Édition du mercredi 4 juin 2025 |
Élections
Le gouvernement fermé, pour l'instant, à toute revalorisation des frais d'assemblée électorale
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C'est au détour d'une réponse à la question écrite d'un parlementaire que le gouvernement annonce qu'il n'a pas l'intention de réévaluer les sommes forfaitaires qu'il verse aux communes pour – en théorie – les rembourser des dépenses occasionnées par l'organisation des élections. Ces sommes sont, actuellement, dérisoires.
425,86 euros. C’est la somme moyenne qu’a versée l’État à chaque commune en remboursement des frais occasionnés pour la tenue des élections législatives de 2022. Il s’agit bien sûr d’une moyenne, et les communes les plus grandes ont naturellement touché bien plus que cela, mais cette moyenne donne une idée du caractère dérisoire de la « subvention pour frais d’assemblée électorale ».
Le Code électoral précise pourtant clairement (article L70) que « les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes sont à la charge de l’État » – ce qui signifie que l’État devrait, normalement, rembourser intégralement aux communes les frais qu’elles engagent pour la tenue d’élections. C’est très loin d’être le cas.
1,482 million d’euros
Ce sujet a été abordé par le député Horizons Christophe Plassard, qui a demandé par écrit au gouvernement de lui communiquer « l’ensemble des coûts induits par la dissolution de l’Assemblée nationale [de juin 2024], pour l’État comme pour les collectivités locales ».
La réponse de Bercy est très complète pour ce qui concerne le coût pour l’État, beaucoup moins pour ce qui touche aux communes.
Pour l’État, le coût des élections législatives surprise organisées dans la foulée des européennes de 2024 a été d’environ 100 millions d’euros – la somme exacte sera connue « fin 2025 », précise Bercy. Ces dépenses couvrent la mise sous pli et l’acheminement de la propagande électorale, le remboursement des frais de campagne d’une partie des candidats et le versement des frais d’assemblée électorale aux communes.
Cette centaine de millions d’euros comprend donc les 14,82 millions d’euros que l’État a versé aux communes au titre des frais d’assemblée électorale (FAE). Cette somme est légèrement inférieure aux 15,33 millions versés pour les élections législatives de 2022, du fait d’un plus grand nombre de circonscriptions n’ayant pas eu besoin d’organiser un second tour.
Ni évolution ni revalorisation
Pour mémoire, la subvention pour FAE est censée couvrir certaines dépenses bien définies des communes : « l’aménagement, la remise en état des lieux de vote après le scrutin, l’achat, la mise en place des panneaux d’affichage au début de la campagne électorale, leur enlèvement après l’élection, leur réparation, leur entretien et les frais de manutention hors des heures ouvrables », précise le ministère. Les communes peuvent par ailleurs demander un remboursement forfaitaire pour l’achat d’une urne (190 euros).
La subvention pour FAE s’élève à 44,73 euros par bureau de vote plus 10 centimes par électeur inscrit le jour du scrutin.
On ne le répétera jamais assez : ce montant n’a pas évolué depuis près de 20 ans. Or l’inflation cumulée sur cette période a été de plus 33 %. Cherchez l’erreur.
Les associations d’élus, AMF en tête, ainsi que le Sénat, réclament donc depuis plusieurs années une revalorisation sérieuse de cette subvention. Elles font valoir, par ailleurs, que cette subvention est loin de prendre en compte la totalité des frais engendrés par l’organisation d’un scrutin, en particulier le paiement des agents mobilisés le dimanche pour la bonne tenue du scrutin.
Sur ce sujet, le gouvernement répond clairement qu’une augmentation de la subvention n’est pas à l’ordre du jour. D’abord, il explique que cette subvention « permet de répondre à l’essentiel des dépenses matérielles quantifiables engagées par les communes », ce qui reste à prouver. Mais il reconnaît que sont « exclues » de ces remboursements les dépenses « de titre 2 » (c’est-à-dire les « frais de personnel »), parce qu’elles sont « variables en fonction de l’organisation locale ».
