Édition du lundi 27 janvier 2025

Immigration
Ce que contient la circulaire Retailleau sur la régularisation des étrangers en situation irrégulière
La circulaire de Bruno Retailleau sur « l'admission exceptionnelle au séjour » des étrangers en situation irrégulière a été officiellement publiée vendredi en fin de journée. Elle abroge la « circulaire Valls » et durcit les critères que celle-ci imposait. 

En novembre 2012, le ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls, publiait une circulaire aux préfets qui fixait les nouvelles règles en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière. Déjà à l’époque, le ministre de l’Intérieur définissait « la lutte contre l’immigration irrégulière » comme « une priorité du gouvernement », tout en cherchant à prendre en compte de façon « juste » « certaines réalités humaines ». 

Treize ans et une nouvelle loi immigration plus tard, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau abroge cette circulaire et donne de nouvelles instructions aux préfets en matière d’AES (autorisations exceptionnelles de séjour). 

« Caractère exceptionnel »

Ces deux circulaires, comme tous les documents de ce type, n’ont pas valeur de loi et ne créent en aucun cas un droit opposable à la régularisation. Il s’agit d’instructions données aux préfets, sur la base de l’arsenal législatif existant, mais permettant, autant que faire se peut, d’éviter les interprétations locales. 

Les deux textes livrent une série de motifs au nom desquels il peut être possible de régulariser un étranger en situation irrégulière. Si la circulaire Valls mettait l’accent à la fois sur les motifs familiaux (regroupement familial), étudiants et professionnels, la circulaire Retailleau resserre les critères – d’ailleurs, le volume de chacun de ces textes en dit long, 12 pages pour la circulaire Valls et 3 pour celle de Bruno Retailleau. 

L’actuel ministre de l’Intérieur insiste dès le début de son texte sur le caractère « exceptionnel » de ces admissions, qui dérogent « aux logiques classiques d’admission au séjour ». Mais la loi votée l’année dernière, qui permet notamment de délivrer des titres pour les personnes exerçant des métiers en tension, a changé les règles. 

La nouvelle doctrine, écrit le ministre, doit s’appuyer sur trois principes : les admissions de ce type doivent rester « exceptionnelles » ; le niveau d’exigence en termes d’intégration doit être « renforcé » ; l’AES « ne peut intervenir qu’en l’absence de menace à l’ordre public ». Par ailleurs, lorsqu’une demande est refusée, les préfets sont priés d’édicter immédiatement une OQTF (obligation de quitter le territoire français). 

Privilégier les métiers en tension

Le ministre demande aux préfets de limiter les autorisations exceptionnelles, autant que possible, aux motifs professionnels. Il existe désormais deux voies pour délivrer un titre exceptionnel. D’une part, l’article L435-1 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), qui permet à un étranger « dont l’admission au séjour répond à de considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels qu’il fait valoir » d’obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », « travailleur temporaire » ou « vie privée et familiale ». D’autre part, le nouvel article L435-4 du même Code, créé par la loi immigration de janvier 2024, qui permet de régulariser, pour un an, un étranger en situation irrégulière ayant travaillé au moins 12 mois au cours des deux dernières années dans un métier ou une zone géographique en tension (c’est-à-dire « caractérisé par des difficultés de recrutement »). 

Entre ces deux procédures, le ministre appelle les préfets à privilégier autant que possible la nouvelle. Rappelons que cet article du Ceseda ne permet pas de délivrer automatiquement un titre de séjour temporaire : la personne doit également convaincre le préfet de « son insertion sociale et familiale, son respect de l'ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu'aux principes de la République ». Bruno Retailleau demande aux préfets une attention particulière sur ces points prévus par la loi. 

Sept ans au lieu de cinq

La nouvelle circulaire durcit les conditions sur d’autres points. Il est désormais exigé « une durée de présence d’au moins sept ans » sur le territoire français pour juger de l’intégration de la personne, quand la circulaire Valls évoquait cinq ans. Cette disposition, soit dit en passant, inquiète déjà un certain nombre d’employeurs, notamment dans l’hôtellerie-restauration, dont un bon nombre de salariés n’ont pas les sept ans « d’ancienneté » sur le territoire qui leur permettrait d’obtenir le sésame. 

