Édition du vendredi 4 avril 2025

Fonction publique territoriale
Rémunération des congés maladie à 90 % : quelles conséquences sur le traitement indiciaire et les primes ?
La Direction générale des collectivités vient d'apporter quelques réponses aux interrogations des élus, relayées par l'AMF, sur les modalités d'application du passage de 100 % à 90 % du traitement des agents en congé maladie. Explications.

En loi de finances pour 2025, le Parlement a acté la baisse de 10 % de la rémunération des agents publics durant les trois premiers mois de leur congé maladie ordinaire (ce que l’on appelle le taux de remplacement). Jusqu’à présent, les agents touchaient un traitement plein ; depuis le 1er mars, ils ne toucheront plus que 90 % de ce traitement. Par un décret du 27 février, cette disposition relative aux fonctionnaires a été étendue aux agents contractuels. 

Impact sur les primes

L’article 189 de la loi de finances pour 2025, qui codifie cette nouvelle disposition, est assez succinct : il se contente de modifier l’article L822-3 du Code général de fonction publique, qui indiquait auparavant que « le fonctionnaire en congé de maladie perçoit pendant trois mois l’intégralité de son traitement ». « L’intégralité » a été remplacé par « 90 % ». 

Mais ce changement implique en cascade un certain nombre de conséquences : en effet, du montant du traitement dépendent d’autres éléments de rémunération. C’est le cas de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), du complément de traitement indiciaire, du dispositif transfert primes/points ou encore de l’indemnité compensatrice de la hausse de la CSG. 

L’AMF a donc interrogé la DGCL pour savoir si ces différents éléments de rémunération devaient, eux aussi, être diminués de 10 %. La DGCL a répondu hier, et elle a confirmé que l’ensemble de ces éléments, dans la mesure où ils sont calculés en pourcentage du traitement, « seront impactés par la réduction du traitement ». 

Le raisonnement est le même pour les primes calculées, elles aussi, en pourcentage du traitement. C’est le cas de l’indemnité spéciale de fonction et d’engagement (ISFE) des policiers municipaux ou de la prime de responsabilité des emplois administratifs de direction, de la prime « grand âge » ou de l’indemnité « cherté de la vie » en outre-mer. Là encore, la DGCL a confirmé l’impact de la réduction du traitement sur ces primes – ajoutant au passage deux autres primes, elles aussi touchées par cette disposition : la prime d’attractivité pour les professeurs et assistants territoriaux d'enseignement artistique et la prime de revalorisation des médecins coordonnateurs. 

Rifseep

L’AMF a également demandé à la DGCL son avis sur une question très technique, mais importante : elle concerne le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel). Rappelons que le Rifseep est composé de deux parts : l’IFSE (indemnité de fonctions, de sujétion et d’engagement) et, éventuellement, un complément indemnitaire annuel (CIA). 

Les collectivités territoriales peuvent prendre une délibération permettant aux agents absents pour indisponibilité physique de continuer à bénéficier du maintien à 100 % de la part IFSE du Rifseep, pendant les trois premiers mois du congé de maladie ordinaire. L’AMF a demandé à la DGCL si ces délibérations devaient être modifiées. 

La DGCL a confirmé l’analyse de l’AMF : en vertu d’une décision bien connue du Conseil d’État du 4 juillet 2024, il est établi que ces délibérations ne peuvent prévoir des conditions plus favorables à celles en vigueur dans la fonction publique de l’État (principe de parité). 

Or dans la fonction publique de l’État, le régime indemnitaire en congé maladie ordinaire doit être maintenu dans les mêmes proportions que le traitement. Conclusion de la DGCL : « Les délibérations maintenant une part d'IFSE du Rifseep à 100 % du régime indemnitaire pendant les trois premiers mois du CMO devront être modifiées afin que cette part soit maintenue à hauteur de 90 % au maximum. » 

Dernier élément important à connaître : ces mesures ne s'appliquent qu'aux arrêts de travail intervenus à partir du 1er mars. Autrement dit, les arrêts « à cheval » entre février et mars ne sont pas concernés. En revanche, rappelle l'AMF, « tout envoi d’un nouvel arrêt de travail constitue un nouveau congé maladie ordinaire, même s’il prolonge une période précédente de CMO, et fait donc l’objet d’une baisse de rémunération à compter du 1er mars 2025 ». 

La DGCL annonce qu’elle va « prochainement » publier une note sur l’application de ces dispositions dans la fonction publique territoriale, ce qui ne sera certainement pas superflu. 




