Édition du mercredi 12 mars 2025 |
Parité
Le Sénat adopte l'extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1000 habitants
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Le Sénat a adopté hier la proposition de la loi qui va instaurer, dès les prochaines élections municipales, le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes du pays, même les plus petites, après des débats particulièrement enflammés. Compte rendu des débats.
« Rien n’est joué », écrivait hier Maire info à propos du débat qui devait avoir lieu, l’après-midi, au Sénat, sur l’instauration du scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants. En effet, le scrutin a été serré : le texte a finalement été adopté par 192 voix pour et 111 contre. Le groupe Les Républicains, majoritaire au Sénat, s’est particulièrement divisé sur ce texte : 66 sénateurs LR ont voté contre, mais 53 ont voté pour, ce qui a conduit à l’adoption de la proposition de loi.
La parité divise toujours
Les débats ont montré un clivage profond entre partisans et adversaires de ces dispositions. Si personne, naturellement, ne se prononce contre la parité, beaucoup de sénateurs ont estimé que celle-ci allait rendre plus difficile la constitution de listes aux élections municipales.
Du côté des partisans du texte (soit la gauche hors PCF, le RDPI et une partie des Républicains, ainsi que le gouvernement représenté par la ministre chargée de la Ruralité, Françoise Gatel), on a mis en avant le fait que seule l’obligation légale de parité a fait réellement avancer celle-ci au fil des évolutions législatives. Beaucoup ont fait remarquer qu’à chaque loi sur la parité – la première a été adoptée il y a 25 ans –, les mêmes arguments ont été avancés, selon lesquels il serait plus difficile de trouver des femmes que des hommes pour s’engager dans la vie publique… et qu’à chaque fois les faits ont démontré le contraire.
« Nous n'aurons pas plus de mal à trouver des femmes que des hommes pour former les listes », a affirmé Françoise Gatel, avec d’autres sénateurs qui ont souligné que dans les communes rurales, non seulement les femmes sont plus nombreuses que les hommes (comme dans le reste de la société, du reste), mais qu’elles jouent également un rôle prépondérant dans la vie associative. Le sénateur Michel Masset (RDSE, Lot-et-Garonne) a fait remarquer qu’alors que la parité progresse partout, il n’y a toujours que « 38 % de femmes » titulaires d’un mandat municipal dans les communes de moins de 1 000 habitants. « Chaque fois que nous avons franchi un palier, la réforme a eu ses détracteurs », a rappelé Ghislaine Senée (Yvelines, Écologistes). « Il est parfaitement possible de constituer une liste paritaire dans une commune de 300 habitants ! »
À l’inverse, les détracteurs du texte ont dénoncé des règles « absurdes, stratosphériques, détachées des réalités du terrain » (Cédric Chevalier, sénateur les Indépendants de la Marne). « Par ces temps mauvais de désengagement républicain, nul ne peut nier que la quête de candidats et candidates relève du chemin de croix. Dans ce contexte, est-il pertinent d'instaurer une contrainte supplémentaire, fût-elle vertueuse ? », a demandé Olivier Paccaud (Oise, LR). « L'engagement féminin ne doit pas reposer sur la contrainte administrative », a ajouté Jocelyne Guidez (Union centriste, Essonne).
Beaucoup de sénateurs ont rappelé que l’AMF, l’AMRF et Intercommunalités de France se sont prononcées sans ambiguïté en faveur de cette proposition de loi. Christian Bilhac (RDSE, Hérault), par exemple, a exprimé sa confiance dans le point de vue des associations d’élus : « Dans l’Hérault, certains maires sont pour, d’autres sont contre. L’AMF soutient cette proposition de loi, l’AMRF aussi. Je voterai donc ce texte. »
Des sénateurs ont affirmé que certaines associations départementales de maires étaient contre ces dispositions ; d’autres qu’ils avaient « sondé » les maires de leur département et qu’une large majorité était défavorable à cette proposition de loi. Ce à quoi les défenseurs du texte ont rappelé que beaucoup d’élus étaient défavorables, déjà, à la loi sur la parité de 2000, avant qu’elle passe tout simplement dans les mœurs.
