Édition du mercredi 5 février 2025

Mayotte
Le Sénat adopte le projet de loi Mayotte avec de nombreuses modifications
Le Sénat a adopté hier à l'unanimité le projet de loi d'urgence pour Mayotte, après l'avoir assez largement modifié. Le gouvernement en a profité pour rétablir certaines dispositions qui avaient été supprimées ou modifiées par l'Assemblée nationale. 

Après deux jours de débats en séance publique, lundi et mardi, les sénateurs ont adopté le projet de loi d’urgence pour Mayotte présenté par le gouvernement pour œuvrer à la reconstruction de l’archipel, après le passage du cyclone Chido. 

« Assurer le respect de la libre administration »

En commissions, une soixantaine d’amendements a été adoptée, et encore une quarantaine d’autres en séance publique, dont 15 issus du gouvernement. Le texte a donc été assez sérieusement remanié, sans toutefois en altérer la philosophie générale, qui consiste à simplifier au maximum les procédures afin d’accélérer la reconstruction de l’archipel. 

Sur un certain nombre de points, les sénateurs ont d’ailleurs voulu aller plus vite encore : par exemple, l’ordonnance qui doit être prise par le gouvernement pour mettre en place un établissement public chargé de la reconstruction devrait l’être désormais un mois après la promulgation de la loi, et non trois. Les sénateurs ont souhaité garantir la présence d’élus locaux au conseil d’administration de cet établissement public : en commission, il a été voté que le président de l’association des maires de Mayotte fasse obligatoirement partie de ce conseil d’administration, ainsi que « les représentants de 5 EPCI ». En séance, le gouvernement a remplacé cette dernière formule par « 5 représentants des communes et des EPCI », afin de laisser aux élus mahorais la liberté de choisir eux-mêmes leur mode de représentation.

Les sénateurs ont également décidé que cet établissement public devrait rendre un rapport d’activité annuel et public. 

L’article 2 du texte, qui a fait l’objet de discussions particulièrement animées à l’Assemblée nationale, permet à l’État de se substituer aux communes pour réparer, construire ou reconstruire des écoles. L’Assemblée avait déjà obtenu que ces opérations ne puissent se faire qu’après « avis conforme » des communes concernées. En commission, les sénateurs sont allés plus loin, en décidant qu’elles ne se feraient que « à la demande » des communes, ce afin de « mieux assurer le respect de la libre administration des collectivités territoriales ». 

Urbanisme, marchés publics, TGAP…

En commission, les sénateurs avaient durci l’article du texte relatif à l’achat de tôles par les particuliers, en subordonnant celui-ci à la présentation non seulement d’un titre d’identité mais même d’une « autorisation d’urbanisme ». Jugeant cette condition « trop restrictive », le gouvernement a rétabli, à la place, l’obligation de produire un justificatif de domicile. 

Autre modification importante apportée par le Sénat (en commission) : afin de faciliter les travaux de réfection « d’ampleur limitée », ceux-ci, à titre dérogatoire, ne devront pas faire l’objet d’une autorisation d’urbanisme mais d’une simple « déclaration en mairie ». 

Afin de faciliter la tâche aux services urbanisme des mairies et de la préfecture, le Sénat a porté à « huit jours ouvrés » le délai maximum après réception d’une demande de permis ou d’une autorisation préalable pour « notifier au demandeur que son dossier est incomplet ». Ce délai, initialement fixé à 5 jours, était intenable « compte tenu du nombre de demandes », ont estimé les sénateurs. 

Le Sénat a maintenu la suppression de l’article 10 du texte, qui avait fait l’objet de violentes passes d’armes avec le gouvernement à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 22 janvier). Cet article donnait au gouvernement de grandes latitudes pour procéder à des expropriations sur l’île, ce qui avait été interprété par les élus mahorais comme une volonté de l’État de faire « main basse sur le foncier ». Il est à noter que le gouvernement n’a pas cherché à rétablir par amendement ces dispositions au Sénat, sous une forme ou sous une autre, alors que le ministre Manuel Valls, à l’Assemblée, avait promis de récrire cet article lors de la navette parlementaire. 