Il est aussi demandé désormais aux candidats une maîtrise de la langue française bien plus importante qu’auparavant : là où la circulaire Valls demandait « une maîtrise orale au moins élémentaire », celle de Bruno Retailleau privilégie « la justification d'un diplôme français ou bien d'une certification linguistique, délivrée par un organisme dûment agréé ». 

Enfin, la circulaire Retailleau enjoint les préfets à refuser toute régularisation à un étranger déjà frappé par une OQTF, à moins que la personne puisse justifier « d’éléments de fait ou de droit nouveaux ». Des éléments ne doivent être considérés comme « nouveaux » que s’ils sont postérieurs « à la décision de refus » qui a précédé la notification de l’OQTF. 

Pour l’application de cette circulaire, il reste néanmoins un point important qui n’a, à ce jour, pas été réglé : quels sont les métiers et les zones géographiques considérés comme « en tension » ? La loi de l’an dernier prévoit que « la liste de ces métiers et zones géographiques est établie et actualisée au moins une fois par an par l'autorité administrative après consultation des organisations syndicales représentatives d'employeurs et de salariés ». Sauf que, avant même d’être actualisée, cette liste n’a jamais été publiée. 

La ministre chargée du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, s’est toutefois engagée à la publier d’ici la fin du mois de février. 




Logement
MaPrimeRénov' : les rénovations d'ampleur en hausse en 2024... mais loin des objectifs affichés
Si le nombre de logements rénovés a fortement diminué en 2024 par rapport à 2023, celui des rénovations énergétiques d'ampleur a, lui, bondi pour atteindre les 91 000 réalisations, se félicite l'Anah dans son bilan annuel. Un nombre qui reste pourtant deux fois moins important que l'objectif annoncé.

Le nombre de logements rénovés l’an dernier a baissé d'environ 35 % par rapport à 2023, selon le bilan de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) publié vendredi, celle-ci se réjouissant, toutefois, de la hausse des rénovations énergétiques « d'ampleur », les plus qualitatives.

En tout, ce sont un peu plus de 403 000 rénovations de logement qui ont donc été engagées l’an passé, quand l’Anah en comptabilisait près de 624 000 un an plus tôt, dans son précédent bilan

Des moyens « inédits »

Pourtant les aides à la rénovation de l‘habitat ont connu « une forte dynamique » en 2024, l’État ayant consacré « des moyens inédits à cette politique publique », rappelle l’agence dans un communiqué publié vendredi. 

Celle-ci justifie cette forte baisse globale par le fait que ses fonds ont été déployés « en faveur de projets ambitieux (...) permettant d‘améliorer durablement le confort des ménages », les logements ayant bénificié d'aides pour des « monogestes » étant, eux, en chute libre.

S’il y a donc moins eu de rénovations, c’est pour « mieux rénover les logements », selon l’agence qui a distribué près de 3,77 milliards d'euros, soit 650 millions de plus que l'année précédente. « Les résultats montrent que les dispositifs de l’agence permettent de rénover beaucoup mieux, grâce à un meilleur accompagnement des ménages vers des projets ambitieux », assure-t-elle.

Résultat, le nombre de rénovations énergétiques d'ampleur a augmenté de 27 % pour dépasser les 91 000, contre un peu plus de 71 000 en 2023. Une progression qui reste cependant encore très éloignée des objectifs que l’État s’était fixés l’an passé. Pour réaliser les ambitions climatiques du pays d’ici 2030, celui-ci estimait que leur nombre devait atteindre les 200 000 dès 2024. Plus du double donc. Bien que l'ancien ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ait révisé, en cours d'année, cet objectif à 140 000 opérations. 

Ces rénovations d’ampleur sont d’autant plus importantes qu’elles « permettent d’améliorer significativement et durablement le confort et l’efficacité énergétique du logement » grâce à un « gain énergétique moyen de + 65 % », explique ainsi l’Anah. 

