Édition du jeudi 30 janvier 2025 |
Assurances
Assurances des collectivités : un rapport met en lumière le problème du manque de concurrence dans le secteur
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L'Autorité de la concurrence, saisie par le Sénat, a rendu cette semaine un avis sur « la situation concurrentielle dans le secteur de l'assurance aux dommages aux biens des collectivités territoriales ». Cet avis met le doigt sur ce qui apparaît comme le vrai problème : une trop faible concurrence dans ce secteur, notamment du fait d'une rentabilité insuffisante pour attirer d'autres acteurs.
C’est la commission des finances du Sénat qui a demandé à l’Autorité de la concurrence, en mars dernier, de se pencher sur la question de l’assurance des collectivités locales, dans un contexte où de plus en plus de collectivités rencontrent de grandes difficultés pour s’assurer, voire ne peuvent plus s’assurer du tout. Entre contrats brutalement résiliés, primes qui explosent ou franchises qui crèvent les plafonds, la situation devient critique pour des milliers de collectivités.
L’intérêt de l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence est qu’il ne se prive pas de mettre le doigt là où cela fait mal, sans se contenter des réponses parfois un peu trop faciles données par les assureurs, à savoir : la multiplication des catastrophes naturelles oblige les assureurs à revoir primes et franchises à la hausse. En réalité, fait apparaître l’Autorité de la concurrence, les choses sont un peu plus compliquées que cela.
« Faible intensité concurrentielle »
L’Autorité fait d’abord un constat : non seulement de nombreuses collectivités sont confrontées à un durcissement des conditions de leur contrat d’assurance, avec des primes parfois multipliées par 6 et des franchises parfois multipliées par 13, mais de surcroît, de plus en plus de collectivités ne parviennent plus à s’assurer : comme l’a établi le Sénat, depuis le début de l’année 2023, un quart des collectivités qui ont lancé un appel d’offres n’ont reçu de réponse d’aucun assureur.
L’Autorité fournit de multiples pistes pour comprendre les raisons de cette situation et, parmi elles, met en avant le problème du manque de concurrence dans ce secteur, largement dominé par deux acteurs seulement, la Smacl et Groupama. La Smacl, rappelle l’Autorité, assure « 15 900 collectivités », et les deux groupes monopolisent à eux seuls « 40 % du secteur ». Néanmoins, l'Autorité de la concurrence ne mentionne pas, comme l'a fait le récent rapport de la Cour des comptes de Bourgogne-Franche-Comté, le fait que certains assureurs, et en particulier la SMACL, ont « maintenu les prix à un niveau artificiellement bas » pendant plusieurs années, la SMACL s'engageant dans une « course aux parts de marché » qui a en partie tué la concurrence.
De nombreux acteurs se sont peu à peu retirés du marché et un certain nombre de « freins » existent à l’arrivée de nouveaux. En cause, notamment : la « faible rentabilité » de ce marché, pour les assureurs, et les lourdeurs de la procédure de marchés publics.
L’Autorité confirme, grâce aux chiffres fournis par les assureurs, que le secteur de l’assurance des biens des collectivités présente « de faibles perspectives de rentabilité », nettement plus faibles en tout cas que le reste du marché professionnel. Sur les dernières années, le ratio moyen « sinistres sur primes » serait de 80 % pour l’assurance des collectivités (le montant dépensé pour rembourser les sinistres atteint 80 % du montant perçu via les primes), contre 68 % pour l’ensemble du marché professionnel.
Par ailleurs, les procédures de réponse à des appels d’offres – expliquent les assureurs – sont trop lourdes administrativement et trop coûteuses, ce qui décourage certains acteurs de se lancer sur le marché. Mais le même problème se pose pour les collectivités elles-mêmes, dont beaucoup n’ont pas l’expertise ni les moyens nécessaires pour monter correctement leur dossier d’appel d’offres et qui de plus, souligne l’Autorité, ont une connaissance souvent « insuffisante » de leur propre patrimoine assurable.