L’article 12 du texte, lui aussi très débattu, a finalement été supprimé en séance publique au Sénat. Il concerne la commande publique : le gouvernement avait initialement prévu que les marchés publics concernant la réparation des dégâts causés par le cyclone puissent déroger aux règles de l’allotissement, et puissent donc « faire l’objet d’un marché unique ». Les sénateurs ont rappelé que les très petites entreprises et les entreprises artisanales composent une grande partie du tissu économique local à Mayotte, et que déroger aux règles d’allotissement « priverait ces entreprises d’un accès aux marchés liés à la reconstruction ». 

Le Sénat a également décidé d’une exonération complète de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) sur tous les déchets générés à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2026. 

Enfin, le gouvernement a introduit dans le texte un nouveau dispositif pour permettre un engagement plus rapide des travaux de reconstruction des logements : un nouvel article du texte prévoit la création d’un prêt à taux zéro « pour le financement des travaux de reconstruction, de réhabilitation ou d’amélioration ». Ce prêt pourrait être accordé à des personnes physiques ou à des sociétés civiles immobilières. Il sera plafonné à 50 000 euros par logement et sera remboursable sur 20 ans maximum, sauf pour « les publics les plus fragiles » pour lesquels cette durée sera portée à 30 ans. Ce dispositif sera mis en œuvre jusqu’à la fin 2027. 

Cette annonce a déçu un certain nombre d'élus mahorais, qui auraient préféré que l'engagement d'Emmanuel Macron de créer un fonds d'indemnisation soit tenu, plutôt que de le remplacer par un prêt à taux zéro auquel beaucoup de Mahorais pauvres ne pourront accéder, faute de garanties suffisantes. 

Il reste maintenant à réunir une commission mixte paritaire pour élaborer un texte commun aux deux chambres. Cette CMP aura lieu lundi prochain à 10 heures. 




Santé publique
Permanence des soins : en cas de carence, les ARS peuvent désormais désigner des établissements de santé 
En application de la loi Valletoux, le gouvernement a publié ce matin un décret qui permettra de rééquilibrer la charge entre les secteurs privé et public s'agissant des gardes de nuit et de week-ends.

Afin de mieux répartir l’effort entre hôpitaux publics et cliniques privées, le gouvernement a publié, ce matin au Journal officiel, un décret modifiant les conditions de désignation des établissements de santé assurant les gardes de nuit et de week-ends.

En ligne de mire, le déséquilibre patent qui existe actuellement entre les deux secteurs et qui conduit les hôpitaux publics à prendre en charge l’essentiel de la permanence des soins hospitaliers. 

Plus de 80 % des gardes assumées par l’hôpital public

Ces derniers assument ainsi 82 % des gardes (et même 87 % si l’on comptabilise les établissements privés non lucratifs), alors que le secteur privé n'en assure que 13 %, selon un récent un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Une proportion qui est bien en deçà de son poids dans le système de santé et qui conduit certains praticiens à quitter l’hôpital public pour éviter cette contrainte.

Ce décret vient donc préciser les nouvelles modalités de mises en œuvre de ces permanences de soins, après la promulgation de la loi Valletoux, en toute fin d’année 2023. Un texte porté à l’époque par l’ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF) devenu député de Seine-et-Marne, Frédéric Valletoux (Horizons), dont l’objectif est d’améliorer l'accès aux soins et de répondre aux inégalités de santé territoriales. 

Pour les réduire et garantir à chaque concitoyen un accès aux soins à proximité permanent, cette loi a donné la possibilité aux Agences régionales de santé (ARS) de contraindre l'ensemble des établissements de santé à assurer, si besoin, la permanence des soins en établissement. Et en particulier ceux privés, afin de rééquilibrer leurs contributions avec le secteur public.

Le texte prévoit ainsi que la « responsabilité collective » de la permanence des soins repose en premier lieu sur les établissements de santé qui doivent s’organiser, « dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l'organisation territoriale de la permanence des soins ». Une notion qui a été introduite récemment dans le droit en la confiant, outre ces établissements de santé, également aux médecins, dentistes, sages-femmes et infirmiers. 

