Édition du jeudi 6 mars 2025 |
Défense nationale
Emmanuel Macron prévient que des choix budgétaires difficiles sont à venir face à la « menace russe »
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Dans une intervention télévisée consacrée à la crise géopolitique, Emmanuel Macron s'est dit convaincu que l'Europe est confrontée à une menace militaire directe, et a appelé à des choix budgétaires « courageux » pour y faire face.Â
« Nous rentrons dans une nouvelle ère. (…) La menace revient à l’est. » Le ton grave et solennel, le président de la République s’est adressé aux Français hier soir à 20 heures pour tirer les leçons des événements internationaux de ces derniers jours : la volte-face de l’administration américaine depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui a manifestement décidé de chercher un accord avec la Russie de Vladimir Poutine et de cesser de soutenir l’Ukraine. Beaucoup craignent à présent que ce renversement d’alliance soit synonyme, également, d’une forme de rupture de l’alliance historique entre les États-Unis et l’Europe.
Une « menace » déjà à l’œuvre
C’est sur ce sujet qu’est intervenu le chef de l’État, qui plaide depuis plusieurs semaines auprès de ses homologues européens pour une « défense européenne », moins dépendante des États-Unis. Le ton de son intervention est en opposition directe avec la ligne défendue à Washington – où l’on se dit prêt à lâcher l’Ukraine pour sceller une « paix durable » avec la Russie : pour Emmanuel Macron, la Russie représente aujourd’hui « une menace pour la France et pour l’Europe ». Il a d’ailleurs expliqué que cette « menace » n’est pas que théorique, et que déjà aujourd’hui « la Russie teste nos limites ». Outre les « cyberattaques » constantes et les campagnes de désinformation, ces « tests » de la Russie se déroulent « dans les airs, en mer et dans l’espace », a déclaré le chef de l’État sans donner plus de précision. Mais quelques heures avant, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait évoqué une manœuvre de « harcèlement » d’un avion de chasse russe contre un drone de l’armée française, en Méditerranée, dans les eaux internationales, « attestant la volonté de restreindre la libre circulation aérienne dans les espaces communs », a déclaré le ministre.
Le président français s’est dit convaincu que la Russie, dont « l’agressivité semble ne pas connaître de frontières », « ne s’arrêtera pas » à l’Ukraine.
Dans ces circonstances, Emmanuel Macron s’est clairement démarqué des États-Unis en refusant « l’abandon de l’Ukraine », « la capitulation », et même « un cessez-le-feu qui serait trop fragile ».
33 milliards à trouver, selon Sébastien Lecornu
Il y a donc, pour le chef de l’État, une absolue nécessité à « être capables de mieux se défendre et de dissuader toute nouvelle agression ». Dans le sillage de la présidente de la Commission européenne, Ursula Van der Layen, qui a proposé cette semaine un réarmement de l’Europe à 800 milliards d’euros, Emmanuel Macron estime que la France doit « s’équiper davantage », tant en armes qu’en hommes. Il a évoqué, au passage, la possibilité de l’envoi de troupes européennes en Ukraine, non pas pour combattre mais après la signature éventuelle d’une paix, pour garantir celle-ci.
Mais la question essentielle est celle du budget militaire, qui va devoir fortement augmenter, ce qui nécessitera « des nouveaux choix budgétaires », « courageux ». Emmanuel Macron ayant promis que ce virage budgétaire se fera « sans augmenter les impôts », il prévoit donc un rééquilibrage des finances publiques avec davantage de poids porté à la défense, ce qui supposera mécaniquement de diminuer d’autres budgets. Il a demandé au gouvernement, mais aussi aux partis politiques et aux partenaires sociaux, de « faire des propositions » à ce sujet.
Le chef de l’État n’a pas chiffré, hier, les besoins pour réarmer le pays – il a simplement fait remarquer que depuis son arrivée à l’Élysée, le budget de la défense est passé de 32 milliards d’euros à 50,5 aujourd’hui, et 67 milliards prévus par la loi de programmation militaire en 2030. Sébastien Lecornu, le même jour, dans un entretien au Point, a été plus loin, estimant qu’il fallait viser un budget militaire autour de « 100 milliards d’euros ». On mesure l’effort que cela représente : par rapport à 2025, il s’agirait d’augmenter ce budget de 33 milliards d’euros.
