Édition du mercredi 29 janvier 2025 |
Fonction publique
Recrutements dans la fonction publique : les difficultés se confirment
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Selon le Baromètre HoRHizons 2025, les collectivités comptent limiter les embauches. Elles peinent de toute façon à attirer des candidats : le problème de l'attractivité de la fonction publique territoriale est de plus en plus fréquemment mis en avant par les employeurs.
[Article initialement paru sur le site de Maires de France.]
« Contrairement à la tendance continue depuis 2018, les intentions de recrutement régressent fortement : seulement 43,4 % des collectivités et intercommunalités répondantes envisagent de recruter prochainement », indique le Baromètre HoRHizons, présenté le 28 janvier à l’AMF (enquête Qualitest réalisé par téléphone du 07/10 au 03/12/2024, auprès d’un échantillon de 1 000 collectivités représentatives), par les associations d’élus réunies dans la Coordination des employeurs territoriaux (CET). C’est 7,6 % de moins que l’édition précédente. À l’inverse, ce sont 55 % qui ne prévoient pas de recruter. Les collectivités n’avaient, il est vrai, lors du sondage, aucune visibilité sur leur budget. Mais même si l’étau financier s’est, depuis, un peu desserré sur les collectivités, celles-ci seront tout de même fortement contributrices au redressement des comptes publics.
« Il y a urgence à agir. Nous ne pouvons plus attendre, prévient Murielle Fabre, maire de Lampertheim (67), secrétaire générale de l'AMF et co-présidente de la commission FPT RH de l'association. Nous n'avons pas aujourd'hui suffisamment la possibilité de recruter. Nous n'arrivons pas à fidéliser nos agents et nous n'avons plus la capacité de pouvoir le faire. C'est quelque chose que l'on dit et que l'on répète à l'envi depuis quelques années. Je pense qu'on est sur le véritable moment crucial pour l'avenir des collectivités territoriales. 2025 sera à mon sens une année charnière ».
La hausse de la cotisation CNRACL, l'éventuelle baisse de 10% dans l'indemnisation des arrêts maladie augmentent également les charges pour les employeurs, ce qui n'aide pas à recruter. « Le contexte d'incertitudes oblige à ralentir sur les recrutements », appuie Thomas Fromentin, président de l'agglomération de Foix Varilhes, pour Intercommunalités de France.
Remplacer les départs en retraite
« Il est en effet préoccupant de voir que les perspectives de recrutements régressent car nous arrivons à la fin du baby-boom au profit du papy-boom », ajoute Vincent Le Meaux, maire de Plouec-du-Trieux (22), vice-président de la Fédération nationale des centres de gestion. Les collectivités envisagent de recruter essentiellement pour remplacer les départs, pour près de deux tiers d'entre elles (65,2%). Un chiffre en augmentation quasi constante depuis 2017. Rappelons que 3 % des effectifs de la FPT sont partis en retraite en 2022, selon la 13e édition 2024 du Panorama de l'emploi public territorial FNCDG/ANDCDG.
De moins en moins de collectivités envisagent de créer des postes (seuls 8,7% des répondants), maîtrise ou réduction des dépenses de fonctionnement obligent. Et lorsqu'elles ont l'intention d'en créer, elles imaginent le faire majoritairement dans le domaine des services techniques (55,1%).
Problèmes d'attractivité
Le manque d’attractivité de la fonction publique territoriale est en effet de plus en plus mis en avant, encore dernièrement par France Stratégies. Le baromètre confirme cette tendance : 52,7 % des collectivités répondantes ont des problèmes pour recruter et fidéliser les agents.
Selon les strates des collectivités, les difficultés pour recruter et/ou fidéliser peuvent « varier du simple au double », fait remarquer Igor Semo, maire de Saint-Maurice (94), vice-président de l'APVF : 42 % dans les communes de moins de 3 500 habitants, 81,5% dans les villes jusqu'à 20 000 habitants... « Dans nos petites communes rurales, cela pose la question du maintien des services publics de proximité, voire l'existence même de nos communes », alerte Chantal Gantsch, maire de Savignac-sur-L'Isle (33) représentant l'AMRF.
Le régime indemnitaire reste plus que jamais le premier et principal levier pour pallier cette faiblesse, selon 59,7 % des répondants (+ 8 points par rapport à la précédente édition). Les communes, surtout les plus petites (60,8 % des moins de 3 500 habitants), le citent.