Sécurité civile
Première étape franchie pour le texte visant à développer les réserves communales de sécurité civile
L'Assemblée nationale a adopté hier, à l'unanimité, une proposition de loi du groupe Horizons sur « la valorisation de la réserve communale de sécurité civile ». Ce texte vise à favoriser le développement de ce dispositif encore trop peu connu des maires. 

C’est dans une rare unanimité qu’a été adoptée la proposition de loi portée par le groupe Horizons, visant, selon les propos de son auteur, à « offrir une plus grande flexibilité aux maires dans la mobilisation de la réserve communale de sécurité civile afin de faciliter la mobilisation de ses réservistes mais également de prévoir des mécanismes pour encourager les individus à s’engager en son sein ». 

Les réserves communales de sécurité civile

Pour mémoire, les réserves communales de sécurité civile (RCSC) ont été créées par la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 et leurs missions ont été précisément décrites dans une circulaire du 12 août 2005. Il s’agit d’un dispositif entièrement facultatif, consistant à recruter des bénévoles, placés sous l’autorité du maire, mobilisables en cas de crise pour agir « dans le seul champ des compétences communales », ne se substituant « en aucune manière aux services publics de secours et d’urgence ». La RCSC peut par exemple « contribuer à l’élaboration, à l’actualisation et à la mise en œuvre du plan communal de sauvegarde », faire de l’information et de la prévention auprès de la population, « prendre en charge l’assistance matérielle des personnes sinistrées ».

La réserve communale est créée par délibération du conseil municipal et « prise en charge financièrement par la commune ». Les bénévoles, dans les termes actuels de la loi, doivent obtenir l’accord de leur employeur pour effectuer leur mission. Si celui-ci refuse, il doit en notifier l’intéressé et le maire « dans la semaine qui suit la réception de la demande ». Par ailleurs, le Code de la sécurité intérieure précise, à l’article L724-4, que la durée d’activité d’un bénévole engage dans une RCSC « ne peut excéder 15 jours ouvrables par année civile ». 

Faciliter l’action des maires

Le texte discuté hier par les députés vise à assouplir le dispositif et à mieux le faire connaitre. En effet, comme l’ont souligné plusieurs députés, moins de 700 communes ont mis en place aujourd’hui une RCSC. Pour les auteurs de la proposition de loi, « le cadre juridique en vigueur entrave plus qu’il ne facilite l’engagement des citoyens et l’action des maires ». Dans le viseur de ce texte, notamment, le plafond annuel de 15 jours, qui constitue « une limitation artificielle et déconnectée des besoins du terrain » ; et le délai de réponse des employeurs (une semaine), jugé trop long au regard de certaines situations d’urgence. 

Le texte prévoit donc de faire sauter tout plafonnement au nombre de jours d’engagement, de réduire le délai de réponse des employeurs à 48 heures. Il prévoit également d’élargir le champ d’action de ces réserves communales – actuellement réduit aux seules catastrophes naturelles – et de permettre qu’elles soient sollicitées face aux menaces « de toute nature ».  D’autres mesures sont prévues, comme « la valorisation des compétences acquises par les jeunes réservistes dans leur parcours scolaire et universitaire ». 

Le gouvernement, par la voix du ministre auprès du ministère de l’Intérieur, François-Noël Buffet, a déclaré en début de séance « soutenir l’ensemble des mesures » prévues par ce texte, dans la mesure où « le gouvernement a pour ambition de renforcer la résilience de la nation et de préparer nos concitoyens aux crises futures, tout en veillant à la complémentarité entre toutes les forces ». 

Tous les orateurs des différents groupes politiques ont également dit leur soutien à l’esprit de ces texte – certains émettant toutefois quelques réserves sur le fait qu’il ne saurait être question que ces réserves communales pallient les coupes budgétaires dont sont victimes les services de secours.

Campagne nationale

L’unanimité sur la volonté de renforcer les RCSC n’a pas empêché des débats assez vifs sur certains points spécifiques du texte, comme la possibilité de placer celles-ci sous l’autorité des associations de sécurité civile agréées. Un certain nombre de députés ont cherché à supprimer cette disposition, estimant que seul le maire devait être responsable de ces bénévoles. Elle a néanmoins été adoptée : les RCSC pourraient désormais conclure des conventions avec « une association de sécurité civile agréée, détentrice des agréments B et C », sous réserve toutefois « d’un avis conforme des bénévoles secouristes individuellement concernés ». 