Mais l’argument principal pour ne pas envisager « une éventuelle évolution ou revalorisation des FAE » est que cela supposerait « de documenter objectivement et de manière concertée entre l’État et les communes le niveau moyen de dépenses réalisées par ces dernières en matière d’organisation des élections », ces dépenses n’étant « pas aisément restituables ». On voit assez facilement la faille de l’argumentation : le gouvernement défend, d’une part, que les FAE « répondent à l’essentiel des dépenses » engagées par les communes, tout en expliquant, d’autre part, qu’il est incapable d’estimer le montant réel de ces dépenses !
Si le gouvernement est vraiment en difficulté sur ce sujet, il pourrait commencer par se tourner vers l’AMF, qui se dit depuis des années disponible pour discuter de cette question et aider l’État à « objectiver » les dépenses des communes.
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Élections
Réforme du scrutin à Paris, Lyon et Marseille : les sénateurs frontalement opposés
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Le Sénat a rejeté, hier, la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des conseils municipaux de Paris, Lyon et Marseille. Le texte, essentiellement porté par les macronistes, a été victime de l'opposition farouche des Républicains et de l'essentiel de la gauche. Â
217 voix contre, 97 pour. La proposition de loi dite « PLM » n’a eu aucune chance, hier, au Sénat. Ce texte, adopté par les députés le 9 avril dernier, vise à mettre partiellement fin à l’exception que connaissent les trois plus grandes villes du pays, qui élisent les conseillers municipaux par arrondissement, le conseil « central » étant composé des premiers élus de chaque liste d’arrondissement.
Dans la version finalement votée à l’Assemblée nationale, un système de « double scrutin » était proposé : deux scrutins auraient lieu le jour des élections municipales, un pour le conseil d’arrondissement, l’autre pour le conseil municipal sur une circonscription unique. Les partisans de ce texte – macronistes, LFI et RN – ont plaidé une plus grande « transparence » et l’impossibilité qui découlerait du nouveau dispositif de voir un maire élu tout en étant minoritaire en voix à l’échelle de la ville – comme ce fut le cas pour Gaston Deferre à Marseille en 1983.
Par ailleurs, les partisans du texte dénoncent dans le dispositif actuel un système qui favorise un « écrasement » du conseil municipal par le groupe majoritaire : la commission des lois de l’Assemblée nationale a par exemple cité le cas des élections municipales de 1983 à Paris où le RPR de Jacques Chirac, avec 51,6 % au second tour, avait obtenu 86 % des sièges au Conseil de Paris. Dans le texte proposé, la « prime » au vainqueur serait non plus de 50 % des sièges mais de 25 %.
Du côté des adversaires du texte, on ne s’est pas privé d’insinuer que les véritables motivations des auteurs de cette proposition de loi seraient de favoriser l’élection de candidats macronistes notamment à la mairie de Paris.
Réforme « contestable à tous points de vue »
Le Sénat s’est montré extrêmement sévère vis-à-vis de ce texte dès son examen en commission : le rapport de la commission des lois pointe une réforme « fragile sur le plan juridique, impossible à mettre en œuvre sur le plan pratique et au coût particulièrement élevé ». Cette réforme, fustige la rapporteure de la commission, s’est faite « dans la précipitation, sans concertation de l’ensemble des parties prenantes », sans compter qu’elle générerait « une forte instabilité politique » et qu’elle « mettrait à mal la démocratie de proximité, à rebours du souhait exprimé par les électeurs ».
Conclusion sans appel de la commission des lois : il convient de « rejeter une réforme problématique à tous égards et contestable à tous point de vue ».
Notons que l’AMF, consultée en amont de la discussion parlementaire, avait elle-même pointé les difficultés logistiques majeures posées par cette réforme – avec l’obligation dans ces trois communes d’organiser deux scrutins le même jour, voire trois, à Lyon, où il faut également élire les conseillers à la Métropole. Il faudrait donc organiser deux, voire trois bureaux distincts, dédoubler voire tripler les bulletins de vote, les plis de propagande électorale, les listes d’émargement… Et l’on imagine aisément le casse-tête que représenterait le fait de trouver deux fois, voire, à Lyon, trois fois plus d’assesseurs que d’habitude.