Les employeurs territoriaux apparaissent conscients des faibles rémunérations de leurs agents puisque 69,8% des répondants disent avoir versé une prime en faveur du pouvoir d'achat. Et quand ils ne l'ont pas versée, c'est en raison essentiellement d'un manque de ressources financières. La Coordination des employeurs territoriaux alerte d'ailleurs depuis longtemps sur cette question des moyens et souhaite que soit mise en place une négociation nationale annuelle obligatoire sur la rémunération des agents publics à laquelle ils puissent participer.
La protection sociale complémentaire (PSC) apparaît comme le second levier « pour quasiment une collectivité sur deux ». L’obligation de participer au volet prévention depuis le 1er janvier 2025 et le développement des conventions de participation dans les centres de gestion et les structures intercommunales en 2024 peuvent expliquer en partie ce résultat, selon les auteurs du baromètre, notamment, là encore, dans les petites communes. En effet, 54,4 % des collectivités de moins de 3 500 habitants désignent la PSC comme le second levier d’attractivité.
Qualité de vie au travail
« Nous avons besoin de rendre la FPT plus attractive car nous sommes en concurrence avec les autres fonctions publiques et avec le secteur privé, explique Vincent Le Meaux. Les collectivités ont des budgets en équilibre et nous n'avons pas les moyens de mieux reconnaître le travail des agents. Le régime indemnitaire, la protection complémentaires sont de petits ajustements. Il ne font pas basculer une décision lors des recrutements. Il nous faut davantage innover dans nos négociations avec les agents, dans le management des équipes car nous avons besoin de davantage de souplesse et d'agilité ».
La qualité de vie au travail (38,7 % contre 38,4 % dans l’édition 2024 du baromètre) et l’action sociale (26,7 % contre 20,7 %) constituent deux autres leviers importants d’attractivité, devant le télétravail qui semble devenir de moins en moins un outil distinctif (23,5 % contre 25,9 %).
À rebours des récents discours désobligeants sur l'absentéisme des agents publics, 79,3% des collectivités répondantes n'ont pas constaté d'augmentation du taux d'absentéisme dans leurs effectifs.
Dans leur stratégie RH, les employeurs territoriaux misent avant tout sur la formation (83,2%) et l'amélioration de la prévention, de la santé et de la sécurité au travail (81,1%). Olivier Richefou, président du département de la Mayenne et vice-président de Départements de France, se « réjouit de l'organisation très efficace en France via le CNFPT. Il est normal et essentiel que les compétences des agents soient les plus optimales possibles pour rendre le meilleur service public à la population ». Yohann Nédélec, président du CNFPT et co-président de la commission FPT-RH de l'AMF ne peut qu'acquiescer en rappelant que la cotisation versée par les collectivités est « importante pour financer les formations du CNFPT qui reste deux à trois fois moins cher que les organismes de formation privés ».
Le président du CNFPT souhaite aussi lancer le débat de la formation des policiers municipaux: « 30 000 agents employés par seulement 4000 collectivités, mais dont la formation est financée par la cotisation de l'ensemble des collectivités. On peut se poser la question de l'équilibre financier. »
Le contrat prend sa place
Lorsqu'elles comptent embaucher, les collectivités préfèrent porter leur choix sur les fonctionnaires (pour 57,4 % des répondants) plutôt que des contractuels. Mais près d'un tiers ont envie de recourir prioritairement à des contractuels. L'idée fait de plus en plus son chemin dans les petites communes de moins de 3 500 habitants (46 %). Cette tendance serait essentiellement due à l'absence de candidat titulaire sur les offres d'emploi (48,9 %) ou pour faire face à des vacances d'emploi temporaire (44,8 %). L'explication idéologique (volonté d'ouvrir les recrutements contractuels) arrive très loin dans les raisons invoquées (13,8 %).
La Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), dans une note sur l'emploi contractuel dans la fonction publique publiée le 23 janvier, relève toutefois que les agents sous contrats représentent dorénavant 23 % des effectifs de la FPT en 2022 et que les collectivités titularisent de moins en moins (en baisse de 6 % entre 2011 et 2022). Dans la FPT, les effectifs de contractuels ont augmenté de 26,1 % et ceux de fonctionnaires de 1,6 % entre 2011 et 2022, constate aussi la DGAFP. Un résultat qui nuance donc les intentions des recruteurs.