Les trois principales dispositions de la proposition de loi ont été validées par les députés : extension du champ d’intervention des RCSC « aux menaces de toute nature », suppression du plafond de 15 jours par an, et réduction du délai de réponse des employeurs à 48 heures « lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent ». 

En séance, il a été ajouté un article au texte pour préciser que « tout mineur âgé d’au moins 16 ans » peut s’engager dans une RCSC, sous réserve de l’accord de ses représentants légaux. Cette disposition a suscité beaucoup de débats, certains députés regrettant le fait qu’inscrire cette limite d’âge dans la loi empêchera, de facto, des jeunes de moins de 16 ans de s’engager. 

Enfin, un autre article nouveau a été adopté pour mieux faire connaître le dispositif de réserve communale : dans un délai d’un an après la publication de cette loi serait lancée « une campagne nationale de communication visant à informer la population et les élus municipaux sur le rôle et les missions » des RCSC. 

Ce texte, que le gouvernement a placé sous le régime de la procédure accélérée, va maintenant être débattu au Sénat. 




Outre-mer
Vie chère dans les Outre-mer : le Sénat donne ses pistes pour remédier à la crise
La délégation sénatoriale aux Outre-mer a présenté un rapport hier visant à apporter des solutions pour lutter contre la vie chère, notamment en ce qui concerne les produits du quotidien, les dépenses automobiles et le fret maritime et aérien.

Ce rapport élaboré par la délégation sénatoriale aux Outre-mer a pour objectif de contribuer au projet de loi annoncé par le gouvernement contre la vie chère dans les Outre-mer et qui sera présenté d'ici à l'été, comme l’a indiqué il y a quelques jours Manuel Valls.

Les six rapporteurs ont observé un écart de prix « considérable » par rapport à l'Hexagone, en particulier en matière d’alimentation et de dépenses automobiles. 

Concrètement, les écarts de prix varient entre 30 % et 41 % en moyenne pour l’alimentation – en mars 2025 le prix d’un paquet de riz, par exemple, est de 1,74 euro en métropole contre 3,14 euros en Martinique. Côté achats de véhicules neufs, l’écart de prix serait de 10 % à 15 % en moyenne. Ces prix plus élevés sont « couplés à des revenus plus faibles » créant ainsi « une double peine » :  les 5 départements d’outre-mer représentent 3 % de la population française et concentrent 24 % des personnes en grande pauvreté.

Les sénateurs alertent et dénoncent ce qu’ils considèrent comme des « écueils qui empêchent de sortir du cycle infernal des crises récurrentes : chercher un coupable, courir après le mirage hexagonal, alourdir la dépense publique, négliger la faiblesse des revenus ou encore suradministrer. » Les sénateurs proposent donc un « plan global et structurel » composé de douze recommandations principales.

Rétablir la confiance et atténuer l’impact de l’éloignement 

Pour les sénateurs, la priorité est de « dissiper le climat de suspicion qui s’est installé dans certains territoires ». Cela peut passer notamment par le fait de « dissuader la non-publication des comptes des entreprises en permettant la saisine du tribunal de commerce en référé par le préfet ou le président de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) avec astreinte dissuasive » et par le renforcement des moyens financiers attribués à l’OPMR.

L’éloignement peut également être « atténué par diverses stratégies ». Les sénateurs proposent par exemple « d’arrêter un plan de mise à niveau aux meilleurs standards de l’ensemble des installations portuaires, aéroportuaires et douanières outre-mer ».

Il apparaît également opportun pour les sénateurs de « découpler l’aide au fret "nationale" de l’aide au fret "européenne" pour faire de la première une aide "anti-vie chère" ciblée sur les produits de première nécessité et d’étendre le bénéfice de cette aide aux collectivités du Pacifique au titre de la continuité territoriale ».

Rappelons que cette politique de continuité territoriale a été initialement prévue pour répondre aux problématiques de desserte aérienne et maritime en Corse depuis 1976 et a été étendue aux Outre-mer très tardivement, en 2003. Le sujet avait d’ailleurs fait l’objet d’un rapport d’information au Sénat il y a deux ans. Les sénateurs estimaient déjà que les aides au fret « ne répondent absolument pas à l’enjeu de la vie chère, en particulier dans les contextes de double ou triple insularité, et sont avant tout des soutiens au développement de filières locales de production. »

De plus, le rapport appelait à une « refonte systémique de l’aide à la continuité territoriale » où les différences sont aujourd’hui colossales entre les moyens de l'État mis à disposition de la Corse et ceux des Outre-mer.