On notera en passant l’intéressant cri du cœur de la sénatrice communiste Cécile Cukierman (Loire) qui, répondant aux sénateurs qui expliquaient que l’AMF est pour cette réforme, s’est écriée : « Évitons de nous renvoyer les positions des associations d'élus : ou alors, l'année prochaine, votons à l'unanimité l'indexation de la DGF sur l'inflation, que réclament ces associations ! »
La question du panachage
La question de la parité n’a pas été la seule à faire débat hier, au Sénat. Car au-delà de celle-ci, la proposition de loi instaurera le scrutin de liste, à la proportionnelle, dans les quelque 25 000 communes de moins de 1 000 habitants. Ce sera donc la fin du scrutin plurinominal avec possibilité de panachage – et possibilité pour les électeurs de rayer des noms. De nombreux sénateurs, et la ministre elle-même, ont rappelé que cette pratique est souvent surnommée « le tir aux pigeons ». Pour Françoise Gatel, les choses sont claires : « Il s'agit de favoriser la constitution d'équipes cohérentes. (….) Il faut sortir du panachage qui favorise les affrontements interpersonnels. L'élection municipale doit se faire autour du triptyque : une commune, une liste, un projet » – reprenant ici une expression tirée d'une prise de position de l'AMRF.
Pour Agnès Canayer (Seine-Maritime, LR), « ce texte renforcera la stabilité en évitant que les querelles de clocher ne se répercutent sur la vie démocratique ». Dans le même sens, Didier Rambaud (Isère, RDPI) est convaincu qu’avec cette réforme, « nous inciterons les citoyens à voter non pas contre un candidat qui n'aurait pas, en tant que maire, accordé une autorisation d'urbanisme, mais bien pour des projets ». Ce texte « protégera la cohésion des équipes des effets pervers du mode de scrutin actuel », a surenchéri Michel Masset. « Je pourrais vous raconter moult histoires liées à des querelles familiales ancestrales – sans parler du remembrement. Il faut une équipe, un projet et un leader, puis le choix des urnes », a conclu Bruno Belin.
À l’inverse, d’autres sénateurs sont farouchement contre le scrutin de liste dans les petites communes. « Pourquoi cette obsession d’uniformiser ?, a demandé Cécile Cukierman. Le panachage permet aux électeurs de construire leur liste, après quoi les élus n'ont d'autre choix que d'avancer ensemble. » Pour Cédric Vial (Savoie, LR), « l'introduction du scrutin proportionnel va politiser les petites communes, jusqu'ici préservées de la politique politicienne ». « Pourquoi le gouvernement s'attache-t-il à faire la guerre à la liberté ?, s’est emporté Étienne Blanc (Rhône, LR). La liberté de choisir celui qu'on veut élire, de porter un jugement sur tel ou tel comportement, telle ou telle politique. Vous me direz : c'est une histoire de chasse, de voisinage, de querelle familiale antédiluvienne... Mais c'est la réalité de la France. » Vincent Louault (Indre-et-Loire, Les Indépendants) s’est même dit « peu fier de participer à la remise en cause du dernier bloc de simplicité de notre pays ».
Plusieurs amendements ont été discutés et adoptés, notamment sur les communes nouvelles et l’élection des conseillers communautaires. Au-delà du contenu des débats, Maire info reviendra naturellement dans une prochaine édition sur le contenu précis de ce texte, qui va à présent revenir devant les députés, probablement en avril.
Peut-être la conclusion la plus optimiste de ces débats enflammés revient-elle au député PS de la Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacquin, qui a lancé à ses collègues opposés à l’adoption de ce texte : « C'est comme lors d'une journée ensoleillée où nous devons plonger dans une piscine à l'eau un peu fraîche. On hésite, on y va timidement, mais après l'immersion on ne regrette rien, bien au contraire ! ».