Mais il faut aussi souligner que l'étude de la DGAFP porte sur l'année 2022 quand le Baromètre HoRHizons porte sur des intentions de recrutements. Quoi qu'il en soit, le modèle du recrutement sous contrat s'est pleinement installé dans le paysage des ressources humaines territoriales.
En revanche, contrairement à l'ambition initiale, le contrat de projet (c'est-à-dire un emploi dont le temps est limité à la durée d'un projet) fait très peu recette: 82,9 % des répondants n'y ont pas eu recours en 2024. Par ailleurs, le recours aux contrats aidés comme aux contrats d'apprentissage diminue parallèlement à l'extinction des cofinancements.
Avec le retrait annoncé du soutien de l'État et de France Compétences, le CNFPT a également décidé de réduire la voilure. L'établissement finance l'apprentissage par une cotisation de 0,1 %n ce qui représente 45 M€ et 5000 contrats pour 2025. Isabelle Rastoul, adjointe au maire d'Orléans, au nom de France urbaine, souhaite d'ailleurs « réinterpeller le gouvernement sur l'accord qui avait été passé avec l'Etat et qui devait être un système pérenne », contrairement à ce qu'a indiqué Catherine Vautrin, ministre du Travail lors des voeux du CSFPT début janvier (lire notre article). « Pour les collectivités, l'apprentissage n'est pas seulement une voie de pré-recrutement, rappelle Isabelle Rastoul. Il permet aussi aux collectivités de confronter l'employabilité des jeunes sur un territoire, ce qui n'est pas sufficamment relevé ».
Le Coordination des employeurs territoriaux a rencontré le ministre de Fonction publique, Laurent Marcangeli, qui leur a annoncé vouloir travailler sur le court terme, faute de visibilité sur le long terme. Le seul sujet qui semble avancer reste la transposition de l'accord PSC de juillet 2023.
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Fonction publique
Gipa, gel du point d'indice, diminution des indemnités journalières : le gouvernement détaille ses économies sur le budget de la fonction publique
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Interrogé sur RTL ce matin, le ministre de la Fonction publique a confirmé un certain nombre de mesures d'économies qui vont toucher les fonctionnaires, dont la poursuite du gel du point d'indice. Les 4 000 suppressions de postes dans l'Éducation nationale sont encore en suspens.Â
Le ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, Laurent Marcangeli, était l’invité de RTL ce matin, et a été interrogé notamment sur les propositions budgétaires dans le domaine de la fonction publique.
Éducation nationale : pas de certitudes
La suppression du passage de un à trois jours de carence a été confirmée par le ministre, qui « ne reviendra pas là-dessus ». Il a également confirmé que le gouvernement avait choisi comme « orientation » de renoncer à supprimer 4 000 postes dans l’Éducation nationale – sans s’avancer plus loin dans la mesure où « le budget n’est pas voté » et où la droite sénatoriale, elle, a réintroduit ces suppressions de postes dans le projet de budget. La décision de maintenir ou non ces suppressions de postes sera donc l’un des innombrables sujets qui seront débattus par la commission mixte paritaire, demain.
En revanche, le ministre a déclaré que la création de 2 000 postes d’AESH était actée : « C’est une nécessité. Le statut de ces personnes pose un certain nombre de questions, c’est un métier difficile, et ces personnes n’ont pas la reconnaissance [qu’elles méritent] ».
Il ne devrait pas y avoir de surprise non plus sur le passage de 100 % à 90 % de l’indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique, qui « a été actée au Sénat » à travers un amendement que le ministre « a défendu ».
Gipa et point d’indice
Concernant le traitement des fonctionnaires, Laurent Marcangeli a indiqué que le gouvernement « n’était pas en capacité aujourd’hui d’augmenter le point d’indice ». Rappelons que le point d’indice, après deux années d’augmentation (3,5 % en 2022 et 1,5 % en 2023) est de nouveau gelé depuis 2024, malgré une inflation qui, si elle a fortement ralenti, reste toujours bien présente.