À quoi servira cet argent ? D’une part, à investir dans la production et l’achat de matériel – le gouvernement insistant sur le fait que l’armée française ne dispose pas aujourd’hui d’un matériel suffisant pour faire face à une guerre. D’autre part, à recruter des hommes – certains experts militaires estiment que l’armée française devrait augmenter ses effectifs de peut-être 100 000 hommes supplémentaires dans les années à venir, ce qui semble inimaginable en ne comptant, comme aujourd’hui, que sur l’engagement volontaire. Si le chef de l’État n’a pas évoqué, hier, quelque perspective que ce soit de rétablissement d’une forme de service militaire, l’idée est brandie de plus en plus fréquemment par les spécialistes des questions de défense.
Vers des mesures douloureuses ?
Il reste à savoir, maintenant, où le gouvernement va trouver l’argent pour financer ces efforts inédits depuis des décennies, en pleine période de disette budgétaire. Si l’idée d’un « grand emprunt » fait son chemin, il y a fort à parier, en entendant le chef de l’État parler de « choix courageux », que cette politique conduira à des coupes budgétaires impopulaires, voire douloureuses, sur les budgets publics.
Antoine Armand, l’éphémère ministre de l’Économie du gouvernement Barnier, aujourd’hui député macroniste, a lancé le bal avant-hier sur Public Sénat, estimant qu’il faut aller chercher « dans les dépenses sociales et les dépenses de santé » pour dégager des marges budgétaires. Mais aussi, poursuit-il, « de la capacité à dire que certains travailleront davantage, ici ou là dans l’éducation ou les collectivités locales ».
La réponse à la « menace » décrite par le chef de l’État, hier, va-t-elle se traduire par des coupes claires, dans les années à venir, dans les budgets de la santé, de l’éducation ou des collectivités ? La réponse va certainement venir très vite.
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Finances locales
Impôts locaux : François Rebsamen veut « avancer » sur « une contribution minimum » payée par les résidents
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Face aux conséquences de la suppression de la taxe d'habitation, le ministre de l'Aménagement du territoire s'est dit « favorable » à une réflexion sur la création d'une « contribution minimum » faisant le « lien » entre « une résidence et la collectivité ». « Ce n'est pas possible qu'un certain nombre de communes ne puissent vivre qu'avec 20 % de contributeurs », a-t-il expliqué.
Une nouvelle contribution locale va-t-elle bientôt voir le jour ? C’est, en tout cas, le souhait émis par le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, lors de son audition, mardi, devant la délégation aux collectivités territoriales du Sénat durant laquelle il a présenté sa feuille de route pour les collectivités.
Depuis que la taxe d’habitation sur les résidences principales a été supprimée, l’ancien maire de Dijon considère que « ça ne va pas » et il déplore que cette réforme ait « rompu le lien entre le citoyen et la collectivité dans laquelle il réside ».
« Nous devons le faire »
Un constat identique à celui fait, en novembre dernier, par l’ancienne ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin, qui envisageait déjà à l’époque la mise en place d’une « contribution citoyenne au service public » afin de renflouer les caisses des collectivités.
Et si l’ancienne présidente du Grand Reims avait bien précisé qu’il était hors de question de créer une nouvelle taxe, François Rebsamen n’a, semble-t-il, rien exclu pour l’heure.
« Je suis favorable à ce qu’on reprenne une réflexion sur une contribution minimum qui soit quelque chose » qui fait le « lien » entre « une résidence et la collectivité », a-t-il ainsi défendu devant les sénateurs. Une idée qu’il « pense remettre sur la table dans la réflexion ».
« Nous devons le faire, et si je peux le faire avec l’appui des sénateurs, ce sera bien volontiers, parce que [la situation actuelle] ne durera pas longtemps », a-t-il estimé. « Ce n’est pas possible qu’un certain nombre de collectivités, de communes, ne puissent vivre qu’avec 20 % de contributeurs. Il y a des communes où il y a 80 % de propriétaires et d’autres […] où il y a 20 ou 30 % de contributeurs. Cela veut dire qu’il y a 60 à 70 % de gens qui n’ont plus de lien [fiscal avec la collectivité], et pourtant ils bénéficient des services publics quand ils sont gratuits », a pointé le ministre, assurant que s’il « peut avancer, [il] le fera ».