« Très forte progression » des aides à la pierre

« Deux ans après la rénovation de leur logement, les bénéficiaires de MaPrimeRénov’ indiquent à 72 % avoir constaté une baisse de leur consommation énergétique, et 86 % déclarent une amélioration du confort de leur logement », se réjouit-elle. Des moyens qui ont d’ailleurs « très majoritairement » bénéficié à « des ménages ayant des revenus modestes ou très modestes (73 % des bénéficiaires) », selon l’Anah. 

Dans le détail, l’agence a ainsi alloué 3,29 milliards d’euros via MaPrimeRénov', permettant la rénovation énergétique de près de 341 000 logements (contre 569 000 en 2023). Pour le reste, ce sont plus de 37 000 logements qui ont été adaptés grâce à MaPrimeAdapt’ (dispositif qui finance les travaux d’adaptation à la perte d’autonomie) et autant de logements rénovés grâce à MaPrimeRénov’ copropriétés. Sans compter le traitement de plus de 15 000 habitats indignes et très dégradés.

Par ailleurs, l’Anah a financé l'ingénierie locale pour accompagner les collectivités dans leur politique de l’habitat à hauteur de 116 millions d’euros, comme en 2023. « Cela s’est traduit par une très forte progression des aides à la pierre, dont la distribution est gérée localement pour pouvoir répondre aux enjeux locaux », assure-t-elle toutefois. 

En décembre dernier, après avoir adopté son budget pour 2025, le conseil d’administration de l’Anah assurait, dans un communiqué quelques jours après la chute du gouvernement Barnier, que « l’ingénierie aux collectivités sera portée à 300 millions d’euros pour financer les études, l’accompagnement des ménages et les nouveaux pactes territoriaux et régionaux France Rénov’ ». « Plus de 3,2 milliards d’euros seront délégués dans les territoires (soit près de 70% des crédits de l’agence) », soulignait-il.

En attendant le PLF 2025, des aides bloquées

« Les résultats de l’Anah en 2024 démontrent qu’un chemin est possible vers la massification des rénovations de qualité, pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Cette dynamique positive doit pouvoir se poursuivre en 2025 en donnant à France Rénov’ les moyens de ses ambitions », a fait savoir vendredi le président de l'Agence nationale de l'habitat, Thierry Repentin, cité dans le communiqué de l’Anah.

Lors de l’examen du projet de budget pour 2025, la semaine dernière, les sénateurs ont décidé de revaloriser de 50 millions d’euros l’enveloppe dédiée à MaPrimRenov’, contre l’avis du gouvernement qui souhaitait initialement la réduire de plus de 500 millions d’euros. Et ce, alors même que le budget de ce dispositif avait déjà été ramené de 4 milliards à 2,3 milliards d'euros dans le précédent projet de budget prévu par le gouvernement Barnier. La commission mixte paritaire (CMP) qui se tiendra jeudi – durant laquelle députés et sénateurs devront trouver un texte de compromis – confirmera ou non ces arbitrages, le gouvernement de François Bayrou étant toujours sous la menace d’une potentielle censure. 

On peut également rappeler que l’année commence délicatement pour la rénovation énergétique puisque l'absence de budget de l’État bloque, depuis le début de l'année, le paiement des aides de MaPrimeRénov', rallongeant ainsi les délais pour tous les dossiers qui n'ont pas été instruits avant le 1er janvier 2025.

Une situation qui a particulièrement agacé le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron, qui redoute une mise en danger de « la pérennité de dizaines de milliers d'entreprises, donc de l'emploi de centaines de milliers d'artisans, d'entrepreneurs et de compagnons ».

Depuis son lancement en 2020, MaPrimeRenov' a permis de rénover 2,44 millions de logements, ce qui équivaut selon l'Anah à « 6,2 millions de tonnes de CO2 évitées ». Particulièrement concernés par ce dispositif, les bailleurs propriétaires de logements très énergivores devront rapidement rénover leurs biens s’ils veulent continuer à les louer à l’avenir. Ceux classés G au DPE (diagnostic de performance énergétique) viennent ainsi d’être classés indécents et ne peuvent plus être loués depuis le 1er janvier. Les logements F et E connaîtront le même sort prochainement, respectivement en 2028 et 2034.
 