Carence et responsabilité collective

Mais, pour faire face à la crise du système de santé, le texte porté par l’ancien maire de Fontainebleau (et éphémère ministre de la Santé dans le gouvernement de Gabriel Attal) va désormais plus loin. Si le mécanisme prévoit une grande liberté d'organisation entre établissements, en cas de carence, l'Agence régionale de santé (ARS) aura un pouvoir renforcé pour en désigner certains en dernier recours.

Ainsi, lorsque l’« appel à candidatures » mis en place pour désigner les structures qui seront chargées de la permanence de soins reste « tout ou partie infructueux », le directeur général de l’ARS devra dresser un « constat de carence » en précisant « les zones » et « les spécialités médicales concernées », indique le décret.

Dans la foulée, il devra réunir les établissements de santé des territoires impactés, ainsi que « des représentants des professionnels de santé exerçant en leur sein » dans le but de les « inviter » à « répondre aux nécessités d'organisation collective de la permanence des soins ». 

Si cette réunion ne permet pas de pourvoir à « l’ensemble des besoins » et qu’aucune proposition n’aboutit, l’ARS pourra « désigner un ou plusieurs » établissements et professionnels de santé qui y exercent pour « assurer » ou « contribuer » à la permanence des soins. Une désignation qui restera « temporaire » et ne vaudra que « jusqu'à ce qu'une structure soit désignée » au terme de l’appel à candidatures… « sauf à ce qu'il se révèle infructueux ».

Plus globalement, on peut retenir que le directeur de l’ARS aura la responsabilité d’assurer une organisation qui respecte les principes de qualité et de sécurité des soins.

Prise en charge financière

Lors de l’adoption de la loi, la profession avait prévenu qu’elle resterait vigilante à l’égard des décrets d'application : « Ce qui pourrait nous mettre en colère c'est qu’on rétablisse une certaine forme d’obligation », avait ainsi expliqué Patrick Gasser, président du principal syndicat de spécialistes Avenir spé, assurant que « cela mettrait en l'air les négociations conventionnelles ».

Dans un communiqué commun publié la semaine passée, le syndicat et sept autres fédérations du secteur estimaient d'ailleurs que « la nécessaire révision des schémas d’organisation de la PDSES [permanence des soins en établissements de santé], prévue par le ministère de la Santé, s’engage dans un calendrier trop serré », et jugeaient « essentiel que l’organisation mise en place ne perturbe pas l’équilibre nécessaire au bon fonctionnement des établissements de santé et qu’elle soit adaptée à chaque situation locale, en accord avec tous les acteurs impliqués ».

Reste que la participation des établissements et professionnels de santé pourra être « prise en charge financièrement par le fonds d'intervention régional », dont « la nature des charges couvertes » et « les conditions d'indemnisation » sont fixées par le gouvernement, comme l’indique le décret.

Alors que « 87 % du territoire est un désert médical », Frédéric Valletoux déplorait, lors de l’examen de sa proposition de loi, que « 45 % des médecins généralistes seraient en situation de burn-out » et qu’une quarantaine de départements sont aujourd’hui « sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100 000 habitants ». 

Pour y remédier, on peut rappeler que cette loi a élargi les compétences des infirmiers avec la création du statut « d'infirmier référent » (qui exercera une mission de suivi et de renouvellement des prescriptions pour les patients chroniques) et donné la possibilité aux collectivités locales d’accorder des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants en dentaire de troisième cycle, comme le rappelle Vie-Publique.

Point particulièrement tendu, l'adhésion automatique des médecins à des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) censées faciliter la coordination à l'échelle du territoire n'avait, elle, pas été retenue dans la version finale du texte de loi.

Consulter le décret.




Cybermalveillance
Cybersécurité : les inquiétudes des collectivités sur la directive NIS 2
Alors que le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 » va être examiné au Sénat les 11 et 12 mars prochains, les collectivités concernées sont encore dans le flou sur de nombreux points.

Une table ronde a été organisée hier par la Commission spéciale résilience cybersécurité du Sénat avec les représentants des différents échelons des collectivités locales pour évoquer le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, présenté officiellement en octobre dernier et depuis en attente d’examen par le Parlement.

