moins autonomes », comme l’indique le cahier des charges. « Aujourd’hui, l’aide humaine dans le champ du parasport reste un axe fragile avec peu de dispositifs suffisamment structurés pour accompagner » et « le volume d’heures d’aide humaine disponible contraint la personne en situation de handicap à des arbitrages au détriment de ses loisirs sportifs. Ce choix, souvent subi, contribue à freiner l’accès à la pratique sportive des personnes en situation de handicap ».
Accompagnement autour de la pratique et dispositifs pour les aidants
Les actions éligibles « doivent s’inscrire dans le cadre d’un projet global structurant » et pourront être de différentes natures. Elles peuvent cibler un accompagnement avant et/ou après la pratique comme la mise en place d’un poste dédié dans un club pour accompagner les personnes en situation de handicap (PSH) à fort besoin d’accompagnement jusqu’au lieu de pratique ou le développement d’un transport dédié.
Sont aussi éligibles les actions qui visent un accompagnement pendant la pratique du sport comme un accompagnement individualisé sous supervision de l’éducateur sportif (assistant boccia, guide pour personnes déficientes visuelles ou encore interprète LSF pour sportifs sourds).
L’appel à projets vise aussi à « soutenir les aidants familiaux en proposant des dispositifs de répit grâce au sport, qu’il soit pratiqué directement par la personne aidée ou partagé en famille ». Ainsi les dispositifs pour les aidants sont aussi éligibles. Les actions en la matière peuvent être variées : activités adaptées aux parents accompagnateurs ; formation en lien avec le sport ou encore activités parallèles proposées pendant les séances sportives…
Dépôt des candidatures avant le 15 novembre prochain
Les dossiers de candidature peuvent être déposés jusqu’au 15 novembre à 18 heures via la Plateforme de dépôt des candidatures « Compte Asso ». Concernant les conditions de financement du projet, notons que le montant minimum de la subvention est fixé à 10 000 euros et que le taux maximum d’accompagnement est de 80 %. Par ailleurs, le projet doit démarrer avant le 31 décembre 2025, et peut se poursuivre jusqu’au 30 juin 2026. Des questions peuvent être envoyées à l’adresse impact@agencedusport.fr.
Consulter le cahier des charges.
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