L’Autorité constate également un véritable fossé entre le ressenti des assureurs et celui des collectivités sur la question des négociations. D’un côté, elle cite des assureurs qui estiment que les collectivités ont tout loisir « d’imposer l’ensemble des clauses du contrat » et qui se plaignent de ne pas disposer de suffisamment de marge de manœuvre dans les négociations. De l’autre, les associations d’élus qui constatent exactement le contraire : « Les collectivités n’ont (…) que très peu de latitude pour négocier avec des assureurs qui leur ont fait supporter des augmentations tarifaires exclusivement liées aux dysfonctionnements du marché ; et incidemment totalement décorrélées de leur sinistralité », témoigne une association d’élu auprès de l’Autorité. « Force est de constater qu’actuellement, les communes sont tenues d’accepter des négociations déséquilibrées au risque de ne plus du tout être assurées », témoigne une autre.
Quelles solutions ?
L’Autorité de la concurrence fait un certain nombre de recommandations pour tenter de sortir de cette situation.
Il est à noter qu’elle pose la question – essentielle – de la « segmentation » du marché. Aujourd’hui, l’assurance des biens des collectivités n’est pas séparée du reste du marché professionnel – à la différence près qu’elle est soumise au Code des marchés publics. Or comme ne cessent de le rappeler les associations d’élus, les biens des collectivités ne sont pas des biens comme les autres, dans la mesure notamment où celles-ci ont la charge d’assurer le service public. L’Autorité établit que « quatre associations d’élus sur cinq » sont favorables à une « segmentation » du marché, visant à séparer le marché de l’assurance des collectivités du reste du marché professionnel. France assureurs, de son côté, juge également une telle segmentation « pertinente ». L’Autorité ne se prononce pas sur ce sujet mais estime qu’il doit être posé.
Elle fait en revanche plusieurs recommandations. Certaines sont connues et recoupent celles du récent rapport Chrétien-Dagès, en particulier celles qui invitent les communes à davantage mutualiser (par exemple avec leur EPCI de rattachement). L’Autorité estime également nécessaire que les collectivités « renforcent la connaissance de leur patrimoine et l’ensemble des risques auxquels elles sont confrontées ».
Mais elle fait également des propositions plus précises et spécifiques. Par exemple, « allonger le délai de réponse des assureurs aux appels d’offres » : les collectivités s’appuient en général sur le délai minimum prévu par la loi (30 jours), alors qu’elles ont la possibilité d’aller jusqu’à 90 jours. Un délai trop court, rappelle l’Autorité, peut décourager un assureur de répondre à l’appel d’offres. L’Autorité invite également les collectivités à étaler les appels d’offres sur des périodes plus longues, plutôt que de concentrer les appels d’offres « à l’automne pour une conclusion en début d’année suivante », ce qui représente une charge accrue pour les assureurs au même moment de l’année et place certains dans l’impossibilité de répondre.
L’Autorité recommande enfin aux collectivités de ne pas hésiter à recourir à l’allotissement, c’est-à-dire à séparer le marché en plusieurs lots distincts (par biens ou par risques), ce qui peut permettre de « partager les risques entre plusieurs assureurs » et d’inciter « les assureurs, qui ne sont pas en mesure de formuler une offre globale, à proposer une offre à la collectivité pour certains lots spécifiques à un type de risque ou à un type de bien ».
On ne peut toutefois que remarquer que les recommandations de l'Autorité ne s'adressent qu'aux collectivités, et pas aux assureurs, comme si ceux-ci n'avaient pas de responsabilité dans la situation – à rebours de qui est écrit dans le reste du rapport.
Au-delà de ces préconisations de l’Autorité de la concurrence, il ne faut pas oublier les solutions proposées dans le rapport Chrétien-Dagès (lire Maire info du 25 septembre). Le gouvernement a indiqué à l'AMF qu'il allait présenter, dans les semaines à venir, un « plan d'action ».
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Transports
La création d'un versement mobilité régional, l'un des innombrables enjeux de la commission mixte paritaire
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En novembre, le Sénat avait introduit dans le projet de budget un versement transport élargi aux régions, répondant à une très ancienne revendication de Régions de France. Cette disposition va-t-elle survivre à la commission mixte paritaire qui se tient ce soir, contre l'avis de France urbaine, d'Intercommunalités de France et du Medef ?
Lors des débats au Sénat qui ont précédé le renversement du gouvernement Barnier, deux amendements avaient été adoptés autour du versement mobilité (VM) : l’un pour augmenter son plafond, l’autre pour l’étendre aux régions.