La Gipa (Garantie individuelle de pouvoir d’achat) elle, « n’a pas été versée en 2024 et à l’heure où je vous parle, il n’est pas prévu qu’elle soit versée en 2025 ». La Gipa, pour mémoire, est normalement versée aux fonctionnaires et contractuels dont l’évolution du traitement brut indiciaire est inférieure sur quatre ans à celles de l’indice des prix. Or, en l’absence de hausse du point d’indice depuis l’an dernier, l’écart entre l’évolution du point d’indice et l’inflation ne fait que se creuser. Selon L’Unsa, par exemple, si la valeur du point d’indice avait évolué parallèlement à l’inflation, il devrait être aujourd’hui de 63,18 euros, alors qu’il est actuellement de 58,63 euros. Cet écart, toujours selon le syndicat, représenterait « un différentiel de 1979,82 euros par an » pour un agent rémunéré à l’indice 435.
Cette double mesure de gel du point d’indice et de non-versement de la Gipa est donc un coup dur pour le pouvoir d’achat des agents. « C’est évidemment un problème, a reconnu le ministre, mais nous avons un déficit public qui est difficile à gérer. »
L’ancien maire d’Ajaccio a chiffré les économies qui devraient être réalisées au travers de ces mesures : « 800 millions d’euros pour la Gipa, 900 millions pour les 90 % [sur les indemnités journalières], cela représente une somme confortable. Par ailleurs, vous n’aurez pas de mesures catégorielles sur l’année, et il y aura la non-revalorisation du point d’indice. Si on revalorisait le point d’indice cela coûterait 3 milliards d’euros. »
Ce sont donc près de 5 milliards d’euros que le gouvernement espère économiser – même si ce chiffre n’entrera pas tel quel dans les calculs des économies de l’État, puisque de toute façon, la hausse du point d’indice n’y était pas inscrite.
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Immigration
La question migratoire revient sur le devant de la scène et s'immisce dans le débat budgétaire
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La commission des lois de l'Assemblée nationale examine aujourd'hui une proposition de loi des Républicains visant à limiter le droit du sol à Mayotte, alors que la question de l'immigration est revenue, ces derniers jours, au centre des débats politiques dans l'Hexagone.Â
Alors qu’un espoir semblait se dessiner de voir adopté un budget pour 2025 sans que le gouvernement soit renversé par une motion de censure, du fait d’une attitude plus conciliante du Parti socialiste, les cartes ont été rebattues, hier et avant-hier.
Ce sont les propos du Premier ministre, tenus lors d’une longue interview à la chaine LCI, lundi soir, qui ont provoqué une nouvelle crise politique, conduisant le PS à « suspendre » les négociations avec le gouvernement sur le budget en vue de la commission mixte paritaire qui doit se tenir demain en fin d’après-midi.
Un fragile équilibre rompu ?
Au cœur de cette nouvelle polémique, une phrase de François Bayrou sur LCI, évoquant chez les Français « un sentiment de submersion » migratoire : « Dès l’instant que vous avez le sentiment d’une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, les modes de vie ou la culture, dès cet instant-là vous avez rejet. »
Ces mots ont immédiatement fait réagir la classe politique, dans la mesure où ce terme de « submersion » était, jusqu’à présent, exclusivement employé par l’extrême droite. Au sein même des partis proches du président, une certaine « gêne » s’est exprimée, notamment dans la bouche de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui a déclaré dès hier matin sur BFM-TV : « Ces propos me gênent. [Ces mots], je ne les utiliserai jamais parce que je crois que c’est contraire à ce que nous sommes profondément. »
En revanche, les mots utilisés par le Premier ministre ont été salués par le Rassemblement national – dont un des porte-parole s’est félicité une fois de plus d’avoir « gagné la bataille idéologique » – ainsi que par les ministres de l’Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.
La crise s’est amplifiée hier après-midi à l’Assemblée nationale, pendant la séance de questions au gouvernement, où François Bayrou a été vivement pris à partie par Boris Vallaud et Cyrielle Chatelain, présidents des groupes socialiste et écologiste, qui lui ont demandé s’il retirait ou maintenait ses propos.