L’AMF avait également fait valoir que le passage à 25 % de la prime majoritaire pouvait conduire à des situations de majorité relative, dont l’Assemblée nationale illustre depuis quelques mois les difficultés profondes.
CMP ou nouvelle lecture ?
Au Sénat hier, toutes ces critiques ont été répétées et développées, tant par les LR que par les socialistes et les communistes, très hostiles à cette réforme. La quasi-absence de sénateurs LFI et RN a fait le reste, et a conduit au rejet très majoritaire du texte.
Et maintenant ?
Les Républicains ont appelé hier le gouvernement et le groupe macroniste à l’Assemblée à abandonner et à s’en tenir là : « Le retrait de cette réforme s’impose », écrivent-ils. Ce qui pose un problème politique très clair aux amis du président de la République, qui ne peuvent que difficilement se passer du soutien des Républicains à l’Assemblée nationale.
Le gouvernement a en effet deux solutions : ou bien il convoque une commission mixte paritaire députés-sénateurs, qui a toutes les chances d’échouer vu la position du Sénat. Ou il enjambe le Sénat et décide de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, il pourrait l’emporter par une étrange alliance bloc central/LFI/RN. Au risque de provoquer un casus belli avec les LR, dont plusieurs figures – dont le président – sont, rappelons-le, membres du gouvernement. Le pari paraît pour le moins assez risqué.
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Aménagement du territoire
L'ANCT veut faire davantage connaître le soutien qu'elle apporte aux projets locaux Â
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Alors que les membres du gouvernement et les représentants de l'Agence nationale de la cohésion des territoires se sont félicités des progrès de cet établissement créé en 2020 lors de son salon, les sénateurs ont récemment rappelé que ce dernier ne bénéficie toujours qu'à « un nombre réduit de collectivités ».
C’était l’un des points de satisfaction mis en avant, le mois dernier, par la délégation aux collectivités du Sénat : la mise en place par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) d’un événement visant à « faire découvrir les solutions concrètes » qu’elle propose aux élus locaux et de se rapprocher, par là même, de ces derniers.
Jugé encore largement méconnu il y a deux ans (la moitié des élus locaux avouaient ne pas connaître l’agence à l'époque et les trois quarts n’y avoir jamais fait appel), cet établissement public très récent – il a été mis en œuvre en 2020 à la veille de la crise sanitaire – a donc organisé, hier, à Dijon, la troisième édition de son ANCTour. Un salon imaginé pour permettre aux élus locaux de découvrir et mieux comprendre les dispositifs de l’État destinés à faire avancer leurs projets.
L’ANCT s’est « largement améliorée »
Pour rappel, l’ANCT doit notamment conseiller et soutenir les collectivités dans la mise en œuvre de leurs projets et faciliter l’accès des plus petites d’entre elles à l’ingénierie, tout en déployant les différents programmes de cohésion des territoires, tels que « Action cœur de ville », « Petites villes de demain » ou encore les « Maisons France service ».
Très larges, ses politiques recouvrent le pilotage de la politique de la ville, les dispositifs de l’État en faveur des villes, de la ruralité et de la montagne, le déploiement du très haut débit, mais aussi les politiques d’accès aux services publics, d'accès aux soins, du logement, des mobilités, ou encore la revitalisation commerciale des centres-bourgs.
Si l’ANCT se déploie sur l’ensemble du territoire, elle souhaite notamment « renforcer son impact dans les territoires les plus fragiles », a rappelé le président de cette agence placée sous la tutelle du gouvernement, Christophe Bouillon, également président de l'Association des petites villes de France (APVF).
Encore sévèrement critiquée il y a deux ans, à la suite d’un premier bilan réalisé par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat (une agence « mal connue », « mal comprise » par les élus qui la percevaient comme « inadaptée », « inefficace » et « bureaucratique »), « l’action de l’ANCT s’est (depuis) largement améliorée », a défendu le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, dans une vidéo diffusée pour l’occasion.