Déficit : les collectivités « continueront à contribuer »
Le ministre a, par ailleurs, fait savoir qu’il « défendra jusqu'au bout » la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Dans le cadre de « la réflexion qui est menée sur le rassemblement et la fusion des dotations d'investissement », il a assuré qu’« il y aura une place à part pour la DETR, quoiqu’il advienne ».
S’il souhaite « préserver la capacité d’action des collectivités locales », le ministre a souligné que ces dernières « continueront à participer à l'effort de redressement de nos comptes ».
Et pour que la contribution soit « juste », il faudra « procéder avant à un diagnostic objectif », a-t-il indiqué, en défendant l’idée d’« une conférence financière des territoires ». Celle-ci se réunira « dans les toutes prochaines semaines » dans le but « d’atteindre les objectifs » de la loi de finances pour 2025. Avec la ministre des Comptes publics, il a donc demandé l’organisation de « réunions régulières avec notamment les associations d’élus » pour faire le point « tous les mois, tous les deux mois » afin de vérifier que « la trajectoire qui a été définie [d'un déficit à 5,4 % du PIB pour 2025] était tenue ».
Une annonce qui intervient alors que le ministre de l’Économie souhaite créer un « comité d’alerte » budgétaire où seront déjà conviées les associations d’élus. Et qui est déjà critiqué par le président du Comité des finances locales.
Rappelons que l'AMF, dans la résolution adoptée lors de son dernier congrès, s'était dite favorable à la création d'une « contribution territoriale universelle, sans augmenter le niveau global des prélèvements obligatoires ».
« Réformes de structure »
Devant « une grande difficulté [pour la] préparation du budget 2026 », le gouvernement va donc engager une réflexion méthodologique sur la réalisation « de réformes de structure, dans un temps très court, afin d’aborder le PLF 2026 dans de meilleures conditions [que le précédent]... si tant est que nous soyons toujours là », a-t-il prévenu.
« Pour le Premier ministre, on ne peut pas aborder la loi de finances 2026 comme on a abordé celle de 2025 », a relayé François Rebsamen, « car si on fait pareil, à supposer que l’ambiance générale continue de se dégrader, avec des évolutions de PIB modérées, […] nous allons nous retrouver en 2026 à essayer d’ajuster, à quelques pourcents près, ce que nous avons fait cette année ».
Le Premier ministre a donc « demandé aux ministres de faire une revue précise des missions, sous 15 jours, […] d’évaluer dans un deuxième temps le coût de ces missions, […] de proposer une nouvelle organisation, sous 15 jours, et d’avoir ensuite le débat sur les moyens nécessaires pour cette nouvelle organisation et ces missions ». « C’est finalement un budget un peu renversé qui nous est demandé, et les réformes de structure sont dans cela », a détaillé celui qui est toujours président de la métropole de Dijon.
Statut de l’élu, eau, Zan…
Pour le reste, il a indiqué que l’exécutif continuerait à soutenir les Maisons France services avec l’objectif d’atteindre « les 3 000 Maisons sur l’ensemble du territoire ».
En outre, il a précisé que la proposition de loi sur le statut de l’élu serait bien présentée à l'Assemblée nationale « au cours du prochain trimestre » et que son ministère formulera une dizaine de propositions « opérationnelles directement » pour simplifier l’exercice des missions des élus locaux.
Concernant les compétences eau et assainissement, il a confirmé qu’il respecterait l’engagement pris par Michel Barnier : « Lorsqu’une commune n’a pas intégré un EPCI ou un syndicat, elle ne sera pas forcée de mutualiser […] sans remettre en cause les mutualisations qui ont déjà eu lieu », a-t-il souligné, considérant toutefois qu’il y a « une réflexion à avoir sur le fonctionnement des Agences de l’eau ».
Pour rappel, la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences eau et assainissement a déjà été adoptée au Sénat et vient de l’être en commission des lois de l'Assemblée nationale.
