| Édition du mardi 7 octobre 2025 |
Crise politique
Mission Lecornu : dernière station avant la dissolution ?
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L'Élysée a chargé Sébastien Lecornu, Premier ministre démissionnaire, de poursuivre les négociations jusqu'à mercredi soir pour tenter de constituer une coalition. Quelles sont les hypothèses qui se présentent désormais ? Maire info fait le point.Â
Dans les heures qui ont suivi le séisme de la démission du Premier ministre, les événements se sont enchaînés, avec notamment l’annonce d’une nouvelle date butoir à l’issue de laquelle on en saura – peut-être – un peu plus sur l’avenir institutionnel du pays.
« Ultimes négociations »
« Mercredi soir ». C’est l’échéance qu’a fixée l’Élysée, hier, pour que Sébastien Lecornu, « Premier ministre démissionnaire en charge des affaires courantes », mène « d’ultimes négociations afin de définir une plateforme d’action et de stabilité pour le pays ». Les mots sont choisis : il n’est pas demandé à Sébastien Lecornu de « former un nouveau gouvernement » – l’intéressé précisant, dans la foulée, qu’il ne souhaite pas être le Premier ministre d’une éventuelle et très hypothétique nouvelle coalition.
Sébastien Lecornu aura fort à faire dans les jours à venir puisque, en plus de son rôle de Premier ministre « chargé des affaires courantes » et de négociateur, il a récupéré hier le portefeuille … des Armées, qu’il occupait jusqu’au 5 octobre. Bruno Le Maire, nommé ministre des Armées dimanche soir – ce qui a mis le feu aux poudres entre les macronistes et Les Républicains – s’est prudemment retiré de l’hôtel de Brienne pour retourner en Suisse. Un décret au Journal officiel, ce matin, indique que Bruno Le Maire est, « à sa demande, déchargé de l’expédition des affaires courantes », et que ses attributions sont désormais « exercées par le Premier ministre ».
L’entourage du chef de l’État a fait savoir aux médias, hier, qu’en cas d’échec de la mission confiée à Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron « prendra ses responsabilités ». Le Premier ministre a confirmé, dans un tweet, que le président de la République, en fonction des réponses qui lui seront apportées, en tirera « toutes les conclusions qui s’imposent ».
Le spectre de la dissolution
« Prendre ses responsabilités », en l’occurrence, signifie exercer les responsabilités que la Constitution confère au chef de l’État, à savoir dissoudre l’Assemblée nationale ou démissionner. C’est donc, à demi-mot, la menace que l’Élysée adresse aux partis politiques qui n’ont pas tous, loin de là, intérêt à une dissolution.
Le message s’adresse en premier lieu au PS et aux LR, les deux partis qui ont probablement le plus à perdre – en dehors du bloc central lui-même – à une dissolution. Le chaos politique qui secoue le pays depuis la dissolution de juin 2024 profite, essentiellement, au Rassemblement national, qui caracole en tête de tous les sondages, et qui risquerait de sortir grand gagnant de nouvelles élections législatives anticipées. D’autant plus que le « front républicain », qui avait empêché le RN d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en juillet 2024, ne fonctionnera sans doute plus de la même façon… ou fonctionnera à front renversé. De plus en plus de voix s’élèvent, chez Les Républicains, pour dire que ce n’est plus le RN qui est « un danger pour la République » mais LFI – dans la foulée du discours de Laurent Wauquiez à l’Assemblée nationale, le 8 septembre à l’Assemblée nationale, lors duquel il avait déclaré que LFI constituait « le premier danger politique contre notre République » et que les Républicains seraient « le premier barrage face à cette menace ». Fin septembre, le sénateur LR Roger Karoutchi appelait, plus franchement encore, à « un front républicain contre LFI aux prochaines élections ».
La participation des Républicains à la coalition gouvernementale depuis un an pourrait leur coûter cher en cas de législatives anticipées – et la rupture effectuée avec fracas hier risque de ne pas suffire à colmater la brèche. D’autant que le parti pourrait se retrouver lourdement fracturé entre les tenants d’une alliance – même tacite – avec le RN et ceux qui en restent des adversaires résolus, ce qui pourrait, dans le pire des scénarios, aboutir à l’explosion du parti.
