Édition du lundi 10 février 2025 |
Finances locales
Le gouvernement affirme que l'aide aux maires bâtisseurs et le fonds climat territorial sont finalement confirmés dans le budget 2025
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Le gouvernement a précisé que les crédits du fonds d'urgence à la culture ne bénéficieraient pas qu'aux structures « d'intérêt national ». Côté mauvaises nouvelles, l'exécutif envisage d'ores et déjà de nouvelles réductions de dépenses pour les collectivités en 2026.
Face au flou entourant plusieurs mesures inscrites – plus ou moins clairement – dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le gouvernement a cherché à apporter, ces derniers jours, quelques précisions.
En attendant que le Conseil constitutionnel rende jeudi son verdict sur ce projet de budget (dont certaines mesures juridiquement fragiles pourraient être censurées), ces éclaircissements de l’exécutif portent tout aussi bien sur le logement, le climat, la culture que sur l’abaissement du seuil d’exemption à la TVA.
Maires bâtisseurs : une aide de 100 millions d’euros
C'était une mesure qui avait été annoncée par François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale, mais qui était restée jusqu’à présent sous les radars, lors de l’examen du projet de budget : le soutien aux « maires bâtisseurs ».
Dans un communiqué publié vendredi, le ministère du Logement a confirmé qu’il y aura bien une aide en 2025 pour « les maires bâtissant des logements », à hauteur de 100 millions d’euros. Sans plus de précisions, il indique que cette disposition fait partie d’autres mesures visant à soutenir la production de logements sociaux, telles que la poursuite de la compensation de l’exonération de taxe foncière « pendant 10 ans » pour les logements sociaux agréés en 2025.
Si les conditions d'application de ce soutien aux maires bâtisseurs n'ont pas encore été fixées, le cabinet de la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, vient de saisir l'AMF pour savoir sous quelle forme cette aide pourrait être versée. L’idée étant que les 100 millions d’euros soient « utilisés relativement sur le long terme et ne soient pas rendus fongibles dans les premiers mois, au regard de la crise de la construction actuelle », indique ce matin l'association.
Cette annonce arrive alors que Valérie Létard a signé en fin de semaine dernière une feuille de route avec le Mouvement HLM afin de « relancer » ce secteur qui vit une crise aiguë.
Celle-ci doit permettre « de rénover 120 000 à 130 000 logements sociaux et d’augmenter la production de logements sociaux de 15% » en 2025. Elle fixe ainsi un objectif de production « de 116 500 logements sociaux, dont 16 500 dans le cadre de la rénovation urbaine », qui portera en particulier sur « la production de logements de petite taille (T1 et T2) », le but étant de répondre « aux besoins importants des étudiants, des jeunes actifs, mais aussi des ménages hébergés en urgence dans les structures de l’Etat ».
C’était l’une des conditions à la diminution de 200 millions d’euros de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui ponctionne les bailleurs sociaux depuis 2020 - et qui sera donc ramenée à 1,1 milliard d’euros cette année.
Le fonds climat territorial privé de son principal intérêt
D'autre part, le feuilleton continue sur le fonds climat territorial. Après avoir été écarté l’an passé, réintégré au budget en janvier par les sénateurs avant d’être supprimé en commission mixte paritaire (CMP), celui-ci semble bien de retour, mais sous une forme toute différente.
Lors de la CMP du 31 janvier, les députés et les sénateurs avaient fait disparaître la ligne budgétaire qui lui était consacrée en transférant ses crédits sur le Fonds vert (lui-même réduit à 1,1 milliard d’euros contre 2,5 milliards d’euros en 2024), faisant une nouvelle fois craindre sa disparition.
Mais le gouvernement n’a finalement pas totalement évacué l’idée et vient d'assurer que ce fonds territorial climat ainsi que son enveloppe de 200 millions d’euros seront bien « conservés » en 2025, selon Le Monde. Quant à ses critères d’attribution, ils seraient définis « plus tard dans une circulaire signée par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, et le ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen », précise le quotidien du soir.