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Restauration scolaire
Le gouvernement organise le retour des assiettes et couverts en plastique dans les cantines et provoque un tollé
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C'est un retour en arrière qui stupéfie les professionnels comme les associations de défense de l'environnement et les élus. Le gouvernement a mis en consultation un projet de décret prévoyant le retour des couverts en plastique dans les cantines scolaires. Explications.Â
C’est dans une relative discrétion et sans publicité que le gouvernement a lancé, le 20 février, une consultation publique sur un projet de décret – consultation qui doit prendre fin vendredi 14 mars. Repérée par nos confrères du Monde, l’information circule depuis hier, et le nombre de contributions sur le site de la consultation publique a explosé. En jeu : le retour des couverts en plastique dans les services de restauration collective des établissements scolaires et des établissements d’accueil du jeune enfant. Une proposition qui, pour beaucoup, est totalement à rebours du sens de l’histoire.
L’état du droit
Petit retour en arrière. En 2018, le Parlement adopte la loi Egalim (loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous), dont l’article 28 dispose qu’à partir du 1er janvier 2025, « il est mis fin à l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique » dans les services de restauration scolaire, universitaire et dans les établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans. Un délai supplémentaire était accordé aux services gérés par les communes de moins de 2 000 habitants, où cette interdiction entrera en vigueur le 1er janvier 2028. Rappelons que par ailleurs, la loi Agec de 2020 applique la même interdiction, à compter du 1er janvier 2025, dans les services de pédiatrie, d’obstétrique et de maternité, ainsi que les services de protection maternelle et infantile.
Si ces décisions sont de portée législative, la définition de ces ustensiles interdits est, elle, d’ordre réglementaire : elle est définie par l’article D541-338 du Code de l’environnement : « Objets destinés à contenir des denrées alimentaires et entrant en contact avec ces mêmes denrées, qui sont utilisés pour la cuisson, la préparation, la remise en température, la présentation, le service ou la consommation des plats, y compris la vaisselle et les couverts. »
Cette définition, puisqu’elle est d’ordre réglementaire, peut donc être modifiée par un simple décret. C’est ce que tente de faire le gouvernement, qui a rédigé un projet de décret modifiant la définition des ustensiles interdits. Le projet de décret supprime la fin de la phrase, c’est-à-dire notamment les mots « y compris la vaisselle et les couverts ». Si ce texte est publié, l’usage des ouverts, assiettes et gobelets en plastique sera donc à nouveau autorisé dans les cantines gérées par les communes de plus de 2 000 habitants, et les communes de moins de 2 000 habitants n’auront pas à les retirer à compter du 1er janvier 2028.
Une loi mal écrite ?
Pourquoi ce revirement ? Depuis le début de la loi Egalim, il y a un débat sur ce sujet du plastique dans la restauration collective, porté par le lobby de l’industrie du plastique, évidemment très hostile à ces dispositions. Il y a bien un hiatus dans les textes : la loi parle de « contenants », et la réglementation en vigueur y inclut « les couverts », qui ne sont pas, stricto sensu, des contenants. En revanche – même si le lobby du plastique prétend le contraire – les assiettes et les gobelets sont bien des contenants, et il est donc logique qu’ils rentrent dans le champ de l’interdiction.
On peut certes regretter que la loi n’ait pas été écrite différemment, et que son manque de précision ait ouvert la voie à d’interminables arguties juridiques de Plastalliance, le syndicat des professionnels de la plasturgie. Mais est-ce une raison pour revenir en arrière, comme semble vouloir le faire le gouvernement ?
En réalité, il semble – selon le quotidien Le Monde – que le gouvernement anticipe le fait que Plastalliance va attaquer le texte dans son ensemble. Un membre du cabinet de la ministre Agnès Pannier-Runacher indique au quotidien : « Nous avons préféré retirer [les assiettes et les couverts] plutôt que de courir le risque d’une invalidation de l’interdiction de tous les contenants alimentaires. »
Mais le gouvernement aurait pu faire d’autres choix, comme celui de porter ou soutenir un texte au Parlement pour sécuriser juridiquement l’article 28 de la loi Egalim. Il ne l’a pas fait, préférant manifestement céder au lobby du plastique.
