| Édition du lundi 20 janvier 2025 |
Culture
Budget 2025 : un temps menacées, les radios locales retrouvent leurs crédits au Sénat
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Malgré un coup de rabot sur la culture, les sénateurs ont voté le maintien des subventions aux radios locales et adopté la création d'un fonds de soutien d'urgence aux structures culturelles en difficulté financière, ainsi que des crédits pour la préservation du patrimoine.
Un fonds de soutien pour les festivals en difficulté, des crédits pour la réhabilitation des monuments et bâtiments patrimoniaux ainsi que le maintien des subventions aux radios locales.
Malgré des annulations de crédits visant à atteindre un déficit public de 5,4 % de PIB en 2025, les sénateurs ont adopté, en fin de semaine dernière, quelques avancées dans les budgets de la culture et des médias, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Ces votes restent néanmoins encore hypothétiques puisqu’une commission mixte paritaire réunira, dans les prochains jours, sénateurs et députés pour trouver un texte de compromis, après le vote du budget par la chambre haute.
Coup de rabot et confusion
Reste que c’est dans une confusion patente que la mission consacrée aux crédits de la culture a été adoptée, vendredi, par le Sénat.
Opérant de la même manière que lors de l’examen de la mission dédiée au sport, le gouvernement a choisi de déposer ses amendements à la dernière minute, afin de minorer certains engagements inscrits dans le texte initialement conçu par le gouvernement Barnier et repris par le nouvel exécutif. Dans la foulée, certains sous-amendements ont été adoptés par les sénateurs pour modifier les choix de la ministre de la Culture, Rachida Dati.
Résultat, le budget dédié est devenu illisible à une partie des sénateurs, ceux-ci ne comprenant plus exactement ce pour quoi ils votaient et si le budget était finalement revu à la hausse ou à la baisse.
« Pour moi, c’est la confusion, je n’y comprends rien », s’est notament agacée la sénatrice écologiste de la Gironde, Monique de Marco, qui a demandé des précisions lors de la séance : « J’aimerais que l’on me donne une explication qui me permette de pouvoir comprendre ce qu’il se passe avec l’amendement du gouvernement et le sous-amendement du président de la commission pour que je puisse voter en mon âme et conscience car je suis dans l’impossibilité de faire un choix ».
A en croire l’ancienne ministre de la Justice, le budget de la rue de Valois pour 2025 prévoirait ainsi « une baisse nouvelle de 50 millions d’euros » par rapport à ce qui était initialement prévu. Une diminution qui s'ajoute à une coupe de 100 millions d'euros arbitrée par le précédent gouvernement en décembre, alors que celui-ci s’était engagé à verser une rallonge de 300 millions d’euros.
Festivals : création d’un fonds de soutien d’urgence
Malgré ce coup de rabot, Rachida Dati a fait adopter un amendement débloquant des fonds essentiellement fléchés vers la préservation du patrimoine, pour « la rénovation et à la réhabilitation des monuments et bâtiments existants […] en particulier dans les territoires »
En parallèle, ce budget prévoit la création d’un fonds de soutien d’urgence aux structures culturelles en difficulté financière qui pourraient être amenées « à disparaître » dans les prochains mois, sans aide. « Il faut bien comprendre que ce n’est pas un fonds de compensation, là où les élus locaux vont se désengager. […] C’est pour sauver du spectacle vivant ou de la création artistique, capitale pour nos politiques culturelles publiques […] que nous devons absolument et impérativement sauvegarder », a expliqué Rachida Dati à l’origine de l’amendement, citant notamment le Festival d’Aix-en-Provence. Mais « nous en avons d’autres », a-t-elle prévenu.
L’enveloppe consacrée à ce fonds serait finalement portée à 40 millions d’euros après l’adoption d’un sous-amendement du président centriste de la commission, Laurent Lafon.
À noter que le Pass Culture, dispositif qui accorde aux jeunes de 15 à 18 ans 300 euros pour leurs achats culturels, a vu son montant réduit par les sénateurs, contre l'avis du gouvernement.
Radios locales : les crédits du FSER rétablis
Du côté des radios locales, le soulagement devrait être de mise. Sous la menace de coupes « drastiques » lors de la présentation du projet de budget, celles-ci voient leur avenir s'éclaircir après l’adoption du budget consacré aux médias et à l’industrie culturelle.