Concernant le Zan, enfin, il a maintenu son souhait de voir reporter l’objectif intermédiaire de 2031 à 2034, mais pas de le supprimer alors que certains sénateurs cherchent à abroger ce point d'étape.
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Assurances
Assurance des collectivités : des élus plaident pour une « structure publique »
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Lors d'une audition au Sénat, avant-hier, plusieurs maires ont décrit les difficultés qu'ils rencontrent pour assurer les biens de leur commune et les solutions parfois baroques auxquelles ils sont contraints de faire appel. Certains plaident pour une structure d'assurance publique.Â
La question de l’assurabilité des communes est plus que jamais sur le devant de la scène. Mise en avant depuis des mois par l’AMF, cette question a semble-t-il trouvé l’oreille du Premier ministre lui-même, qui a récemment adressé un courrier aux maires, à ce sujet. « Je suis frappé par le nombre d'alertes qui me sont remontées (…) concernant les difficultés que rencontrent de nombreuses communes pour s'assurer », écrivait celui qui est toujours maire de Pau, le 17 février. « Pour prendre la mesure réelle de ces difficultés, j'ai besoin que vous me signaliez directement les refus auxquels vous êtes confrontés lorsque vous tentez de renouveler vos contrats d'assurance. » François Bayrou demande aux maires de lui envoyer directement les signalements à l’adresse assurances.collectivites@pm.gouv.fr et les assure que cette question « sera traitée dans les meilleurs délais ». Sans contester que cette démarche prouve l'intérêt du Premier ministre pour la question, on peut douter en revanche que l'invitation faite aux maires d'envoyer des mails permette de faire le tour du problème. Il pourrait sembler plus efficace, par exemple, de demander aux assureurs de donner leurs chiffres sur le nombre de contrats qu'ils ont résilés ou d'appels d'offre auxquels ils refusent de répondre.
Autre point notable dans la courte lettre du Premier ministre aux maires : il explique que les pistes identifiées par la mission Chrétien-Dagès, si elles sont intéressantes, lui semblent insuffisantes pour régler les difficultés « à court terme ». Il dit donc avoir donc demandé à Bercy de proposer « des solutions complémentaires ». Or, selon nos informations, le plan préparé par le gouvernement sur ce dossier, qui devrait être rendu public dans les prochains jours, ne contient à ce stade aucune « mesure complémentaire », et reprend l'essentiel des propositions du rapport Chrétien-Dagès. Est-ce à dire que le Premier ministre considère déjà ce plan comme obsolète ?
Des exemples parlants
En tout cas, du côté des élus auditionnés par le Sénat avant-hier, une solution intéressante serait d'aller vers une nouvelle forme d’assurance publique pour les collectivités. Durant cette audition, une demi-douzaine de maires ont été invités à témoigner de leurs difficultés en matière d’assurance.
Didier Lechien, maire de Dinan, a par exemple décrit « la réticence des assureurs à accompagner » sa commune. En mars 2023, l’assureur de la commune a annoncé son intention de résilier le contrat de dommages aux biens. « Nous avons lancé un appel d’offres qui s’est révélé infructueux, puis, en septembre, nous sommes passés à une procédure de gré à gré ». Résultat : « Une fin de non-recevoir. » Le maire a rappelé qu’avant cet épisode, la prime annuelle avait « sextuplé » entre 2018 et 2020, passant de 43 000 à 287 000 euros ! Pour Didier Lechien, l’explication de cette situation est simple : « Pour les assureurs, le marché des collectivités est un marché non rentable. » Résultat final : aujourd’hui (depuis le 1er janvier), la commune de Dinan est assurée « par deux assureurs étrangers, un américain et un japonais ».