François Bayrou les a maintenus – mais en tentant de se justifier en expliquant que « le passage » de l’émission « était fondé sur la situation à Mayotte ». Ce n’est factuellement pas exact. Le Premier ministre répondait à une question du journaliste Darius Rochebin qui avait trait à la situation nationale : « Une foule française aujourd’hui est différente d’une foule de votre enfance. (…) Comment définissez-vous cela ? Est-ce qu’il y a une logique, souhaitable ou non, à ce que la France soit métissée ? ». La question ne concernait donc pas Mayotte. Et la réponse du Premier ministre, pas davantage, puisqu’après avoir évoqué ce « sentiment de submersion », François Bayrou a ajouté : « Un certain nombre de villes ou de régions sont dans ce sentiment-là. »
Le Premier ministre a donc fait le choix de maintenir ses propos. La conséquence a été immédiate : le Parti socialiste a annulé une réunion de négociation sur le budget qui devait se tenir dans la journée, expliquant que le Premier ministre avait franchi une ligne rouge et accusant celui-ci de se faire « dicter » ses propos par l’extrême droite. Plusieurs porte-parole du PS ont expliqué, hier, que cette situation remettait en question un accord de « non-censure ».
L’avenir dira si ce mot – et surtout la stratégie qui a gouverné son emploi – aura suffi à faire s’effondrer le fragile équilibre que François Bayrou avait réussi à mettre en place pour éviter une censure.
Mayotte : durcir le droit du sol
C’est au même moment que l’Assemblée nationale va examiner, en commission des lois aujourd’hui, la proposition de loi LR visant à « renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte ». Dans la foulée de la promesse gouvernementale de mettre fin au droit du sol à Mayotte, les députés républicains ont déposé ce texte début décembre – avant le cyclone Chido –, non pour supprimer totalement le droit du sol dans l’archipel mais pour en durcir les conditions.
Pour rappel, le droit du sol a déjà fait l’objet d’une « adaptation », en 2018. En France, le droit du sol s’applique ainsi : si un enfant naît sur le sol français de parents étrangers nés à l’étranger, l’enfant deviendra automatiquement français à sa majorité à condition qu’il puisse justifier « avoir eu une résidence habituelle continue ou discontinue d’au moins 5 ans en France depuis l’âge de 11 ans ». Cette disposition a été modifiée pour le cas exclusif de Mayotte dans le cadre de la loi du 10 septembre 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ». Cette loi a modifié l’article 2493 du Code civil, qui dispose désormais que l’enfant ne pourra devenir automatiquement Français que si « à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois ». Mais les élus locaux, sur place, considèrent que ce délai est bien trop court.
De plus, ce délai n’empêche pas, comme le dénonce régulièrement la députée Estelle Youssouffa, des cas de reconnaissance de paternité frauduleuse, où des étrangers en situation régulière présents depuis plus de trois mois sur le sol mahorais reconnaissent, contre argent, des enfants.
C’est à ces pratiques que s’attaque la proposition de loi des Républicains, en proposant de modifier l’article 2493 du Code civil de façon à ce que l’acquisition de la nationalité française de l’enfant soit conditionnée à la présence non pas d’un seul, mais des deux parents sur le territoire national, non plus depuis trois mois mais depuis un an.
Fossé infranchissable
Ce texte fera l’objet d’âpres débats en commission et en séance, comme en témoignent les amendements qui ont été déposés et qui illustrent le fossé infranchissable qui s’est creusé sur cette question entre la gauche et la droite.
Les amendements déposés par la gauche demandent tous la suppression de l’article unique de ce texte. Les différents partis de gauche expliquent tous, d’une façon ou d’une autre, que la réforme de 2018 n’a aucunement permis d’endiguer les flux migratoires vers Mayotte, et que, partant, cette nouvelle réforme ne fera pas mieux. « Ce n'est pas en changeant la loi que vous empêcherez des personnes de fuir les guerres et la misère », écrivent par exemple les députés LFI. Plutôt que de restreindre le droit du sol, plaident pour leur part les socialistes, « il importe que l'Etat mette en œuvre les moyens adaptés aux besoins spécifiques de ce territoire ».
Quant à l’extrême droite, elle a déposé plusieurs amendements à ce texte pour le durcir. Les députés ciottistes demandent que le délai de séjour régulier antérieur à la naissance de l’enfant soit porté à 5 ans. Le Rassemblement national en profite pour demander l’abrogation complète du droit du sol, non seulement à Mayotte mais « sur tout le territoire national ».