« Nous avons tenu compte d’un certain nombre de recommandations (...) pour être au plus près du territoire », a fait valoir Christophe Bouillon. Ce qui a ainsi permis, en 2024, d’avoir une offre d’ingénierie qui a « impacté plus de 80 % des communes ou intercommunalités rurales » avec plus de 2 500 projets locaux accompagnés.
C’est « l’une des forces de l’ANCT » dont l’action a « envahi tous nos territoires », a aussi salué la ministre chargée de la Ruralité, Françoise Gatel, qui a également pointé le « succès fabuleux » des 2 800 maisons France services (100 de plus sont prévues cette année et encore 100 autres l’année prochaine) - qui mettent les habitants à « moins de 20 minutes de chacune d’entre elles » - dont le but était de remédier au « sentiment d’abandon » et de « colère » des habitants des territoires ruraux notamment.
Avec 37 millions de demandes traitées depuis la création de ces maisons, « nous n’avons jamais eu dans notre pays un niveau de service public comme nous l’avons aujourd’hui », a assuré l’ancienne sénatrice.
Reconversion de friches et réhabilitation d’écoles
Présentée comme un « salon des solutions », cette troisième édition de l’ANCTour a donc été l’occasion de présenter aux élus présents les actions concrètes de l’agence en Bourgogne-Franche-Comté avec l’exemple d’une reconversion de friche industrielle, la mise en place d’une « cité tiers-lieux » pour favoriser le développement économique ou encore la réhabilitation de deux anciennes écoles en restaurant et en un site multifonctionnel mêlant centre médical, commerces de proximité et logements abordables.
Pour favoriser l’attractivité territoriale, le maire des Voivres (300 habitants), Michel Fournier, qui a soutenu la création d’un fabricant de lunettes et une couveuse d’entreprises pour la filière bois dans son village, a rappelé que « la recette est simple, c’est le sens de l’accueil. Il faut savoir écouter les personnes qui n’ont que l’esquisse d’un projet et après l’accompagner. Il faut croire en leur potentialité. »
« Il faut aussi savoir regarder son territoire », a conseillé celui qui est également président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) : « Quand on n’a rien, on a souvent quelque chose que l’on ignore. Nous, on avait de l’eau et de la forêt, on a acheté du foncier et on a créé un centre d’éducation à l’environnement avec de l’hébergement. On reçoit désormais 5 à 7 000 enfants tous les ans. Il faut regarder ce qu’il y a dans sa commune, il y aura toujours quelque chose... »
Face à la crise du logement et au problème de mobilité des jeunes pour chercher un emploi ou faire leurs études, le préfet de la Haute-Saône, Romain Royet, est, lui, en train de déployer un outil de l’ANCT (« Espace sur demande ») dans le but de mettre en relation les jeunes de son département en « activant » le parc de logements classiques mais aussi des hébergements chez l’habitant.
« Difficilement accessible » aux petites communes
Les représentants de l’ANCT ont également mis en avant le déploiement de grands programmes nationaux pour les territoires défavorisés, urbains, ruraux ou montagnards avec « le triplement » de la couverture de la fibre « ces dernières années », 244 communes accompagnées par Actions coeur de ville et 1 600 par Petites villes demain, sans compter les près de 3 000 villages d’avenir et la création de 208 cités éducatives.
« Tous ces chiffres attestent de l’efficacité de l’action portée par l’ANCT », aux yeux du président de l’agence qui estime dorénavant agir « dans la quasi-totalité des territoires ».
Pas tout à fait la perception de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat qui, dans un deuxième bilan publié il y a un mois, relativisait ces dernières statistiques. Tout en reconnaissant que la moitié de ses recommandations publiées en 2023 ont déjà été « suivies d'effets ».
Si des progrès ont donc bien été constatés en matière de rapprochement de l’agence avec les élus locaux ainsi que de remobilisation des préfets, « l’offre de l’agence bénéficie toujours à un nombre réduit de collectivités et peine à atteindre les élus des communes de petite taille », affirment ainsi ces rapporteures, celles-ci estimant que « le nombre de collectivités soutenues reste modeste, en rapport avec le budget de l’agence qui représente environ 200 millions d’euros » et le nombre de communes et d’EPCI français.