Fonction publique
Près d'un agent public sur quatre est contractuel
Une note de la DGAFP analyse la progression des contractuels au sein des trois versants de la fonction publique. Alors que les titularisations sont en baisse, 22 % des emplois étaient occupés par un agent sous contrat, fin 2022. Dans la territoriale, la part des contractuels atteint 23 % des effectifs.

Au 31 décembre 2022, la fonction publique territoriale (FPT) comptait 448 900 contractuels (soit 23 % de l’emploi total des collectivités) pour 1,429 million d’agents bénéficiant du statut de fonctionnaire. C’est ce qu’indique la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans une note publiée le 23 janvier. Cette étude qui analyse en détail le profil et l’évolution des personnels sous contrat dans les trois versants de la fonction publique depuis 2011, fait notamment apparaître en creux le portrait-type du contractuel travaillant au sein d’une organisation territoriale.

Essentiellement féminin (66 %), d’un âge moyen de 40 ans et de moins en moins titularisé au fil des années, le contingent des contractuels occupe une place incontournable au sein de la territoriale. Le document de la DGAFP montre ainsi que sur la période 2011-2022 le nombre des contractuels de la territoriale a bondi de 26,1 %, tandis que celui des fonctionnaires progressait seulement de 1,6 %. Une évolution qui a toutefois connu quelques fluctuations notables. Jusqu’en 2016, en effet, les effectifs de contractuels dans la FPT se sont légèrement rétractés (- 0,7 %) alors que ceux des fonctionnaires augmentaient sensiblement (+ 4,2 %). Le rebond s’est produit à partir de 2017, lorsque la part des contractuels s’est nettement accrue avec le recrutement par les collectivités de nombreux bénéficiaires de contrats aidés. Ainsi, entre 2017 et 2022, la proportion des contractuels territoriaux est passée de 20 % à 23 %.

Entre 2011 et 2022, les effectifs des contractuels ont bondi de 36,6% 

À l’échelle de la fonction publique dans son ensemble, le poids des agents sous contrat est tout autant significatif. L’étude indique qu’entre 2011 et 2022, les effectifs de contractuels ont progressé de 36,6 % dans les trois versants. Fin 2022, la part des contractuels représentait 22 % au sein de l’emploi public (soit 1,258 million d’agents) contre 17 % en 2011 (hors bénéficiaires de contrats aidés). La DGAFP observe que si les effectifs de contractuels ont fortement augmenté à tous les niveaux de qualification de l’emploi, « cette augmentation s’est accompagnée d’une baisse modérée des chances de se maintenir cinq ans plus tard dans la fonction publique ». À preuve : 63 % des agents contractuels travaillant dans la fonction publique en 2011 étaient encore présents cinq ans plus tard, alors que 61 % des contractuels recrutés en 2016 occupaient toujours un emploi public en 2022. Pour expliquer cette tendance, la DGAFP évoque « une baisse marquée des titularisations ». En effet, 38 % des agents contractuels de la fonction publique hospitalière (FPH) de 2016 sont devenus fonctionnaires cinq ans plus tard (- 3 points par rapport à 2011) alors que dans la fonction publique territoriale, 28 % des contractuels étaient titularisés en 2022 (- 6 %) et que la fonction publique d’État (FPE) affiche un taux de titularisation à 5 ans de 12 % (en baisse de 5 points). À noter que la titularisation des agents contractuels s’accompagne généralement d’une progression salariale pour les personnes concernées. L’étude indique à ce sujet que « 51 % des contractuels titularisés dans les cinq ans ont progressé dans la distribution des salaires et seulement 24 % de ceux qui sont restés contractuels ».