Seulement, contrairement au Fonds vert, « à la main des préfets », les financements du « fonds territorial climat » devaient être « directement répartis entre les EPCI ayant adopté un plan climat-air-énergie territoriaux (PCAET) », comme l’indiquaient les auteurs des amendements votés lors de la discussion budgétaire, avant de disparaître en CMP. Le but étant de permettre aux collectivités de « disposer des moyens de mener leur politique de transition écologique et énergétique ».
Si l’enveloppe de 200 millions d’euros du fonds climat est finalement réservée au sein du Fonds vert, le risque est donc de la voir retourner « à la main des préfets ».
Culture : le fonds d’urgence supprimé, pas la dotation
Du côté des crédits de la culture, c’est le fonds d'urgence aux structures culturelles en difficulté qui ne verra finalement pas le jour. Sa dotation de 40 millions d'euros sera, toutefois, maintenue et réaffectée « au bénéfice des politiques publiques » culturelles dans le domaine de la création, « notamment dans les territoires ».
Ce « fonds exceptionnel au profit des situations les plus critiques pour la création artistique dans les territoires [...] ne sera pas mis en place », a fait savoir le ministère de la Culture dans un communiqué publié vendredi.
Intégré dans le budget au cours du mois de janvier, il devait initialement viser les institutions « d'intérêt national » les plus en danger, telles que le Festival international d'art lyrique d’Aix-en-Provence, comme l’avait expliqué la ministre Rachida Dati, lors de la discussion budgétaire. « Il faut bien comprendre que ce n’est pas un fonds de compensation, là où les élus locaux vont se désengager », avait-elle par ailleurs souligné.
Mais, face aux critiques d’un secteur très inquiet, Rachida Dati a préféré reculer. Les acteurs du spectacle vivant estimaient, en effet, que ces crédits devaient toucher « l'ensemble des structures, quelle que soit leur taille ou leur renommée ».
Collectivités : de nouvelles coupes budgétaires en 2026 ?
Le budget 2025 à peine bouclé, le gouvernement se tourne vers 2026 et évoque déjà de possibles nouvelles réductions de dépenses pour les collectivités dans le cadre du prochain budget de l’État.
Estimant que ces dernières sont « aussi en déficit », le ministre de l’Économie Éric Lombard a souligné hier que « la réduction des déficits doit engager toute la nation, dans toutes ses composantes » en faisant notamment allusion aux collectivités, à l’occasion d’un entretien au Grand Jury RTL- Le Figaro-Public Sénat-M6.
« Dans le projet initial de budget [pour 2025], on devait faire 5 milliards d’euros d'économies, on a ramené cela à 2,2 milliards d’euros… François Rebsamen va s'occuper de dialoguer avec elles (...) dans les mois qui viennent pour avoir cet atterrissage », a-t-il indiqué, assurant que « c’est, en réalité, l’État qui a fait l’essentiel des efforts ces dernières années ».
L’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a également confirmé que « quoiqu’il arrive, il y aura une mesure » d’abaissement du seuil de franchise de la TVA, fixé pour l’heure à 25 000 euros dans le budget 2025. « Je ne pense pas que l’annulation soit une bonne chose car le problème de concurrence demeure. Il ne faut pas qu’en soutenant les auto-entrepreneurs on mette en difficulté les artisans », a-t-il expliqué.
Devant la levée de boucliers des derniers jours (notamment avec un courrier de l’AMF), le gouvernement a annoncé la suspension de la mesure pour les micro-entrepreneurs, le temps d'une concertation, alors que sa mise en œuvre était prévue le 1er mars.
Pour rappel, cette mesure pourrait avoir d’importantes conséquences pour les collectivités puisque l’abaissement du seuil de la franchise risque de soumettre à la TVA les activités des collectivités générant de faibles recettes, telles que les locations de salles des fêtes, de locaux aux commerçants (boulangerie, épicerie en milieu rural…) ou à des professionnels de santé.
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Outre-mer
Mayotte, Nouvelle-Calédonie : pour l'AMF, les communes doivent être au coeur du processus de reconstruction
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Mayotte et la Nouvelle-Calédonie, en 2024, ont toutes deux été ravagées, la première par le cyclone Chido, la seconde par les émeutes du printemps dernier. L'heure est à la reconstruction, et l'AMF, en association avec les associations locales de maires, pose un certain nombre de conditions.