Alors que le Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) devait initialement être amputé de quasiment un tiers de ses crédits, le gouvernement Barnier s’était finalement engagé à ne pas y toucher devant la levée de bouclier des responsables des quelque 750 radios associatives locales et des élus locaux.
Le gouvernement Bayrou a donc décidé de tenir la parole de son prédécesseur puisque la ministre de la Culture a demandé à la chambre des territoires de rétablir les crédits du FSER alloués aux radios locales au même niveau que l’an passé, soit environ 35 millions d’euros. Plusieurs sénateurs ont même fait adopter des amendements augmentant légèrement cette enveloppe, alors qu’une baisse de 10 millions d’euros visait leurs subventions.
« Nombre de nos concitoyens, dans tous nos territoires, sont à juste titre très attachés » à ces radios locales, « dont le financement dépend pour plus de 40 % du FSER », avait reconnu l’ancien ministre du Budget Laurent Saint-Martin, en novembre dernier, assurant que « les collectivités territoriales n’ont pas à prendre le relais de ce financement et ne le feront pas ».
On peut également rappeler que Rachida Dati s’était dit, lors de son audition devant l’Assemblée, l’automne dernier, « assez favorable » à ce « qu’on mette des critères de contrôle » pour l’attribution des subventions à ces radios locales qui « ne sont pas toutes de même qualité et de même niveau, et [ne procèdent pas] parfois de la même nécessité ».
S’agissant de l'audiovisuel public (France télévisions, Radio France...), le Sénat a voté un effort supplémentaire d'économies de 80 millions d'euros, moindre que celui proposé par le gouvernement.
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Laïcité
Les députés divisés sur les effets de la loi visant à lutter contre les séparatismes
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Une évaluation de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a été menée par trois députés et fait l'objet d'un débat la semaine dernière à l'Assemblée. Un bilan parcellaire a été présenté, regrettant une mobilisation encore inégale des collectivités.
« Si la loi n’est pas parfaite, si elle encore insuffisamment évaluée, (…) si elle peut être mieux appropriée, elle nous a permis, collectivement, malgré tout, un sursaut », a déclaré François-Noël Buffet, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur lors de la présentation de l’évaluation de la loi du 24 août 2021 visant à lutter contre les séparatismes.
Trois rapporteurs ont été chargés d’évaluer les effets de cette loi : Laure Miller (Marne, EPR), Antoine Villedieu (Haute-Saône, RN) et Bastien Lachaud (Seine-Saint-Denis, LFI). Une note a été mise en ligne sur le site internet de l’Assemblée nationale. Ce sujet particulièrement clivant n'a pas permis aux rapporteurs de présenter une conclusion commune.
La neutralité dans le service public : les avancées depuis 2021
La loi du 24 août 2021 comprend plusieurs dispositions visant à renforcer l’application du principe de laïcité dans les services publics ainsi qu’à mieux former et protéger les agents publics. Sur ce point, le bilan fait état de plusieurs évolutions depuis la promulgation de la loi.
D’abord, près de 17 000 référents laïcité ont été désignés, alors qu’on n’en comptait que quelques centaines avant l’adoption de la loi. « Ces référents jouent un rôle de conseil et de support pour les agents publics faisant face à une difficulté relative au respect du principe de laïcité, rappellent les rapporteurs. Ils transmettent chaque année un rapport d’activité, comportant le nombre de signalements reçus. » Ces chiffres correspondent cependant uniquement à la fonction publique de l'État et à la fonction publique hospitalière. Ces référents laïcité ont permis de faire remonter 5 049 signalements pour la période de 2022 et 2023, dont 4 710 pour le seul ministère de l’Éducation nationale, a indiqué le ministre François-Noel Buffet en séance.
La loi a aussi rendu obligatoire la formation de tous les agents publics au principe de laïcité. Ainsi, les rapporteurs indiquent qu’au 1er juin 2024, près de 730 000 agents publics de l’État et de la fonction publique hospitalière avaient été formés à la laïcité, soit environ 13 % des 5,67 millions d’agents publics. Là encore, les chiffres pour la fonction publique territoriale ne sont pas connus. Ces résultats sont tout de même « en deçà de l’objectif de 100 % d’agents formés d’ici la fin de l’année 2025 fixé par le Comité interministériel de la laïcité », peut-on lire dans la note.