Le versement mobilité
Pour mémoire, le versement mobilité (ex-versement transport), instauré par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 est une taxe versée par les entreprises employant 11 salariés et plus dans un certain nombre de territoires : l’ensemble de la région Île-de-France, les communes ou communautés urbaines de plus de 10 000 habitants, dans les métropoles, et enfin dans les EPCI de plus de 10 000 habitants « compétents pour l’organisation de la mobilité ». Dans ces derniers, la perception du VM est conditionnée à l’organisation d’au moins un service de transport public régulier.
À l’exception de la région capitale donc, le VM ne peut être perçu à l’échelle des régions. Mais en même temps, la même LOM a donné de nouvelles compétences aux régions en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Rappelons en effet que la LOM a créé un système à deux étages pour permettre aux communautés de communes de devenir AOM, afin, disait à l’époque la ministre des Transports, d’en finir avec « les zones blanches de la mobilité » dans les territoires ruraux. Depuis la LOM, toutes les communautés de commune ont eu le choix ou bien de prendre la compétence mobilité et de devenir des AOM, ou bien de transférer cette compétence à la région.
Une moitié environ des communautés de communes ont fait le choix de garder la compétence, l’autre de la transférer.
Le problème de ces dispositions, soulevé notamment par Régions de France, c’est que la loi n’a pas prévu d’affecter aux régions de ressources pour exercer cette compétence – le VM restant uniquement réservé aux EPCI et aux métropoles.
Un VM régional à 0,2 %
Les sénateurs ont donc choisi, contre l’avis du gouvernement, de voter un amendement pour instituer un VM régional, lors des premières discussions sur le projet de loi de finances, en novembre. Un amendement « visant à donner aux régions une ressource financière dédiée à leur rôle de chef de file de la mobilité ».
Cet amendement – assez compliqué – permettrait aux régions et à la collectivité de Corse de voter un versement mobilité plafonné à 0,2 % de la masse salariale des entreprises de onze salariés et plus. Il est clairement écrit dans l’exposé des motifs de l’amendement – mais beaucoup moins clairement dans l’amendement – que ce prélèvement nouveau se ferait « sans préjudice du VM perçu le cas échéant par chaque AOM sur son ressort territorial ». C’est ici que la rédaction de l’amendement est complexe : il est à fois écrit que le VM régional serait perçu « sur l’ensemble du territoire de la région », mais « sans préjudice » du VM perçu par les AOM locales. Si ce dispositif subsiste, il faudra l’expliquer plus clairement : y aura-t-il un « double VM » dans les autorités organisatrices locales, un pour la région et un pour l’AOM ? Ou le VM régional ne s’appliquera-t-il qu’à l’extérieur du ressort des AOM locales ? L’amendement prévoit d’ailleurs que la région puisse moduler, voire porter à zéro, le montant du VM régional dans chaque EPCI – cela s’appliquera-t-il à ce cas d’espèce ? Pour l’instant, pas de réponse claire à ces questions.
Autre point important de cet amendement : l’obligation pour les régions de reverser 10 % du produit du VM régional aux AOM au prorata de leur population. Là encore l’amendement est peu clair – on ne comprend pas si ce reversement est réservé aux communautés de communes ou non. Dans l’exposé des motifs, il est simplement indiqué que « dans la répartition de cette enveloppe, il importe que les régions soient attentives à la situation des AOM des zones peu denses disposant de bases fiscales trop faibles – et donc d’un rendement de VM insuffisant – pour financer des projets de mobilité ».
Les auteurs de cet amendement ont chiffré à 500 millions d’euros le rendement maximum de cette nouvelle taxe.
Par ailleurs, les sénateurs ont voté au même moment un amendement permettant aux AOM concernées par la réalisation d’un RER métropolitain (Serm) de rehausser le plafond du VM de 0,2 point, mais seulement pour les entreprises de plus de 50 salariés.
« Fragilisation » et « concurrence »
Naturellement, ces dispositions ont provoqué l’ire du Medef, qui avait aussitôt réagi en plaidant que cette mesure nuirait « à la compétitivité des entreprises » et qui demande aux collectivités de « trouver d’autres ressources pour financer l’offre de transports ».