Même situation ubuesque à Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), commune dévastée en 2020 par la tempête Alex, qui avait fait « 25 millions d’euros de dégâts sur la commune ». Le maire, Sébastien Olharan, a rappelé devant les sénateurs qu’une grande partie de ces dégâts n’a toujours pas été indemnisée par les assureurs. Mais de surcroît, l’assureur de la commune (la Smacl) a annoncé au maire que le contrat serait résilié fin 2023. « Aucun autre assureur n’a accepté de nous faire une offre », et là encore la procédure de gré à gré s’est révélée infructueuse. La commune s’est donc retrouvée sans assureur début 2024. Le Bureau central de tarification (BCT), saisi par le maire, a alors proposé un contrat couvrant … les 15 premiers jours de l’année, pour 5 400 euros, alors que la commune payait jusque-là « 15 000 euros pour l’année ». Par la suite, le BCT a réussi à obliger « 5 assureurs à se partager 20 % du risque de la commune », dans des conditions léonines : le contrat est passé de 15 000 à 100 000 euros, la franchise a explosé, passant à 500 000 euros, et les garanties ont été fortement diminuées.
Les témoignages se sont multipliés : Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly (Seine-Maritime), a vu elle aussi son contrat résilié, cette fois au lendemain des émeutes de l’été 2023, qui ont durement touché sa commune – une école maternelle en partie détruite. La maire a réussi à convaincre son assureur de rester un an de plus, puis, en passant par un courtier, a fini par trouver un nouvel assureur, avec une prime multipliée par 2,5 et une franchise passée de 100 000 à un million d’euros.
Une structure publique ?
Charlotte Goujon a donc plaidé devant les sénateurs pour « la création d’une structure publique ou parapublique qui permettrait aux collectivités qui se retrouvent sans solution de pouvoir réussir à trouver une assurance. » Elle a prévenu que la solution de l’auto-assurance était « la pire », puisqu’elle forcerait les collectivités, faute de moyens, à devoir renoncer à de nombreux investissements.
Même avis de Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier (Loire) : « Si le marché ne fait pas son affaire et n’est pas capable d’apporter une réponse aux collectivités locales », peut-être faut-il « une structure publique ». Vincent Bony, en passant, a rappelé que le système assurantiel ne connait pas vraiment de difficultés financières : « Fin septembre 2024, l’encours des placements financiers des assureurs atteint 2 731 milliards d’euros, en hausse de 64 milliards d’euros sur un trimestre ! ».
Sébastien Olharan a, également, demandé une réflexion « un nouveau système dans lequel le privé assure le privé et le public assure le public, un système mutualiste dans lequel nos collectivités locales mettraient dans un pot commun au lieu de payer des cotisations à des assureurs privés pour partager le risque à l'échelle du territoire national ».
Bernard Delcros, le président de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, s’est dit parfaitement en phase avec les propos des maires : « Les collectivités ne sont pas responsables des émeutes, elles gèrent des services publics. On ne peut pas imaginer de laisser la situation se dégrader encore » sur les questions d’assurances. « Ou on trouve des moyens pour que les assureurs privés assurent les collectivités dans des conditions acceptables, (…) ou on trouve une solution publique. Il faut explorer toutes les pistes. »
Tentatives de justification
La solution d’une structure publique, en tout cas, ne convainc pas Édouard Veillefond, directeur de la Caisse centrale de réassurance, qui est intervenu lors d’une deuxième audition. Celui-ci a d’abord justifié, « malheureusement », un « mouvement de rééquilibrage du marché », qui se traduit par une augmentation des primes et des franchises, mais a estimé que cette situation était « conjoncturelle ». On notera également les propos étonnants du directeur de la CCR, en réponse aux élus qui avaient, lors de la précédente audition, plaidé pour un traitement à part des collectivités locales sur la question assurantielle, eu égard à leurs missions de service public. Pour Édouard Veillefond, l'argument est non recevable : « Les collectivités locales sont obligées de se comporter comme des entreprises. (...) Il n'y a pas le choix. Malheureusement, du point de vue de l'assurance, c'est la même chose. (...) Si ça marche pour les entreprises, il n'y a pas de raison que ça ne marche pas pour les collectivités. » Voilà qui est éclairant sur la vision du monde des assurances sur les collectivités locales : des entreprises comme les autres.
Sur l’éventualité d’un « régime public », Édouard Veillefond s’est montré peu enthousiaste. D’abord, « il y aura toujours une surprime, une extension de garantie obligatoire, donc ça ne sera pas gratuit ». Par ailleurs, « il faudrait une mutualisation maximale, chacun devrait contribuer, entreprises, collectivités et particuliers ».
Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l’assurance, a lui aussi cherché à relativiser le problème. « Combien de communes sont vraiment en difficulté ? », a-t-il demandé, estimant qu’il y a sans doute « très peu de communes qui ne trouvent pas d’assureurs ». Il y a certes « des communes où le maire est un peu démuni, où il a sans doute besoin d’un peu d’aide ». Avec un certain franc-parler, il a expliqué que pour que les assureurs viennent, il faut que le risque soit « appétissant ». Il faut donc réfléchir à la façon de rendre « le risque plus appétissant ».
Pour le Médiateur de l’assurance, il faut surtout que les communes puissent faire appel à des consultants pour les aider à trouver le bon contrat. Il faut permettre une « assistance financière de quelques milliers d’euros » pour les communes les plus en difficulté, « pour les aider à payer un consultant qui va les aider à structurer leur offre ». « Mais qui va payer cette assistance ? », a-t-il interrogé, évoquant au passage… l’AMF !
Enfin, plutôt que de créer une nouvelle structure publique ou parapublique, Arnaud Chneiweiss a rappelé que « l’État possède une très grande entreprise d'assurance qui est publique : ça s'appelle CNP Banque Postale. » Et de conclure à l’attention des sénateurs : « Peut-être pouvez-vous lui suggérer de s'intéresser à ce marché ? »
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Urbanisme
Les jardiniers et paysagistes profitent des efforts de transition écologique
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Les entreprises du paysage (paysagistes, jardiniers) ont vu leur chiffre d'affaires croître de 2,5 % en 2024, porté par les démarches de verdissement des villes et de prise en compte de la transition écologique et sont en fort besoin de recrutement, selon les chiffres publiés jeudi par leur organisation professionnelle.Â
« La filière est en plein tournant, avec les sujets environnementaux et de biodiversité », a souligné auprès de l’AFP le président de l’Union nationale des entreprises du paysage (Unep), Laurent Bizot.
Les jardiniers et paysagistes sont désormais appelés pour « contribuer à la création d’îlots de fraîcheur, pour la renaturation de ville, pour la désartificialisation des sols », a-t-il listé, expliquant qu’aux connaissances sur les végétaux s’ajoutent celles des « sols, de l’eau, de la faune pour s’approprier ces sujets ».
En résulte un fort besoin de recrutement: au deuxième semestre 2024, trois quarts des 35 000 entreprises du paysage ont recruté de nouveaux salariés, dont 45 % d’embauches en CDI. Et 43 % des entreprises interrogées dans le cadre de l’étude de l’Unep déclarent avoir rencontré des difficultés de recrutement au cours du semestre dernier.
« On embauche 35 à 40 personnes par jour et on pense qu’il nous en manque à peu près autant », illustre Laurent Bizot, qui fait part de difficultés de recrutement observées « depuis de nombreuses années ». Il espère que les mutations du secteur et l’apparition de nouveaux métiers liés à la biodiversité rendent le secteur encore plus visible et attractif.
Courbe favorable
Nicolas Leroy, président de la commission économique de l’Unep, s’est réjoui de la « poursuite d’une courbe favorable de croissance et de développement depuis quelques années » pour les métiers du paysage.
L’année 2024 a néanmoins montré « de premiers signaux d’un léger ralentissement de la croissance », selon Nicolas Leroy, qui rappelle que le chiffre d’affaires du secteur a connu des progressions de 4 % à 5 % les années précédentes.
Les incertitudes politiques et la météo ont eu un impact négatif sur les entreprises du paysage en 2024. Dans le détail, l’activité d’entretien des jardins et des espaces de nature affiche une hausse de 5,5 % au second semestre de 2024, tandis que l’activité de création de nouveaux espaces verts a progressé de 2,5 %.
Les particuliers, qui représentent la moitié du chiffre d’affaires des jardiniers et paysagistes, ont généré 4 % d’activité en plus par rapport au premier semestre, « portée par une amélioration du pouvoir d’achat des ménages », selon l’Unep.