« Incompréhension » et « sentiment d’abandon » chez les maires
Ce choix désespère les associations de défense de l’environnement, les scientifiques, les experts en santé publique – qui s’expriment par milliers sur le site de la consultation publique. L’écrasante majorité des quelque 3485 avis exprimés ce matin sur le site émane de contributeurs hostiles au projet de décret – voire révoltés. Ce sera, d’ailleurs, une bonne occasion de voir si les consultations publiques servent à quelque chose : si le gouvernement choisit de tenir compte des avis exprimés, il n’aura pas d’autre choix que de remballer son projet de décret.
Cette situation désespère tout autant les maires, dont beaucoup ont fait d’énormes efforts pour se conformer à la loi – sans y être réellement contraints, puisque la loi Egalim ne prévoit pas de sanction.
En 2024, un an avant la prise d’effet de la loi dans les communes de plus de 2 000 habitants, une enquête menée par l’AMF montrait que 62 % des communes n’utilisaient déjà plus « de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe ou de service en plastique » dans leurs cantines. Et sur les 38 % restants, un tiers annonçait être en train de procéder au retrait de ces ustensiles. Depuis, ce chiffre a encore augmenté.
D’où la stupéfaction de Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux et co-président du groupe de travail Restauration scolaire à l’AMF, contacté ce matin par Maire info. « C’est incompréhensible et assez ubuesque. On travaille depuis des années pour retirer le plastique des cantines, dans un contexte difficile, et voilà que le gouvernement fait marche arrière. C’est une prime à ceux qui ne font rien. »
Gilles Pérole rappelle que le retrait du plastique des cantines, là où il a eu lieu, ne s’est pas fait sans mal, parce qu’il pose des enjeux financiers, logistiques et même sociaux. On se rappelle qu’en 2017, toutes les cantines de Bordeaux avaient été en grève lorsque le maire, Alain Juppé, avait fait remplacer les assiettes en plastique par des assiettes en céramique, bien plus lourdes et plus pénibles à manipuler pour les personnels. « Il a fallu expliquer, convaincre, travailler sur les postures et les conditions de travail, mais aussi créer de nouveaux espaces pour le lavage des assiettes ou des contenants en inox », rappelle Gilles Pérole. Tout cela pour voir le gouvernement reculer en rase campagne « face à un lobby du plastique qui pinaille sur les mots… c’est terrible ».
Gilles Pérole est toutefois relativement confiant sur le fait que les maires qui ont franchi le pas ne « reviendront pas en arrière », parce qu’ils l’ont fait davantage « par conviction » que par crainte de sanctions, qui n’existent pas. « Mais quel mauvais signal ! Sans compter l’enjeu des communes de moins de 2 000 habitants, qui ne seront pas incitées à renoncer au plastique si ce décret entre en vigueur. »
L’adjoint au maire s’interroge sur les motivations du gouvernement, qui semble décidément peu enclin à « écouter les scientifiques » sur ces sujets d’écologie et de santé publique. « Il y a eu l’attaque contre l’Agence bio, il y a la ministre qui ne veut pas signer le texte sur le Nutriscore, et maintenant ce décret », se désole Gilles Pérole. « Sur le terrain, il n’y a pas de clivage politique sur ces sujets : je connais autant de maires de droite que de gauche qui font un travail formidable sur l’alimentation. Mais au gouvernement, ça a l’air plus compliqué. » L’élu pointe « un manque de soutien sur des sujets qui ne sont pas simples », et « un sentiment d’abandon » chez les élus.
Il reste à savoir si l’incompréhension quasi générale suscitée par ce projet de décret va pousser le gouvernement à reculer. On le saura très vite, puisque la consultation publique se termine en fin de semaine.
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Cybermalveillance
Directive NIS 2 : une transposition sensible pour les collectivités actuellement débattue au Sénat
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Le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 » a débuté son examen au Sénat hier. Ce texte aura des impacts déterminants pour les collectivités concernées, qui auront besoin de temps et d'accompagnement pour s'adapter et rehausser leurs niveaux de cybersécurité.
Il est enfin arrivé au Sénat. Le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 » qui a été présenté en Conseil des ministres début octobre (lire Maire info du 18 octobre), est en cours d’examen au Palais du Luxembourg depuis hier.