Et bien que l’agence ait amélioré son offre d'ingénierie et organisé de « nombreux forums locaux d’ingénierie », les sénatrices considèrent qu’elle « contribue très peu à renforcer les acteurs de l’ingénierie locale ». Les montages permettant le soutien direct à des structures locales sont ainsi « encore trop rares », selon elles alors même que « l’accès au marché d’ingénierie nationale de l’ANCT reste difficile pour les petites structures, sauf à se constituer en groupements ».
Alors que la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a annoncé vouloir regrouper certaines agences et opérateurs de l’État pour réaliser 2 à 3 milliards d'euros d'économies d'ici 2027 (des rapprochements qui pourraient concerner l’ANCT), les rapporteures ont par avance réclamé « la pérennisation des crédits de l’agence face au contexte budgétaire contraint ».
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Jeunesse
Les inégalités territoriales pénalisent les jeunes dans leurs choix d'orientation, alerte la Défenseure des droits
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La Défenseure des droits a publié hier un nouveau rapport concernant l'orientation scolaire. Elle dénonce un système « morcelé et inégalitaire » qui pénalise des millions de jeunes, notamment dans les territoires isolés.
En 2022, plus de la moitié des bacheliers français ont quitté la zone d’emploi de leur domicile, et 17 % d’entre eux ont changé de région dans le but de trouver une formation ou un travail qui puisse leur correspondre.
Dans un rapport consacré à l’orientation scolaire, la Défenseure des droits alerte sur la persistance des inégalités et des discriminations dans les parcours d’orientation des jeunes et notamment sur les inégalités territoriales qui « interviennent très tôt » et « biaisent les choix d’orientation ».
L’isolement territorial : un paramètre défavorisant dès le collège
Après le passage du brevet des collèges, la Défenseure des droits observe que « les élèves scolarisés en milieu rural s’orientent moins souvent vers la filière générale et technologique que les autres, et ce indépendamment de leurs conditions sociales ». Concrètement, « plus un collège est éloigné, moins le passage en classe de seconde générale ou technologique est fréquent. »
Cela s’explique principalement par l’implantation très inégale des établissements scolaires et des formations. « Il n’est en effet pas rare qu’un élève scolarisé en milieu rural, dans une petite ville, dans les zones de montagne ou en outre-mer doive effectuer de longs trajets en bus ou en voiture pour se rendre au collège, puis au lycée et enfin changer de lieu de vie pour poursuivre des études supérieures », peut-on lire dans le rapport. La situation est la même pour les jeunes vivant dans des banlieues défavorisées et qui relèvent de la politique de la ville et où l’éloignement des réseaux de transport peut aussi être conséquent. À cela s’ajoute « la moindre disponibilité en temps et en voiture des parents, due à des emplois aux horaires atypiques et à des moyens financiers limités ».
Par ailleurs, l’éloignement des lieux de formation favorise la méconnaissance des jeunes sur les différentes filières qui existent et « alimente une forme d’autocensure chez les jeunes, qui estiment davantage que ces filières « ne sont pas pour eux » ». Il est intéressant de noter qu’au contraire, « la présence d’une filière spécifique sur un territoire peut contribuer à façonner la préférence des élèves résidant aux alentours, qui s’y orientent par facilité, résultat d’une évidence construite ou d’un conditionnement territorial plus ou moins conscient. »
L’organisation des compétences mise en cause
La Défenseure des droits fustige « une organisation des compétences génératrice d’inégalités territoriales ». Si les données concernant les budgets alloués à l’orientation sont « rares et peu accessibles » lorsqu’elles existent, « elles font état de variations importantes entre les régions ». Ces inégalités de moyens investis entre territoires « est la conséquence de choix politiques et de contextes locaux spécifiques ». Interrogé par la Défenseure des droits, l’association Régions de France indique que les régions « ne disposent pas des moyens suffisants pour exercer convenablement leur compétence, les transferts de moyens de l’État vers les régions ayant été inférieurs aux besoins estimés pour assurer la mission. »
Cette organisation produit aussi « un phénomène de discriminations territoriales systémiques ». En effet, étant donné que des quotas géographiques peuvent s’appliquer afin de fixer une limite de jeunes pouvant être accueillis hors des académies d’origine pour les filières non sélectives, « les élèves issus des petites académies se retrouvent pénalisés par un tel système car davantage contraints d’effectuer des vœux en dehors de leur académie pour suivre la filière souhaitée ». En Corse par exemple, les offres de formation sont restreintes. Or si un élève souhaite poursuivre ses études, il y a de fortes chances pour qu’il demande à suivre une formation en dehors de son académie et il ne sera donc pas prioritaire.