De retour d’un déplacement de trois jours à Mayotte, le président de l’AMF, David Lisnard, a pu constater sur place les dégâts causés par le cyclone Chido et « recueillir les propositions des maires adressées aux pouvoirs publics », indique l’AMF dans un communiqué publié vendredi 7 février.
Mayotte : procéder « enfin » au recensement
Les difficultés de Mayotte n’ont pas été créées par le cyclone, mais celui-ci les a toutes « exacerbées », écrit l’AMF : qu’il s’agisse de l’accès à l’eau ou aux soins, de l’éducation, du traitement des déchets, de l’assainissement, le 101e département français était déjà extrêmement en retard sur le reste du territoire, mais se trouve aujourd’hui confronté à une situation où le cyclone a détruit l’essentiel des infrastructures. Si David Lisnard « salue le travail réalisé par l’État pour rétablir les infrastructures stratégiques », il relaye la « conviction profonde des maires de Mayotte » que désormais, « la condition première du redressement (…) est la maîtrise de l’immigration, sans laquelle les efforts financiers consentis ne produiront pas d’effets sur l’amélioration des conditions de vie des habitants de Mayotte ». Pour l’AMF en effet, « toutes les politiques publiques essentielles à la vie quotidienne des habitants subissent les effets massifs, et sans équivalent sur le territoire national, d’un flux d’immigration incontrôlé et d’une sous-estimation de la population réelle qui sature les services publics ». L’AMF demande donc que « le recensement soit enfin effectué pour avoir une connaissance réelle de la démographie et pour ajuster les dotations des communes et intercommunalités en conséquence ». Les communes sont en effet « structurellement sous-dotées », commente David Lisnard, qui ajoute : « On ne peut pas mentir sur la démographie. Les maires la connaissent : ils la voient dans les rues, dans les logements, dans les besoins de scolarisation, dans la saturation des services de soins. »
Au-delà de la question démographique, l’AMF demande que le gouvernement et le Parlement élaborent « une vraie loi de programmation » budgétaire, avec « un calendrier et des objectifs précis à court et moyen terme », et que les dépenses faites par les collectivités pour réparer dans l’urgence fassent l’objet d’un « fonds d’aide spécial » - ce qui à ce jour n’est pas prévu dans le projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui va être débattu en commission mixte paritaire ce matin.
L’association souhaite également que les élus soient « pleinement associés » aux décisions sur l’avenir de Mayotte.
L’AMF annonce qu’elle va mettre en place « un partenariat entre collectivités » pour fournir aux communes et intercommunalités de Mayotte « les matériels nécessaires », en particulier les fournitures scolaires, ainsi qu’une « ingénierie technique, juridique et financière ».
Nouvelle-Calédonie : garantir les emprunts des communes
Le même jour, l’association a publié un autre communiqué relatif à la situation en Nouvelle-Calédonie, co-signé par les deux associations locales de maires (Association française des maires de Nouvelle-Calédonie et Association des maires de Nouvelle-Calédonie).
Le communiqué dresse le dramatique bilan des émeutes de mai et juin 2024, qui ont causé « presque un milliard d’euros » de dégâts : 120 sociétés ont disparu, 25 000 salariés sont au chômage partiel, de nombreuses communes ont vu leurs bâtiments publics détruits. À Nouméa, 37 bâtiments publics sont « endommagés ou détruits » (caisse des écoles, médiathèques, pôle de services publics) ; à Dumbéa, c’est « la station d’épuration, une partie de la mairie, une médiathèque, des écoles et des bureaux de police municipale » qui ont été touchés.
Dans ces circonstances, les associations d’élus estiment que « les communes sont les mieux placées pour relancer l’économie par l’investissement public ». Les innombrables travaux de réparation et de reconstruction qu’elles vont devoir engager pourraient « sauver entre 2 000 et 3 000 emplois dans le BTP ». À condition qu’elles en aient les moyens.