Ce projet de loi « Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité » est composé de trois titres, correspondant chacun à la transposition d’une directive européenne. Le premier titre est consacré à la directive sur « la résilience des entités critiques » (REC) ; le deuxième, à la « cyber-résilience » – il s’agit de la transposition de la fameuse directive NIS 2, déjà souvent évoquée dans nos colonnes ; le troisième titre enfin concerne la résilience du secteur financier.
Toutes les intercommunalités, métropoles et communes de 30 000 habitants et plus devraient être concernées par ces nouvelles règles de cybersécurité. Comme l’a rappelé hier en séance publique Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et rapporteur chargé de l’examen de la transposition de la directive NIS 2, cette nouvelle réglementation « aura des impacts financiers importants pour les collectivités concernées ». L’introduction de garde-fous et de précisions dans ce texte sera déterminante pour que « les nouvelles obligations tiennent compte des moyens humains et financiers » dont disposent les collectivités.
Deux premiers amendements pour accompagner les collectivités
C’est hier soir que les sénateurs ont commencé à se pencher sur l’examen des premiers articles du projet de loi et ce jusqu’à minuit et demi. Pour ce qui concerne NIS 2, les articles 5, 6 et 7 ont été discutés et 4 amendements ont été adoptés.
Deux amendements adoptés sont particulièrement intéressants pour les collectivités, parce qu’ils visent à décliner plus précisément dans le texte ce que pourrait être un plan d’accompagnement local dans l’application de cette directive.
L’amendement 42 à l’article 5 bis rappelle que « les exigences accrues en cybersécurité risquent de peser lourdement particulièrement pour les nouvelles entités concernées : le coût de mise en conformité est estimé à 2 milliards d’euros, dont 1,3 milliard pour les entreprises de taille moyenne et à 690 millions d’euros par an pour les collectivités (hors coût des recrutements rendus nécessaires). La réussite de la mise en œuvre des exigences renforcées de cybersécurité, dans un temps que l'on souhaite le plus court possible, est donc subordonnée à la capacité de l’État à accompagner ces nouvelles entités. » Ainsi, cet amendement du groupe SER propose de compléter la stratégie nationale en matière de cybersécurité prévue par la commission spéciale pour renforcer les besoins d'accompagnement des collectivités nouvellement soumises à des exigences renforcées de cybersécurité et particulièrement l’accompagnement financier. Les modalités de soutien sont donc mentionnées dans le texte mais il reste à définir comment ce soutien va être apporté, de manière concrète.
L’amendement 34, toujours porté par le groupe SER, propose de compléter la stratégie nationale en matière de cybersécurité par un volet compétences et formations nécessaires sur l'ensemble du territoire. Les sénateurs rappellent en effet que « certaines des entités nouvellement soumises aux dispositions de la directive sont moins dotées en ressources humaines, techniques et financières. Et au-delà des coûts, certains territoires ne disposent tout simplement pas des ressources humaines ou de prestataires compétents en matière de cybersécurité pour accompagner les nouvelles entités essentielles ou importantes au sens de la directive NIS 2. »
Communautés de communes et mise en œuvre progressive
L’AMF est particulièrement mobilisée sur le sujet. Michel Sauvade, coprésident de la commission numérique de l’associations avait d’ailleurs été auditionné en février dernier par la Commission spéciale résilience cybersécurité du Sénat aux côtés d’autres représentants d’associations d’élus. Il plaidait alors pour que « le législateur [tienne] compte de la réalité des communes et EPCI afin que la mise en œuvre [de la directive NIS2] soit supportable et faisable » (lire Maire info du 5 février).
Vendredi dernier, avant le début de cet examen au Sénat, le président de l’AMF, David Lisnard, a adressé un courrier au Premier ministre François Bayrou.
Il faut rappeler que le projet de loi prévoit que les « entités essentielles » et les « entités importantes » devront, selon leur classification, répondre à certaines obligations. Les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines et d’agglomérations et les communes d’une population supérieure à 30 000 habitants correspondent au spectre des « entités essentielles » (elles auront davantage d’objectifs à remplir que les entités importantes). Pour les entités importantes, sont notamment concernés « les communautés de communes et leurs établissements publics administratifs dont les activités s’inscrivent dans un des secteurs d’activité hautement critiques ou critiques ». Ainsi, en l’état, la majorité des communes qui seront concernées par les nouvelles obligations ne le seront que par leur intercommunalité de rattachement.