Davantage de contractuels à tous les niveaux de qualification

Le document de la DGAFP souligne, par ailleurs, que la progression des effectifs de contractuels est sensible à tous les niveaux de qualification de l’emploi. Entre 2011 et 2021, la part des contractuels a augmenté de 32,2 % chez les cadres et de 32,7 % parmi les professions intermédiaires. Dans le même temps, la proportion de contractuels occupant des postes d’employés et d’ouvriers augmentait de 43,3% sur la période, alors que celle des fonctionnaires exerçant ces métiers baissait de 3,5%. Selon l’étude, cette augmentation chez les employés et ouvriers s’explique essentiellement par le recrutement de contractuels accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – dont les effectifs contractuels sont passés de 19 000 en 2014, date de la création de l’appellation, à 113 000 en 2021 –, d’aides-soignants (+ 47,6 %) et d’auxiliaires de puériculture (+ 56,6 %).




Fonction publique
Mobilité des agents publics vers le privé : le Conseil constitutionnel abroge certaines sanctions, jugées contraires à la Constitution
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé vendredi 24 janvier sur un point de droit concernant la mobilité des agents publics vers le privé et, chose somme toute assez rare,  a déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions d'un article du Code général de la fonction publique. Explications. 

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur laquelle les Sages se sont prononcés la semaine dernière concerne l’article L124-20 du Code de la fonction publique, créé par une ordonnance du gouvernement du 24 novembre 2021. 

Ces dispositions touchent à la saisine de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATCP) lorsqu’un agent public souhaite créer ou reprendre une entreprise ou cesser ses fonctions pour entreprendre « une activité lucrative » dans le privé. Cette saisine est obligatoire dans les trois versants de la fonction publique, pour un certain nombre d’agents. Dans la fonction publique territoriale, cela peut par exemple concerner les membres des cabinets des maires, dans les grandes collectivités, ou encore les directeurs généraux ou directeurs généraux des services. 

Une fois saisie, la HATVP peut émettre trois types d’avis : un avis de compatibilité, d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves. Par exemple, dans son rapport d’activité 2023, la HATVP relate le cas du directeur général des services d’une collectivité, qui souhaitait rejoindre une société d’économie mixte dont sa collectivité était l’actionnaire principal « et à l’égard de laquelle il avait, en approuvant des projets de délibérations relatifs à des opérations réalisées par cette SEM, pris des actes susceptibles d’être considérés comme relevant d’un contrôle ou d’une surveillance ». Dans ce cas, la Haute autorité avait rendu un avis d’incompatibilité. Autre cas : le directeur de cabinet du maire d’une commune de plus de 20 000 habitants souhaitant rejoindre une entreprise privée pour devenir « responsable des affaires publiques ». Ici, la HATVP avait émis un avis de compatibilité avec réserves, interdisant à l’intéressé de réaliser toute démarche auprès des élus et des agents de sa commune d’origine. 

Des dispositions « difficilement applicables »

L’article L124-20 dont il est question ici liste les sanctions qui s’appliquent si une personne ne respecte pas les avis de la Haute autorité en la matière. Il est notamment prévu que dans ce cas, « l’administration ne peut procéder au recrutement de l’agent contractuel intéressé au cours des trois années suivant la date de la notification de l’avis rendu par la HATVP ». Par ailleurs, l’article dispose que cette sanction s’applique « également en l’absence de saisine préalable de l’autorité hiérarchique ». 

C’est ici que le bât blesse : si l’autorité hiérarchique n’a pas été saisie, celle-ci ne peut saisir à son tour la HATVP, qui ne peut donc rendre d’avis. Ce qui pose évidemment un problème sérieux : comment interdire un recrutement pendant une période de trois « suivant la date de l’avis de la HATVP »… si la HATVP n’a pas rendu d’avis ? De plus, faute d’examen par la Haute autorité, il y aurait alors une sanction – et une sanction grave – « sans que l’administration puisse prendre en compte les circonstances propres à chaque espèce », ce qui constitue une « sanction automatique ». 

Bien avant que ce dossier atterrisse sur la table du Conseil constitutionnel, la HATVP elle-même a exprimé ses doutes sur la rédaction de cet article L124-20, dans son rapport d’activité 2023. 