Le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 » a été présenté en Conseil des ministres début octobre (lire Maire info du 18 octobre). 1 489 collectivités territoriales et 992 communautés de communes métropolitaines et d'outre-mer devraient être concernées par ces nouvelles règles en matière de cybersécurité. La transposition de la directive sera examinée au sein du projet de loi « visant à renforcer les dispositifs nationaux de sécurisation des activités d’importance vitale et de lutte contre les menaces cyber » dès le 11 mars au Sénat. 

Ainsi, plus d’un mois avant le début de son parcours législatif, les représentants des collectivités (communes, intercommunalités, département et régions) ciblées par la directive ont pu rappeler que s’ils partagent l’ambition d’un renforcement de la cybersécurité, des inquiétudes subsistent sur au texte qui arrive au Sénat. 

« Tenir compte de la réalité des communes et EPCI » 

« Quand on n’est pas un élu local, on ne peut pas tout mesurer », rappelait en octobre dernier Anne le Henanff, députée du Morbihan et rapporteure d’un rapport sur les enjeux de la transposition de la directive « NIS 2 » de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) (lire Maire info du 4 octobre). C’est dans ce cadre que la voix des collectivités est entendue : afin d’éviter les effets de bord indésirables. 

 « Le législateur doit tenir compte de la réalité des communes et EPCI afin que la mise en œuvre [de la directive NIS2] soit supportable et faisable », a indiqué hier Michel Sauvade, coprésident de la commission numérique de l’Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF).

Le projet de loi prévoit que les entités essentielles et les entités importantes devront, selon leur classification, répondre à certaines obligations. Les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines et d’agglomérations et les communes d’une population supérieure à 30 000 habitants correspondent au spectre des « entités essentielles » (elles auront davantage d’objectifs à remplir que les entités importantes). Pour les entités importantes, sont notamment concernés « les communautés de communes et leurs établissements publics administratifs ». La ministre Clara Chappaz, auditionnée la semaine dernière, avait précisé que « l’immense majorité des communes ne seront concernées que par leur intercommunalité de rattachement » (lire Maire info du 29 janvier). 

Coûts et emplois

De nombreuses inquiétudes ont été soulevées hier au Sénat. D’abord, du côté de l’AMF, on s’inquiète des « conditions dans lesquelles les collectivités vont devoir mettre en œuvre les nouvelles obligations dont on sait qu’elles seront coûteuses d’un point de vue financier mais aussi en termes humain et matériel ». Tous les représentants des collectivités ont regretté l’absence d’une étude d’impact pour qualifier les risques, les menaces, les coûts financiers, administratifs des attaques. Il est en effet particulièrement complexe d’estimer le coût que pourraient avoir ces nouvelles obligations. 

Une incertitude qui inquiète d’autant plus que les prévisions faites localement paraissent très importantes. Pour la région Bretagne par exemple, Jérôme Tré-Hardy, conseiller régional, indique que selon des estimations internes, ce sont « plusieurs millions d’euros de budget qui devraient être alloués aux systèmes d’informations pour se mettre au niveau de ce qui va nous être demandé », alors même que la région est très avancée sur ces questions de cybersécurité. Par ailleurs, ces nouvelles dépenses risquent de peser lourd dans « le contexte d’incertitudes financières actuel que connaissent les collectivités », renchérit Michel Sauvade.

Localement, les moyens humains manquent aussi. La tension sur les métiers cyber est de plus en plus importante et les collectivités rencontrent de grandes difficultés dans le recrutement de ce type de professionnels. Ils sont pourtant une ressource indispensable à la réussite de NIS 2. Par exemple, au niveau du département des systèmes d'information du département du Puy-de-Dôme, 23 départs ont été observés dans les trois dernières années, pour seulement 12 recrutements récents et 11 postes toujours à pourvoir. « C’est un enjeu de fonctionnement au quotidien », témoigne Michel Sauvade, en sa qualité vice-président du Conseil départemental, qui dénonce notamment la concurrence avec le privé.

Besoin d’accompagnement 

Pour pouvoir respecter de nouvelles obligations, encore faut-il savoir qu'elles existent. Les représentants de collectivités déplorent unanimement le manque de sensibilisation mené sur le sujet NIS 2. Constance Nebbula, corapporteure de la délégation numérique de Régions de France, rappelle que selon le baromètre de la maturité cyber, sur 500 décideurs informatique interrogés, « 23 % n’ont jamais entendu parler de NIS 2 et seuls 24 % se déclarent prêts ». En ce sens, « la relation entre les collectivités et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) doit être fluide », selon Patrick Chaize. D’autant que les 15 000 entités concernées (essentielles et importantes) devront s’enregistrer auprès de l’Anssi et indiquer elles-mêmes leur catégorie d’entité.