Plus récemment, le 27 janvier, ce sont les associations Intercommunalités de France et France urbaine qui ont pris la plume pour demander à François Bayrou de bloquer la création de ce VM régional, qui aurait « des conséquences graves » pour les villes et intercommunalités. Les deux associations se montrent choquées de ne pas avoir été associées aux discussions sur ce sujet, alors qu’elles représentent « des acteurs majeurs des mobilités de proximité », et estiment que la création du VM régional « fragiliserait la seule ressource dont elles disposent pour financer leurs actions de développement des transports publics ».
Les deux associations estiment en outre que créer un VM régional « mettrait les collectivités en concurrence les unes avec les autres sur une ressource déjà en tension ».
De leur côté, les régions mènent une ardente campagne auprès du Premier ministre pour que ces dispositions soient maintenues lors de la CMP.
Ironie de l’histoire : le sénateur co-signataire de ces amendements adoptés en novembre au Sénat est un certain… Philippe Tabarot, aujourd’hui ministre des Transports du gouvernement Bayrou. On peut imaginer qu’il fait partie, au sein du gouvernement, de ceux qui plaident pour le maintien de ces dispositions – à la différence du ministre de l’Économie, Éric Lombard, qui s’est dit « réservé », au nom de la compétitivité des entreprises.
On saura qui, des régions ou des intercommunalités, aura remporté ce bras de fer, à l’issue de la commission mixte paritaire qui a débuté – pour combien de temps ? – ce matin à 9 h 30.
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Budget de l'état
Fondé sur des prévisions « optimistes », le budget 2025 laisse « peu de marges de sécurité », selon le HCFP
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Le Haut Conseil des finances publiques estime, notamment, que le ralentissement des dépenses des collectivités n'est « pas acquis » en 2025. Des dépenses qui auraient été, toutefois, moins élevées que prévu en 2024.
Le projet de budget de l'Etat pour 2025 est bâti sur des hypothèses de croissance « un peu optimistes » et offre « peu de marges de sécurité ». C’est ce qu’affirme le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans un avis, publié hier, alors que députés et sénateurs se réunissent aujourd’hui, en commission mixte paritaire (CMP), pour tenter de trouver un compromis sur le projet de loi de finances (PLF).
L’instance reconnaît, toutefois, que le PLF pour 2025 « amorcerait l'indispensable trajectoire de réduction du déficit ». Une « urgence », selon le HCFP, dont l’avis porte également sur le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) qui vient de revenir à l’Assemblée.
Collectivités : le ralentissement des dépenses « pas acquis » pour 2025
La prévision de réduction du déficit, fixée à 5,4 points du PIB en 2025 (contre 6 points en 2024) par le gouvernement, laisse ainsi « peu de marges de sécurité » puisqu’elle repose sur « des mesures à confirmer dans le cadre du débat parlementaire en cours ».
Pour le Haut Conseil, cette trajectoire est fondée sur « des hypothèses macroéconomiques un peu optimistes » et sur des mesures d’économies « partiellement documentées ». Elle repose également sur la « forte maîtrise des dépenses d'assurance-maladie » et le « net ralentissement des dépenses des collectivités locales », deux objectifs qui ne sont « pas acquis » aux yeux de l’instance indépendante.
Sur ce dernier point, elle rappelle que le gouvernement prévoit « une hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités locales de 2 % en valeur par rapport à 2024, soit 1 point de pourcentage de plus qu’au PLF initial (après 4,8 % en 2024 par rapport à 2023) et de 0,6 % en volume ». Le HCFP estime, d’ailleurs, que cette nouvelle prévision – qui tient compte de l’allègement de l’effort réclamé aux collectivités (passé de 5 à 2 milliards d’euros) – est « plus crédible que celle d’octobre dernier ».
Reste que toutes ces hypothèses devront être « étayées par des mesures plus efficaces que celles qui ont été déployées jusqu'à présent, ainsi que sur une gestion stricte des crédits de l'État », assure-t-il, prévenant que « le respect » de la réduction du déficit est un « impératif dans le contexte d’urgence lié au dérapage des finances publiques en 2023 et 2024 ».