À gauche, en dehors de LFI, la perspective d’une dissolution n’est guère plus prisée : le Parti socialiste, en particulier, risquerait de perdre de nombreux sièges qu’il n’a remportés qu’à l’occasion d’un double alignement des planètes : l’union de la gauche au sein du Nouveau front populaire, et le « front républicain » qui a conduit des électeurs macronistes, voire de droite, à voter pour lui. Ces deux conditions ayant aujourd’hui volé en éclat, le PS risque de se retrouver en mauvaise posture en cas de législatives anticipées.
Quant au bloc central, sa situation est encore moins enviable : il est jugé comptable de la situation politique catastrophique par les électeurs qui, de sondages en élections partielles, le fuient. Cruelle illustration de cette situation : la législative partielle qui s’est déroulée dimanche dernier dans la première circonscription du Tarn-et-Garonne. Catherine Simonin-Benazet, la candidate Renaissance, y a recueilli 5,3 % des voix… contre 15,49 en juin 2024, passant de 9 791 voix à 1 652. Il est vrai, toutefois, que la participation n’a pas été la même, passant de 70 % à … 34 %.
Ces sombres perspectives pour le bloc central expliquent la fronde de Gabriel Attal, principal dirigeant du parti macroniste, contre le chef de l’État. « Je ne comprends plus les décisions du président de la République », a déclaré hier l’ancien Premier ministre, qui semble ne voir de salut pour son parti – et pour son avenir personnel de présidentiable – que dans une rupture avec le chef de l’État.
La « mission de la dernière chance » confiée à Sébastien Lecornu semble donc bien être un coup de pression d’Emmanuel Macron sur le PS et les LR : s’ils n’acceptent pas de rentrer dans un gouvernement de coalition ou, a minima, de passer un accord de non-censure, le président dissoudra l’Assemblée nationale et ils ont tout à y perdre.
Hypothétique « plateforme »
Les chances de voir cette coalition voir le jour sont faibles. À l’heure où nous écrivons, les Républicains comme les socialistes se disent ouverts à l’idée d’une participation gouvernementale, mais uniquement… sur leur programme. Brunot Retailleau (LR) a ainsi indiqué ce matin que son parti est prêt à participer à un gouvernement « de cohabitation ». Là encore, les mots sont choisis : la cohabitation, telle que le pays l’a vécue en 1986 ou en 1997, cela signifie un gouvernement en opposition avec le parti du président de la République, et non une coalition.
La gauche est, finalement, sur la même ligne, lorsqu’elle subordonne sa participation gouvernementale à la mise en œuvre de mesures telles que l’abrogation de la réforme des retraites.
L’attitude des partis correspond parfaitement à ce que disait Sébastien Lecornu hier : « Chaque parti se comporte comme s’il avait la majorité absolue à l’Assemblée nationale. » Mais elle est, politiquement parlant, compréhensible : dans la situation actuelle, accrocher son wagon au train du macronisme sans rupture politique profonde, que ce soit à gauche ou à droite, serait électoralement suicidaire.
Sauf coup de théâtre, il paraît donc relativement peu probable de voir aboutir ces négociations pour « la mise en place d’une plateforme ». Peut-être un nouveau gouvernement sera-t-il tout de même trouvé, avec un Premier ministre de gauche ou LR… mais ses chances de survie seront d’autant plus réduites que le RN a décidé, hier, que désormais il censurerait automatiquement tout gouvernement, quel qu’il soit, jusqu’à la dissolution.
L’hypothèse du départ d’Emmanuel Macron
Autre hypothèse : le départ d’Emmanuel Macron. Deux situations pourraient aboutir à cette solution : une destitution ou une démission.
La destitution, si elle est ardemment souhaitée par La France insoumise, est impossible et relève du bluff de la part du parti de Jean-Luc Mélenchon, qui a déposé une motion en ce sens.
