Édition du vendredi 10 janvier 2025 |
Climat
La catastrophe climatique s'accélère
|
L'institut européen Copernicus publie ce matin des chiffres implacables sur le réchauffement climatique : non seulement l'année 2024 a été la plus chaude jamais mesurée, mais, pour la première fois, le cap des + 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle a été franchi pendant toute une année.Â
C’est une coïncidence, mais elle ne doit rien au hasard : au moment même où des quartiers entiers de la mégapole de Los Angeles sont engloutis par les flammes, l’institut européen Copernicus publie les chiffres les plus alarmants sur le réchauffement climatique, dévoilant le fait qu’en moyenne annuelle, pour la première fois, le monde a dépassé les + 1,5 °C de réchauffement climatique.
Accélération des catastrophes
Avant même que ces chiffres soient connus, il n’y avait hélas pas besoin d’être un expert en climatologie pour savoir que l’année 2024 avait été catastrophique, avec une accumulation d’événements climatiques extrêmes – et souvent mortels. Vague de chaleur sans précédent en Inde, en Arabie Saoudite, au Pakistan, avec des températures dépassant les 50 °C ; inondations dramatiques à Valence, en Espagne ; méga-incendies au Canada et aux États-Unis ; sécheresse historique en certains points du globe, précipitations hors du commun dans d’autres – avec des inondations catastrophiques, qui n’ont pas fait la une de l’actualité, au Mali et au Niger, à l’automne dernier, et qui ont fait des centaines de morts. Avec évidemment, en triste point d’orgue de l’année, le cyclone Chido du 14 décembre qui a détruit Mayotte.
Selon un groupe d’assurances allemand, le bilan humain des catastrophes climatiques de 2024 s’établit à au moins 11 000 morts, et le bilan financier à plus de 300 milliards de dollars. Et l’année 2025 ne commence pas mieux, avec les incendies qui ravagent Los Angeles – encore hors de contrôle ce matin, et qui ont déjà détruit plusieurs dizaines de milliers d’habitation.
Litanie de records
Dans ce contexte, les chiffres publiés par Copernicus ne sont guère surprenants. Pour rappel, cet institut, rattaché à la commission européenne, étudie le climat à travers un réseau de satellites et des milliers de points de contrôle situés en tous points du globe.
Que dit le communiqué publié ce matin ? Il met en lumière un amoncellement de records pour l’année 2024. Celle-ci a d’abord été la plus chaude depuis qu’existent les mesures. Et ce n’est évidemment pas un accident, puisque la précédente année la plus chaude de l’histoire était… 2023. En réalité, rappelle Copernicus, depuis 10 ans, toutes les années ont été, les unes après les autres, les plus chaudes de l’histoire, ce qui illustre le caractère linéaire du réchauffement.
Deuxième record : avec 15,1 °C, la température moyenne à l’échelle mondiale dépasse de 1,6 °C la moyenne de la période 1850-1900. Autrement dit, le fameux seuil des 1,5 °C fixé au moment des Accords de Paris est franchi. Certes, cela ne signifie pas que les Accords de Paris sont définitivement caducs, puisque ceux-ci parlaient d’un dépassement de 1,5 °C sur plusieurs années et non sur une seule, mais la tendance est bien là.
Troisième record : celui du jour le plus chaud de l’histoire, battu le 22 juillet 2024, avec 17,16 °C de moyenne à l’échelle mondiale.
Quatrième record : celui de la température moyenne des océans, qui a atteint 20,87 °C en 2024, chiffre jamais vu, et qui a pour conséquence directe une aggravation de la violence des cyclones, des tempêtes tropicales et même des événements de type « cévenols » en Europe. D’ailleurs, Copernicus établit également que l’Europe est le continent le plus concerné par le réchauffement, qui s’y déroule de façon extrêmement rapide : la température moyenne en 2024 y a été supérieure de 1,47 °C non par rapport à l’ère préindustrielle… mais rapport à la période 1991-2020 !
Enfin, Copernicus annonce que « la quantité totale de vapeur d’eau dans l’atmosphère » atteint également un record en 2024 – ce qui amène des pluies diluviennes et des inondations. Pire : malgré les efforts réalisés dans certains pays, les concentrations de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère, responsables de l’effet de serre et donc du réchauffement climatique, ont également battu un record en 2024. Avec un phénomène de cercle vicieux extrêmement difficile à contrer, par exemple sur la question des incendies : le réchauffement conduit à des méga-incendies, dont les fumées déversent des millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, ce qui aggrave l’effet de serre et donc le réchauffement… et ainsi de suite.
« Action rapide et décisive »
Les experts de Copernicus reconnaissent que ces multiples records battus en 2024 ne sont pas à 100 % dus aux activités humaines, mais également au phénomène dit El Niño, qui se produit tous les 5 ans environ avec pour conséquence un réchauffement des océans. Mais, d’une part, les scientifiques relèvent que les anomalies de température provoquées par El Niño sont de plus en plus violentes au fil des décennies – ce qui leur laisse à penser que le réchauffement climatique et El Niño s’autoalimentent mutuellement. Et, d’autre part, ils constatent que maintenant que le pic d’ El Niño est passé, les températures ne redescendent pas, ce qui est qualifié « d’anormal ».
Les porte-parole de Copernicus ne perdent toutefois pas tout espoir. Carlo Buontempo, le directeur de la filiale de Copernicus chargée de la surveillance du climat, conclut le communiqué en déclarant : « L’humanité est responsable de son propre destin, mais la manière dont nous répondons au défi climatique doit être fondée sur des preuves. L'avenir est entre nos mains : une action rapide et décisive peut encore modifier la trajectoire de notre climat futur. »
Il faut néanmoins rappeler que plusieurs des plus grands pays du monde, au premier rang desquels les États-Unis mais aussi l’Argentine, sont désormais dirigés par des présidents ouvertement climatosceptiques. Et que même dans un pays comme la France, les préoccupations climatiques et environnementales ne semblent plus être prioritaires aux yeux des dirigeants politiques. Faut-il rappeler que le Fonds vert, principal outil mis à disposition des communes pour agir sur le terrain environnemental, a été lourdement amputé par le gouvernement Barnier ? La discussion sur le budget pour 2025 montrera si, oui ou non, le successeur de Michel Barnier décide de changer de braquet.
Au delà du fonds vert, l’amputation des moyens des collectivités en général est, de toute façon, est un très mauvais signal car elles investissent de manière considérable pour le climat, tant du point de vue de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre que pour l’adaptation des territoires aux conséquences du réchauffement. En effet, pour répondre aux objectifs de neutralité carbone de la France à 2050, dont les objectifs sont très élevés par exemple pour la rénovation des bâtiments publics (premier poste de dépenses), ou le changement des pratiques de mobilité (développement des transports collectifs, du véhicule électrique et du vélo), le Panorama publié par I4CE et la Banque Postale évalue les besoins d’investissement des collectivités locales à hauteur de 19 millirds d'euros en moyenne annuelle 2024-2030.
En d’autres termes, les besoins d’investissement des collectivités en faveur du climat dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie sont estimés à 11 milliards d'euros d’investissements supplémentaires par an et en moyenne d’ici à 2030 par rapport à 2022. Cette estimation ne tient pas compte des immenses efforts (en investissement et en fonctionnement) que les collectivités doivent également consentir pour s’adapter aux effets des changements climatiques. Les coûts de ce chantier ne sont pas encore estimés et le modèle de financement de ces actions reste à inventer, notamment car elles pèsent lourdement sur les budgets de fonctionnement. On reste donc bien loin du compte.
|
Outre-mer
Cherté de la vie en Outre-mer : la responsabilité de l'octroi de mer serait finalement très limitée
|
« Le niveau élevé des prix dans les départements ultramarins est souvent d'abord la conséquence de monopoles ou d'oligopoles », selon une étude de l'AMF et de l'Association des communes et collectivités ultramarines qui proposent, toutefois, des « ajustements » pour améliorer cette taxe souvent décriée.
L’octroi de mer est-il vraiment le grand responsable des prix élevés dans les territoires ultramarins ? Dans un contexte où le coût de la vie met en ébullition des populations d’outre-mer en grande difficulté dans leurs achats du quotidien, cette taxe spécifique aux départements ultramarins (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion) est souvent accusée de tous les maux, mais n’aurait finalement qu’un impact « résiduel » sur la formation des prix dans ces territoires.
C’est ce que constatent l’AMF et l’Association des communes et collectivités d'Outre-mer (ACCD’OM), dans une étude publiée hier qui évalue l’impact sur les prix à la consommation de ce qui est encore l'un des plus vieux impôts du pays, instauré au XVIIe siècle par la puissance coloniale française et qui représente désormais une ressource essentielle pour les collectivités.
Jusqu'à 80 % des recettes des collectivités
La forte mobilisation lancée en Martinique, en septembre dernier, qui dénonçait la vie chère dans l’île et qui a dégénéré en émeutes (et entraîné près de 100 millions d’euros de dégâts), l’a largement remis sur le devant de la scène. Durant l’hiver 2018-2019 déjà, la suppression de cette taxe faisait partie des revendications majeures des Gilets jaunes ultramarins. Le sujet revient de manière périodique.
Souvent pointé du doigt, l’octroi de mer est perçu comme le premier facteur à l’origine de l’écart de prix très important entre les territoires ultramarins et la métropole. Et les projets annoncés pour le modifier ou le supprimer sont légion. En 2019, le gouvernement voulait le remplacer par la TVA, en 2023 Bruno Le Maire voulait de nouveau le réformer. Les rapports le remettant en cause s’enchaînent également.
Saisis en 2018 par plusieurs sociétés antillaises, le Conseil constitutionnel avait même dû confirmer que l’octroi de mer était bien « conforme à la Constitution ».
Or, ce sujet reste « un enjeu majeur » pour les élus locaux puisqu’il « constitue une part importante du financement des collectivités et c’est aussi une autonomie fiscale que nous souhaitons garder », a expliqué hier le maire de la Petite-Ile et président de l’Association des maires de La Réunion, Serge Hoareau, lors d’une conférence de presse.
En 2023, l’octroi de mer représentait ainsi un peu plus de 1,5 milliard d’euros, dont 1,1 milliard d’euros pour les seules communes, le reste allant aux régions ultramarines et au département de Mayotte. Il représente environ 50 % des recettes fiscales des communes en moyenne « et peut aller jusqu’à 75-80 % de la recette à Mayotte », souligne Nadia Damardji, dirigeante d’Action publique conseil, qui a été chargé de réaliser l’étude de l’ACCD’OM et de l’AMF.
Un impact de 4,5 à 9 % sur le prix final
En compilant diverses études qui ont été conduites par le passé sur la question du poids de l’octroi de mer dans le prix final, cette dernière constate que « personne n’arrive à démontrer que [cette taxe] à un impact sur les prix supérieur de 4,5 à 6 % ». Seul un rapport « commandé par l’Etat » porte cette proportion à 9 % sur le prix final, mais « uniquement à la Réunion », collectivité… qui possède « historiquement les taux d’octroi de mer les plus bas ».
En fait, trois autres facteurs de vie chère ont été identifiés dans les outre-mer. D’abord, la dirigeante d’Action publique conseil pointe « l’éloignement vis-à-vis de l’Europe, l’insularité et l’étroitesse des marchés qui intègrent une partie incompressible de surcoûts et induisent nécessairement des prix chers ». Un impact « impossible à contourner » du fait des coûts de transport et de la concurrence limitée notamment.
Ensuite vient la « disparité des revenus ». Il y a un écart de 28 % de revenus entre l’outre-mer et la France métropolitaine, mais aussi à l’intérieur même des populations ultramarines. « Il y a ceux qui sont « in » et qui bénéficient d’une sur-rémunération des salaires, notamment les fonctionnaires, avec un effet de contagion sur les cadres du secteur privé ; et puis il y a les autres, les « out », qui sont exclus et souvent éloignés du marché du travail », explique Nadia Damardji. Ces derniers « subissent ainsi les prix d’un marché organisé [par les importateurs et les distributeurs] pour répondre au pouvoir d’achat » des premiers.
Plus de transparence
Enfin, c’est le fonctionnement même de l’octroi de mer « peu transparent et parfois aux limites de la légalité » qui amplifie son impact sur les prix.
Pour les produits importés, l’octroi de mer fonctionne « comme un droit de douane et pas du tout comme une taxe ». « Une fois payé sur le bateau, avant débarquement, il disparaît comptablement. C’est là que le bât blesse, car une fois payé au port, tous les autres intermédiaires – que ce soit manutention, transports, grossiste, distributeur… - margent sur le prix avec l’octroi de mer », détaille Nadia Damardji.
Sans compter que « même la TVA est appliquée sur un prix octroi de mer compris, ce qui est contraire à la loi ». In fine, sur un produit arrivant au port d’une valeur de 20 euros avec un taux de 15 %, une collectivité percevra 3 euros d’octroi de mer alors que le consommateur en aura indirectement payé 6 euros.
En outre, le fait que le montant de la taxe disparaisse une fois payée au port et n’apparaît pas sur la facture du consommateur permet de lui attribuer « tous les impacts et tous les fantasmes que l’on voudra ». Le consommateur ne sait donc jamais combien il paie d’octroi de mer.
Plusieurs pistes
A noter également que la suppression de l’octroi de mer entraînerait des conséquences sur la production locale, qui repose en grande partie sur l’agroalimentaire. « Le dispositif actuel permet à la production locale d’exister. Sans ça, elle n’existerait pas » et « ferait de nos territoires des grandes surfaces commerciales », a d’ailleurs prévenu Serge Hoareau.
Il y a donc des ajustements possibles avec la « coexistence éventuelle de deux dispositifs », avancent finalement les auteurs de l'étude qui envisagent notamment un octroi de mer sur l'ensemble des biens importés fonctionnant comme une taxe « type TVA ». Avec plusieurs avantages : « baisser le prix à la consommation par la diminution mécanique du prix de revient » et rendre la taxe transparente en apparaissant sur la facture du consommateur. En outre, l'AMF et l'ACCD'OM proposent la possibilité d'« un octroi de mer sur les biens importés et produits localement (qui) continuerait de fonctionner tel qu’actuellement c’est-à-dire comme un droit de douane ».
Tous ces éléments ont pour objectif d’engager la concertation et de faire des propositions d’évolution au gouvernement puisque les élus locaux refusent de se priver d’une taxe aux mains des collectivités contre une part de TVA. « L’essentiel pour les territoires d’outre-mer, c’est de pouvoir avoir une fiscalité rattachée au niveau du territoire, on écarte l’idée d’instaurer une forme de TVA type national », a expliqué Serge Hoareau, en rappelant « ne pas être contre une évolution de l’octroi de mer ».
« Un sujet qui reste d’actualité puisque l’on va devoir repasser devant l’Union européenne » en 2025 puis en 2027 pour « valider l’existence de cette fiscalité ».
Autre actualité liée à la chute du gouvernement Barnier. La baisse des prix prévue au 1er janvier 2025 sur 6 000 produits n’a pu être appliquée. Afin de contenir la mobilisation lancée au début de septembre par le mouvement contre la vie chère en Martinique, un protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère avait, en effet, été signé le 16 octobre entre l’Etat, les élus martiniquais, les entreprises, mais pas par le collectif à l’origine du mouvement.
Les sénateurs, soutenus par le gouvernement, avaient aussi adopté lors de l’examen du projet de budget pour 2025 une mesure visant à appliquer une exonération de TVA sur certains produits « de première nécessité » alimentaires et non alimentaires, qui devaient eux-mêmes être exonérés temporairement d’octroi de mer jusqu’au 31 décembre 2027. Mais depuis, l’examen du PLF a été suspendu.
Télécharger l'étude.
|
Éducation
Territoires éducatifs ruraux : un bilan satisfaisant selon l'IGESR mais un pilotage à repenser
|
Alors que les territoires éducatifs ruraux (TER) devraient être au nombre de 300 dans toute la France d'ici 2027, l'IGESR présente ses premières constations sur ce dispositif qui vise à consolider l'école rurale.
Lancé en 2022 par Jean-Michel Blanquer, ex-ministre de l’Éducation nationale, le dispositif Territoires éducatifs ruraux est en quelque sorte une adaptation des cités éducatives des quartiers prioritaires de la politique de la ville aux territoires ruraux, « dans la même logique d’intensification des prises en charge éducatives des enfants et des jeunes avant, pendant, autour et après le cadre scolaire ». Selon l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), il existait, en 2023, 64 Territoires éducatifs ruraux, se déployant dans 570 communes regroupant 86 collèges, 632 écoles et bénéficiant à 67 836 élèves.
L’expérimentation « Territoires éducatifs ruraux » touchant à sa fin, et avec sa généralisation annoncée depuis avril 2023 (lire Maire info du 3 avril 2023), l’IGESR a remis en juin de la même année un rapport sur ce dispositif. Ce dernier vient seulement d’être rendu public. L’IGESR y dresse un bilan positif et propose des ajustements dans sa mise en application.
Des familles satisfaites
L’auteur du rapport rappelle dans un premier temps que l’ « expérimentation TER a pour ambition de mettre en synergie des dispositifs de droit commun et d’appels à projets ». Concrètement, en plus de la dotation propre de 30 000 euros, les TER s’appuient sur plusieurs autres dispositifs comme notamment les financements de l’éducation nationale et des services jeunesse et sports ; la convention territoriale globale (CTG) portée par la Caisse d’allocations familiales (CAF) et le financement des plans mercredi et des PEDT ou encore les dynamiques portées par chacune des collectivités (régions et départements sur le sport, la culture, l’éducation au développement durable-EDD…) et des partenaires (associations, CANOPÉ, clubs, maisons des jeunes et de la culture-MJC…).
Selon l’enquête sur laquelle s’appuie ce rapport, les projets portés par ce dispositif sont « nombreux et variés ». Il est précisé dans le rapport que « la structuration des actions autour d’axes prioritaires est généralisée » et que donc « les TER les plus avancés travaillent en commissions (EDD, piscine, activité périscolaire, parentalité, orientation…) associant l’ensemble des acteurs (parents, élus personnels). »
Globalement, « le retour des familles et des élus (…) est positif, notamment quand les réflexions portent sur les différents temps de l’enfant. La richesse des propositions éducatives et/ou culturelles faites aux élèves des TER est l’élément positif le plus souvent rapporté par les familles. »
L’EPCI comme périmètre d’intervention à privilégier
La mission observe également que pour « décloisonner les politiques publiques » et « porter une vision stratégique en faveur de la ruralité » qu’un lien s’est renforcé dans le cadre des TER entre communes et EPCI. Ainsi, en 2023, « la plupart des TER ont intégré les EPCI dans les signataires et dans les groupes de pilotage. Les actions du TER en faveur des communautés de communes peuvent être présentées chaque année lors des conseils communautaires, réalisés en présence de tous les maires, ce qui permet de maintenir un lien étroit avec les communes non signataires des TER. »
Plus largement, la mission considère que « le modèle le plus simple à piloter reste celui d'un TER correspondant au périmètre d'un EPCI ». Le modèle peut aussi correspondre « à une ancienne communauté de communes si la superficie ou le nombre d’acteurs de l’EPCI parait disproportionné ». Selon les observations de l’IGESR, « l’existence d’un EPCI ou d’une collectivité ayant exprimé son engagement dans la dynamique TER apparait comme une condition propice au déploiement réussi d’un TER. L’engagement déclaré des élus et notamment du président d’EPCI est un sujet plus important que la détention de compétences éducatives par l’EPCI (que ce soit des compétences scolaires, petite enfance, jeunesse, périscolaire, extrascolaire…). »
Manque d’impulsion de la part de l’État et fortes réserves de l'AMF
Enfin, il est fait mention dans ce rapport que le pilotage de ce dispositif reste à perfectionner. Si « le déploiement des TER se traduit localement par un rapprochement entre les CAF, les MSA, les ARS, les CPAM et les DSDEN », le soutien national à ces dynamiques n’est pas au rendez-vous. De plus, « en l’absence de chef de projet national, les acteurs locaux indiquent qu’il leur a fallu attendre plus d’une année sans information sur le soutien à la poursuite de l’expérimentation engagée. »
Il est préconisé dans le rapport qu’une « coordination entre les ministères sociaux et celui de l'Éducation nationale » soit mise en place sur le sujet de la ruralité. La mission indique aussi qu’il est « nécessaire qu'une étude d'impact et une évaluation de long terme (dix ans) soit maintenant installée, notamment du fait de la nouvelle extension du programme, qui doit s'élargir de 65 à 300 TER ».
Récemment auditionnée par l’IGESR, l’AMF a rappelé qu’elle n’a pas été associée à l’élaboration de l’expérimentation des TER lancée en 2021, et qu’elle peine aujourd’hui à obtenir une visibilité sur son développement, et les dispositifs réellement mis en place. Elle demande toujours une clarification des objectifs assignés à cette expérimentation, une évaluation de celle-ci ainsi que des financements disponibles avant toute généralisation.
Par ailleurs, l’AMF a insisté pour que les TER soient pensés et coconstruits en amont avec les maires concernés, et pas systématiquement les intercommunalités qui sont relativement peu compétentes en matière scolaire. Elle a également prévenu que les TER ne doivent pas servir de socle pour modifier à terme la répartition des compétences dans le champ éducatif, voire le statut de l’école, sans une véritable concertation nationale avec les maires sur le devenir de l’école.
Consulter le rapport.
|
Transports
Deux-roues motorisés : la circulation inter-files entre (sans prévenir) dans le Code de la route
|
De façon assez surprenante, le gouvernement a publié ce matin un décret intégrant la circulation inter-files (CIF) dans le Code de la route, mettant fin à l'expérimentation relancée pourtant tout récemment.Â
C’est une bonne surprise pour tous les motards et autres usagers de deux-roues motorisés, mais ce n’en est pas moins baroque : alors qu’il y a 15 jours à peine, le gouvernement prolongeait pour 6 mois l’expérimentation de la circulation inter-files, et alors que les résultats de cette expérimentation ne sont pas établis, il vient de changer brusquement de pied, mettant fin à l’expérimentation et pérennisant cette pratique.
Expérimentations à rallonge
La circulation inter-files ou CIF consiste, pour les motards ou conducteurs de scooters à deux ou trois roues, à circuler entre les deux files les plus à gauche d’une route à trois voies. Pendant des années, elle s’est effectuée hors de toute réglementation, puisque cette pratique ne figure pas dans le Code de la route, et a fait l’objet d’une tolérance de la part des autorités. Sauf lorsque les forces de l’ordre en décidaient autrement – il est arrivé à de nombreux motards d’être verbalisés pour avoir circulé en inter-files, au titre du dépassement par la droite et du non-respect des distances de sécurité.
Il y avait donc un grand flou juridique – et un certain arbitraire – sur cette pratique, que les associations d’usagers demandaient à combler depuis longtemps.
C’est pourquoi les gouvernements successifs ont lancé une série d’expérimentations. D’abord en 2016, dans tous les départements franciliens, ainsi que dans les Bouches-du-Rhône, la Gironde et le Rhône. Constatant, cinq ans plus tard, que cette expérimentation n’avait « pas permis de conclure à la généralisation ou à l'abandon du dispositif », le ministère de l’Intérieur décidait de la poursuivre pour une nouvelle période de trois ans, en l’étendant à une dizaine de départements supplémentaires. Fin de l’expérimentation prévue cette fois le 1er août 2024. D’arrêté en arrêté, l’expérimentation a été prolongée d’abord jusqu’au 15 septembre 2024, puis jusqu’au 31 décembre de la même année.
Tout le monde s’attendait donc à ce la CIF soit interdite à compter du 1er janvier 2025… mais un nouvel arrêté, publié in extremis le 27 décembre dernier, prolongeait encore l’expérimentation de 6 mois, jusqu’au 31 décembre 2025.
On en était là – et à attendre les résultats de l’expérimentation, notamment en matière d’accidentologie – quand, surprise, un décret est paru au Journal officiel de ce matin. Ce décret met de facto fin à l’expérimentation et autorise définitivement la pratique de la CIF, en modifiant le Code de la route.
Les nouvelles règles
Le décret crée un nouvel article R412-11-13 au Code de la route, que doivent donc connaître notamment les agents des forces de l’ordre et des polices municipales. Cet article dispose que la CIF est autorisée « sur les autoroutes et les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central et dotées d’au moins deux voies chacune ». La pratique n’est autorisée que sur les routes où la vitesse maximale autorisée est supérieure à 70 km/h, sauf si cette vitesse a été « abaissée localement par décision de l'autorité de police locale de la circulation ». Ce dernier détail semble tout spécialement écrit pour les usagers du périphérique parisien, où la vitesse a été récemment abaissée à 50 km/h.
La circulation inter-files doit obéir à des règles strictes. Elle ne peut être pratiquée que si la circulation des voitures « s’établit en file ininterrompue sur toutes les voies », et uniquement entre les feux files les plus à gauche de la circulation. Il est interdit de circuler en inter-files à plus de 50 km/h, voire 30 km/h si « l’une des files est à l’arrêt ». La pratique est interdite en cas de neige ou de verglas et, enfin, « le conducteur en inter-files doit reprendre sa place dans le courant normal de la circulation (…) lorsque les véhicules, sur au moins une des deux files, circulent à une vitesse supérieure à la sienne ».
Avis aux motards : le non-respect de ces conditions coûte très cher. L’amende prévue est de 135 euros et le retrait de trois points, voire à un retrait de permis pouvant aller jusqu’à trois ans.
Il reste à comprendre pourquoi le gouvernement a changé de pied et décidé, d’un coup, d’autoriser une pratique jusque-là interdite – sans la moindre consultation avec l’AMF et sans que ce décret soit soumis à l’avis des élus au Conseil national d’évaluation des normes. Une évaluation de l’expérimentation a-t-elle finalement été établie par le Cerema, et pas encore publiée ? Ou le gouvernement a-t-il décidé, au nom du principe de réalité, de légaliser une pratique qui était, de toute façon, expérimentation ou pas, universellement adoptée par tous les usagers de deux-roues motorisées ? On l’ignore à cette heure.
|
Mobilité durable
Le Réseau vélo et marche, nouvelle « voix unique » des collectivités pour les mobilités actives
|
Les deux principales associations faisant la promotion du vélo et de la marche, le Club des villes cyclables et Vélo & territoires, ont fusionné, donnant naissance au Réseau vélo et marches. Avec pour première revendication le rétablissement du Plan vélo.
Au fil des années les associations d’élus engagés pour la pratique des « mobilités actives » ont largement évolué. Ainsi, le « Club des villes cyclables », créé en 1989, a changé plusieurs fois d’identité, devenant tour à tour le « Club des villes et territoires cyclables », puis le « Club des villes et territoires cyclables et marchables ». Le Club, basé à Paris, s’est aussi beaucoup étoffé au fil des ans, passant d’une structure assez confidentielle de quelques collectivités à un réseau de 240 collectivités, historiquement plutôt appuyé sur les communes.
Quant à l’association Vélo & territoires, née et installée à Lyon, elle a été créée en 1999 et regroupe aujourd’hui 220 adhérents, en majorité des EPCI – mais les 13 régions et 77 départements y adhérent.
Il paraissait donc pour le moins naturel que ces deux associations s’unissent. C’est chose faite depuis le début de l’année, avec la création du Réseau vélo et marche, issu de la fusion des deux associations – comme cela a été officialisé lors d’une conférence de presse au Sénat le 7 janvier.
450 adhérents
La nouvelle association peut donc se targuer d’être « le réseau unique des collectivités engagées pour le vélo et la marche ». Elle regroupe plus de 450 adhérents, « de la commune à la région » et 80 parlementaires. L’association est co-présidée par deux maires, Chrystelle Beurrier, maire d’Excenevex (Haute-Savoie) et Françoise Rossignol, maire de Dainville (Pas-de-Calais).
Dans une tribune publiée dans la Gazette des communes, les deux élues donnent les raisons de la fusion des deux associations : « Réunies, nous gagnons en influence et en poids auprès de nos interlocuteurs. Réunies, nous faisons du vélo et de la marche une politique publique crédible et désirable. Réunies, nous relèverons les défis climatiques, sociaux et économiques d’aujourd’hui et de demain. »
Cette fusion intervient au moment où le vélo semble relégué très loin à l’arrière-plan des préoccupations gouvernementales, puisque les élus ont eu la surprise de constater, à la fin de l’année dernière, que le Plan Vélo était « jeté aux oubliettes », comme le relevait Maire info le 4 novembre. Dans le projet de budget pour 2025, les autorisations d’engagement pour le Plan vélo passaient de plus de 300 millions d’euros, en 2024, à … zéro. Ce, après le « gel » des crédits du Plan vélo annoncé début 2024, laissant quelque 400 dossiers sans réponse. Le précédent ministre des Transports, François Durovray, avait acté cette situation en évoquant « un cadre budgétaire contraint » et un sens des « responsabilités ».
« Un investissement limité qui rapporte gros »
L’une des raisons invoquées par les fondateurs du Réseau vélo et marche est donc de « ne pas subir les décisions de l’État » en la matière, estimant que la suppression du Plan vélo tient à « de mauvaises raisons » : « Ce plan ne peut servir de valeur d’ajustement alors qu’il répond à des enjeux fondamentaux. C’est un investissement limité qui rapporte gros : renforcement des solutions de mobilité décarbonées proposées aux habitants, amélioration de la santé publique, inclusion, tourisme, retombées pour l’emploi, développement économique, réindustrialisation, adaptation aux effets du réchauffement climatique. »
Dans un communiqué publié après la conférence de presse du 7 janvier, la nouvelle association appelle donc « au retour du Plan vélo » et à ce que l’État rétablisse des financements « pluriannuels » pour que les collectivités puissent « planifier et réaliser des projets sur le long terme ». Elle demande également que plan SRAV (Savoir rouler à vélo) soit développé.
Enfin, l’association s’inscrit dans la préparation des élections municipales de 2026, en se proposant « d’aider les collectivités à préparer leurs projets de mobilités actives avant les changements de mandature ».
La nouvelle association va développer un site internet unique, qui devrait être bientôt opérationnel à l’adresse reseau-velo-marche.org.
|
Journal Officiel du vendredi 10 janvier 2025
Ministère de l'Intérieur
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
|