« Il est indispensable que la France tienne son objectif de retour du déficit sous 3 points de PIB en 2029 », affirme ainsi le Haut Conseil qui enjoint le gouvernement à se tenir « prêt à prendre les dispositions nécessaires en cas de moins-values de recettes ou de dérapage de certaines dépenses en cours d’année ».
En 2024, l’investissement local revu à la baisse
Sur ce point, on peut rappeler qu’à l’automne dernier, l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait mis sur le dos des collectivités – et de leurs « dépenses dynamiques » – la nouvelle dégradation du déficit, en les accusant de faire dériver les comptes publics de « 16 milliards d’euros » en 2024.
Des chiffres déjà jugés « fallacieux » par les associations d’élus et remis en cause par les parlementaires à l’époque.
Or il s’avère, selon le Haut Conseil, que la prévision de dépenses du pays est en train d’être revue à la baisse par rapport à celle d’octobre. Et cela en raison principalement de dépenses d’investissement des collectivités locales « moins élevées qu’anticipé ». Leurs comptes complets ne seront, cependant, connus qu’en mars prochain.
Résultat, « le ralentissement plus fort que prévu » de leur investissement au second semestre 2024 a ainsi conduit à abaisser de 3,6 milliards d’euros la prévision des dépenses locales.
On peut également noter que le Haut Conseil estime que la prévision de croissance du PIB pour 2025 (+ 0,9 %) par l’exécutif est « atteignable », mais reste « supérieure à celle du consensus des économistes (+ 0,7%) » et « un peu optimiste au vu des indicateurs conjoncturels les plus récents ».
De son côté, l'Insee table sur une hausse « modeste » de 0,2 % du PIB au premier trimestre 2025 et sur une croissance nulle au quatrième trimestre 2024, dans une note publiée ce matin.
Des chiffres en net ralentissement alors que le reflux de l'inflation devrait se poursuivre, l'Insee présageant sa hausse à 1 % sur un an en juin, quand le gouvernement la voit à 1,4 %. Là aussi, « un peu élevée », selon le Haut Conseil des finances publiques.
Budget 2025 : des négociations « en cours »
Depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, l’été dernier, l’incertitude politique pèse sur la croissance et se double d'une crise budgétaire puisque le pays est sans budget pour l’année 2025 du fait de la chute du gouvernement Barnier en décembre dernier. Et le nouvel exécutif, dirigé par François Bayrou, est toujours en négociation avec les socialistes pour faire passer un budget et ainsi éviter la censure.
Alors que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a rejeté, hier soir, sans incidence pour l’heure, le projet de budget 2025 de la Sécu (PLFSS), c'est au tour de la commission mixte paritaire de se réunir aujourd’hui pour trouver un texte de compromis sur le PLF. Pour rappel, ce texte avait été amendé par le Sénat qui a adopté, la semaine dernière, un projet de budget qui allégerait l'effort demandé aux collectivités, débloquerait des aides pour la reconstruction en outre-mer et mettrait notamment en place un fonds territorial climat.
La porte-parole du gouvernement Sophie Primas a assuré, hier, que des négociations étaient bien « en cours » entre les députés et les sénateurs qui se réuniront cet après-midi dans le cadre de la CMP. Une nouvelle étape avant l’adoption définitive d’un budget pour 2025, qui reste encore hypothétique à l’heure actuelle.
Consulter l'avis du HCFP.
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Sécurité
Début du parcours législatif de la proposition de loi contre le narcotrafic cette semaine au Sénat
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Le Sénat a terminé hier soir l'examen des 24 articles de la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » pour laquelle le gouvernement a engagé la procédure accélérée.
Le Sénat étudie depuis mardi une proposition de loi « visant à faire sortir la France du narcotrafic ». Ce texte avait été déposé en novembre dernier par Étienne Blanc, sénateur du Rhône (LR), et Jérôme Durain, sénateur de la Saône-et-Loire (PS). Il a été rédigé à l’issue d’une commission d'enquête sénatoriale menée sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.
Du port du Havre au département des Bouches-du-Rhône, en passant par la campagne vosgienne : de nombreux élus avaient alors pu témoigner du fait que le trafic de drogues n’est plus uniquement l’affaire des grandes villes. Le phénomène touche les villes moyennes, mais aussi les zones rurales. La thématique avait d’ailleurs été abordée pour la première fois lors du dernier Congrès des maires (lire Maires de France).
Le sujet est aussi largement porté par le gouvernement, notamment par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui souhaitent faire de la lutte contre le narcotrafic une « priorité absolue », comme l’a rappelé le garde des Sceaux dans une circulaire de politique pénale envoyée lundi à tous les procureurs.
Création d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco)
L’article 2 du texte prévoit la création d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). Ce dernier, similaire aux parquets financier (PNF) ou antiterroriste (Pnat), serait chargé du « haut du spectre » des crimes en la matière et constituerait une « incarnation » de la lutte contre le narcotrafic, avec un rôle de coordination des parquets locaux.
Pour se donner les moyens de réussir ce nouveau dispositif, le ministre de la Justice a d’ores et déjà annoncé qu’il allait doubler en 2025 « les effectifs de magistrats dans les juridictions pénales spécialisées (Jirs), et la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) ».
Plusieurs amendements ont été votés sur cet article. Un sous-amendement du gouvernement précise par exemple que si le Pnaco sera « par défaut » à Paris, la localisation pourrait changer : « Les spécificités de la criminalité organisée, et sa particulière prégnance sur certains ressorts, et on peut tout particulièrement penser à celui de Marseille, même s’il n’est pas le seul, pourraient imposer de retenir des solutions différentes de celles qui avaient été retenues pour la création des deux précédents parquets nationaux. »
Un autre amendement introduit la création d’un « référent Jirs » pour pallier les difficultés de coordination entre les parquets locaux et les parquets Jirs. Le monopole qu’il était envisagé de confier au Pnaco a également été supprimé du texte notamment pour ne pas priver les Jirs et les parquets locaux « de toute possibilité de se saisir d’affaires graves ».
Ce dispositif est complété par l’article unique de la proposition de loi organique qui fixe le statut du procureur national anti-stupéfiants : comme le procureur national anti-terroriste (Pnat) et le procureur national financier (PNF), il verrait la durée de ses fonctions soumise à un maximum de sept ans.
Blanchiment : le rôle du maire élargi
Au-delà du fait que ce texte vise surtout une « amélioration de l’arsenal pénal », la proposition de loi a aussi pour objet le renforcement de la lutte contre le blanchiment, et l’implication des élus locaux y a été débattue.
Parmi les dispositions qui intéressent directement les maires, l’article 3 prévoit des dispositifs qui devraient avoir un impact dans les communes touchées par le narcotrafic. Le texte créé notamment une mesure de fermeture administrative des commerces en lien avec le narcotrafic : « Tout établissement à l'égard duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il s'y commet de façon régulière une ou plusieurs infractions », peut sur proposition du maire de la commune faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative.
Un amendement précise que le maire est « systématiquement informé par le procureur de la République des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites, des poursuites engagées, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions liées au trafic de stupéfiants ». De même, pour les fermetures administratives.
Par ailleurs, ce même amendement précise que le maire pourra « participer à la lutte contre le trafic de stupéfiants sur le territoire de sa commune en opérant des signalements à Tracfin » (acronyme de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins). L’article 7 du texte consacre aussi les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants au sein desquelles les maires peuvent être associés au niveau départemental.
Des dispositions qui risquent d’évoluer durant la navette parlementaire
Si dans l’ensemble, les discussions au Sénat se sont déroulées dans une entente cordiale, certaines dispositions ont pu mener à des débats plus musclés. Cela a notamment pu être le cas pour l’article 14 qui propose une réforme du statut de repenti, « aujourd’hui unanimement reconnu comme défaillant ». Créé en 2004 par la loi Perben II, ce statut avait déjà été mis en cause par l’ancien ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti qui souhaitait en faciliter l’attribution, regrettant qu’il soit aujourd’hui trop peu utilisé.
Alors que le ministre de la Justice avait déposé un amendement pour supprimer la création d’une immunité de poursuites, la possibilité d’octroyer à une personne ayant collaboré avec la justice une immunité de poursuites a bel est bien été votée. Le gouvernement est, lui, plutôt favorable à une réduction de peine pour les repentis. Cette question va être retravaillée avec les auteurs du texte.