Les maires mahorais favorables à la « suppression » du droit du sol sur leur teritoire
Les maires de Mayotte, de leur côté, sont favorables à cette réforme, a expliqué ce matin sur France info Ambdilwahedou Soumaila, maire de Mamoudzou – et souhaitent même que le gouvernement aille plus loin. Le maire s'est d'abord félicité des propos tenus lundi par François Bayrou, estimant que le Premier ministre a fait preuve de « courage ». Sur la question du droit du sol, il a appelé à « prendre des décisions courageuses, tout de suite, maintenant », expliquant que la situation « exceptionnelle » du terrritoire sur la question migratoire (« la moitié de la population est immigrée et la moitié de cette moitié est clandestine ») justifie des exceptions à la loi générale. Pour le maire de Mamoudzou, la réforme du droit du sol proposée par les Républicains ne suffit pas : il réclame, au nom de tous les maires de Mayotte, quelle que soit leur sensibilité politique, « de supprimer tout bonnement le droit du sol à Mayotte et en Guyane ». « Compte tenu du contexte, conclut-il, il faut aller plus loin » qu'une simple réforme de ce droit.
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Cybermalveillance
Cybersécurité : la transposition de la directive « NIS 2 » avance lentement mais sûrement
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En octobre dernier, le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 » a été présenté en Conseil des ministres. Cette semaine, la ministre Clara Chappaz a présenté le texte au Sénat. Le retard s'accumule et de nombreuses questions restent sans réponse.
Une transposition complexe dans une situation politique instable. C’est le défi auquel tente de répondre le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, présenté officiellement en octobre dernier et depuis en attente d’examen par le Parlement.
C’est sur ce sujet que Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a été interrogée mardi au Sénat par la commission spéciale résilience cybersécurité. L’occasion de rappeler pour la ministre l’importance de ce texte notamment pour les collectivités et de préciser la part que le gouvernement va prendre dans ce gigantesque chantier.
Les collectivités peuvent d’ores et déjà se préparer
Le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 » a été présenté en Conseil des ministres début octobre (lire Maire info du 18 octobre). 1 489 collectivités territoriales et 992 communautés de communes métropolitaines et d'outre-mer devraient être concernées par ces nouvelles règles de cybersécurité. Concrètement, trois directives européennes vont être transposées via un projet de loi « visant à renforcer les dispositifs nationaux de sécurisation des activités d’importance vitale et de lutte contre les menaces cyber », dont la directive NIS 2. Ce projet de loi ne sera sans doute pas examiné en séance publique au Sénat avant le mois de mars.
« Nous ne partons pas de rien, rassure la ministre devant les sénateurs. La France disposait dès 2013 d’une réglementation robuste pour renforcer la cybersécurité des systèmes d’information d’importance vitale. Ce cadre a été complété avec la directive NIS 1. Cependant, comme le directeur général de l’Anssi l’indiquait, la menace cyber a évolué ces dernières années. Les attaques par rançongiciel, les campagnes de phishing, les attaques d’origine étatique concernent maintenant l’ensemble du tissu économique et social. Toutes les organisations sont concernées avec une hausse de 30 % des attaques dont 60 % d’entre elles concerne les TPE PME et les collectivités territoriales. »
Une fois le décor planté, Clara Chappaz a rappelé que « les collectivités territoriales ne sont pas en reste » puisqu’elles sont une cible privilégiée des attaques par rançongiciel. « Entre janvier 2022 et juin 2023 l’Anssi a compté dix attaques par mois contre une collectivité, tous départements confondus », a-t-elle indiqué.
C’est pourquoi la transposition de la directive européenne « NIS 2 » est « une transcription fidèle du texte européen » mais qui « fixe des obligations adaptées au profil de chaque acteur », « tenant compte de sa taille de son secteur de sa capacité financière ou encore de son degré de criticité ». Ainsi, les entités essentielles et importantes devront selon leur classification répondre à certaines obligations. Les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines et d’agglomérations et les communes d’une population supérieure à 30 000 habitants correspondent au spectre des « entités essentielles » (elles auront davantage d’objectifs à remplir que les entités importantes).
Pour les entités importantes, sont notamment concernés « les communautés de communes et leurs établissements publics administratifs ». La ministre a tenu à préciser hier que par conséquent « l’immense majorité des communes ne seront concernées que par leur intercommunalité de rattachement. »
Pour les entités importantes, la ministre a indiqué que les obligations sont centrées sur « les bonnes pratiques d’hygiène numérique ». « Pour se préparer, ces entités peuvent d’ores et déjà s’appuyer sur le guide de l’Anssi » qui présente les 42 mesures d’hygiène informatique essentielles pour assurer la sécurité de votre système d’information et les moyens de les mettre en œuvre, outils pratiques à l’appui. Les entités importantes sont soumises à « un filet de sécurité minimal » tandis que pour les essentielles « les exigences sont plus strictes et les contrôles plus accrus », a résumé la ministre.