Du côté de l’Éducation nationale, on apprend que sur l’année scolaire 2023-2024, 6 589 « atteintes au principe de laïcité » ont été recensées dans les établissements scolaires du premier et second degrés contre 2 226 en 2020–2021, pour 12 millions d’élèves scolarisés. Rappelons enfin que la loi limite le recours à l’instruction en famille. Les chiffres sur ce point sont plutôt probants puisque les rapporteurs observent qu’ « alors que 72 369 élèves étaient instruits en famille lors de l’année scolaire 2021-2022, ce nombre s’élève à 30 644 pour l’année scolaire 2024 - 2025. » Mais des critiques sont apportées par deux des rapporteurs : Bastien Lachaud dénonce « une application injuste et arbitraire » de la loi et Antoine Villedieu regrette que « les dispositions de la loi pénalisent des acteurs de bonne foi, comme les foyers ayant recours à l’instruction en famille ».
Le contrat d’engagement républicain sous le feu des critiques
« La loi a aussi créé les outils permettant de mettre fin au financement public d’associations qui s’inscrivent en rupture avec les valeurs de la République, a rappelé le ministre. C’est le sens du contrat d’engagement républicain qui oblige désormais les associations sollicitant des subventions de l’État ou des collectivités territoriales à s’engager à respecter ces valeurs et qui conduit également à leur retirer ces subventions s’il s’avère qu’elles ne les respectent pas. »
Sur ce contrat d’engagement républicain, les avis divergent fortement. Déjà, l’utilisation de cet outil n’a pas fait l’objet d’un suivi particulier. Les rapporteurs observent une absence de données agrégées à l’échelle de l’État et des collectivités territoriales. Certains dénoncent des dérives à ce nouvel outil. Le rapporteur Antoine Villedieu (RN) déplore la mollesse de ce dernier estimant que « les financements étrangers continuent d’affluer vers des associations opaques ». Pour Bastien Lachaud (LFI), tout au contraire, le CER « produit une très grave restriction des libertés publiques » et « les cas de contentieux liés au contrat d’engagement républicain sont marginaux et ne concernent aucune association religieuse. Les véritables cibles sont, comme toujours, les associations de défense de l’environnement, des droits humains et des droits des femmes. »
Il faut d'ailleurs noter que le comité des droits de l’homme de l’Onu s’est aussi dit en fin d’année 2024 préoccupé par ce contrat d’engagement républicain, tout comme a pu l’exprimer la Défenseure des droits dans son rapport annuel, et demande à la France de faire en sorte que cette loi « ne puisse pas être détournée de l’objectif annoncé pour porter atteinte à la liberté d’association d’associations ayant un but politique, dont les mouvements écologistes ».
Côté gouvernement, on se satisfait de cet outil. Selon les chiffres du ministère, depuis l’entrée en vigueur de la loi, 220 suspensions administratives de fonds de dotation ont été prononcées – soit une multiplication par plus de dix par rapport aux trois années précédentes –, et un financement en provenance de l’étranger a fait l’objet d’une opposition du ministre. » De plus vingt-huit entités ont pu être dissoutes grâce aux modifications qu’elle a introduites : « Seize appartenant à la mouvance d’ultradroite, deux à la mouvance d’ultragauche, deux à la mouvance complotiste, six à la mouvance islamiste et deux à la mouvance indigéniste raciste. »
La place des élus locaux doit être revalorisée
Au cours des débats jeudi dernier, le député Charles Rodwell (EPR) a rappelé que les collectivités et élus locaux « sont au cœur des combats contre le séparatisme en général et l’islamisme en particulier ». « Une immense majorité d’entre eux mènent chaque jour courageusement le combat contre le séparatisme, en veillant à une application stricte du principe de laïcité dans leurs services publics et en refusant toute compromission avec l’islamisme. Néanmoins, ces élus sont parfois démunis et manquent souvent de moyens, notamment techniques, pour mener à bien ce combat. » La rapporteure Laure Miller insiste dans l’évaluation pour que les collectivités soient par exemple davantage sensibilisées à leur obligation de nomination d’un référent laïcité et la nécessité de recenser de façon exhaustive les nominations de ces référents sur le territoire.