En effet, les communes de Nouvelle-Calédonie dépendent de ce que leur verse le gouvernement local, qui était lui-même, à la fin de l’année 2024, proche de la banqueroute, et profondément dépendant des prêts d’urgence accordés par l’État. Pour engager des travaux nécessaires à la relance économique de l’île, les communes vont donc devoir emprunter, et elles ne pourront le faire, au vu de la situation financière précaire, que si ces emprunts sont garantis par l’État. L’AMF demande donc à ce que l’État garantisse un montant de « 150 millions d’euros » pour les emprunts des 33 communes de Nouvelle-Calédonie.
Samedi, la ministre chargée du Budget, Amélie de Montachlin, a répondu favorablement à cette demande. Dans un discours prononcé en ouverture du Forum économique de Nouvelle-Calédonie, elle a en effet déclaré que le budget va permettre « de mobiliser la garantie de l'État pour des prêts AFD dans un enveloppe fixée à un milliard d'euros pour trois ans ». Et la ministre a conclu : « C’est un soutien massif, structurant, (qui) permettra de donner le temps aux autorités publiques locales pour conduire les réformes auxquelles vous aspirez et que vous estimez nécessaires pour la prospérité du territoire sur trois ans. »
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État civil
Gérald Darmanin favorable à l'interdiction du mariage lorsqu'un des époux est en situation irrégulière
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Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s'est dit favorable à une proposition de loi qui sera débattue au Sénat le 20 février, visant à interdire un mariage lorsqu'un des futurs époux est en situation irrégulière, au moment où le maire de Béziers va être jugé pour avoir refusé de célébrer un tel mariage.
C’est un étrange hasard du calendrier : le 18 février, le maire de Béziers, Robert Ménard, va passer devant un tribunal pour avoir refusé, à l'été 2023, de célébrer un mariage entre une Française et un ressortissant algérien en situation irrégulière. Deux jours plus tard, une proposition de loi sera débattue sur ce sujet au Sénat.
« Voie de fait »
L’affaire avait fait grand bruit à l’époque : le 7 juillet 2023, le maire de Béziers refusait de célébrer le mariage d’un couple dans lequel le futur époux était sous OQTF (obligation de quitter le territoire français). « Je ne vais quand même pas marier un type qui a l’obligation de ne pas être devant moi, s’indignait alors Robert Ménard. On marche sur la tête ! »
Sauf que le maire n’en avait pas le droit. Comme cela a notamment souvent été répété par le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur après la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, le maire célèbre les mariages au nom de l’État, sous l’autorité du procureur de la République, et c’est seulement ce dernier qui peut s’opposer à un mariage. En dehors de cela, l’officier d’état civil (le maire ou un de ses adjoints) « ne peut refuser de célébrer un mariage que s’il existe une opposition régulièrement formée, (…) ou si les formalités administratives requises par le Code civil n’ont pas été effectuées [article 172 et suivants du Code civil] », rappelait le ministère de l’Intérieur dans un circulaire de 2013. Une « opposition régulièrement formée » ne peut venir que de l’un des futurs époux ou des membres de sa famille.
En dehors de ces circonstances, rappelait le ministère de l'Intérieur, le refus de célébration peut constituer une voie de fait », qui expose son auteur à des poursuites pénales pouvant conduire à une condamnation à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.
C’est bien à ce titre que le maire de Béziers va comparaître devant un tribunal le 18 février – convocation à laquelle il a annoncé son intention de se rendre.
Un texte « de bon sens » pour Gérald Darmanin
Interrogé sur ce sujet hier lors d’une interview, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a estimé qu’il faut « faire évoluer la loi » sur ce sujet, et évoqué la proposition de loi du sénateur Stéphane Demilly. Cette proposition de loi « prévoit que le maire peut s’opposer au mariage entre une personne et quelqu’un d’irrégulier. Je pense que c’est une loi frappée du coin du bon sens. »
Notons qu'à titre personnel, David Lisnard, le maire de Cannes, soutient également cette position. Dans un post récent sur X, il a assuré Robert Ménard de son « soutien » dans cette affaire, et affirmé : « Je réitère ma proposition : la législation doit changer au plus vite pour ne plus imposer à un élu de prendre un acte qui renforce les droits d’un individu en situation irrégulière ou/et délinquant. »
Le gouvernement va donc soutenir ce texte, le 20 février au Sénat. Ce texte, très bref, ajouterait un article après l’article 143 du Code civil, qui dispose que « le mariage est contracté entre deux personnes de sexe différent ou du même sexe ». Il est proposé d’ajouter un article 143-1 : « Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. » Ce qui est, soulignons-le, un peu différent de ce qu'a déclaré le ministre, puisque le texte, en l'état, ne prévoit pas expressément que c'est le maire qui pourrait s'opposer au mariage.