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Environnement
Frelon asiatique : une proposition de loi pour soutenir les collectivités locales
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Une proposition de loi va être débattue aujourd'hui à l'Assemblée nationale sur la lutte contre la prolifération du frelon asiatique et la préservation de la filière apicole. Cette proposition adoptée au Sénat vise, entre autres, à soutenir les collectivités locales en la matière.
Dans la lutte contre la prolifération du frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), « les collectivités assument aujourd’hui la quasi-intégralité des dépenses publiques », écrivent les auteurs de cette proposition de loi adoptée par le Sénat en avril dernier, et qui va être examinée aujourd’hui par les députés. Pourtant, il s’agit bien d’un problème national : repéré pour la première fois dans le Lot-et-Garonne il y a vingt ans, le frelon asiatique a aujourd’hui colonisé la totalité du territoire hexagonal et s’avère un fléau pour les apiculteurs : cet insecte se nourrit de miel et est capable de détruire des ruches entières pour trouver sa nourriture. Selon les auteurs de la proposition de loi, la filière apicole perd près de 11 millions d’euros par an du fait des dégâts causés par ce prédateur.
Faute « d’une action forte de l’État », la lutte contre le frelon asiatique est assumée en grande partie par les collectivités locales, les maires étant « aux avant-postes de cette politique » : « Ils essayent autant que faire se peut de financer ici et là des pièges et participent aux destructions de nids mais sans coordination avec les autres territoires faute de moyens », écrivent les sénateurs. EPCI et départements font, eux aussi, ce qu’ils peuvent pour aider les communes, par exemple en finançant des pièges, mais toutes ces initiatives se font « en ordre dispersé », regrettent les sénateurs, qui demandent donc « la création d’un outil de lutte globale, cohérent et efficace ».
Plan national et plan départemental
Le texte, adopté par le Sénat après ajout de plusieurs amendements, est composé d’un article unique qui viendrait modifier le Code de l’environnement. Il propose d’instituer un « plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes ». Ce plan serait élaboré « en concertation avec les organismes à vocation sanitaire, les associations représentatives des élus locaux, des représentants d’acteurs socio-économiques directement touchés par la mise en danger des pollinisateurs et d’associations de protection de l’environnement ainsi que des membres de la communauté scientifique ».
Le plan devrait définir des « orientations nationales » en matière de surveillance, de prévention, de piégeage et de destruction ; une classification des départements « en fonction de la pression de prédation et des dégâts causés » ; et surtout, des financements. Après son passage en commission au Sénat, il a été adopté une rédaction privilégiant un financement « multipartite » entre l’État, les collectivités locales et « les acteurs socio-économiques et sanitaires ». Le plan national devrait également déterminer « l’opportunité de classer le frelon asiatique parmi les dangers sanitaires de deuxième catégorie ».
La proposition de loi vise également à permettre l’élaboration de « plans départementaux », élaborés conjointement par les préfets, les représentants des communes et des EPCI, l’OFB et les autres acteurs. « Le plan départemental organise l’évaluation du niveau de danger pour la santé publique et des dégâts sur les ruchers des nids de frelons asiatiques déclarés ainsi que la procédure de signalement et de destruction. » Il est proposé que le signalement d’un nid puisse être établi « par l’intermédiaire du maire de la commune » concernée ou « d’un membre du conseil municipal désigné par lui ».
Le texte propose enfin que les pertes économiques causées par le frelon asiatique à la filière apicole soient indemnisées par le Fonds national de gestion des risques en agriculture.
Le texte initial prévoyait également que tout habitant d’une parcelle sur laquelle se trouve un nid de frelons asiatiques soit obligé de déclarer celui-ci en préfecture. Cette disposition a été supprimée en commission.
Avant la séance d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale, une quarantaine d’amendements ont été déposés. L’un d’entre eux propose de revenir à un financement de la destruction des nids par l’État seul, au lieu d’un financement « multipartite ». Un autre vise à rétablir l’obligation pour les propriétaires de signaler les nids de frelons asiatiques – sans sanction en cas de manquement. Selon les auteurs de l’amendement, l’AMF, durant les auditions, « a souligné l’opportunité du rétablissement de cet article à titre incitatif ».
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Journal Officiel du jeudi 6 mars 2025
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
Ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative
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