Transformer le modèle économique 

Le rapport démontre que « des marges de progrès importantes existent pour réduire » les effets pervers de certaines taxes néanmoins « indispensables au financement des services publics, à l’autonomie financière des collectivités ultramarines et à la protection des productions locales ».

Par exemple, il serait opportun du point de vue des auteurs du rapport d’ « atténuer l’impact de l’octroi de mer sur la vie chère en le rendant déductible sur les biens importés sans équivalent local, en réduisant le nombre de taux différents et en abaissant fortement les taux sur les produits de première nécessité ». De même, les sénateurs proposent d’écarter les départements d’outre-mer de l’application de la réforme des certificats d’économies d’énergies et de réviser au passage la directive sur la « taxe carbone européenne » pour en exclure le secteur du transport routier dans les régions ultrapériphériques.

Enfin, les sénateurs soutiennent que l’intégration économique régionale, le développement de la production locale et le soutien aux revenus sont « trois axes à privilégier pour sortir par le haut de la tragédie de la vie chère ». Ainsi, ils recommandent notamment de revaloriser le montant de la prime d’activité dans les outre-mer.

Concurrence 

L’incontournable problématique structurelle de la concurrence a aussi été étudiée par les sénateurs. Pour mémoire, l’insuffisance de la concurrence dans ces territoires contribue au maintien de prix élevés et bénéficie aux quelques entreprises qui contrôlent le marché (grande distribution, carburant, télécommunications, etc.). Une proposition de loi a d’ailleurs été adoptée au Sénat en mars dernier pour renforcer le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer.

Le rapport présenté hier rapport recommande, sur cette question, de compléter le collège de l’Autorité de la concurrence par 6 membres délibérant sur les questions relatives aux Outre-mer et de créer un service d’instruction spécialisé pour les Outre-mer. Les sénateurs sont aussi favorables à « interdire l’exclusion des Outre-mer du champ d’application territorial des conditions générales de vente des contrats entre centrales d’achat hexagonales et fournisseurs. »

La délégation aux Outre-mer demande enfin « un moratoire de 3 ans sur la création d’hypermarchés », ce qui « laisserait du temps à l’Autorité de la concurrence pour approfondir ses contrôles et aux territoires pour définir le modèle de distribution commerciale souhaité. » En effet la situation de la grande distribution dans les Outre-mer est également très complexe : les territoires ultramarins doivent faire face au gel des octrois de permis d’extension et de création d’hypermarchés mais aussi à la difficulté de trouver des franchiseurs. 

En janvier dernier, le ministre Manuel Valls semblait bien déterminé à remédier à cette situation, pointant du doigt les « grands groupes » ayant « des monopoles [qui faussent] la concurrence », « étouffent l’économie » et « les populations ». « Nous avons besoin de grandes entreprises qui créent de l’emploi », avait-il ajouté. Reste à voir ce que comportera précisément ce projet de loi annoncé d’ici l’été et qui sera à l’étude après le projet de loi Mayotte qui va être discuté au Sénat en mai puis à l’Assemblée en juin.




Libertés publiques
La suspension de TikTok en Nouvelle-Calédonie pendant les émeutes n'était pas légale, juge le Conseil d'État, mais à peu de choses près
Dans une décision rendue hier, le Conseil d'État a annulé, a posteriori, la décision prise le 14 mai dernier par le gouvernement de suspendre le réseau TikTok en Nouvelle-Calédonie. Mais davantage pour un vice de forme que sur le fond, ce qui ne satisfait pas les associations qui ont attaqué cette décision.

14 mai 2024. La Nouvelle-Calédonie s’embrase, après que le gouvernement eut annoncé le dégel du corps électoral. Manifestations, puis émeutes, barricades, barrages et incendies se propagent notamment dans l’agglomération du Grand Nouméa et, le 15 mai, le gouvernement décide de prononcer l’état d’urgence. Ces événements feront 13 morts, des centaines de blessés et provoqueront sans doute plus d’un milliard d’euros de dégâts matériels. 

Dès le 14 mai, le gouvernement prend la décision de suspendre le réseau TikTok sur tout l’archipel, estimant que la diffusion sur ce réseau de « vidéos violentes » provoque « l’excitation de la population ». C’est la première fois, en France, qu’un réseau social a été interdit par l’État. Pour y parvenir, le gouvernement n’a pas pu s’appuyer sur la loi de 1955 relative à l’état d’urgence, car celle-ci ne permet des restrictions sur la liberté d’expression qu’en cas de provocation ou d’apologie du terrorisme. Il s’est appuyé sur la notion de « circonstances exceptionnelles », validée par le Conseil d’État pendant le covid-19, qui permet de prendre des décisions allant au-delà du droit commun dans de telles circonstances.