David Lisnard, dans la lettre au Premier ministre, indique que l'AMF regrette l'absence d'étude d'impact sur les conséquences de la transposition, surtout dans le contexte actuel d'incertitude financière. « Les freins sont nombreux, qu’il s’agisse des contraintes budgétaires des communes et des EPCI, de la tension sur les métiers cyber, de l’absence d’ingénierie publique ou de l’absence de visibilité sur les mesures d’accompagnement de l’État », pointe le président de l’association.
Sur ce projet de loi, l’AMF propose d’abord une redéfinition du périmètre d’application en excluant les communautés de communes des règles au titre d’entités importantes et en assujettissant les communautés d’agglomération dont aucune commune membre n’a 30 000 habitants et plus, aux règles des entités importants et non plus à celles des entités essentielles.
« L’AMF propose également une mise en œuvre progressive de la loi pour les communes et EPCI assujettis à NIS 2 en métropole et dans les outre-mer ». Cette dernière devrait se faire par étape, tenant compte des contraintes auxquelles les collectivités locales seront confrontées.
Maire info reviendra sur l’examen de cette transposition qui devrait prendre fin ce jour au Sénat.
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Cybermalveillance
Face à une menace qui augmente, les systèmes informatiques doivent se renforcer, alerte l'Anssi
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L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) vient de publier la quatrième édition de son « panorama de la menace », qui analyse les grandes tendances de la menace informatique en 2024.
4 386 événements de sécurité ont été traités par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) en 2024, soit une augmentation de 15 % par rapport à l’année précédente. Au total, 3 004 signalements et 1 361 incidents ont été portés à la connaissance du cyber-pompier français.
La menace cyber est de plus en plus forte, et l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, semble avoir constitué une opportunité majeure pour les acteurs malveillants. Si en effet, « aucune de ces attaques n’a porté atteinte au déroulement de l’événement », l’Anssi retient que pour les cybercriminels, ce sont des « opportunités conjoncturelles ». De plus, si « l’actualité et des grands événements offrent aux attaquants des moments propices pour agir, les faiblesses techniques exposées par les systèmes informatiques (SI) leur fournissent quant à elles des opportunités constantes. »
Les attaques par rançongiciel sont toujours aussi importantes. Pour rappel, ce type d’attaque est l’un des modes opératoires les plus prisés par les cybercriminels qui mettent en place « un programme malveillant dont le but est d’obtenir de la victime le paiement d’une rançon ». La proportion de collectivités territoriales (17 %) et d’établissements de santé (4 %) victimes de ce type d’attaque a légèrement diminué mais les conséquences restent graves, surtout sur le sur le fonctionnement des communes attaquées (lire Maire info du 27 février).
« L’année a également été marquée par le nombre et l’impact des vulnérabilités affectant les équipements de sécurité situés en bordure de systèmes informatiques (par exemple des pare-feux ou des passerelles VPN), plus de la moitié des opérations de cyberdéfense de l’Anssi, constituant son plus haut niveau d’engagement en réponse à incident, ont ainsi eu pour origine l’exploitation de vulnérabilités sur ces équipements », peut-on lire dans le panorama 2024 de l'Anssi.
Nouveauté inquiétante, qui ne figure pas dans le Panorama mais qui a été évoquée hier, lors d'une interview, par le directeur général de l'Anssi Vincent Strubel : le piratage de panneaux d'affichage municipaux. Ainsi à Vannes, en 2023 déjà, les panneaux d'affichage de voirie avaient été attaqués pour afficher des messages à caractère religieux. D'autres attaques massives de ce type ont été déjouées, à Paris, pendant les Jeux olympiques et paralympiques de l'été dernier, a indiqué Vincent Strubel.