La destitution du chef de l’État est une procédure prévue par l’article 68 de la Constitution, en cas de « manquement (de celui-ci) à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Mais la Constitution prévoit que cette destitution ne peut être décidée qu’avec une majorité des deux tiers du Parlement « constitué en Haute cour ». Le Parlement, c’est l’Assemblée nationale et le Sénat. Il est, en l’état actuel des choses, impossible que les deux tiers du Sénat, très majoritairement de droite, fasse un tel choix.
Reste la démission, qui aurait pour conséquence une élection présidentielle anticipée dans les 20 à 35 jours suivants. Jusqu’à présent, cette option a été expressément exclue par le chef de l’État, qui a dit et répété qu’il irait « au bout du mandat que les Français (lui) ont donné ». Rien ne dit, néanmoins, que le chef de l’État ne puisse changer d’avis face à l’impasse politique.
Une autre option commence à faire son chemin, du moins dans l’esprit de certains dirigeants politiques : celle de la démission « programmée ». Il s’agirait, pour le président de la République, non pas d’annoncer une démission à effet immédiat – provoquant l’organisation d’une présidentielle en catastrophe, laissant à peine le temps aux candidats de recueillir les parrainages des élus ; mais de prévoir une démission à une date ultérieure.
Le LR David Lisnard a été l’un des premiers à prôner cette solution, il y un an. Hier encore, le maire de Cannes expliquait sur RTL que « l’intérêt supérieur de la France commande qu’Emmanuel Macron programme sa démission ». Cela permettrait « quelques mois de vraie campagne qui laissent le temps de s’organiser ». Avec des législatives qui auraient donc lieu non avant mais après l’élection présidentielle.
Coup dur pour le chef de l’État : l’un de ses plus anciens alliés, l’ex-Premier ministre Édouard Philippe, a annoncé ce matin se rallier à cette idée. Pour le maire du Havre, Emmanuel Macron devrait « nommer un Premier ministre avec pour fonction d’exécuter les affaires courantes, de construire un budget et de le faire adopter », et annoncer dans le même temps qu’il démissionnerait une fois le budget adopté.
Il semble clair qu’un telle solution pourrait permettre de débloquer la situation, en ouvrant une porte aux partis politiques pour participer, ou du moins ne pas censurer, un tel gouvernement « technique », avant de se lancer dans l’arène d’une élection présidentielle. Mais cette solution finira-t-elle par avoir l’aval du chef de l’État ? Rien n’est moins sûr.
Affaires courantes
En attendant, on aurait presque tendance à oublier que le monde continue de tourner pendant cette tragi-comédie française. Étrange situation où un gouvernement composé de ministres démissionnaires, voire doublement démissionnaires puisqu’ils ont successivement connu la démission de François Bayrou et de Sébastien Lecornu, gèrent les « affaires courantes », alors que le Premier ministre n’a même pas eu le temps de publier les décrets d’attribution qui fixent, normalement, le périmètre de leur ministère.
Selon Acteurs publics, ils auraient été autorisés à recruter un cabinet de 15 membres chacun afin que la machine ministérielle puisse tourner le temps que durera la situation. En effet, qu’un nouveau gouvernement soit nommé ou que l’Assemblée soit dissoute, ce gouvernement sera aux affaires courantes pour, sans doute, au moins quelques semaines. Mais, n’étant plus ministres de plein exercice, ils seront dans l’impossibilité de prendre un certain nombre de décisions urgentes – on pense par exemple à la nomination, toujours en attente, des patrons de la SNCF et de La Poste – ni, plus grave encore, de siéger aux bancs du Parlement pour défendre des projets de loi. Constitutionnellement, le projet de loi de finances doit être déposé avant le 14 octobre pour pouvoir être adopté avant le 31 décembre. Cette perspective s’éloigne de plus en plus.
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Eau et assainissement
Un arrêté fixe les règles de la réutilisation des eaux usées traitées pour le nettoyage de la voirie
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Un arrêté paru au Journal officiel du dimanche 5 octobre fixe les règles en matière de réutilisation des eaux usées traitées pour le nettoyage de la voirie. Bien qu'avec une grande lenteur, le dispositif réglementaire de la « réut » se met en place.Â
Après les espaces verts, la voirie. Presque deux ans après un arrêté « relatif aux conditions de production et d'utilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage d'espaces verts », voici l’arrêté « relatif aux conditions de production et d'utilisation des eaux usées traitées pour la propreté urbaine ».