Le ministre a effectivement reconnu « qu’une grande partie des élus locaux ne s’est pas encore approprié la loi de 2021 » et « ne savent pas comment l’utiliser ». Il indique qu’il convient de « fluidifier le dialogue entre le préfet et les élus ». Il a enfin précisé que « la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, adoptée par la Haute Assemblée et qui sera présentée dans cette assemblée dans les meilleurs délais, prévoit de donner au maire des moyens supplémentaires pour agir beaucoup plus efficacement dans certaines circonstances. D’ores et déjà, nos élus locaux peuvent et doivent se tourner vers le système judiciaire et plus encore vers le préfet, qui demeure leur interlocuteur privilégié. » La proposition de loi de Françoise Gatel sur le statut de l’élu a été votée au Sénat et son examen devrait débuter prochainement à l’Assemblée.
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Santé publique
Cinq ans après, le choc du covid-19 encore visible sur le système de santé français
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Activité pas tout à fait rétablie, difficulté à recruter, dettes financières : cinq ans après, le choc du covid-19 se fait encore sentir sur le système de santé français, profondément ébranlé malgré la résistance dont il a fait preuve.
À l’hôpital, si la pandémie a rempli les salles de réanimation, elle a aussi vidé les autres services, avec une baisse d’activité des hôpitaux de 6,7 % en 2020 en volume qui a mis beaucoup de temps à être rattrapée.
Si les cliniques privées ont retrouvé un niveau d’activité pré-covid en 2022, la situation n’est pas complètement rétablie à l’hôpital public. En 2023, la Fédération des hôpitaux publics (FHF) observe encore un sous-recours aux soins en chirurgie digestive (- 11 %), cardiologie (- 13 %), soins liés au système nerveux (- 11 %) et greffes (- 7,5 %) par rapport au niveau attendu.
« On a fermé des blocs opératoires pendant le covid parce qu’il n’y avait plus d’activité (...) Et au moment de la reprise, qui s’est faite progressivement, on n’a pas tout rouvert », explique le docteur Marc Noizet, président du syndicat de médecins urgentistes Samu Urgences de France.
Derrière cette lente remise en route se cache notamment une crise des ressources humaines sans précédent.
« Démissions »
La pandémie a « révélé » le manque de moyens à l’hôpital et donné aux soignants « l’espoir d’un vrai changement », se souvient Thierry Amouroux, porte-parole du SNPI (syndicat d’infirmières hospitalières, CFE-CGC). « Mais quand, lors du déconfinement, les petits gestionnaires sont revenus reprendre leurs plans d’économie là où ils en étaient avant, ça a été d’une violence terrible. Il y a eu un divorce avec les blouses blanches » et des « démissions », pointe-t-il.
En 2022, la FHF décomptait près de 6 % de postes d’infirmières vacants, soit 15 000, du jamais vu. La situation s’est un peu détendue depuis, avec un taux redescendu à 3 % en 2023.
Mais pour Thierry Amouroux, ces chiffres sous-estiment la réalité. D’après un calcul du syndicat à partir des bilans sociaux des établissements (incluant les arrêts maladie non remplacés, burn-out...), 60 000 postes d’infirmières restent aujourd’hui vacants dans les hôpitaux publics et privés. Après la crise, « des piliers de service sont partis, ceux qui assuraient le tutorat des jeunes... Parce qu’ils ont perdu espoir », soupire-t-il.
Sur le plan financier, l’hémorragie de soignants a obligé le gouvernement à desserrer un peu le robinet des rémunérations, pour les retenir. En 2020, le « Ségur de la santé » a revalorisé les salaires des soignants et prévu des investissements à l’hôpital. Une dépense supplémentaire pour l’Assurance maladie, estimée à 13,2 milliards d’euros en 2023, selon la commission des comptes de la Sécu.
« Partage des compétences »
Mais pour beaucoup d’experts, ces dépenses ne sont pas financées, expliquant une large part du déficit actuel de l’Assurance maladie.
« Pour l’essentiel, ces dépenses pérennes n’ont pas été couvertes par l’affectation de ressources supplémentaires », constatait sobrement le rapport annuel de la commission des comptes de la Sécu, en octobre. Les professions paramédicales, pharmaciens et infirmières en tête, regrettent de leur côté que les promesses de transformation et décloisonnement du système de santé faites au cœur de la crise, quand tous les bras étaient réquisitionnés pour dépister, vacciner, soigner, ne se soient pas toutes matérialisées.
Les infirmières, fortement mises à contribution et applaudies tous les soirs aux balcons comme tous les soignants pendant le confinement, souffrent toujours quatre ans après d’un « manque de reconnaissance », estime la présidente de l’Ordre des infirmiers, Sylvaine Mazière-Tauran.