Quoi qu’il en soit, ce texte ne sera pas en vigueur au moment où Robert Ménard sera jugé. Mais la prise de position du ministre pourrait peser sur la décision des juges.
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Ecole
Éducation sexuelle à l'école : un nouveau programme présenté sur fond de polémiques
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Le programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité a enfin été publié jeudi dernier. Sa mise en oeuvre est prévue pour la rentrée 2025.
C’était en juin 2023 que l’ex-ministre de l’Éducation Pap Ndiaye annonçait dans un communiqué « l’élaboration d’un programme et d’un plan de formation pour les personnels » concernant l’éducation sexuelle dans les établissements scolaires. Depuis, les textes ont tardé à être présenté notamment à cause du contexte politique instable depuis la dissolution de l’Assemblée nationale.
La semaine dernière enfin, la publication au Bulletin officiel de l’Éducation nationale du programme de l’éducation à la vie affective et relationnelle (dans les écoles) et de l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (dans les collèges et les lycées) a mis un terme à ce long feuilleton.
Maire info fait le point sur ce que contient finalement ce programme et sur les détails de sa mise en œuvre, dans un contexte où de nombreuses rumeurs et fausses nouvelles ont été diffusées par ses détracteurs.
Rappelons qu’actuellement moins de 15 % des élèves en France bénéficient de séances d’éducation sexuelle pendant l’année scolaire en école et moins de 20 % au collège, selon l’Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche. C'est pourtant une obligation depuis 2003 : les élèves des écoles, collèges et lycées doivent suivre trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Au-delà du besoin de sensibiliser davantage les élèves au sujet, ce nouveau programme vise indirectement à corriger le défaut de mise en œuvre d’une éducation à la sexualité effective sur l’ensemble du territoire national. Trois séances annuelles par niveau devront donc désormais être mises en place, selon les modalités publiées la semaine dernière.
Ce programme suit trois grandes thématiques qui sont les mêmes pour la maternelle, la primaire et même le collège et le lycée : « Se connaître, vivre et grandir avec son corps », « Rencontrer les autres et construire des relations, s’y épanouir » et « Trouver sa place dans la société, y être libre et responsable ».
De la maternelle à l’école primaire
Dans le premier degré (école maternelle et élémentaire), le programme « prend la forme d’une éducation à la vie affective et relationnelle axée sur le développement de l’enfant et des relations sociales », peut-on lire dans la présentation.
En maternelle, des objectifs d’apprentissage par axe du programme et par niveau ont été fixés. Avant 4 ans par exemple, un des objectifs est d’apprendre à l’enfant à « connaître son corps et comprendre ce qu’est l’intimité ». Des propositions de démarches sont formulées pour les enseignants. Ainsi, pour atteindre cet objectif, le programme conseille à l’enseignant de faire connaître « la notion d’intimité à partir de différentes situations de la vie quotidienne, relatives par exemple à l’habillage-déshabillage (toilette, consultation médicale, à l’école) ou dans des albums traitant de ces situations. » Les objectifs du programme sont détaillés pour chaque tranche d’âge, allant d’ « avant 4 ans » à « à partir de 5 ans ».
Du côté de l’école primaire, le principe est le même : chaque niveau va aborder trois thématiques différentes en trois séances et avec trois sujets à aborder dans l’année. En CE2 par exemple, l’enseignant abordera la question du bien-être dans le but de « comprendre que la bonne santé concerne la santé physique, la santé mentale et la santé sociale (relations avec les autres) ». La question du droit des enfants sera aussi abordée dès le CE2, avant d’aborder le thème de la puberté en CM1 et celui des violences sexistes et sexuelles en CM2.