Il s’agit de textes mettant en musique le décret du 29 août 2023 « relatif aux usages et aux conditions d'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées ». Ce décret, très attendu par un certain nombre de maires qui souhaitent cesser d’utiliser de l’eau potable pour arroser les espaces verts ou nettoyer les rues, autorisait – de façon très réglementée et limitée – l’utilisation des eaux de pluie ou des eaux usées traitées pour ces usages. Dans le cas des eaux usées, la réutilisation (ou « réut ») ne peut se faire qu’après autorisation préfectorale.
Le décret de décembre 2023 organisait la « réut » pour les espaces verts, c’est-à-dire « les aires d'autoroutes, cimetières, golfs, hippodromes, parcs, jardins publics, petits espaces végétalisés de la compétence des collectivités tels que jardinières, espaces fleuris, ronds-points et autres terre-pleins, squares, stades… », avec de nombreuses prescriptions et interdictions (lire Maire info du 22 décembre).
Pas de lance d’aspersion
L’arrêté paru dimanche, très technique, fixe les règles pour la réut en matière de propreté urbaine. Il fixe les eaux qui peuvent faire l’objet d’une telle réutilisation et celles qui ne le peuvent pas, par exemple celles issues des abattoirs ou des usines de transformation de viande.
L’usage de ces eaux réutilisées est, lui aussi, strictement encadré : l’autorisation est possible pour « le nettoyage de voirie par balayeuse, le nettoyage, sans usage de lance d'aspersion, des accotements, des ouvrages d'art, le nettoyage de quais de déchetterie », ainsi que pour « l’hydrocurage » (nettoyage par projection d’eau sous haute pression) des réseaux d’assainissement et des réseaux d’eau pluviale. L’autorisation est aussi possible pour le nettoyage des bennes à ordures et celle des installations d’assainissement non collectif.
La précision « sans lance d’aspersion » est importante : le gouvernement interdit une utilisation des eaux usées traitées qui projetterait de l’eau sous pression, à des fins de « sécurité sanitaire ».
Par ailleurs, l’utilisation des eaux usées traitées est interdite « à l'intérieur d'un périmètre de protection rapprochée de captage d'eau destinée à la consommation humaine », ou à l’intérieur « d’une zone définie par arrêté du maire ou du préfet », dans laquelle des risques sanitaires spécifiques seraient encourus : pisciculture, zone de baignade, etc.
Dispositif contraignant
L’arrêté fixe les modalités de dépôt du dossier auprès du préfet, ainsi que les conditions de stockage et de distribution des eaux traitées. Il détaille l’obligation pour l’utilisateur de définir un « programme d’utilisation » précis et traçable, et fixe les règles en matière de surveillance, de contrôle et de rejet.
Si cet arrêté permet à davantage de collectivités de se lancer – alors que certaines d’entre elles piaffent d’impatience depuis plusieurs années –, le dispositif reste lourd, contraignant et extrêmement encadré, pour des raisons de sécurité sanitaire – les préconisations ont été réalisées sur la base des travaux de l’Anses. Les restrictions et la lourdeur administrative du dispositif sont telles que beaucoup de communes risquent d’hésiter à se lancer… alors que le chef de l’État avait fixé l’objectif, en 2023, de passer de 1 % à 10 % de réutilisation des eaux usées traitées (pour mémoire, certains pays du Moyen-Orient sont à 80 %). L’objectif sera, sans doute, long à atteindre.
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Santé publique
Reconnaissance des maladies professionnelles : la Cour des comptes déplore une inégalité de traitement entre territoires
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Constatant un phénomène massif de sous-déclaration des maladies dû à la complexité du système, les magistrats financiers pointent également des données « très lacunaires » et des « entorses » au secret médical dans la fonction publique.Â
Procédure longue et complexe, données lacunaires, inégalités de traitement non justifiés entre territoires ou encore entorse au secret médical. Dans une enquête sur la reconnaissance des maladies professionnelles (couvrant le régime général, le régime agricole et la fonction publique) publiée vendredi, la Cour des comptes tacle un système qu'elle estime défectueux.
Et celle-ci formule une série de recommandations visant notamment à « la simplification de la procédure », qui « gagneraient à être également mises en œuvre dans le régime agricole et dans la fonction publique ».
Les sous-déclarations, un « phénomène massif »
De manière générale, les procédures d'indemnisation des maladies professionnelles sont ainsi trop longues et complexes, quel que soit le régime de sécurité sociale concerné, juge la Cour. Ce qui entraîne un certain découragement chez les patients.
« La complexité du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles et les contraintes liées aux procédures n’en facilitent pas l'appropriation par les médecins et peuvent décourager de nombreuses victimes », résume-t-elle, en citant la nécessité de réunir de nombreux documents sans possibilité de le faire numériquement.
De plus, les maladies professionnelles doivent donner lieu à une indemnisation quand la situation du patient correspond à un tableau préétabli (incluant notamment la nature de la pathologie et les professions à risque), mais ces tableaux, au nombre de 121 dans le régime général de l'Assurance maladie et la fonction publique, sont mal mis à jour. Il n'en existe notamment pas pour les troubles psychosociaux. Et l’autre voie, dite complémentaire et qui permet à des médecins de juger au cas par cas la situation du patient, est « saturée ».
Résultat, malgré l’augmentation constante du nombre de maladies professionnelles reconnues et de leur coût, la Cour constate « une sous-déclaration des maladies professionnelles massive et persistante, représentant un coût croissant à compenser à la branche maladie », déjà très déficitaire.
Tous régimes confondus, sur les quelque 87 000 maladies professionnelles reconnues en 2023, près de 90 % d’entre elles étaient des troubles musculo-squelettiques. Mais, de plus en plus, d’affections « psychosociales », telles les burn-out, sont recensées.
Fonction publique : des données « très lacunaires »
À la complexité de ce système qui « évolue difficilement » s’ajoute « un pilotage insuffisant » qui se traduit d’abord par un manque de données. « Alors que le coût des maladies professionnelles croît, leur pilotage pâtit de données incomplètes et mal utilisées », explique la Cour, qui assure que « les données actuelles, de qualité inégale selon les régimes de sécurité sociale, restent insuffisantes pour apprécier le nombre total de maladies professionnelles reconnues en France et, surtout, pour servir de fondement à une politique de prévention plus efficace ».
Reste que l’institution de la rue Cambon note que « les données sur les maladies professionnelles sont plus complètes concernant le régime général que le régime agricole et très lacunaires concernant la fonction publique ».
Pour cette dernière, ce sont les données de la fonction publique de l’État qui sont « les plus parcellaires » (les services de la police nationale ne transmettent, par exemple, plus de données depuis 2014), alors que, pour les deux autres versants, les données de 2023 couvrent « 30 % des agents de la fonction publique hospitalière » et « 49 % des agents de la fonction publique territoriale ». Dans le détail, celles des régions restent « les moins bien connues » de toutes les collectivités avec 9,5 % des agents couverts, souligne la Cour sans en dire plus sur les autres catégories collectivités.
Bien que le Code général de la fonction publique impose, depuis 2021, aux employeurs publics la transmission des données « nécessaires à la connaissance des accidents de service et des maladies professionnelles », la Cour souligne que la publication de l’arrêté fixant les modalités pratiques de la collecte de ces données « n’est toujours pas intervenue ». Ce qui rend « inopérante l’obligation de déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles dans la fonction publique ». Dans ce contexte, « le développement de l’application informatique nécessaire à sa mise en œuvre n’a pas été financé à ce jour ».
En compilant les données de 2023, la Cour estime, toutefois, que la fonction publique rassemblait 15 % des maladies professionnelles reconnues (le régime général 79 % et le régime agricole 7 %). Dans le détail, 623 nouvelles maladies professionnelles étaient recensées pour la fonction publique de l’État, 6 012 pour la territoriale et 6 103 pour l’hospitalière.
Les patients davantage reconnus en Bretagne
Par ailleurs, l’institution s'étonne, tous régimes confondus, des grandes disparités territoriales concernant les procédures d'indemnisation des maladies professionnelles. Sans que les écarts soient justifiés, ni même expliqués. « Les écarts de taux de reconnaissance et d’incapacité entre départements, parfois de grande ampleur et non expliqués, persistent », constatent ainsi les magistrats financiers.
« Les taux de rejet varient de 26 % à 57 % selon les caisses primaires d'assurance maladie » (CPAM), indiquent-ils, alors que « la Cnam n’a pas été en mesure […] de fournir d’explication sur l’ampleur des écarts constatés dans les taux de rejet » et que « la très grande majorité des demandes de reconnaissance concerne les mêmes pathologies, des troubles musculosquelettiques ».
Si les CPAM qui rejettent le plus de demandes sont celles du Cher (48 %) et du Lot-et-Garonne (48 %) suivi par celle de l’Hérault (47 %) en 2023, la taille de ces dernières n’a, semble-t-il « pas d’influence », notent les magistrats. Ils observent ainsi que « la CPAM de Périgueux (1 143 décisions) a eu un taux de rejet (44 %) similaire à celui de la CPAM de Troyes (407 décisions) ». À l’inverse, celle de La Roche-sur-Yon (1 917 décisions) a eu un taux de rejet (26 %) « similaire à celui de la CPAM de Foix (168 décisions) ».
Globalement, il y a « une plus forte propension des régions Bretagne et Pays de la Loire à accepter les demandes tant par la voie principale que par la voie complémentaire ». Le taux de reconnaissance au titre du système complémentaire connaît cependant un niveau de variation impressionnant : de 18 % en Bourgogne-Franche-Comté à 69 % en Bretagne (en moyenne de 2020 à 2023).
La Cour pointe également des disparités territoriales pour les taux d’incapacité, « 65 % des caisses appliquant une majoration selon un barème qui leur est propre ». « L’importance des écarts entre territoires semble traduire, au moins pour partie, une inégalité de traitement dommageable aux assurés », estime la Cour qui demande « d’harmoniser les pratiques ».
« Entorse » au secret médical
Concernant la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle appliquée dans le secteur public, la Cour note qu’elle repose « en grande partie sur les compétences des services des ressources humaines concernés », celle-ci reconnaissant que cela « pose des difficultés aux petites structures, soit une grande part des collectivités territoriales et des services déconcentrés ». Des difficultés qui sont d’ailleurs « majorées » par la complexité des règles qui régissent les contractuels de la fonction publique.
En outre, « la pénurie de médecins de prévention peut conduire à faire appel à des médecins agréés, moins qualifiés pour traiter ces dossiers et eux-mêmes de plus en plus rares », selon la Cour.
Dans le cas de maladie professionnelle « hors tableau », la procédure est différente du régime général puisque c’est un conseil médical - composé de médecins agréés par le préfet, de représentants du personnel et de représentants de l’administration - qui donne un avis dans ce processus dit complémentaire.
Or « durant cette procédure, le secret médical est peu protégé », déplore la Cour. « Le dossier des victimes comprend des données de santé qui sont consultées par le service des ressources humaines de leur administration. Par la suite, dans certains conseils, les dossiers complets sont transmis aux élus membres, sans autorisation expresse de la victime et lors des débats, tous les membres du conseil médical, y compris les non-médecins, sont informés oralement des données médicales du dossier », regrette l’institution de la rue Cambon qui plaide pour « remédier au plus tôt à cette entorse au secret médical ».
Consulter le rapport.
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Culture
Cinéma : entre difficultés financières et nécessité de repenser l'éducation à l'image
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Alors que l'année 2025 connaît une baisse de fréquentation en salle de 15 % par rapport 2024, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) va accorder des avances exceptionnelles pour soutenir les exploitants en difficulté. Cette annonce intervient quelques jours après la publication d'un rapport sur l'éducation aux images et la modernisation de « Ma classe au cinéma ».
La santé financière de certains cinémas est vacillante. Et pour cause, puisque depuis le début de l'année, la fréquentation des salles a en moyenne reculé de 15 % par rapport à 2024. Dans le détail, 109,46 millions d’entrées ont été enregistrées cette année contre 127,81 millions en 2024. Actuellement, plus de 300 salles de cinéma sont en régie municipale sur les 2 053 cinémas du pays en 2024 (lire Maire info du 30 octobre).