Plus largement, les collectivités espèrent un accompagnement financier de la part de l’État. Dans un communiqué publié l’année dernière, les associations d’élus demandaient « une prolongation des financements et une évolution du rôle des CSIRT (1) » afin de saisir « l’opportunité à moindre coût d’accélérer la consolidation des écosystèmes cyber régionaux, le partage des bonnes pratiques, la formation et la labellisation d’experts cyber, en lien avec les Campus Cyber, alors que tous les acteurs anticipent une explosion de la demande d’accompagnement dès l’entrée en vigueur de la future loi de transposition ».

(1)    Depuis 2021 et à travers le plan France Relance, l’Anssi accompagne le déploiement et la structuration de 16 CSIRT territoriaux. Ils sont complémentaires des autres acteurs cyber et ces équipes portent des missions de prévention, de sensibilisation et d’accompagnement dans la montée en maturité des acteurs de leurs régions.




Services publics
Services publics : l'impact des inégalités d'accès sur le vote des Français
Un sondage réalisé par OpinionWay pour le groupe de travail Le sens du service public et la Fondation Jean-Jaurès met en évidence le lien entre l'insatisfaction des usagers vis-à-vis des services publics et leur vote. L'étude montre également les inégalités qui se creusent entre les territoires et entre les générations.

Les Français demeurent très attachés à l'égalité d'accès aux services publics, mais ils constatent que leurs rapports avec les administrations sont de plus en plus difficiles. Un double sentiment qui n’est pas sans conséquence sur leur vote lors des derniers scrutins électoraux. C’est en substance ce que montre un sondage réalisé par OpinionWay pour le groupe de réflexion Le Sens du service public, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès. Publiée le 4 février, cette enquête en ligne basée sur un échantillon représentatif de 2 061 personnes met tout d’abord en évidence le regard très critique porté par la population française sur la qualité des services publics. Plus de six répondants sur dix (61 %) se déclarent, en effet, « pas satisfaits » de la qualité des services rendus par les différentes administrations ; 18 % d’entre eux indiquant même qu’ils ne sont « pas du tout satisfaits ». Ce désamour vis-à-vis des services publics est assez partagé dans l’Hexagone, mais des pics d’insatisfaction apparaissent dans les régions Grand-Est (70 % d’insatisfaits), Centre-Val de Loire (67 %), Île-de-France (66 %) et Occitanie (64 %).

À l’inverse, sans se montrer enthousiasmés par leurs services publics, les habitants des régions Bretagne (51 % de satisfaits), Bourgogne Franche-Comté (51 %), Provence-Alpes-Côte d’Azur (49 %) et Corse (49 %) portent un jugement un peu moins négatif sur le travail des administrations. À noter que parmi les Français se déclarant les plus satisfaits, les hommes (39 %) et les femmes (40 %) sont équitablement représentés, tandis que les jeunes (47 % des 18-24 ans et 45% des 25-34 ans) portent un regard plus positif sur les services publics que les répondants plus âgés (seulement 32% de satisfaits chez les 50-64 ans). Le sondage indique, par ailleurs, que les personnes appartenant aux catégories sociales supérieures se montrent plus critiques (60 % des CSP+) vis-à-vis de la qualité des services publics. Une proportion quasiment identique à celle que l’on rencontre chez les inactifs (59 %). 

OpinionWay analyse, en outre, l’impact de cette insatisfaction sur le vote des Français. L’institut de sondage montre ainsi que ce sentiment prédomine fortement chez les électeurs d’extrême droite (69% de mécontents contre 31 % de satisfaits). Même tendance chez les abstentionnistes (61% contre 38 % de satisfaits). À l’opposé, on trouve les plus importants contingents d’électeurs satisfaits des services publics parmi les supporters de la majorité présidentielle (63 % de satisfaits), de ceux d’Europe écologie-Les Verts (57 %) et des votants en faveur du Parti Socialiste (41 %). Parmi ceux qui se déclarent les plus insatisfaits, les plus nombreux sont les électeurs du Rassemblement National (70 %), de La France Insoumise (69 %) et des Républicains (63 %).