Rappelons que ce programme n’a pas été construit au hasard. Après des mois de concertation intense, le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) a voté fin janvier à l'unanimité (60 voix pour et 0 contre) en faveur de ce programme.
Du collège au lycée
« Dans le second degré (collège et lycée), l’éducation à la sexualité, qui vient en complément de la vie affective et relationnelle, apporte des informations adaptées à l’âge des élèves sur leur santé, leurs droits, et les comportements ou relations responsables », peut-on lire dans la présentation.
Le principe est le même que pour le premier degré mais les objectifs sont différents. Au collège, les compétences visées sont larges, allant du développement des liens sociaux en sixième, jusqu’au principe de « respect et d’égalité concernant le sexe, le genre et l’orientation sexuelle. » D’ailleurs, notons que si le terme « genre », qui fait frémir de nombreux collectifs conservateurs, est bien présent dans la version finale du programme, l’homosexualité n’est abordée qu’à partir de la classe de troisième par une approche historique et juridique, notamment pour lutter contre les discriminations. De même, aucune trace du mot « transgenre » redouté par un certain nombre d'associations de parents d'élèves. Le programme vise plutôt à mettre en avant des « principes de neutralité, de laïcité, de la liberté des élèves et de la prise en compte de la singularité de leur parcours de vie. »
Au lycée, des thématiques plus variées seront abordées notamment : « l’intimité à l’ère des réseaux sociaux » ou encore la santé sexuelle. Malgré les très nombreuses polémiques, la notion d’identité de genre sera bel et bien être abordée dans le but de « reconnaître la diversité humaine dans son ensemble, en considérant la variété des orientations sexuelles et des identités de genre » en troisième, seconde, première et terminale. Le gouvernement, par la voix d’Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, défend, malgré « les critiques », ce programme, qu’il estime « absolument indispensable » et réfute l’accusation principale estimant que ce dernier promeut une « théorie du genre ». Cette expression polémique est le plus souvent utilisée pour parler d'une idéologie qui ferait la promotion des minorités sexuelles et de genre (LGBT).
Mise en œuvre encadrée, concertation avec les parents
Les fondamentaux sont là. Désormais il ne manque plus que la mise en application du programme, ce qui risque, à l'image de son élaboration, de ne pas être facile. Ainsi, une circulaire a également été diffusée pour assurer une mise en œuvre dès la rentrée prochaine.
Ce sont « les équipes académiques de pilotage de l’éducation à la sexualité, pluricatégorielles et interdegrés », qui auront « vocation à impulser des projets dans les écoles et établissements, à accompagner leur mise en œuvre, à concevoir un dispositif de sensibilisation et de formation au sein du programme académique de formation, à être un appui aux acteurs et à répondre à tout questionnement des personnels pédagogiques et éducatifs sur le sujet. » Le ministère précise, étant donné le climat politique dans lequel s’est construit ce programme, que « chaque difficulté doit systématiquement faire l’objet d’un signalement. Tout agent qui se verrait menacé en raison de l’animation de ces séances doit être protégé par l’administration, en particulier par l’octroi de la protection fonctionnelle. »
Concernant l’organisation de ces trois séances annuelles par niveau, « dans le premier degré, le programme est mis en œuvre selon une organisation laissée à l’initiative du professeur de la classe, selon les modalités collectivement construites en conseil des maîtres ou conseil de cycle. » Au collège et lycée, des créneaux de deux heures pourront être identifiés dans l’emploi du temps des élèves. « Les objectifs d’apprentissage de ces séances spécifiques sont déclinés dans le programme. Ces séances sont complétées par des temps intégrés aux séances disciplinaires en cohérence avec les programmes d’enseignement. » La circulaire précise que des « partenaires extérieurs, ainsi que des associations spécialisées dont les compétences sont dûment reconnues et agréées, peuvent être associés aux personnels de l’éducation nationale responsables de ces séances ».
Enfin, il est indiqué que « les parents d’élèves sont informés des objectifs d’apprentissage annuels de cette éducation selon des modalités laissées à l’initiative de chaque école et établissement. » Comme le rapporte Le Monde, « la place des parents a fait débat jusqu’à l’ultime version ». Les associations conservatrices demandaient en effet à ce qu’il y ait une obligation pour les établissements scolaires d'informer les parents avant chaque séance d'éducation sexuelle, à l’instar du Syndicat de la famille, anciennement connu sous le nom de La Manif pour tous.
Même s’il a été publié, ce programme continue de faire l’objet de fantasmes et de critiques acerbes. L’acceptation de ces séances obligatoires sera un nouveau défi pour l’Éducation nationale dans un contexte où, déjà, la pénurie d’enseignants inquiète et les faibles moyens qui leur sont attribués interrogent. Selon les informations du Monde, « le ministère de l’Éducation nationale doit proposer des ateliers de formation dans les académies pour deux à trois professeurs des écoles par circonscription et un professeur par collège et lycée d’ici à septembre. Des ressources pédagogiques sont aussi en cours d’élaboration pour donner des exemples de séances à proposer selon les âges ». Affaire à suivre…
Télécharger la présentation du programme.
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Fonction publique territoriale
Semaine en quatre jours : un outil d'attractivité précieux pour les collectivités, mais des « points de vigilance »
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Le Syndicat national des directeurs de grandes collectivités territoriales (SNDGCT) vient de rendre publique une note de réflexion sur la « semaine en quatre jours », expérimentée par un certain nombre de communes et d'intercommunalités. Avec à la clé un bilan tout en nuances.
L’étude du SNDGCT porte bien sur la semaine en quatre jours et non la semaine de quatre jours. À deux lettres près, la différence n’est pas anodine : on ne parle pas ici de réduction du temps de travail – puisque celle-ci est interdite dans la fonction publique territoriale, où le contingent annuel de 1607 heures de travail est « incompressible » – mais de réorganisation de la semaine de travail pour effectuer les 35 heures hebdomadaires sur quatre journées au lieu de cinq. Le principe est donc un allongement de la journée de travail avec, en contrepartie, un troisième jour non travaillé dans la semaine.
Les agents très demandeurs
Un nombre non négligeable de collectivités a lancé une expérimentation sur ce sujet (12 % en 2023 selon le baromètre RH des collectivités locales). Mais ces expérimentations peuvent recouvrir des réalités très différentes, selon par exemple que les collectivités expérimentent le dispositif dans un seul service ou plusieurs, etc.
Il reste que cette solution est très prisée par les salariés, dans le privé comme dans le public : selon des enquêtes citées par le syndicat, 77 % des actifs, dans leur ensemble, y seraient favorables, et 72,6 % chez les agents publics. Majoritairement, les personnes voient dans une telle organisation une possibilité de « pouvoir dégager du temps » pour la vie personnelle – les autres items (avoir une meilleure santé, passer moins de temps dans les transports, être plus efficace au travail) apparaissant moins fréquemment.
Un autre avantage majeur de cette organisation, auquel on ne pense pas forcément au premier abord, est qu’il permet de remplacer avantageusement le temps partiel : dans une organisation classique, les agents qui passent aux 4/5e (des femmes, dans une écrasante majorité) pour avoir une journée de libre à consacrer à leurs enfants, perdent un cinquième de leur salaire, ce qui a des conséquences tant sur le niveau de vie immédiat que sur leur pension de retraite. La semaine en quatre jours permet de conserver une journée libre tout en repassant à temps plein.
Continuité du service public
Par rapport à d’autres secteurs d’activité, les collectivités doivent faire face à des difficultés spécifiques pour mettre en place un tel dispositif, au premier rang desquelles la continuité du service public. Si un cabinet de conseil ou une agence de publicité peuvent (à leurs risques et périls) décider d’être entièrement fermés tous les vendredis, il ne peut évidemment en aller de même pour une administration, ni a fortiori un service périscolaire, une crèche ou une cantine scolaire. Dès lors, la seule solution pour permettre la semaine en quatre jours tout en maintenant les services ouverts cinq jours par semaine est d’avoir un nombre suffisant d’agents pour pouvoir faire des roulements, ce qui, là aussi, n’est pas à la portée de tous.