Cette interdiction a été levée le 29 mai. 

Décision sur le fond

Entretemps, plusieurs associations – dont la Ligue des droits de l’homme – et collectifs citoyens de Nouvelle-Calédonie avaient saisi en référé le Conseil d’État pour exiger que cette décision de bloquer le réseau soit suspendue. Le juge avait alors refusé, estimant que cette suspension du réseau était « limitée » et « temporaire, le gouvernement s’étant engagé à lever immédiatement ce blocage dès que les troubles auront cessé ». 

Par la suite, les mêmes associations ont de nouveau attaqué cette décision pour « excès de pouvoir », et le Conseil d’État, cette fois, s’est prononcé sur le fond.  

Dans sa décision, le Conseil d’État ne remet pas en cause le fait de suspendre un réseau social en cas de « circonstances exceptionnelles », mais pose un certain nombre de conditions dont une au moins n’a pas été respectée par le gouvernement, ce qui a conduit le juge à déclarer « illégale » la décision prise en mai 2024.

Erreur de droit

Le Conseil d’État répète que pendant l’état d’urgence, un gouvernement peut prendre des mesures ne figurant pas expressément dans la loi du 3 avril 1955 en cas de « circonstances exceptionnelles », lorsqu’aucune des mesures prévues par la loi « n’est de nature à répondre aux nécessités du moment ». Il estime par ailleurs que l’existence des réseaux sociaux fait partie intégrante des possibilités garantissant « la libre expression des pensées et des opinions » garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et « condition de la démocratie ».

Néanmoins, poursuit le juge, l’interdiction d’un réseau social peut être envisagée si elle est « indispensable pour répondre aux nécessités du moment », mais sous deux conditions : premièrement, qu’il n’existe pas « d’autres moyens techniques qui permettent dans l’immédiat de prendre des mesures moins attentatoires aux droits et libertés » ; et, deuxièmement, que cette mesure « soit prise pour une durée n’excédant pas celle requise pour rechercher et mettre en œuvre » des mesures alternatives. 

L’examen de la situation au 14 mai, en Nouvelle-Calédonie, conduit le juge à estimer que le gouvernement était en droit de suspendre le réseau TikTok : ce réseau a en effet « été utilisé pour diffuser des contenus incitant au recours à la violence et se propageant très rapidement, compte tenu des algorithmes auxquels recourt ce réseau auprès de ses utilisateurs ». Jugeant que ce réseau « était de nature à aggraver la situation », le Premier ministre « était en droit » de décider de son interdiction. 

Mais il a commis une faute de droit, en revanche, en prononçant une interdiction « pour une durée indéterminée, liée seulement à la persistance des troubles à l’ordre public, sans subordonner son maintien à l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures alternatives ». 

Dans ces conditions, le Conseil d’État juge cette décision illégale, ayant porté « une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’expression ». Cette décision est donc annulée – ce qui n’a aucune portée concrète dans la mesure où l’interdiction a été levée depuis des mois – et l’État est condamné aux dépens. 

Pour les associations concernées, cette « victoire » a un goût plutôt amer, dans la mesure où le Conseil d’État a surtout donné une sorte de « mode d’emploi » pour pouvoir procéder, légalement cette fois, à d’autres interdictions du même ordre. On se rappelle que pendant les émeutes de l’été 2023, des voix s’étaient déjà élevées pour demander la suspension de TikTok qui diffusait, déjà, des images de jeunes émeutiers incendiant des bâtiments publics. 




Normes
Simplification : François Bayrou replace les usagers et le préfet au centre du jeu
Lors des troisièmes Assises de la simplification organisée au Sénat, le 3 avril, le Premier ministre a posé un principe : « L'administration remplit le document, l'usager contrôle ». Il a également annoncé un travail en cours pour faire du préfet de département « le coordonnateur, le fédérateur, le régulateur de la totalité de l'action de l'État dans nos territoires ».

[Article initialement publié sur le site Maires de France]

François Bayrou en a fait un « principe de gouvernement » : « procéder à partir du réel ». Travaux pratiques avec la simplification administrative. Lors de la troisième édition des Assises de la simplification organisée hier au Sénat, le Premier ministre a proposé « un changement de culture radicale : partir de l’expérience ». Concrètement, cela doit se traduire par une inversion du mécanisme de fonctionnement de l’administration de l’État. Dorénavant, celle-ci, qui possède déjà « tous les renseignements sur notre vie », se chargera de remplir les documents et l’usager contrôlera. Rien de bien nouveau – le principe ayant déjà été mis en place avec la déclaration d’impôts sur le revenu. L’ambition est de le généraliser.

Faire remonter ce qui est absurde

Les usagers (administrés, entreprises, collectivités territoriales) pourront demander des explications à l’administration et proposer des simplifications. « Les gains de liberté de temps, de liberté de penser, d’action, de souveraineté sur sa propre vie seront très importants », a lancé François Bayrou. Dans cette opération « d’élagage et de simplification », les parlementaires pourront faire remonter « tout ce qu’ils trouvent absurde. Je prends l’engagement que l’administration répondra à chaque remarque que vous ferez ! »

L’autre grande annonce de ces Assises porte sur le rôle des préfets et leur pouvoir de dérogation, « trop peu utilisé car on a organisé l’impossibilité de l’utiliser », selon le Premier ministre. Celui qui est toujours maire de Pau veut faire en sorte que son « parcours d’élu local serve dans l’organisation des missions de l’État. Le préfet de département, sous l’autorité du préfet de région, [doit devenir] le coordonnateur, le fédérateur, le régulateur de la totalité de l’action de l’État dans nos territoires qui ont besoin d’un interlocuteur en responsabilités. Il y a des décennies que ça traîne, ça ne traînera plus ! », a promis François Bayrou.

Pouvoir de dérogation rendu au préfet

Le gouvernement serait en train d’y travailler. « Le pouvoir de dérogation, d’interprétation, de bon sens élémentaire du préfet doit être rendu au préfet » pour qu’enfin les projets puissent sortir de terre et encourager les maires bâtisseurs. Sans apporter plus de détails, le Premier ministre a seulement évoqué les demandes de subventions compliquées pour les collectivités, en particulier celles qui n’ont pas de services pour effectuer les démarches dans ces « labyrinthes ».

Proposition de loi déposée

Le discours n’a pu que plaire au Sénat puisque le premier vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation de la Chambre haute, Rémy Pointereau (Cher) a cosigné avec sa collègue Guylène Pantel (Lozère), un rapport d’information sur le pouvoir préfectoral de dérogation, en février dernier. Ils viennent de traduire leurs préconisations dans une proposition de loi « visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires », déposée le 27 mars.

Par ailleurs, le gouvernement a repris à son compte le programme « France simplification », lancé par Michel Barnier lors de son bref passage à Matignon. Via ce dispositif, les préfets font remonter à l’administration centrale les projets arrêtés pour cause de difficultés administratives. Sur 450 projets transmis, 200 auraient été débloqués, selon François Bayrou, citant quelques exemples : un projet d’autoconsommation collective à l’Ile d’Oléron (déjà cité lors du 106e Congrès de l'AMF par Michel Barnier), la simplification des aides aux exploitants agricoles en difficulté, la facilitation des achats de véhicules d’occasion dans les préfectures.

Responsabilité des parlementaires

La présence du Premier ministre et de trois de ses ministres, François Rebsamen (Aménagement du territoire et Décentralisation), Françoise Gatel (Ruralité), Valérie Létard (Logement), aux Assises de la simplification est un signe dans la lutte contre le poids des normes, salué par le président du Sénat, Gérard Larcher. Il est vrai que Françoise Gatel, prédécesseure de Bernard Delcros à la présidence de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui fut à l’initiative de la création de ces Assises, ont sans doute facilité un peu les choses.

Malheureusement les chiffres continuent à parler d’eux-mêmes. Le poids des normes a encore représenté un coût d’1,6 milliard d’euros en 2023, selon le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen). Gérard Larcher n’a pas éludé la responsabilité des parlementaires dans l’« inflation » normative : « Sur le projet de loi de finances, 4 553 amendements ont été déposés. Une augmentation de 21 % en un an »…  






Journal Officiel du vendredi 4 avril 2025

Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
Décret n° 2025-312 du 3 avril 2025 revalorisant l'allocation de solidarité spécifique à Mayotte
Ministère de l'Intérieur
Décret n° 2025-311 du 3 avril 2025 portant convocation des électeurs pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale (5e circonscription de Saône-et-Loire)

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