Les mesures visant à leur donner plus d’autonomie sont prises au compte-goutte (possibilité de faire des certificats de décès, accès direct à certaines infirmières de pratique avancée...), mais la réforme globale de la profession infirmière, promise par les ministres de la santé successifs, se fait attendre.
Pour Gérard Raymond, président de la fédération d’associations de patients France Assos Santé, le monde de la santé est revenu « trop vite à ses anciens corporatismes ». « Au moment du covid, infirmiers, médecins, pharmaciens, médecins, ont su collaborer, se coordonner, mettre en place des consultations à distance… Ils ont montré que c’était possible. Mais aujourd’hui, le partage des compétences ne va pas assez loin, pas du tout assez vite », regrette-t-il.
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Environnement
« Oui pub » : une évaluation en demi-teinte
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L'expérimentation du dispositif « Oui pub », lancée en 2022, arrive à son terme. L'Ademe et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable ont rendu public, la semaine dernière, leur rapport d'évaluation, qui ne permet pas de trancher clairement sur une éventuelle généralisation du dispositif.Â
Sur le papier, l’idée est simple : le dispositif Oui pub fonctionne à l’inverse de « Stop pub » : au lieu d’apposer un autocollant sur sa boîte aux lettres demandant de ne pas recevoir d’imprimés publicitaires sans adressage (Ipsa), les habitants sont appelés à apposer un autocollant « Oui pub », indiquant qu’ils acceptent d’en recevoir. Les sociétés ont donc l’interdiction de distribuer des imprimés dans les boites aux lettres dépourvues de cet autocollant.
L’expérimentation
Cette expérimentation, prévue par la loi Climat et résilience de 2021, se déroule depuis le 1er mai 2022 dans 14 « territoires pilotes », désignés au volontariat : trois communes, deux communautés de communes, deux communautés d’agglomération, une métropole, une communauté urbaine et cinq syndicats mixtes de traitement ou de valorisation des déchets. Elle s’est déroulée en plusieurs phases : d’abord une période d’information des habitants, avant l’entrée en vigueur de l’interdiction elle-même. L’expérimentation s’est faite de façon différente d’un territoire à l’autre, certaines collectivités ayant par exemple choisi de n’appliquer l’interdiction qu’à certains secteurs, comme la grande distribution, mais à autoriser la diffusion d’Ipsa pour les commerçants locaux, artisans, associations, etc.
L’expérimentation prendra fin le 1er mai prochain. Les résultats de l’évaluation ont été mis en ligne sur un site dédié du ministère de la Transition écologique.
Premiers résultats
Les résultats de l’évaluation sont extrêmement variables d’un territoire à l’autre, ce qui rend difficile leur analyse. Dans certaines collectivités par exemple, les habitants ne sont pas rentrés dans le dispositif, avec un taux d’apposition de l’autocollant Oui pub de 0,33 %. Dans d’autres, près d’un cinquième des habitants l’ont posé. La connaissance du dispositif est moyenne : seule la moitié des habitants des territoires concernés était au courant de l’expérimentation.
L’Ademe, chargée de l’expérimentation, a déterminé un certain nombre de « boites aux lettres témoins », permettant de vérifier le respect des obligations, ce qui lui permet de conclure que « dans l’ensemble, le dispositif a été respecté par les distributeurs ».
Un des principaux enseignements de l’expérimentation est le constat que « les tonnes de déchets papier collectés sur ces territoires ont diminué pendant l’expérimentation », de 20 à 70 % selon les cas. Mais il est « difficile », juge l’Ademe, de mesurer ce qui est dû à l’expérimentation et ce qui est dû à une tendance générale de diminution de l’usage du papier pour la publicité, au profit de la communication numérique. L’Ademe rappelle qu’entre 2013 et 2023, le volume des Ipsa a diminué de 55 %, passant de 900 000 tonnes à 400 000 tonnes environ. « Sur les territoires pilotes, l’expérimentation Oui pub a sans doute accéléré la transition, déjà en œuvre, des annonceurs vers une communication digitalisée. Cette transformation, qui s’est accélérée avec la crise sanitaire, est aussi la résultante de l’augmentation du coût global de la production et de la diffusion d’imprimés publicitaires », note l’Ademe.