Développer des initiatives « d’aller-vers »
Face à ces inégalités territoriales, la Défenseure des droits recommande de rapprocher les jeunes des formations en développant une offre équilibrée à travers le territoire et en mobilisant les outils numériques lorsque c’est pertinent (campus délocalisés, formations à distance), avec une attention particulière pour les filières technologiques et professionnelles.
Il apparaît surtout opportun de développer des initiatives innovantes et d’aller-vers permettant de rapprocher les élèves de lieux d’orientation et d’information. Par exemple, en région Auvergne-Rhône-Alpes, un bus de l’orientation a été créé afin d’aller directement à la rencontre de collégiens, lycéens, parents et demandeurs d’emploi. « En région Île-de-France, les bus "Oriane" proposent aussi des entretiens gratuits pour les jeunes et des ressources produites par l’Onisep en libre-service », peut-on lire dans le rapport.
Enfin, pour lever la contrainte territoriale des jeunes issus de territoires isolés, la Défenseure des droits encourage à développer l’offre de transport scolaire aux élèves du bassin géographique alentour et à développer l’offre de logements destinés aux jeunes et accessibles financièrement (logements étudiants, foyers de jeunes travailleurs, résidences sociales, cohabitations intergénérationnelles). Elle est également favorable à ce que puisse être pris en compte l’éloignement territorial des élèves dans le calcul du niveau des bourses scolaires et étudiantes.
Consulter le rapport.
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Fonction publique territoriale
De nouvelles mesures obligatoires pour protéger les salariés et agents contre les épisodes de chaleur
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Le gouvernement a publié dimanche, au Journal officiel, un décret imposant aux employeurs de prendre des mesures sérieuses pour protéger les travailleurs contre les chaleurs intenses. Ces mesures sont plus que bienvenues dans la perspective de la multiplication des épisodes de chaleur.
Ce sont un décret et un arrêté qui ont été publiés au Journal officiel du 1er juin, avec un délai de mise en œuvre d’un mois. Ces mesures prendront effet le 1er juillet. Attention, s’il s’agit d’une modification du Code du travail – en général réservé aux employeurs privés –, il faut rappeler que les mesures de ce Code concernant l’hygiène et la sécurité s’appliquent également dans la fonction publique : comme il est précisé dans un décret du 10 juin 1985, « dans les collectivités, (…) les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont (…) celles définies aux livres I à IV de la quatrième partie du Code du travail ».
Le décret publié avant-hier modifie le livre II de cette quatrième partie du Code du travail. Il s’agit donc bien de règles qui s’appliquent de la même façon pour les employeurs privés et publics.
Conditions d’application
C’était – et dans une certaine mesure cela reste, même après publication de ces textes – une lacune essentielle du droit du travail en France : il n’existe que très peu de règles concernant la protection des travailleurs contre la chaleur et le froid. En particulier, il n’existe pas de température au-delà ou en-deçà de laquelle il est interdit de faire travailler des personnes. Et le décret paru dimanche n’en instaure toujours pas.
En revanche, il prévoit des règles de prévention un peu plus strictes qu’auparavant pour assurer un minimum de sécurité en cas de canicule. L’arrêté publié dimanche définit ces termes de « canicule » et « d’épisode de chaleur intense » : l’employeur devra prendre les mesures définies dans le décret en s’appuyant sur les niveaux de vigilance de Météo France. Un « épisode de chaleur intense » correspond à l’atteinte des niveaux de vigilance jaune, orange ou rouge de Météo France ; une « période de canicule » correspond uniquement aux niveaux orange et rouge.