Dans ce rapport, p. 102, elle écrit que le régime de sanctions prévu par l’article L124-20 est « lacunaire et difficilement applicable en l’état ». Et la HATVP pointe cette fameuse interdiction de recrutement pendant trois ans courant à compter de la publication de l’avis de son avis, qui s’appliquerait « alors même que le défaut de saisine implique par définition une absence d’avis de la Haute Autorité ». « Ce point mériterait d’être clarifié », écrivait en 2023 la Haute autorité.

Abrogation des dispositions concernées

Les Sages ont en effet « clarifié » ce point de façon radicale, puisqu’ils ont reconnu son caractère inconstitutionnel

En effet, en premier lieu, ils ont relevé que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen impose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Et ils rappellent que « le principe d’individualisation des peines implique qu’une sanction administrative ne puisse être appliquée que si l’administration, sous le contrôle du juge, l’a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ». Ce qui n’est manifestement pas le cas ici, la sanction étant automatique et s’appliquant « sans que l’administration ne la prononce en tenant compte des circonstances propres ». Ces dispositions « méconnaissent donc le principe d’individualisation des peines » et « doivent donc être déclarées contraires à la Constitution ». 

Le 3° de l’article L124-20 du Code général de la fonction publique va donc être abrogé, mais pas tout de suite. Comme c’est souvent le cas dans le traitement des QPC, le Conseil constitutionnel a prononcé un délai pour l’application de sa décision, pour donner le temps au législateur de modifier la loi. En effet, « l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de supprimer toute possibilité de sanctionner les manquements au contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par l’interdiction de recrutement de l’agent contractuel intéressé ». La date d’abrogation de ces dispositions est donc reportée au 31 janvier 2026. D’ici là néanmoins, à moins qu’une nouvelle loi soit adoptée entretemps, l’administration pourra « écarter la sanction prévue par ces dispositions ou en moduler la durée ». 




Littoral
Littoral méditerranéen : les politiques d'aménagement aux risques tardent à se mettre en place, selon la Cour des comptes
Les communes littorales sont-elles préparées à faire face aux risques et menaces liés à la mer et aux inondations ? Pour la Cour des comptes, la réponse est : « pas suffisamment ». Prenant l'exemple du littoral méditerranéen, les magistrats appellent à passer immédiatement à l'action.

La Cour des comptes a publié un rapport sur l’aménagement du littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations. Ce dernier est issu d’une enquête menée par les trois chambres régionales des comptes de Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie.

La façade méditerranéenne est la plus densément peuplée du territoire français et compte 3,3 millions d'habitants sur un littoral long de 1 700 km. Elle compte un quart des communes littorales de métropole et ces dernières « concentrent un peu plus de 50 % de la population littorale métropolitaine pour une densité moyenne de 367 habitants/km² ». Selon l’Insee, la population des départements littoraux devrait croître de 13 % en moyenne entre 2013 et 2050 sur le pourtour méditerranéen. Cependant, comme le soulignent les auteurs du rapport, le littoral méditerranéen se trouve en situation de surexposition aux risques liés à la mer et aux inondations.

Une surexposition croissante aux risques 

Précipitations violentes et abondantes « qui saturent les cours d’eau et les systèmes d’assainissement des eaux pluviales » ; « crues lentes par débordement des cours d’eau ou des étangs » ; « submersion marine lors de conditions météorologiques extrêmes » ; coulées de boue ; glissements de terrain ; risque de tsunami : la Cour rappelle que ces territoires sont soumis à de nombreux aléas. L’état de catastrophe naturelle au titre des risques inondations et submersions marines est d’ailleurs « régulièrement reconnu sur le littoral ». 