Impacts
L’expérimentation n’a pas mis en lumière d’impact particulier de ce dispositif sur l’activité des annonceurs dans le secteur de la distribution alimentaire. En revanche, l’impact paraît plus important dans le secteur des biens non alimentaires – sans que, là encore, il soit possible de conclure formellement que c’est à cause de ce dispositif ou à cause d’un phénomène bien plus général de concurrence des plateformes en ligne.
L’impact est naturellement plus important chez les autres acteurs économiques de la distribution d’Ipsa que sont les producteurs de papier et les distributeurs, deux secteurs particulièrement en crise – comme en témoigne la mise en liquidation judiciaire, à l’automne dernier, du numéro 2 secteur de la distribution, Milee (ex-Adresco), qui a laissé sur le carreau quelque 10 000 salariés. Cette situation n’est pas due à l’expérimentation de Oui pub mais davantage à « des décisions de réduction ou d’abandon des IPSA au niveau national par les annonceurs ». Reste que dans les territoires expérimentateurs, Oui pub a forcément accéléré la baisse d’activité y compris de petits distributeurs locaux.
L’expérimentation a également mis en lumière le fait qu’un nombre important de consommateurs, notamment parmi les ménages les plus modestes, restent attachés aux Ipsa qui leur permettent de connaître les promotions ; et que, d’autre part, « le support des imprimés publicitaires reste important pour générer du trafic en magasin pour les petites entreprises locales situées en zone péri-urbaines ou rurales ».
L’Ademe estime toutefois que l’expérimentation a permis de « fortement limiter le gaspillage et les déchets papier générés par les Ipsa » dans les territoires concernés. Mais que ce résultat s’accompagne de difficultés importantes subies par certains acteurs économiques.
Les industriels vent debout
Du côté de ces acteurs économiques (producteurs de papier et distributeurs, réunis au sein du collectif « Cercle d’alliés »), on est évidemment totalement opposé à la généralisation du dispositif. L’argument principal des industriels et distributeurs est que le rapport de l’Ademe ne permet pas de conclure à un véritable bénéfice en termes de protection de l’environnement.
Ces acteurs critiquent, d’une part, la manière dont l’expérimentation s’est déroulée, et en particulier le fait que les territoires pilotes ont été choisis au volontariat, ce qui nuit forcément à la représentativité de l’échantillon.
Mais c’est surtout la question de l’impact environnemental qui fait débat. Alors qu’une disparition ou une très forte diminution, à terme, des Ipsa au niveau national aurait un impact économique et social très important (estimé à 60 000 emplois), il faut évidemment peser si le jeu en vaut la chandelle d’un point de vue écologique. Pour les industriels du papier et les professionnels de la distribution, la réponse est non : « La publicité numérique n’est pas plus vertueuse que la publicité papier », écrivent-ils dans un communiqué, avec un certain nombre d’arguments entendables. En particulier, le fait que le « tout numérique » a un impact environnemental majeur, bien que plus difficilement mesurable, (data centers, vidéos de publicité en streaming…). A contrario, défendent les industriels, l’industrie du papier est soumise aux filières REP et « finance le recyclage à hauteur de 80 millions d’euros par an ». Et la production de papier, poursuivent-ils, à des vertus écologiques, puisque la production française « provient de coupes d’entretien des forêts et des résidus de bois de scierie ».
Enfin, les industriels estiment que la disparition des imprimés publicitaires nuirait au commerce local au profit des « Gafam » et des plateformes en ligne chinoises comme Shein, Temu et autres AliExpress.
Ces affirmations sont en partie corroborées par l’évaluation environnementale comparative entre les compagnes publicitaires numériques et papier publiée par l’Ademe, bien que de façon plus nuancée, puisque l’Agence ne tranche pas : l’évaluation « ne permet pas de conclure qu’un moindre recours au papier et un usage accru du numérique serait moins polluant ».
Ces rapports ont été transmis au Parlement, à qui il reviendra à terme de trancher entre une généralisation de ce dispositif ou un abandon pur et simple.
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Mayotte
Mayotte : communes, intercommunalités et régions se sont fortement mobiliséesÂ
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L'AMF et Régions de France ont fait le point, en fin de semaine dernière, sur les dons collectés par les communes, intercommunalités et régions, montrant une solidarité exceptionnelle. La loi d'urgence sur Mayotte va permettre de sécuriser juridiquement ces soutiens.Â
Un peu plus d’un mois après le cyclone Chido et ses incommensurables dégâts, les deux associations d’élus communaux et régionaux ont publié des communiqués pour faire le point sur les dons. Au lendemain de la catastrophe, notamment, l’AMF avait appelé ses adhérents à verser des dons en particulier à la Protection civile.