L’étude relève que ce mode d’organisation – comme cela a été le cas pour le télétravail – amène des difficultés nouvelles pour les chefs de service, et pose de nombreuses questions notamment sur l’équité entre agents, dans la mesure où certains services peuvent assez facilement être organisés sur quatre jours tandis que d’autres ne le peuvent pas. Les différentes expérimentations menées permettent de disposer aujourd’hui d’un panel important de solutions mises en œuvre ici et là, selon les cas et les difficultés spécifiques. Par exemple, certaines communes ont décidé de réserver la semaine en quatre jours aux seuls agents dont les postes sont non télétravaillables, ce qui permet justement de rétablir une forme d’équité.
Quels inconvénients ?
Il ressort également de ces expérimentations que cette organisation n’a pas que des avantages pour les agents concernés : car le pendant de la semaine en quatre jours est une augmentation notable de la durée de la journée de travail, ce qui génère, d’une part, de la fatigue supplémentaire, et, d’autre part, peut-être un risque accru de maladies ou d’accidents de travail – ce risque n’a pas encore été mesuré par des études scientifiques étayées, selon le SNDGCT.
De plus, le syndicat estime qu’il n’est « pas certain » que ce dispositif soit un « levier » pour plus d’égalité entre les hommes et les femmes. Peut-être, au contraire, pourrait-il « aggraver les inégalités » : une mère de famille pourrait bien subir une forme de double peine si elle passe à la semaine en quatre jours et qu’elle consacre toute sa journée « libre » à s’occuper des enfants et des tâches ménagères et doit, en plus, subir la fatigue de journées plus longues les quatre autres jours. Sans compter que l’allongement de la durée de travail pendant ces quatre jours peut poser des problèmes organisationnels dans la vie personnelle, par exemple pour récupérer les enfants à l’école, etc.
« Semaine modulée »
Il reste que le principal avantage de ce mode d’organisation, pour les employeurs territoriaux, est d’augmenter l’attractivité des postes qu’ils proposent, dans la mesure ce dispositif est attendu par les trois quarts des salariés. Comme l’explique un responsable RH citée dans l’étude : « À défaut de pouvoir proposer de meilleurs salaires, nous nous démarquons en proposant une plus grande flexibilité et qualité de vie au travail. (…) en offrant trois journées de déconnexion, nous fidélisons nos agents et facilitons nos recrutements. »
L’augmentation de l’attractivité des collectivités est, d’ailleurs, la première raison évoquée par celles-ci (à 76 %) pour la mise en place d’une expérimentation de la semaine en quatre jours. Cette possibilité – car il est indispensable, note le syndicat, de proposer une telle organisation au volontariat et non de l’imposer – est particulièrement attractive pour recruter de jeunes agents, puisque le taux de salariés favorables à la semaine en quatre jours grimpe à 83 % chez les 25-34 ans.
Le SNDGCT note en conclusion qu’il vaudrait mieux parler de « semaine modulée » plutôt que de semaine en quatre jours, tant les modalités adoptées par les différentes collectivités sont variées : certaines ont opté pour la semaine en 4,5 jours, d’autres pour 4 jours mais seulement une semaine sur deux… Mais le dispositif reste un atout intéressant en matière d’attractivité, sous réserve de respecter un certain nombre de préalables indispensables, selon le syndicat : l’adhésion des élus à la démarche et l’association des agents, l’accompagnement des managers, le dialogue social… Dans ces conditions, il est probable, conclut le syndicat, que la semaine modulée va « se diffuser dans les collectivités territoriales », comme l’a fait le télétravail, « avec un cadre bien posé tenant compte des objectifs de service public, des adaptations en fonction du contexte de chacune et une vigilance sur les effets potentiellement négatifs qu’une telle organisation peut générer. »
Rappelons que toute décision sur l'organisation du temps de travail dans une commune doit faire l'objet d'une saisine du comité social territorial et d'une délibération du conseil municipal.
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Journal Officiel du dimanche 9 février 2025
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
Ministère de l'Intérieur
Journal Officiel du samedi 8 février 2025
Lois
Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
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