Manque de portage politique
Au moment des questions adressées à la ministre, le sénateur Patrick Chaize, co-rapporteur du projet de loi au Sénat, a rappelé que c’est « un changement majeur de paradigme qui est à l’œuvre » et a dénoncé le « manque de portage politique » du gouvernement sur ce sujet. « Une campagne de communication institutionnelle ne serait-elle pas pertinente ? », a demandé ce dernier.
D’autant qu’il faut rappeler que les 15 000 entités concernées (essentielles et importantes) devront s’enregistrer auprès de l’Anssi et indiquer elles-mêmes leur catégorie d’entité ; autant donc être bien informé. Pour le sénateur de l’Ain, « nous ne sommes pas prêts, alors que nous sommes déjà en retard ».
Du côté du gouvernement, on se dit « bien conscient des efforts que certaines collectivités devront faire ». « Nous avons été sensibilisés à plusieurs reprises sur cette question par les associations d’élus », a expliqué la ministre qui a souligné qu’un besoin d’accompagnement était attendu. L’accompagnement « sera placé au cœur de la mise en œuvre », a-t-elle indiqué sans donner pour l’heure plus de précision.
En matière de communication, « le gouvernement doit prendre sa part », selon la ministre, qui a annoncé que des interventions du ministère mais aussi des évènements et une campagne de communication étaient à l’étude, en concertation avec l’Anssi. Clara Chappaz compte aussi sur les fédérations professionnelles pour sensibiliser à ces sujets parfois complexes à appréhender par les collectivités, surtout les plus petites.
Du côté des associations d’élus, on espère qu’il sera donné aux collectivités concernées les moyens et le temps suffisants pour respecter le futur référentiel de cybersécurité. Le rapport de la CSNP (lire Maire info du 4 octobre) plaide pour qu’un accompagnement « spécifique, technique et financier » soit prévu pour les collectivités n’ayant pas les moyens nécessaires.
Consulter le guide d'hygiène informatique de l'Anssi.
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Urbanisme
Cadastres défectueux : les députés prolongent de dix ans les mesures visant à résorber le « désordre de la propriété »Â
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Le « désordre juridique foncier » touche particulièrement la Corse où seulement 70 % des parcelles disposent d'un titre foncier régulier, contre 99 % au niveau national. Mais les territoires ultramarins et certains départements ruraux en sont également victimes. Pour les pouvoirs publics, la perte sur la taxe foncière est évaluée à 20 millions d'euros.
Des progrès, mais le compte n’y est pas. Afin de résorber le « désordre de la propriété » foncière qui frappe certains territoires, l’Assemblée nationale vient de prolonger jusqu’en 2037 les mesures spécifiques déployées depuis 2017 (et qui devaient s’éteindre dans deux ans). Une situation problématique causée principalement par l'absence de titres de propriété réguliers.
À l’unanimité, les députés ont donc définitivement adopté, hier, une proposition de loi prorogeant la loi relative à « l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété », dont les dispositions « transitoires » doivent permettre de « tendre » vers « une normalisation foncière ». Un texte qui avait déjà été approuvé par l’ensemble des sénateurs en avril dernier, sous l’impulsion de Jean-Jacques Panunzi (Corse-du-Sud, LR) et soutenu par le gouvernement.
Parcelles non délimitées, propriétaires présumés décédés…
« Ce prolongement permettra de consolider les acquis et de continuer à réduire les désordres fonciers qui, au-delà de leurs implications administratives, alimentent – n’en doutons pas – la spéculation immobilière » (en Corse notamment), a ainsi défendu, hier, le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, devant les députés.
Quel est le problème ? Certains départements français doivent faire face à de nombreuses absences de titres de propriété, à l’imprécision du cadastre avec des biens non délimités ou encore à l'existence de parcelles appartenant à des personnes décédées. Pour résoudre ces difficultés, la loi de 2017 a ainsi facilité l’usage des « actes de propriété acquisitive » et simplifié la sortie des indivisions grâce à des mesures fiscales incitatives.