Une évolution vers une logique de sabotage
L’Anssi a pu observer « une évolution vers une logique de sabotage, pour laquelle une vigilance s’impose. » Elle remarque en effet « une hausse des attaques à but de déstabilisation » menées par des groupes dits « hacktivistes » « cherchant à attirer l’attention en mettant en œuvre des attaques de faible technicité mais à forte visibilité ».
Les attaques par déni de service (DDoS) ont d’ailleurs doublé par rapport à 2023 et ont visé plusieurs collectivités. Cela a été le cas par exemple entre le réveillon du Nouvel An et le 1er janvier, où plusieurs cyberattaques ont été menées contre des sites internet de communes, départements et régions de France par un groupe de hackers pro-russes (lire Maire info du 8 janvier).
« À l’instar des années précédentes, ce sont les attaques à finalité d’espionnage qui ont le plus mobilisé les équipes opérationnelles de l’Anssi », apprend-on dans le panorama. Par exemple, « le ciblage d’opérateurs de télécommunications s’est avéré intense et plusieurs incidents d’importance ont été traités par l’Agence. »
C’est dans ce contexte que l’Anssi enjoint les organisations à « durcir et maintenir en condition de sécurité leurs systèmes informatiques (pare-feux, passerelles VPN, etc.) afin de réduire la surface d’attaque ». L’Anssi rappelle « la nécessité urgente d’appliquer les correctifs de sécurité et ce le plus rapidement possible afin de se protéger d’exploitations opportunistes. »
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Investissements
L'Assemblée adopte l'abaissement à 5 % de la « participation minimale » des communes rurales aux investissements
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Alors que le gouvernement a pointé un risque de contentieux, l'application de cette mesure pourrait être « fortement » retardée à cause des modifications apportées par les députés ainsi que des délais de la navette parlementaire.
Les députés ont adopté, hier, en première lecture et à l’unanimité, une proposition de loi créant « une dérogation à la participation minimale » pour la maîtrise d’ouvrage dans les communes rurales. L’objectif : aider celles-ci à financer plus facilement leurs investissements.
Initié et adopté il y a un peu plus d’un an par les sénateurs, le texte approuvé à l’Assemblée nationale permettrait d’abaisser à 5 % la « participation minimale » des communes rurales dans leurs projets d’investissement. Et d’augmenter donc jusqu’à 95 % la part des subventions publiques, qu'elles viennent de l'État, des collectivités ou des EPCI.
Patrimoine, bâtiments, voirie, ponts, eau…
C’est « un beau signal envoyé à nos communes rurales », s’est félicité hier le rapporteur de la commission des lois, Jean Moulliere, qui a salué un texte qui cible « des projets d’investissement qui n’engendrent que pas ou peu de frais de fonctionnement futurs ».
En effet, il limiterait le champ des investissements concernés en ciblant les projets les « plus structurants » : la dérogation ne sera accordée que pour certains projets en matière de rénovation du patrimoine, d’eau et d’assainissement, de rénovation thermique des bâtiments, de ponts et d’ouvrages d’art, de voirie communale ou encore de protection contre les incendies.
Pour mémoire, à l'heure actuelle, une collectivité locale, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, ne peut pas recevoir plus de 80 % de subventions publiques pour financer son opération, et doit donc y participer à hauteur de 20 % minimum.
Bien que certaines dérogations existent (le minimum peut être porté à 10 % dans certains cas, les collectivités ultramarines bénéficient d’une exonération totale tandis que l’État et les préfets peuvent aussi en accorder au cas par cas), la participation minimale peut encore rester « disproportionnée » et ces dérogations restent « peu ou pas appliquées », a rappelé le député Horizons du Nord qui en a dénombré que « quelques dizaines » sur plus de 20 000 projets en 2022. Ce qui pénalise l'investissement des communes rurales.
Un faible recours à ce dispositif qui s’explique par plusieurs causes, selon l’élu : ces dérogations sont ainsi « trop peu connues » des élus locaux, tandis que « les motifs d’octroi ou de refus de ces dérogations ne sont pas explicités et ne semblent pas faire l’objet d’une application uniforme sur le territoire ». Sans compter, un montage de dossier « complexe » pour des communes rurales ne disposant que de peu d’outils d’ingénierie financière.