Plus de 6 millions d’euros de dons des collectivités
L’AMF avait alors activé un dispositif baptisé « AMF/Solidarité Mayotte », sous la responsabilité des co-présidents du groupe de travail Risques et crises de l’association, Éric Ménassi et Sébastien Leroy, en lien notamment avec Madi Madi Souf, le président de l’association départementale des maires de Mayotte.
L’appel aux dons de l’AMF a été largement entendu, puisque les associations agréées de protection civile partenaires de l’AMF ont récolté plus de 3 millions d’euros de dons de la part des communes et intercommunalités, sans compter des dons directs de communes à d’autres associations comme la Fondation de France ou le Secours populaire. Ces associations œuvrent à rétablir les réseaux, à distribuer de la nourriture et de l’eau, à aider au déblayage et à l’évacuation des déchets, etc.
David Lisnard, le président de l’AMF, qui va se rendre à Mayotte dans les prochains jours, a salué la semaine dernière « une mobilisation (qui) est un témoignage puissant de la fraternité qui unit nos communes. Les habitants de Mayotte traversent, avec beaucoup de courage et de dignité, une crise d’une exceptionnelle gravité qui nous concerne tous ».
Du côté de Régions de France, on fait savoir qu’une somme à peu près similaire a été récoltée : 3,5 millions d’euros, « dont 1,5 million d’euros environ à travers le fonds inter-régional créé par Régions de France ». Ces montants, comme ceux collectées par les communes, peuvent encore évoluer puisqu’un certain nombre de collectivités n’ont pas encore délibéré sur le sujet.
L’association Départements de France n’a pas encore communiqué pour faire le bilan de la mobilisation, mais on sait que dès les lendemains de la catastrophe, de très nombreux conseils départementaux ont également voté des dons importants aux associations.
Sécurisation juridique
Le projet de loi d’urgence pour Mayotte, dont l’examen en séance publique débute aujourd’hui à l’Assemblée nationale, prévoit à l’article 15, et de façon rétroactive, de sécuriser juridiquement ces dons. Cet article autorise les collectivités territoriales et EPCI, entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, à « verser des subventions à toute association ou fondation reconnue d’utilité publique s’engageant à utiliser ces fonds pour financer les secours d’urgence au profit des victimes du cyclone Chido, pour fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou pour contribuer à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d’habitation rendus inhabitables », à l’exclusion des habitations « informelles », si celles-ci sont édifiées « sans droit ni titre ». Le texte prévoit également la possibilité pour les collectivités de faire des dons à l’établissement foncier qui sera chargé de coordonner la reconstruction à Mayotte.
Cet article fera l’objet de deux amendements en séance publique, venant respectivement du RN et des Républicains, pour réclamer un renforcement des contrôles sur ces dons et l’usage qui en est fait, afin « d’éviter les fraudes ».
Rappelons par ailleurs que, pour les dons des particuliers, le projet de loi prévoit de porter la réduction d’impôts de 66 % à 75 % lorsque ces dons sont octroyés « au profit des organismes d’intérêt général (…) qui, dans le cadre de leur action dans le département de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido, fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d’habitation rendus inhabitables, à l’exclusion des locaux édifiés sans droit ni titre ». Cette réduction d’impôt majorée ne peut être effectuée que dans la limite d’un don de 1 000 euros.
Plusieurs amendements ont été déposés sur cette disposition, certains pour porter la réduction d’impôts à 85 %, d’autres pour augmenter le plafond. Le RN va demander qu’il soit inscrit dans la loi que cet avantage ne puisse être octroyé pour les dons aux associations « d’aides aux migrants ».
Le gouvernement, quant à lui, propose de limiter un peu le dispositif, avec un amendement réduisant le bénéfice de cet avantage aux seuls dons aux associations reconnues d’utilité publique. En effet, argumente l’exécutif, ces associations reconnues d’utilité publique ont l’obligation de transmettre leurs comptes au ministère de l’Intérieur, ce qui permettra, en l’espèce, de « pouvoir assurer un contrôle du bon emploi des dons ».
Ce texte sera débattu à l’Assemblée nationale jusqu’à vendredi.
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Journal Officiel du dimanche 19 janvier 2025
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Journal Officiel du samedi 18 janvier 2025
Ministère des Outre-mer
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