L’année 2025 est aussi marquée par un « rajeunissement du public » et « une moindre fréquentation du public senior, dont la part atteint un niveau historiquement bas ». L’offre de films de l’année n’y est pas pour rien puisqu’elle « compte principalement des films familiaux et des blockbusters dont ils sont moins la cible. »
Sur son site, le CNC indique que « l’état actuel de la fréquentation est susceptible de remettre en cause l’équilibre financier des cinémas et d’en menacer, dans certains cas, la pérennité, notamment s’agissant des salles de la petite et de la moyenne exploitation. » C’est pourquoi un dispositif d’accompagnement a été ouvert « afin de soutenir les exploitants rencontrant des problèmes de trésorerie à très court terme qui mettent en péril leur capacité à faire face à leurs échéances financières. »
Aides financières sélectives exceptionnelles
Une délibération relative à la mise en place d'un dispositif d'avances exceptionnelles aux exploitants en grande difficulté financière en 2025 a ainsi été publiée vendredi au Journal officiel.
Rappelons que le CNC est, selon les mots de la Cour des comptes, le « fer de lance de l’intervention publique dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel », et qu’il apporte ainsi directement au secteur un financement public sous forme d’aides automatiques et sélectives à hauteur de plus de 700 millions d’euros par an.
Des aides financières sélectives exceptionnelles seront donc attribuées jusqu'au 31 décembre 2025 aux exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques relevant de la petite et moyenne exploitation (1) qui font face à une situation financière particulièrement difficile en 2025 et qui en font la demande explicite.
Les aides financières sélectives sont concrètement des « subventions d'investissement octroyées en cas d'insuffisance du soutien financier automatique à des exploitants privés, publics ou associations ». Le dispositif d’avance annoncé récemment par le CNC concerne « les exploitants qui bénéficient déjà, pour des travaux substantiels de modernisation de leurs établissements, d’une avance remboursable sur le soutien généré dont l’amortissement est toujours en cours ». Concrètement, le dispositif permet « d’accorder une nouvelle avance, quel que soit le niveau de remboursement de la précédente, afin de pouvoir s’adapter à toutes les situations. »
Le montant de l’avance attribuée sera déterminé « en considération des difficultés financières particulières auxquelles les exploitants sont confrontés, notamment au regard de l’importance de leur passif, de leur niveau d’endettement et de la situation de leur trésorerie, compte tenu de leur appartenance à un groupe d’entreprises ou à une communauté d’intérêts économiques ainsi que des financements publics dont ils peuvent bénéficier. » Un dossier est à télécharger, à remplir, puis à envoyer par mail, avant le 20 octobre 2025 au plus tard, à corentin.bichet@cnc.fr et pascal.maubec@cnc.fr.
Plus largement, tous les exploitants « qui rencontrent des difficultés sont appelés à en alerter le CNC afin que des solutions adaptées puissent être recherchées » via cette adresse électronique : urgence.exploitation@cnc.fr.
Maintenir les salles : un enjeu éducatif
Dans le chaos de cette rentrée politique, la publication du rapport de la mission confiée à Édouard Geffray, conseiller d’État et ancien directeur général de l'enseignement scolaire, sur l’éducation aux images et la modernisation de « Ma classe au cinéma » est passé quelque peu inaperçue.
Ce dispositif né dans les années 1980 permet aux élèves – dont les professeurs se sont déclarés volontaires – de la maternelle au lycée, d’assister à des séances de cinéma faisant l’objet d’un travail en classe à la fois avant et après la séance.
« L’éducation au cinéma, et notamment Ma classe au cinéma, constitue un enjeu majeur pour la pérennité des salles de cinéma en France », écrit le rapporteur qui formule 19 propositions afin d’offrir une éducation aux images de qualité pour tous les jeunes notamment en renforçant la formation des enseignants, en fédérant davantage l’ensemble des acteurs (professionnels du cinéma, éducation nationale et collectivités territoriales) et en intégrant l’éducation au cinéma et aux images dans les programmes scolaires. L’AMF, auditionnée en avril, a rappelé l’importance de soutenir le dispositif « Ma classe au cinéma » et plus globalement l’éducation à l’image, et ce dès le plus jeune âge. Elle a toutefois alerté sur des difficultés pouvant être rencontrées en matière de transport des enfants en milieu rural, et a soulevé le sujet de la formation des enseignants.