Régulation de la température des locaux
Les premières dispositions du décret ne s’appliquent pas spécialement aux périodes de canicule mais sont plus générales : alors que le Code du travail disposait jusqu’à présent que « les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide », cet article a été récrit ainsi : « Les locaux fermés affectés au travail sont, en toute saison, maintenus à une température adaptée compte tenu de l'activité des travailleurs et de l'environnement dans lequel ils évoluent. » Ce qui suppose donc l’obligation non plus seulement de chauffer l’hiver, mais de réguler la température l’été. On notera cependant que la notion de « température adaptée » reste relativement subjective.
Autre modification importante : jusqu’à présent, le Code du travail disposait que sur les postes de travail extérieurs, les travailleurs devaient être « protégés contre les effets des conditions atmosphériques dans la mesure du possible ». Le nouveau décret supprime ces cinq derniers mois, ce qui interdit donc aux employeurs de s’appuyer sur des difficultés opérationnelles pour prendre les mesures adéquates.
De nouvelles dispositions sont également définies pour le port des EPI (équipements de protection individuels) : pour déterminer notamment « la durée du port de ces équipements », l’employeur doit désormais tenir compte « des conditions atmosphériques ».
Plan de prévention
L’article 3 du décret crée un nouveau chapitre dans le Code du travail intitulé « Prévention des risques liés aux épisodes chaleur intense », soit comme on l’a vu en cas d’atteinte des niveaux de vigilance jaune, orange ou rouge. L’employeur doit alors « évaluer les risques liés à l’exposition des travailleurs, (…) en intérieur et en extérieur ». En cas d’identification de « risque pour la santé », il devra mettre en œuvre un certain nombre de mesures allant de la modification de l’agencement des lieux et postes de travail jusqu’à « des moyens technique pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces », en passant par une modification des EPI et la mise à disposition de davantage d’eau. Ces mesures sont susceptibles d’être « adaptées » pour les travailleurs « particulièrement vulnérables ».
L’employeur doit également désormais prévoir, notamment pour les postes de travail extérieur et/ou isolés, « un moyen pour maintenir au frais tout au long de la journée de travail l’eau destinée à la boisson » – via des sacs isothermes, par exemple. Sur les postes de travail ne bénéficiant pas d’une alimentation en eau courante, l’employeur doit prévoir – en cas de chaleur intense toujours – une quantité « d’au moins trois litres d’eau par travailleur ».
Indemnité en cas d’arrêt de travail
Signalons enfin que ces textes précisent dans quelles conditions la canicule ouvre droit à une indemnité en cas d’arrêt de travail, dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics.
Explication : le Code du travail prévoit que lorsque des travailleurs sont momentanément « privés d’emploi » à cause d’intempéries rendant « dangereux ou impossible l'accomplissement du travail », ces travailleurs ont droit à une indemnisation, appelée « indemnité journalière d’intempérie ». Il était déjà mentionné dans le Code du travail que les intempéries ouvrant droit à ces dispositions sont « la canicule, la neige, le gel, le verglas, la pluie et le vent fort ». Mais il n’était en revanche pas précisé ce qu’est une « canicule ». Conformément aux dispositions expliquées plus haut, il est maintenant clairement précisé que cela correspond, exclusivement, aux vigilances orange ou rouge de Météo France.
Il est à noter que ce décret n'a pas été présenté devant le Conseil national d'évaluation des normes – alors que de facto, il crée un certain nombre de contraintes pour les employeurs publics – et n'a fait l'objet d'aucune concertation avec l'AMF. Au sein de celle-ci, on juge d'ailleurs, ce matin, que le délai d'un mois donné aux employeurs pour se mettre en conformité est parfaitement « irréaliste ». On peut également relever qu'une fois encore, le gouvernement créé des normes qui auront un coût certain pour les collectivités, au moment où non seulement il affirme vouloir diminuer le nombre de normes mais demande, en plus, aux collectivités de freiner leurs dépenses de fonctionnement.
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Journal Officiel du mercredi 4 juin 2025
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative
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