Cette sinistralité importante « s’aggrave dans le temps ». Le changement climatique augmente significativement les températures en Méditerranée et les « tempêtes modérées ou exceptionnelles » sont de plus en plus fréquentes. « Il a également pour conséquence une élévation du niveau marin qui amplifie la vulnérabilité physique du littoral méditerranéen et accentue la mobilité du trait de côte, peut-on lire dans le rapport. L’aménagement du littoral doit tenir compte de ces phénomènes et les anticiper. »

Face à cette situation, les réponses ne se sont pas adaptées, selon la Cour des comptes. « Le sentiment d’exposition à la menace des habitants du littoral, comme parfois celui des élus, reste insuffisant. De même, l’évaluation du coût de l’impact de ces périls sur les bâtiments, réseaux, infrastructures, populations et de ses répercussions économiques demeure imprécise. »

Les magistrats regrettent notamment que les collectivités poursuivent constructions et artificialisation des sols alors qu’à l’horizon 2100, plus de 55 300 logements seraient menacés par le recul du trait de côte, selon le Cerema. « Les politiques mises en œuvre jusqu’à présent ont eu pour conséquence de fragiliser les lagunes et les espaces proches des rivages par une artificialisation accrue des sols ».

Des stratégies « pas à la hauteur » 

La Cour estime d’abord que la stratégie de l’État est « cloisonnée et encore inachevée ». Concrètement, si l’État a effectivement mis en place des plans de prévention des risques d’inondation et des plans de prévention des risques littoraux, « ceux-ci ne recouvrent cependant pas l’intégralité du littoral méditerranéen ». La Cour des comptes indique aussi que « les risques de submersion et d’érosion côtière pourraient être davantage pris en compte » et regrette que les prescriptions de ces dispositifs soient « ponctuellement remises en cause afin de permettre la réalisation d’opérations d’aménagement locales, au mépris du risque identifié ». 

Du côté des collectivités locales, il apparaît que « les régions et la collectivité de Corse, en qualité de chefs de file en matière d’aménagement et développement durable du territoire, intègrent encore très peu la question des risques littoraux dans leurs documents de planification ». Par ailleurs la Cour estime que « si d’autres documents programmatiques ont pu être élaborés en marge de ceux prévus par les textes, leur portée et leur efficacité restent limitées. »

Alors que le bloc communal est en première ligne pour aménager l’espace littoral, les magistrats estiment que « les politiques mises en œuvre jusqu’ici s’avèrent largement en-deçà des enjeux ». De nombreux SCoT par exemple sont dépassés et sont en général « peu porteurs de solutions spécifiques pour le littoral. »

Surtout, « l’éclatement des compétences conférées aux acteurs publics empêche de parvenir encore à une approche globale et intégrée des risques ». « Même volontaires et engagées pour adapter leur littoral face aux risques et à l’effet aggravant du changement climatique, les collectivités territoriales et leurs groupements se heurtent à des difficultés liées à l’architecture et à l’articulation de leurs compétences : incomplétude de la compétence Gemapi dévolue à l’intercommunalité, qui s’ajoute à une dissociation territoriale fréquente de cette compétence et de celle de l’aménagement de l’espace. »

Une politique d’aménagement « à revoir » 

À travers ce rapport, c’est une véritable alerte que lancent les juridictions financières à l’État et à l’ensemble des acteurs publics afin « d’adapter les politiques d’aménagement aux risques et menaces liés à la mer et aux inondations » et ce très rapidement. 

La Cour a formulé plusieurs recommandations. Elle propose notamment de « compléter la connaissance cartographique de la vulnérabilité physique d’un territoire par une dimension financière projetant les coûts de destruction, d’interruption, de retour à la normale des activités et de reconstruction ». D’autres recommandations qui concernent les communes ont été formulées comme supprimer la possibilité pour les communes-membres des EPCI des zones littorales préalablement identifiées comme menacées de s’opposer au transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de plan local d’urbanisme ou encore « rendre obligatoire l’élaboration d’une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte dans les zones littorales les plus menacées » et « généraliser les projets partenariaux d’aménagement associant les communes littorales et leur arrière-pays ».

Consulter le rapport. 






Journal Officiel du dimanche 26 janvier 2025

Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Décret n° 2025-68 du 25 janvier 2025 relatif à la sûreté dans les transports publics
Journal Officiel du samedi 25 janvier 2025

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2025-66 du 24 janvier 2025 portant modification de dispositions relatives aux redevances des agences de l'eau

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés