Édition du mercredi 2 avril 2025

Petite enfance
Réforme des conditions d'encadrement dans les micro-crèches : le décret est paru
Le décret qui va aligner, à partir du 1er septembre 2026, les normes d'encadrement  des micro-crèches sur celles des petites crèches classiques a été publié ce matin. Si ce décret a été fortement combattu par les gestionnaires privés, il va permettre d'améliorer la qualité de l'accueil. 

Les gestionnaires privés de micro-crèches auront tout essayé pour tenter de retarder ou d’empêcher la parution de ce décret, mais en vain : malgré une campagne active – sous forme de chantage à l'emploi –  sous-entendant que ces nouvelles normes allaient provoquer des milliers de licenciements, le décret a été publié et ses dispositions relatives à l’encadrement entreront en vigueur dans 18 mois. 

Nouvelle procédure d’autorisation

Ce décret ne concerne pas que les normes d’encadrement dans les micro-crèches. Le texte concerne en premier lieu les communes, puisqu’il permet l’application de la réforme qui a donné à celles-ci la compétence d’autorités organisatrices du service public de la petite enfance (SPPE). Le décret modifie les règles de procédure « des autorisations de création, d'extension, de transformation et de renouvellement et de cession des établissements d'accueil de jeunes enfants ». 

Le texte décrit notamment la nouvelle procédure de demande d’avis préalable que le porteur de projet d’un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) doit solliciter auprès de la commune, autorité organisatrice. La procédure est la suivante : le porteur de projet dépose un dossier auprès de l’autorité organisatrice (commune ou EPCI en cas de transfert). Celle-ci dispose alors de quatre mois pour rendre un « avis préalable », en fonction « de l’adéquation du projet avec la planification du développement des modes d’accueil réalisée par l’autorité organisatrice ». Si l’avis est favorable, le porteur de projet dépose sa demande d’autorisation auprès du président du conseil départemental, qui lui délivre une autorisation valable pour 15 ans. Attention, il faut noter que ces nouvelles dispositions concernent toutes structures, aussi bien privées que publiques. 

Elles entrent en vigueur immédiatement. 

Lors de l’examen de ce texte au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), les représentants des élus se sont félicités de ces nouvelles procédures, qui vont « contribuer au renforcement des échanges d’information entre les différents échelons de collectivités », communes, EPCI et départements. 

Ils ont répété, en revanche, que l’enveloppe financière prévue par le gouvernement pour appliquer cette réforme – 86 millions d’euros – ne sera pas suffisante pour couvrir les dépenses que les communes vont devoir engager. D’autant plus que cette aide ne concerne que les communes de plus de 3 500 habitants, aucune enveloppe n’étant prévue pour les autres. 

Micro-crèches : les normes resserrées 

La suite du décret concerne les micro-crèches et redéfinit les normes d’encadrement. Pour mémoire, l’adoption de ces dispositions est destinée, comme l’a souligné à plusieurs reprises la ministre Catherine Vautrin, « non à licencier qui que ce soit » mais à « améliorer la qualité offerte aux enfants » en renforçant les normes d’encadrement. Hasard du calendrier, la parution de ce décret intervient au moment même où a lieu le procès aux assises d’une employée de crèche de Lyon qui avait tué, il y a trois ans, un bébé de 11 mois en lui faisant avaler de la soude caustique. 

Le décret vise à mettre fin aux dérogations en termes de normes d’encadrement qui ont été mises en place, au fil des années, pour accélérer le développement des micro-crèches – dérogations qui ont conduit, selon plusieurs rapports, à une dégradation de la qualité de l’accueil. 

Le décret instaure notamment l’obligation d’employer, dans une micro-crèche, au moins un titulaire d’un diplôme d’État éducateur de jeunes enfants ou auxiliaire de puériculture. Il prévoit par ailleurs que seul un professionnel diplômé d’État puisse prendre en charge seul trois enfants à la fois (en particulier lors des ouvertures et fermetures de l’établissement), alors qu’aujourd’hui une telle prise en charge est possible pour un titulaire de CAP petite enfance. Enfin, le décret interdit qu’un directeur exerce sa fonction sur plus de deux établissements.

Ce sont ces dispositions qui ont provoqué la fronde des gestionnaires de micro-crèches privées, bien que le gouvernement ait tout fait pour les rassurer, notamment en décalant au 1er septembre 2026 l’application de ces mesures, « afin de laisser nécessaire pour s'organiser et pour préserver les structures existantes ». Du côté des syndicats de professionnels de la petite enfance, en revanche, comme le SNPPE ou la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, on se félicite de cette réforme, qualifiée de « signal fort pour la qualité de l’accueil » et « d’avancée majeure » (Fneje). 

L’AMF, de son côté, s’est également félicitée de ces dispositions, comme l’écrivait son président, David Lisnard, à la ministre Catherine Vautrin en janvier dernier : « L’AMF a toujours plaidé pour le maintien des exigences de sécurité et de qualité et refusé que la pénurie de professionnels aboutisse à une baisse des exigences. Les élus sont, par ailleurs, convaincus que le maintien de ces exigences a un impact positif sur la qualité de travail des professionnels et renforce l’attractivité des métiers. » Toutefois, l’association s’inquiète de la hausse des coûts de fonctionnement des places en crèches et plaide pour une révision des modalités de cofinancement dans le cadre de la prochaine Convention d’objectifs et de la gestion de la Cnaf.

Réforme du mode de financement

C’est toute la question du financement de l’accueil du jeune enfant qui est posée. Comme le rappelait David Lisnard dans son courrier, « les règles actuelles de la PSU [prestation sociale unique, versée par la Caf directement aux gestionnaires] sont défavorables aux gestionnaires et impactent la qualité de l’accueil dans la mesure où (…) le modèle de co-financement pousse les gestionnaires à une optimisation excessive des places, pèse sur le travail des professionnels et tend les relations entre les familles et l’équipe ». L’AMF propose, elle, de revenir « à une logique de forfaits ». 

La ministre est favorable à une réforme du financement de l’accueil du jeune enfant, estimant que le modèle économique « atteint ses limites ». Les réflexions sur cette réforme devraient être lancées rapidement, et l’AMF espère que les élus y seront étroitement associés, notamment au vu des nouvelles responsabilités que leur confère désormais la loi.




Justice
Affaire Le Pen : le Conseil supérieur de la magistrature appelle à « la mesure » et au respect de la séparation des pouvoirs
La condamnation de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité à effet immédiat n'en finit pas de faire de remous, conduisant même des membres du gouvernement à demander à la justice d'accélérer son calendrier.

Comme on pouvait s’y attendre, la séance de questions au gouvernement, hier, à l’Assemblée nationale, a été plus que houleuse. Au milieu des cris, des vociférations et des insultes, plusieurs députés ont notamment demandé au Premier ministre, François Bayrou, de s’expliquer sur les commentaires qu’il a faits vis-à-vis de la condamnation de Marine Le Pen. 

« Indépendance de l’autorité judiciaire »

Dès lundi, la condamnation par le tribunal correctionnel de Paris de plusieurs membres du Rassemblement national, dont Marine Le Pen, à de lourdes peines, dont cinq ans d’inéligibilité pour cette dernière, les réactions – parfois violentes – ont fusé de toutes parts. Dans le monde politique, plusieurs personnalités, aussi bien à droite qu’à La France insoumise, ont émis des doutes non sur la question de la culpabilité des accusés, mais sur la peine d’inéligibilité avec « exécution provisoire », qui prend effet même si la personne condamnée fait appel. 

Ainsi le candidat à la présidence des Républicains, Laurent Wauquiez, a-t-il jugé « pas sain dans une démocratie qu’une élue soit interdite de se présenter à une élection », tandis que le chef de file des eurodéputés LR, François-Xavier Bellamy, a parlé « d’un jour très sombre pour la démocratie française ». À gauche, un communiqué de La France insoumise salue la condamnation de Marine Le Pen pour « des faits particulièrement graves » mais rappelle l’opposition de ce parti au fait que « le recours soit impossible à un justiciable, quel qu’il soit ». Jean-Luc Mélenchon, sur les réseaux sociaux, a déclaré que « la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple ». 

La réaction la plus problématique est toutefois celle du Premier ministre, François Bayrou, même si elle n’a pas été officielle : son entourage a rapporté qu’il s’était dit « troublé » par cette condamnation – alors que les principes de la séparation des pouvoirs interdisent normalement à un membre de l’exécutif de commenter une décision de justice. 

Fait rarissime, ces prises de position ont conduit, dès lundi soir, le Conseil supérieur de la magistrature à réagir. Rappelons que ce Conseil est chargé par l’article 64 de la Constitution « d'assister » le président de la République, lui-même « garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». On notera au passage un petit glissement du CSM qui, dans son communiqué, se définit directement comme « le garant constitutionnel » de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Le CSM ne publie quasiment jamais de communiqué de presse. Il a dérogé à la règle le 31 mars au soir « à la suite des réactions » au jugement rendu contre Marine Le Pen, pour « exprimer son inquiétude » face à ces réactions, qui sont « de nature à remettre en cause gravement l’indépendance de l’autorité judiciaire ». « Les prises de parole de responsables politiques sur le bien-fondé des poursuites ou de la condamnation (…) ne peuvent être acceptées dans une société démocratique », cingle le CSM, qui a appelé « à la mesure ». 

Ce matin, en Conseil des ministres, le chef de l'État a, à son tour, rappelé que « la justice est indépendante » et que « les magistrats doivent être protégés ». 

Menaces

Plus grave encore : dès le prononcé du jugement, certains partisans du RN se sont déchaînés sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à menacer personnellement les magistrats en charge du dossier.

Il faut dire que Marine Le Pen elle-même s’est permise, sur TF1, de désigner directement la présidente du tribunal correctionnel de Paris, Bénédicte de Perthuis, en l’accusant « de rendre une décision politique pour (l’)empêcher de se présenter et d’être élue ». Le député RN André Rougé a déclaré dans la foulée que « Bénédicte de Perthuis aura des comptes à rendre à l’histoire de France ».

Sur les réseaux sociaux, des menaces beaucoup plus directes ont été proférées, obligeant le ministère de l’Intérieur à mettre la magistrate sous protection policière. Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, a qualifié ces menaces de « totalement inacceptables », et une enquête sur ces faits a été ouverte par la brigade de répression de la délinquance aux personnes.

Premier ministre et « citoyen »

Il était donc évident que ces événements allaient avoir un écho à l’Assemblée nationale, lors de la séance de questions au gouvernement. Cela n’a pas manqué.

Passons sur la diatribe du député RN Jean-Philippe Tanguy, qui n’a visiblement pas entendu les appels à « la mesure » du CSM, et n’a pas hésité à qualifier les juges de « tyrans qui exécutent l’État de droit en place publique ». Mais au-delà des questions, ce sont les réponses du gouvernement qui interrogent, sur la question de la séparation des pouvoirs. 

Ainsi le Premier ministre, François Bayrou, interrogé sur le « trouble » qu’il a exprimé vis-à-vis de cette condamnation, s’est livré à un curieux exercice de contorsionnisme en exprimant à la tribune à la fois son point de vue de Premier ministre et de « citoyen ». En tant que Premier ministre, il a dit la nécessité « d’exprimer unanimement le soutien de tous aux magistrats ».  Mais « en tant que citoyen », il a appelé à « s’interroger sur l’état de la loi », et rappelé que « comme citoyen » il a « toujours considéré » que l’exécution provisoire est « problématique ». De nombreux députés ont pourtant rappelé à François Bayrou qu’il ne s’exprimait pas à la tribune en tant que citoyen mais en tant que Premier ministre. 

Autre réaction surprenante : celle du garde des Sceaux, Gérald Darmanin, qui a « souhaité, à titre personnel » que si Marine Le Pen fait appel de la décision du tribunal, « l’audience d’appel puisse être organisée dans le délai le plus raisonnable possible ». Il a néanmoins rappelé que la cour d’appel de Paris, « parfaitement indépendante », aura elle-même à fixer la date de cet appel. 

Jugement en appel à l’été 2026

Cette déclaration ne met pas la cour d’appel dans une position très confortable, dans la mesure où elle risque d’être accusée d’avoir subi la pression de son ministre, même si ce n’est certainement pas le cas. 

Hier soir, dans un communiqué, la cour d’appel de Paris a confirmé avoir reçu « trois appels » à l’encontre du jugement prononcé la veille et affirme, chose rare là encore, qu’elle compte se donner les moyens « d’examiner ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026 ». 

Ce délai est exceptionnellement court : dans d’autres procès similaires, il a plutôt fallu attendre deux ans, minimum, pour qu’une décision d’appel soit rendue. Cette décision est susceptible de redonner un peu d’espoir au Rassemblement national : une décision (favorable) rendue par la cour d’appel à l’été 2026 laisserait au parti le temps d’organiser une campagne de Marine Le Pen, ce qui n’aurait pas été le cas avec une décision rendue fin 2026 et début 2027. 

Rien n’est toutefois joué : il faut encore que la cour d’appel ne confirme pas le jugement du tribunal correctionnel. C’est-à-dire qu’ou bien il relaxe la prévenue, ou bien, a minima, qu’il supprime la peine d’inélégibilité ; ou encore, qu’il supprime l’exécution provisoire, ce qui laisserait le temps à Marine Le Pen d’aller en cassation sans être empêchée de se présenter à l’élection présidentielle. 

Ce long feuilleton est donc loin d’être fini – d’autant que la cheffe de file de l’extrême droite a également dit, hier, sa volonté d’aller vers le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, devant les Sages, pour contester la constitutionnalité de l’exécution provisoire, attentatoire selon elle à la liberté des électeurs. 




Sécurité
Narcotrafic : la proposition de loi adoptée à l'Assemblée mais des mesures toujours aussi décriées
La proposition de loi sénatoriale pour « sortir la France du piège du narcotrafic » a été largement adoptée hier à l'Assemblée nationale. Moyens supplémentaires accordés aux maires, nouveau modèle carcéral et nouveaux outils juridiques : le texte doit désormais être examiné en commission mixte paritaire.

Trouver un compromis en commission mixte paritaire risque d’être un exercice compliqué. L’examen de ce texte à l’Assemblée a été long – le vote solennel ayant dû être repoussé car les quelque 900 amendements déposés n’avaient pas pu être tous discuté à temps. Les discussions ont commencé lundi 17 mars et se sont achevées hier après-midi, avec l’adoption du texte. 

Malgré les débats parfois houleux sur certaines mesures du texte jugées par la gauche trop strictes et même « liberticides », le texte a été approuvé par 436 voix pour et seulement 75 contre. Une véritable victoire pour le gouvernement qui a cependant dû faire le deuil de quelques dispositions comme l’autorisation d’accès aux correspondances issues des messageries chiffrées (lire Maire info du 21 mars). 

Sur son compte X, le garde des Sceaux Gérald Darmanin se félicite : « Nous venons de faire une avancée majeure pour la protection des Français. L’Assemblée nationale vient d’adopter, très largement, les mesures pour lutter contre le narcotrafic : Parquet spécialisé, régime de détention très strict pour les détenus les plus dangereux… » Ce texte prioritaire pour le gouvernement doit encore passer devant une commission mixte paritaire avant de retourner au Sénat le 28 avril et le 29 à l’Assemblée nationale. 

Pouvoirs et informations des maires 

Parmi les mesures importantes pour les maires qui ont été adoptées hier par les députés, on notera la création d’une mesure de fermeture administrative des commerces en lien avec le narcotrafic : « Tout établissement à l'égard duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il s'y commet de façon régulière une ou plusieurs infractions » pourrait, sur proposition du maire de la commune, faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative. Si l’arrêté n’est pas respecté, le propriétaire ou l’exploitant s’expose à une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, « de la peine complémentaire de confiscation des revenus générés pendant la période d’ouverture postérieure à la notification de la mesure et de la peine complémentaire d’interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans. »

Important : un amendement introduit par les députés du Rassemblement national, contre l'avis du gouvernement, permettrait également aux maires, en l'état du texte, de prononcer pour une durée n'excédant pas un mois la fermeture administrative d'un établissement. Le maire pourrait donc proposer une fermeture administrative au préfet mais aussi le faire lui-même pour une durée d'un mois maximum. 

À plusieurs reprises lors des débats, les députés, tout comme les sénateurs, ont évoqué un risque pour les élus qui n’ont pas pour compétence de lutter contre le trafic de drogue. Même s’il est primordial que les maires puissent agir, la question de la sécurité des élus a été évoquée au long des débats. D’autant que la proposition de loi, si elle est définitivement adoptée, va encore plus loin puisqu'une fermeture administrative pourra être prise pour prévenir des infractions de trafic de stupéfiants, de blanchiment et d'association de malfaiteurs. 

Le texte ainsi voté lie l'arrêté de fermeture administrative aux atteintes à l'ordre public causés par les infractions, ces atteintes constituant le fondement du pouvoir de police administrative du maire.

La proposition de loi prévoit aussi une information obligatoire du maire par le procureur de la République des mesures prises par le parquet et le juge d’instruction et par le préfet des mesures administratives prises à l’encontre des établissements frappés de fermeture. Les maires ont souvent déploré les difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir ce type d’informations pourtant cruciales pour qu’un élu puisse savoir ce qui se passe sur sa commune. La mesure sera donc appréciée même si cette information est strictement encadrée et ne concerne que les infractions en lien avec le trafic de stupéfiants qui génèrent des troubles à l’ordre public. 

Des sanctions mais pas de prévention 

Si le texte a été largement adopté, plusieurs mesures ont été supprimées puis réintroduites, montrant à quel point les dissensions sur ces sujets sont fortes. Le fameux « dossier coffre » supprimé en commission a finalement été réintroduit dans le texte voté hier. Il devrait permettre de stocker des informations recueillies via des techniques spéciales d’enquête sans que les avocats des narcotrafiquants puissent y accéder. 

Sur cette mesure – mais sur bien d’autres aussi comme la prolongation de la garde à vue des « mules » jusqu’à 120 heures – rien n’est encore joué. Interrogée dans Les Échos, la porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Mélanie Thomin, indique que les députés espèrent « faire bouger certaines mesures en commission mixte paritaire pour que le texte soit plus équilibré, voire saisir le Conseil constitutionnel sur des mesures précises ». 

Il faut souligner également que les députés écologistes et communistes se sont abstenus lors du vote d’hier, estimant, d’un côté, que cette loi est un « coup de communication » pour les ministres Gérald Darmanin et Bruno Retailleau et, de l’autre, que certains articles sont trop problématiques dans le texte. Les députés LFI ont en revanche voté contre ce texte.

Si ce ne sont pas les dispositions qui concernent directement les maires qui crispent le plus, certaines associations d’élus, à l’instar de l’Association des petites villes de France (APVF), se montrent satisfaites sur certains points, et mitigées sur d'autres. Dans un communiqué, l’APVF indique que cette proposition de loi marque « un premier pas pour soulager les élus locaux, qui ne peuvent pas, seuls, pallier les carences dans la lutte contre le narcotrafic ». Cependant, les élus des petites villes soulignent « la nécessité d’aller plus loin sur la prévention de la délinquance et des conduites addictives et sur les dispositifs de soin et d’accompagnement des consommateurs » et demandent notamment « le rétablissement du dispositif de police de proximité ». 

L’APVF interpelle le gouvernement pour aller au-delà du régime de sanctions renforcé qu’il prône en portant cette proposition de loi : « Une réponse se concentrant seulement sur l’aspect sécuritaire sans volet prévention et accompagnement ne suffira pas à endiguer durablement le problème du narcotrafic en France. C’est pourquoi, au-delà de la loi, la question des moyens financiers et humains alloués demeure donc essentielle pour répondre aux enjeux du narcotrafic. »
 




Elections municipales
Municipales 2026 : l'engagement repose avant tout sur le « pouvoir d'agir » des maires
Élus préférés des Français, les maires pâtissent de nombreuses contraintes budgétaires, administratives et règlementaires pour mener à bien leurs projets. A un an des élections municipales, l'AMF a organisé hier une rencontre sur l'engagement au cours de laquelle les élus ont unanimement demandé le renforcement des libertés locales et l'adoption de nouvelles mesures pour faciliter l'exercice du mandat.

[Article initialement publié sur le site Maires de France]

« Municipales dans un an, s’engager maintenant » : le sujet de la rencontre organisée, hier, par l’AMF, était manifestement pleinement d’actualité : l’auditorium de l’association a fait le plein et plusieurs centaines d’internautes ont suivi en visioconférence les débats sur les raisons mais aussi les freins potentiel à l’engagement municipal. A douze mois du scrutin, « le niveau de confiance des Français dans leur maire est exceptionnel, a rappelé Martial Foucault, professeur des universités à Sciences-Po et chercheur au Cevipof, en introduction des débats. Il atteint avec constance entre 65 et 68 % alors que celui des parlementaires approche péniblement 20 à 30 % ». 

Le maire « travaille au bien commun »

Une confiance « qui ne tombe pas du ciel », a-t-il souligné car « le maire incarne un lien de proximité fondamental » et « répond aux demandes des habitants (…) avec une forme de bienveillance. Il travaille au bien commun ». La relation élus-citoyens est cependant exigeante » à l’endroit des élus, a rappelé Martial Foucault en soulignant « la montée du consumérisme et de l’individualisme (…) : les citoyens privilégient l’efficacité du maire, ils attendent de lui qu’il améliore leur pouvoir d’achat, leur sécurité, leur santé, leur bien-être ». 

Dans certaines communes, ces mêmes citoyens s’invitent fortement dans le débat et « veulent régénérer la démocratie représentative en demandant une forme de démocratie participative et délibérative, a-t-il également observé avant de rappeler que « ces formes complémentaires de démocratie locale [que les élus sont amenés à mettre en place] ne doivent pas délégitimer le résultat des élections : le maire doit au final trancher car il est responsable devant les électeurs ». « Le maire incarne l’intérêt général qui n’est pas la somme des intérêts particuliers », a confirmé Murielle Fabre, maire de Lampertheim (67) et secrétaire générale de l’AMF. Sa tâche n’est pas toujours simple, a rappelé Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d’Harris Interactive France : « certains citoyens ont parfois le sentiment d’un conflit de légitimité ou de responsabilité entre le niveau communal et intercommunal. Ils ne comprennent pas que le maire dise "je ne peux pas faire" ou " ce n'est pas à moi de faire " alors qu’ils l’ont élu au suffrage universel direct ». Pour Monique Canto-Sperber, présidente du groupe de réfléxion Génération libre, « la légitimité du maire repose bien sur l’effectivité de ses pouvoirs, de ses capacités financières et règlementaires d’agir ». 

Au terme d’un mandat 2020-2026 particulièrement éprouvant (covid, crise économique et sociale, agressions des élus…), marqué par un nombre record de démissions de maires et de conseillers municipaux, et dans la perspective du prochaines échéances, Martial Foucault estime en tout cas essentiel de « préserver le lien de confiance entre le maire et les citoyens car ce qui fait société vient par le bas. Il faut reconnaître plus fortement le rôle du maire ». 

Libérer l’action locale

Or, c’est bien là que le bât blesse, au sortir d’un mandat au cours duquel « les maires ont ressenti un manque de reconnaissance de la part de l’État, à l’endroit même de la fonction municipale, de la décentralisation, des libertés locales », a souligné le chercheur du Cevipof. Pour David Lisnard, maire de Cannes (06) et président de l’AMF, l’engagement ou le réengagement des élus sortants à l’occasion des prochaines élections municipales reposera précisément sur la liberté et les moyens d’action dont les élus disposeront : « nous vivons avant tout une crise de l’exécution publique, de la capacité à agir des maires » aboutissant à une forme d’impuissance des élus « qui génère une crise civique. (…) Il n’y aura pas d’engagement et de démocratie vivante s’il n’y a pas un réel pouvoir d’exécution donné aux maires. Les 42 démissions de maires chaque mois depuis 2020 et les nombreuses démissions de conseillers municipaux expriment cette difficulté croissante d’être élu local », a-t-il estimé en citant « les obligations nouvelles que l’Etat nous impose tous les jours et la baisse des moyens financiers des collectivités ». Dans ce contexte, « le combat de l’AMF pour un renforcement des libertés et de la responsabilité locales est essentiel pour favoriser l’engagement municipal qui reste le plus beau des engagements. C’est un mandat noble et beau au service des concitoyens, il faut le préserver », a souligné le maire de Cannes. 

André Laignel, qui achève son huitième mandat de maire d’Issoudun (36), a souligné à son tour « le niveau d’exigence de plus en plus relevé des citoyens ainsi que la complexité juridique, administrative, règlementaire et financière croissante de l’exercice du mandat, sans commune mesure par rapport à celle des précédentes décennies ». A tel point que pour le premier vice-président délégué de l’AMF, « la vraie question est celle du réengagement des élus sortants qui ont l’expérience des freins à agir, de la réduction des moyens budgétaires, de la profusion des normes et de la dictature des réseaux sociaux à travers lesquels les citoyens exercent sur eux une pression quasi quotidienne ». Comme David Lisnard, il demande à l’État « de cesser de mettre en cause les maires, soupçonnés à tort de plomber les comptes de la nation » et de « respecter les principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière des collectivités qui sont aujourd’hui bafoués ». « Les communes sont les leviers de la relance économique et de la démocratie, l’État doit réagir ! », a-t-il affirmé.        

Conditions d’exercice du mandat : l’urgence de nouvelles mesures

Murielle Fabre a, pour sa part, insisté sur des enjeux plus personnels qui pèseront sans nul doute dans le choix des élus de se représenter et, pour les novices, de se présenter en mars prochain. « 83 % des maires estiment que leur mandat est usant pour la santé », selon une étude publiée en novembre dernier, a rappelé la maire de Lampertheim qui achève son premier mandat. La secrétaire générale de l’AMF a souligné la « charge mentale » du mandat et décrit des maires « fatigués, voire usés ». 

Elle a aussi souligné la difficulté de concilier l’exercice du mandat avec une activité professionnelle et une vie familiale. « L’amélioration des conditions d’exercice du mandat est essentielle et l’AMF a fait de nombreuses propositions en la matière », a-t-elle rappelé en insistant sur la nécessité d’adopter la proposition de loi sur le sujet « même si elle ne sera pas suffisante pour susciter des vocations », selon elle. Ce texte, déposé par Françoise Gatel, alors sénatrice d’Ille-et-Vilaine et actuelle ministre déléguée chargée de la Ruralité, a été adopté en première lecture, le 7 mars 2024, par la Haute assemblée. Le gouvernement s’est engagé à l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale mais le texte n’y figure toujours pas. 

En clôture de la rencontre, Stéphane Delautrette, député de la Haute-Vienne et président de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a souligné, à son tour, « l’urgence d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dès que possible car après l’été, il sera trop tard ». Pour lui, « tout citoyen doit pouvoir s’engager dans l’aventure municipale. Il faut donc lever les freins à l’engagement, y compris pour les personnes en situation de handicap et les jeunes. Faciliter les conditions d’exercice du mandat, c’est favoriser l’engagement de tous ! ». La balle est dans le camp du gouvernement.   
 




État civil
La nouvelle carte d'identité est désormais accessible même avant l'expiration de l'ancienne
Depuis avant-hier, il est possible pour chaque citoyen de demander un renouvellement de sa carte d'identité sans l'avoir perdue ni se l'être fait voler et avant la date d'expiration. Il est également possible d'activer son identité numérique en mairie, lors du retrait de la nouvelle CNI. Explications. 

La promesse a été tenue, avec à peine un peu de retard : en octobre dernier (lire Maire info du 31 octobre), la directrice de l’agence France Titres, Anne-Gaëlle Baudouin, annonçait sur France culture que la demande de renouvellement de la carte d’identité (CNI), afin d’obtenir une carte au format « carte de crédit », allait être réformée, pour accélérer le déploiement de l'identité numérique.

Carte d’identité format « carte de crédit »

La nouvelle carte d’identité au format carte de crédit a été lancée en 2021. Jusqu’à présent, elle ne pouvait être obtenue que dans quatre cas : lorsque l’ancienne carte était arrivée à expiration, en cas de perte, de vol (ou de détérioration), ou de changement d’état-civil (mariage, divorce, changement de nom). 

Or l’un des intérêts essentiels de cette nouvelle carte – outre son petit format – est qu’elle, et elle seule, permet d’obtenir une identité numérique France identité, c’est-à-dire une version dématérialisée de sa carte d’identité, dans son smartphone, qui permet à chaque citoyen âgé de plus de 18 ans de prouver son identité de manière simple et sécurisée, en ligne comme en face à face, et d’accéder aux services publics essentiels à distance.. 

Pour pouvoir accéder à ce service, il est impératif d’avoir une carte d’identité au nouveau format, tout simplement parce que celle-ci est équipée d’une puce électronique capable d’échanger des informations avec un smartphone disposant de la technologie NFC. 