Les fractures s’aggravent dans les territoires ruraux et les centres des villes en déclin 

L’enquête d’opinion met également en évidence le rapport entre le niveau de satisfaction exprimé vis-à-vis des services publics et la typologie des territoires où vivent les répondants. Ainsi, les Français les plus satisfaits de leurs relations avec les administrations sont implantés dans une zone géographique « périphérique en développement ou expansion » (53 %), tandis que les plus insatisfaits habitent et travaillent dans un secteur « rural en stagnation ou déclin » ou dans un « centre en stagnation ou déclin » (respectivement 70 %).

La défiance des Français vis-à-vis des administrations repose bien souvent sur une mauvaise expérience vécue sur le terrain. Le sondage indique que 74 % des personnes interrogées éprouvent personnellement des difficultés dans leur relation avec les services publics, alors que 43 % d’entre elles ont ce sentiment « au moins de temps en temps » et que 25 % des répondants n’ont jamais connu de problèmes à l’occasion de leurs démarches administratives. 

Selon la « proximité partisane » observée par OpinionWay, les répondants ayant eu une mauvaise expérience se trouvent en plus grand nombre parmi les électeurs de La France Insoumise (90 %), d’Europe écologie Les Verts (80 %), du Rassemblement National (78%) et du Parti Socialiste (75 %). 

Questionnés sur les causes de leur mauvaise expérience vis-à-vis des services publics, les Français citent d’abord « les délais de traitement trop longs » (50 %). Viennent ensuite la complexité des démarches administratives (39 %), les sous-effectifs dans les services (31 %) et des réponses « inadaptées à la situation personnelle » ou « incomplètes » (30 % dans les deux cas). 

La possibilité d’accéder plus ou moins facilement aux services publics constitue également un sujet majeur pour les répondants. Ces derniers considèrent majoritairement qu’ils ont un accès facile aux administrations (75 %), mais dans certaines régions, de fortes proportions de répondants jugent cet accès plus difficile. C’est le cas des personnes interrogées dans le Centre-Val-de-Loire (40 %), dans les Pays--de-la-Loire (32 %) ou dans le Grand-Est (31 %). 

Des administrations moins accessibles que d’autres 

Enfin, le sondage montre que, sur le terrain, certains services sont plus accessibles que d’autres. L'école primaire (88 %), le collège (87 %), le lycée (80 %), la Poste (78 %), la police ou la gendarmerie (78 %) sont aisément accessibles aux Français. En revanche, les crèches ou les autres structures collectives de garde de jeunes enfants sont jugées d’accès difficile par 43 % des personnes interrogées. Le tribunal (40 %), les administrations de Sécurité sociale (CAF, CPAM, MSA...) (40 %), les Maisons France Service (35 %), les transports publics (30 %), l’'hôpital (30%) et France travail (28 %) figurent parmi les entités publiques avec lesquelles le contact s’avère le plus difficile pour l’usager.  

Parmi les principaux obstacles à l’égalité d’accès aux services publics cités par les répondants, ces derniers évoquent principalement l’éloignement géographique avec les administrations (48 %), la méconnaissance des démarches à effectuer (41 %), les délais d'accès (41 %) et les horaires d’ouverture des guichets et des permanences téléphoniques (40 %). Les Français se prononcent pour certaines pistes d’amélioration possibles. Il s’agit d’abord d’aller vers la simplification des démarches administratives (91 %), de renforcer l’accompagnement de l’usager par une personne compétente et disponible (91 %), de développer les services publics de proximité (90 %), d’améliorer l'information sur les services disponibles (90%) ou encore d’encadrer l'installation des médecins sur le territoire (89 %).

Au regard des enseignements qui se dégagent de l’étude réalisée par OpinionWay, Le sens du service public estime que ce sondage « démontre l'attachement des Français à l'égalité d'accès aux services publics quels que soient les proximités partisanes et leur lieu d'habitation ». Pour le collectif animé par le DGA adjoint de la ville de Rennes et de Rennes Métropole, Johan Theuret, par ailleurs ancien président de l'Association des DRH des grandes collectivités, « il y a nécessité de se réapproprier l'enjeu de l'égalité d'accès en veillant à la proximité géographique des services publics avec les usagers et en garantissant des fonctionnements adaptés aux besoins ».




Budget
Service civique, part collective du Pass culture : le gouvernement se veut rassurant sur la « suspension » provisoires de certains services
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a reconnu mardi que le gouvernement a bien été « contraint de mettre en pause » les nouveaux contrats de service civique. En même temps, la part collective du Pass culture se voit, elle aussi, « suspendue ». 

C’est la députée MoDem des Pyrénées-Atlantiques Josy Poueyto qui a interpellé la ministre des Comptes publics sur le sujet du service civique, hier, lors de la séance de questions au gouvernement. « Sur le site Elisa, a-t-elle expliqué, un encadré avertit désormais que ‘’à compter du 1er février 2025, et jusqu’à l’adoption de la loi de finances pour 2025, aucun nouveau contrat [de service civique] ne pourra être signé’’ ». À part les jeunes qui débutent une mission internationale et ceux qui sont affectés à Mayotte, tous les nouveaux contrats sont en effet bloqués, ce qui laisse « 5 000 jeunes (…) aux portes du service civique ». 

Amélie de Montchalin a reconnu cet état de fait : « Le gouvernement constate comme tout le monde qu’à défaut de budget nous sommes contraints de mettre en pause les nouveaux contrats » de service civique. Elle a ajouté que le projet de budget de l’État pour 2025 issu d’un compromis obtenu vendredi par la Commission mixte paritaire (CMP) prévoit « 580 millions d’euros de budget pour le service civique » qui permettent le « financement pour 150 000 contrats », soit « strictement le même nombre qu’en 2024 ».

Elle a dénoncé l’« instrumentalisation de ce sujet par certains » qui laisserait à penser « que la situation n’est pas due à l’absence de budget, mais le fruit d’un plan caché du gouvernement pour remettre en question l’ambition du service civique ». « Il n’y a pas de plan caché », a-t-elle affirmé.  « Sans budget, notre pays est à l’arrêt. (...) Un pays sans budget, c’est un pays au ralenti, un pays où les jeunes qui s’engagent pour de grandes causes sont dans l’expectative. »

Pass culture

Autre suspension provisoire : celle de la part collective du Pass culture (lire Maire info du 3 février). C’est la députée socialiste de la Seine-Maritime Florence Herouin-Léautey qui a dénoncé le « gel » de la part collective du Pass culture, qui « porte un coup d’arrêt brutal à des milliers de projets d’éducation artistique et culturelle ». La députée a dénoncé une mesure qui « stoppe net les projets de classe ou d’établissement, parfois en cité éducative », alors que « l’argent coule à flots sur la part individuelle du pass ». Et d’interpeller la ministre de l’Éducation nationale : « À l’heure où nous parlons, des dizaines de milliers de projets pédagogiques sont suspendus à votre décision ; des centaines de milliers d’intermittents sidérés, en colère ; autant d’enseignants, dans tous les collèges et lycées de France, de nouveau en butte au mépris de l’institution. Quand comptez-vous réactiver la part collective du pass culture ? »

Élisabeth Borne a répondu en se montrant rassurante et en cherchant à expliquer les raisons de cette suspension : la part collective serait tout simplement victime de son succès. « Entre 2022 et 2024, les crédits inscrits dans les lois de finances sont passés de moins de 20 millions d’euros à plus de 60 millions, le coût réel atteignant l’an dernier 97 millions. Pour 2025, nous avions prévu 72 millions, soit une hausse de 10 millions ; or, depuis le début de l’année, les réservations ont flambé au point d’absorber en quelques semaines près de 50 millions, les deux tiers de ce budget ». Face à cette situation, le ministère a donc bien dû « suspendre la plateforme ». Mais, a assuré l’ancienne Première ministre, « la plateforme rouvrira dans les prochains jours, et les projets validés ou ayant fait l’objet d’une pré-réservation seront financés ». 






Journal Officiel du mercredi 5 février 2025

Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Décret n° 2025-101 du 3 février 2025 relatif à la permanence des soins en établissement de santé

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