Autre sujet sensible examiné hier soir : l’article 16 qui instaure « un procès-verbal distinct sur lequel seraient inscrites les modalités de fonctionnement de certaines techniques spéciales d’enquête sensibles ou les éléments d’identification des infiltrés, des témoins menacés ou des informateurs ». Concrètement, ne serait accessible aux avocats que le résultat des investigations. Déjà plusieurs avocats estiment que la mesure est inconstitutionnelle. Le gouvernement y est cependant largement favorable. Le ministre de l’Intérieur n’a pas hésité à indiquer que tous les avocats « ne sont pas bien intentionnés, notamment ceux qui défendent les mafieux ».
Enfin, l’article 24 – qui a été entièrement récrit – ouvre la possibilité de prononcer des interdictions administratives de paraître sur les points de deal à l’encontre des dirigeants de réseaux de trafics de stupéfiants. Il permet par ailleurs de mettre l’intéressé en demeure de quitter son domicile lorsque celui-ci est situé dans la zone d’interdiction. Un amendement a été introduit pour « s'assurer que seules les activités ou agissements en lien avec le trafic de stupéfiant soient explicitement visées par les mesures de résiliation de bail ».
Le texte devrait être voté mardi prochain avant de poursuivre son parcours législatif à l’Assemblée nationale.
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Société
Sécurité routière : mortalité stable en métropole, en hausse dans les outre-mer
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Avec une légère baisse des blessés et une mortalité quasi stable en métropole, l'année 2024 s'est terminée sur une note relativement positive sauf pour l'outre-mer qui paye un lourd tribut, selon les chiffres annuels provisoires présentés jeudi par la Sécurité routière.
Dans l'Hexagone, 3.190 personnes au total ont perdu la vie sur les routes, soit une hausse de 0,7 %, alors que 233 000 personnes ont été blessées (-0,8 %), a annoncé l'Observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR).
Dans les territoires ultramarins, l'augmentation est plus élevée (+ 4 %) et le nombre de personnes décédées s'élève à 241. La mortalité des deux roues motorisées, qui représente un tiers de ces victimes, augmente, celle des voitures et des piétons aussi. En termes d'âge, les 18-34 ans sont les plus touchés: 103 tués en 2024 contre 82 l'année passée.
Pour ce qui est de l'Hexagone, les jeunes figurent aussi parmi les profils les plus à risque, suivis des personnes âgées. Pour ce qui est du genre, ce sont les hommes.
En 2024 2 477 hommes sont décédés dans un accident de la route, soit 78% des tués. Les hommes représentent par ailleurs 75 % des blessés graves et 84 % des présumés responsables d'accidents mortels, « soit des ratios équivalents à ceux observés en 2023 », note l'ONISR. Par mode de transport, les occupants de voitures représentaient encore l'année dernière moins de la moitié des personnes tuées (48 %). Il y a eu plus de morts parmi les deux roues motorisées (726 en 2024, contre 706 en 2023), plus aussi parmi les piétons (451 tués, soit douze de plus qu'en 2023).
Quant aux cyclistes, dont la mortalité avait connu en 2022 un bond de 30 % en 2022 par rapport à la dernière année prépandémie soit 2019, le nombre de tués s'est stabilisé (222 au total en 2024, contre 221 l'année passée), tout comme celui des blessés graves (2 550). Par type de route, 60 % des tués le sont hors agglomération.
François-Noël Buffet, ministre auprès de celui de l'Intérieur Bruno Retailleau, note qu'en restant sous la barre des 3 200 tués dans l'Hexagone, les résultats « sont encourageants » mais qu'il « est de notre responsabilité collective d'agir pour réduire ces drames humains ». « Nous devons tous, conducteurs, cyclistes, piétons et usagers de trottinettes, adopter un comportement responsable, respecter les règles de sécurité », est-il cité dans le communiqué.
Le gouvernement a lancé en octobre dernier une mission contre la violence sur les routes, après la mort d'un cycliste à Paris, tué par un automobiliste qui est soupçonné de l'avoir volontairement écrasé. Les chiffres définitifs de la Sécurité routière devraient être publiés fin mai.
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