Jusqu’à présent, une personne qui souhaitant changer sa carte d’identité avant sa date d’expiration, uniquement pour pouvoir bénéficier de l’identité numérique, ne pouvait pas le faire. C’est cela qui vient de changer.

Nouveau motif

Depuis le 31 mars en effet, comme l’avait annoncé Anne-Gaëlle Baudoin, un nouveau motif de renouvellement de la CNI a été créé : le « renouvellement pour identité numérique ». Comme on peut le lire, par exemple, sur le site des préfectures, « À partir du 31 mars 2025, toute personne majeure et juridiquement capable, dont la carte d'identité au format ancien expire dans plus de 12 mois et qui a effectué une pré-demande en ligne, pourra obtenir gratuitement un nouveau titre au format carte bancaire ». Il est précisé que, « pour éviter une surcharge des services » ces demandes seront toutefois soumises à des « quotas » – faute d’autre explication pour l’instant, on peut supposer que le nombre de cartes qui pourront être délivrées dans chaque département sera plafonné. Par ailleurs, il faut bien noter que ce nouveau motif de renouvellement « exclura les changements de nom, prénom ou sexe et ne pourra pas être effectué simultanément à une première demande ou un renouvellement de passeport ». 

Concrètement, les usagers qui souhaitent faire cette démarche n’ont qu’à se rendre sur le site de France titres,  l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et à remplir une pré-demande en cochant la case « renouvellement pour identité numérique ». La suite de la procédure est classique : il faut prendre un rendez-vous en mairie pour déposer son dossier, avant que la demande soit instruite par les Cert (Centres d’expertise et de ressources des titres). 

Certification de l’identité numérique

Ce n’est pas tout. Depuis le 31 mars également, un usager peut activer son identité numérique directement lors de la remise de la carte d’identité en mairie. 

Rappelons que, pour des raisons de sécurité évidentes, il est nécessaire de faire certifier son identité numérique pour accéder à certaines démarches dématérialisées sensibles via FranceConnect+ (MonCompteFormation ou MaPrimeRénov’…) ou, par exemple, pour la réalisation d’une procuration de vote totalement dématérialisée. Jusqu’à récemment, on pouvait demander une procuration en ligne, mais il fallait quand même passer par un commissariat ou une gendarmerie pour montrer ses papiers et prouver son identité. Si l’on dispose d’une identité numérique certifiée, cette étape n’est plus nécessaire, la démarche peut se faire à 100 % en ligne. 

L’obtention d’un identité numérique certifiée n’était jusqu’à présent pas très simple : il fallait attendre de recevoir sa nouvelle carte d’identité, télécharger l'application France indentité, créer son identité numérique, faire une demande de certification, puis retourner en mairie pour faire certifier son identité par un agent. 

Désormais, les choses vont être nettement plus faciles : la certification de l’identité numérique est possible au moment de la remise de sa nouvelle CNI. En clair, lorsque la nouvelle carte est prête, l’usager reçoit un SMS qui l'en avertit. Ce SMS contient un lien lui permettant de télécharger l’application France identité et de récupérer un QR-code. Il va chercher son titre en mairie, muni de son QR-code, et l’agent le scanne. Dans les 24 à 48h après son passage en mairie, l’usager est notifié par e-mail et dans l’application France Identité du résultat de sa demande d’identité numérique. Du côté de l’agent, les choses sont très simples : il suffit de scanner le QR-code, et la procédure se fait de façon automatisée.

Cette évolution représente une vraie simplification pour les usagers, sans trop aggraver la charge de travail des agents en mairie. Cette nouvelle démarche est néanmoins compensée financièrement par l’État : la certification de l’identité numérique – que ce soit lors du retrait ou via une démarche distincte – est prise en compte dans la Dotation titre sécurisés (DTS) à hauteur de 10 % d’un recueil. Il est à noter que les communes concernées choisissent librement de procéder à la certification de  l’identité numérique ou non. 

Il reste maintenant à l’État à communiquer sur ces changements utiles pour les usagers, ce qu’il n’a pas particulièrement fait jusqu’à présent, peut-être pour ne pas risquer d’engorger les services instructeurs. Il a prévu de le faire, d'après nos informations, dès qu'auront été analysés les premiers retours d'expérience de cette expérimentation.







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