Mais si « le travail de reconstitution des titres a connu une progression fulgurante depuis [sa] promulgation, on est encore loin d'atteindre l'objectif de normalisation », estimait ainsi Jean-Jacques Panunzi, dans l’exposé des motifs de son texte, pour justifier la prorogation des mesures dérogatoires en cours.
Un délai assez long qui s’explique par le fait que la reconstitution d’un titre de propriété peut prendre « jusqu'à plusieurs années » et « les usagers ont besoin de visibilité avant d'engager la procédure pour s'assurer de pouvoir bénéficier des dispositions fiscales incitatives », expliquait ainsi l’élu corse.
Corse, territoires ultramarins et ruraux
Reste que si cette situation est présente dans toute la France, elle touche particulièrement certaines régions, et surtout la Corse, dont le droit spécifique qui l’a régie de 1801 à 2012 a « favorisé ce désordre ».
Sur l’Île de beauté, ce sont ainsi « 6,4 % des parcelles » qui ne sont toujours pas délimitées (représentant 16 % de la surface de l’île) et « 30 % qui sont encore détenues par des personnes présumées décédées », a rappelé hier François Rebsamen. Pourquoi « présumées » ? Car ces parcelles sont aujourd’hui « enregistrées comme appartenant à une personne née avant 1910 » (elles seraient près de 79 000), a expliqué le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée, Xavier Albertini.
En dépit du fait que « 15 000 parcelles ont été titrées » et que « près de 100 000 parcelles ne sont plus enregistrées au nom de propriétaires présumés décédés » depuis 2009, « seulement 70 % des parcelles corses disposent, à l’heure actuelle, d’un titre foncier régulier, contre 99 % au niveau national », a souligné le ministre.
Principale victime, la Corse n’est, toutefois, pas la seule à connaître ces problèmes. « Dans la plupart des départements et territoires ultramarins, en Ardèche, en Lozère, etc., ces phénomènes […] sont prégnants et ont des conséquences négatives », rappelle le sénateur corse, en soulignant que cette situation « nécessit[e] des mesures législatives » en vue d’une « normalisation ».
Lourdes conséquences pour les collectivités
Une nécessité d’autant plus pressante que cette situation est génératrice « d'insécurité juridique » et provoque « des effets économiques néfastes », pour les particuliers comme pour les pouvoirs publics.
Pour les particuliers, le désordre foncier « limite l’exercice de leur droit de propriété, complique les successions, les donations et l’accès au crédit » et rend également « coûteuse la sortie des indivisions », a souligné hier François Rebsamen.
« Autant d'éléments qui participent au délabrement du patrimoine immobilier et alimentent des contentieux abondants dans les familles », déplore, de son côté, Jean-Jacques Panunzi en reprenant mot pour mot l’exposé des motifs de la proposition de loi transpartisane déposée en 2016 à l’Assemblée.
Les pouvoirs publics doivent, eux, faire face à un autre problème majeur : « le recouvrement de l'impôt, foncier, d'habitation et surtout de transmission, relève du parcours du combattant ». Ce qui entraîne de lourdes conséquences et un manque à gagner pour l'État et les collectivités territoriales évalué par le ministre à « environ 20 millions d’euros sur la taxe foncière ».
Plus globalement, « la perte de recettes fiscales liées au niveau moindre de déclaration des successions par rapport à la moyenne nationale était estimée par l’Inspection générale des finances (IGF) à 50 millions d’euros par an », a pour sa part souligné Xavier Albertini qui a observé « une hausse de la perception des droits de succession » en Corse depuis l’entrée en vigueur de la loi avec des rentrées fiscales atteignant 59 millions d’euros en 2023, contre 6 millions d’euros en 2013 (ou encore 30 millions en 2019 et 43 millions en 2022).
François Rebsamen a, par ailleurs, rappelé que le désordre foncier « entrave la mise en œuvre de législations déterminantes, comme en matière de sécurité des personnes et des biens, de vétusté des bâtiments ou de prévention des incendies » pour le débroussaillement.
Sans compter que « les mairies se trouvent en difficulté pour faire appliquer la réglementation environnementale, pour recourir à la législation des biens vacants et sans maître, ou encore celle des immeubles menaçant ruine ». Les communes n'ayant alors « d'autre choix que de laisser le patrimoine immobilier se dégrader sans avoir la possibilité d'intervenir efficacement », dénonce Jean-Jacques Panunzi.
Consulter le texte adopté.
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Journal Officiel du mercredi 29 janvier 2025
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
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