Plus récemment encore, le CNC a publié les résultats d’une enquête consacrée à « Ma classe au cinéma ». En 2024-2025, 1,86 million d'élèves ont bénéficié du dispositif, soit environ 15 % de tous les élèves. Dans ce cadre, 1 674 cinémas partenaires ont délivré 4,6 millions d'entrées. L’enquête montre surtout que le dispositif est particulièrement pertinent dans les zones rurales. Dans ces zones, « il est courant que quelques élèves ne soient jamais allés au cinéma avant de participer à Ma classe au cinéma ». Par ailleurs, dans les zones rurales et petites agglomérations, ce dispositif est généralement la seule offre de cette envergure dédiée à l’EAC.
L’enquête du CNC montre enfin que 44,4 % des participants à Ma classe au cinéma déclarent aller plus souvent au cinéma après en avoir bénéficié dans le cadre scolaire et 71,9 % des étudiants ayant bénéficié de cette sortie à l’école sont ensuite allés au moins une fois par mois au cinéma. Le bénéfice du dispositif pourrait donc être double : contribuer à éduquer les élèves aux images et encourager les générations futures à se rendre dans les cinémas.
(1) La petite exploitation regroupe les cinémas réalisant moins de 80 000 entrées annuelles, la moyenne ceux totalisant entre 80 000 et 450 000 tickets et la grande, ceux au-delà des 450 000 billets par an.
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Santé publique
Médicaments génériques : l'arrêté suspendant les baisses de remises publié au Journal officiel
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La baisse des remises commerciales que les laboratoires peuvent consentir sur les médicaments génériques aux pharmaciens, contre laquelle ces derniers protestaient vivement depuis l'été, a été suspendue pour trois mois, selon un arrêté publié au Journal officiel mardi.
Daté du 4 août, un précédent arrêté avait plafonné au 1er septembre dernier les remises commerciales sur les médicaments génériques à 30 % du prix hors taxes de ces produits au lieu de 40 % auparavant. Ce plafond, avait décidé le gouvernement, devait diminuer progressivement pour atteindre 20 % début juillet 2027 (lire Maire info du 23 septembre)
Ce texte avait déclenché une levée de bouclier chez les pharmaciens d'officine pour qui les ristournes consenties par les laboratoires – destinées à encourager la dispensation de médicaments génériques, moins chers que les originaux –, génèrent une source significative de revenus. Paru mardi, un nouvel arrêté daté du 6 octobre rétablit ainsi de manière provisoire, jusqu'au 31 décembre 2025, les 40 % de remise autorisée sur le prix des médicaments génériques (lire Maire info du 25 septembre).
Cet arrêté prévoit en outre que la baisse autorisée passera à 30 % contre 20 % du prix de ces médicaments fixé dans l'arrêté précédent, au 1er janvier 2026 au lieu du 1er janvier 2028. Concernant les biosimilaires, ce nouvel arrêté maintient la création d'un plafond de remises de 15 % pour développer les médicaments biosimilaires substituables.
Première victoire
Saluant une « première victoire », l'un des principaux syndicats de pharmaciens, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), s'est félicité dans un communiqué publié dans la nuit d'avoir obtenu cette abrogation des baisses « à 25 %, puis 20 % d'ici l'horizon de 2028 » des remises sur les médicaments génériques. Le syndicat se dit « déjà mobilisé » pour que « le passage à 30 % » de ces remises, prévu « à titre transitoire au 1er janvier 2026 » par l'arrêté publié mardi soit « abandonné définitivement ».
Les pharmaciens s'étaient mobilisés pendant plusieurs mois – grèves des gardes avec refus du tiers payant en cas de réquisition, fermeture le 16 août, grève massive le 18 septembre – pour protester contre cette mesure, pointant des conséquences pour l'emploi pour les officines les plus fragiles, en zone rurale.
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Journal Officiel du mardi 7 octobre 2025
Lois
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