Application « fortement retardée »
Alors que les sénateurs avaient décidé, lors de leurs débats, de restreindre le bénéfice de l’abaissement à 5 % de la participation minimale aux seules « communes de moins de 2 000 habitants » (dont « le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants »), les députés ont choisi revenir à « l'esprit initial » de cette proposition de loi en élargissant le dispositif à l’ensemble des communes rurales. Via un amendement du groupe LFI.
La dérogation serait ainsi permanente pour toutes les communes de moins de 2 000 habitants, mais aussi celles de 2 000 à 5 000 habitants n’appartenant pas à une unité urbaine et appartenant à une unité urbaine de moins de 5 000 habitants.
Si le texte sénatorial n’était « peut-être pas parfait », cette modification de la proposition de la loi par les députés pourrait « fortement retarder la poursuite de la navette parlementaire », a pointé Jean Moulliere. En cause, le fait que le groupe de centre droit « les Indépendants », qui a porté le texte au Palais du Luxembourg, « ne puisse plus inscrire de texte à l’ordre du jour du Sénat pour cette session ».
Conséquence, cette mesure ne pourra pas être appliquée « dès le mois d’avril ». Il faudra donc attendre pour voir les maires des communes rurales en bénéficier, alors même que les collectivités subissent une « érosion de leurs ressources financières ».
Risque de « contentieux » lié au FCTVA ?
Si le gouvernement de l’époque ne s’était guère montré favorable à ce texte, celui de François Bayrou y a apporté son soutien, sous réserve de l’adoption d’un « dispositif de sécurisation des élus et des préfets »… qui a été finalement rejeté.
Sans ce correctif, « le dispositif ne pourrait être mis en œuvre sans exposer les élus locaux à un risque pénal et il ne pourrait donc pas être utilisé dans de bonnes conditions de sécurité juridique », a prévenu le gouvernement dans son amendement.
Si la ministre chargée de la Ville, Juliette Méadel, a donc salué une proposition de loi « louable », elle estime qu’elle aurait nécessité « un petit ajustement de nature juridique » face au risque « d’enrichissement sans cause » lié aux « mécanismes de remboursement du FCTVA ».
« Ces remboursements s’ajouteraient aux différentes subventions perçues par les collectivités dans le cadre de leurs projets d’investissement », a-t-elle expliqué. In fine, le risque serait de voir des communes bénéficier d’un financement total du projet qui serait « supérieur au coût » de cet investissement.
D’où le risque d’un possible « enrichissement sans cause » et de « contentieux » qui « compliquera encore plus la conduite de ces projets d’investissement ». Les communes pourraient ainsi être obligées de « rembourser le trop-perçu » et cela menacerait les plans de financement. Autrement dit, « on arriverait à l’inverse de l’objectif initial », a mis en garde Juliette Méadel. Sans compter que le préfet serait lui aussi exposé et donc vraisemblablement plus réticent à distribuer ses financements, selon la ministre.
Un argument qui « ne tient pas forcément la route », a balayé Jean Moulliere, se référant notamment aux mécanismes de « la loi post-émeutes » de 2023. « Aujourd’hui, pour le FCTVA, lorsque vous demandez une subvention, vous la demandez sur du "hors taxe" pour éviter d’avoir un enrichissement sans cause », a-t-il défendu, soulignant que « des précisions pourraient toujours être apportées par voie réglementaire ».
Désirant s’inspirer du mécanisme dérogatoire existant, la ministre souhaitait également que l’abaissement à 5 % soit à la main des préfets. Ceux-ci auraient ainsi pu prendre en compte les « capacités financières » de la collectivité afin de défendre uniquement « les petites communes qui ont le plus besoin de la solidarité nationale ».
En retournant à un système de dérogation préfectoral, « on viderait de sa substance » le texte, s’est ainsi opposé le rapporteur, rappelant que « ce système ne fonctionne pas et reste opaque ». Il a, enfin, pointé un amendement qui serait « moins disant » que le droit en vigueur.
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Journal Officiel du mercredi 12 mars 2025
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