Édition du jeudi 9 janvier 2025

Mayotte
Ce que contient le projet de loi d'urgence pour Mayotte
Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a présenté hier en Conseil des ministres « le projet de loi d'urgence pour Mayotte », dont l'examen débutera dès la semaine prochaine à l'Assemblée nationale. Il s'agit du deuxième élément d'une fusée à trois étages, a expliqué le ministre. 

L’action du gouvernement pour Mayotte doit se dérouler en trois temps, a expliqué Manuel Valls lors du compte rendu du Conseil des ministres, hier en milieu de journée. Le premier temps est celui de « l’urgence immédiate », face à « la plus grave crise de sécurité civile que le pays ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale ». Il a donc fallu – et cette phase se poursuit – « répondre aux urgences vitales », pour alimenter la population en nourriture et en eau, rétablir les réseaux, préparer la rentrée scolaire (« 70 % des salles de classes devraient être disponibles pour la rentrée », a assuré le ministre), traiter les déchets, permettre de rétablir l’accès aux soins. 

Le deuxième temps de l’action gouvernementale, c’est le projet de loi d’urgence qui a été présenté hier, dont la « philosophie générale » est de permettre de déroger aux règles de droit en matière d’urbanisme, de marchés publics, d’autorisations, etc., pour permettre d’engager rapidement la reconstruction. 

Enfin, le ministre  a annoncé qu’un deuxième projet de loi verrait le jour « d’ici trois mois », portant des mesures plus « structurelles » pour « la refondation de Mayotte » et pour « permettre le développement économique et social [de l’île] sur de nouvelles bases ». 

Un établissement public pour la reconstruction, mais lequel ?

Le projet de loi d’urgence présenté hier comporte une vingtaine d’articles divisés en sept chapitres. À l’instar d’un certain nombre de textes adoptés ces dernières années, comme celui sur la reconstruction de Notre-Dame, sur la construction des infrastructures des JO ou encore celui qui a été adopté à l’été 2023 après les émeutes, il vise à permettre de déroger aux normes en vigueur notamment en matière de construction. 

Première mesure : le projet de loi prévoit d’autoriser le gouvernement à prendre une ordonnance pour disposer d’un « opérateur puissant », un établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction. Le contour de cet établissement n’est pas clair, c'est le moins que l'on puisse dire : dans le texte, il est indiqué que cette mission reviendra à l’Epfam (Établissement public fonction d’aménagement de Mayotte). Sauf que le Premuer ministre, en visite à Mayotte, avait parlé de la création d'un nouvel établissement, et que Manuel Valls, dans sa présentation, a  lui aussi parlé d’un nouvel établissement qui aurait vocation à « absorber l’Epfam ». Or, selon la rédaction actuelle du texte, c'est impossible. On peut se demander pour le gouvernement , qui a retardé d'une semaine la parution de son texte, n'en a pas profité pour modifier cette partie, puisque c'est semble-t-il la volonté du Premier ministre – d'autant plus que cela correspond à la volonté des élus. On peut donc supposer qu'un amendement gouvernemental sera déposé en ce sens.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement a décidé – comme cela avait déjà été le cas pour la reconstruction  de Notre-Dame – de confier la direction de cet établissement à un militaire, le général de corps d’armée Pascal Facon. Manuel Valls a précisé que le général serait « directeur général » de l'établissement, ce qui laisse espérer que sa présidence puisse revenir à un élu, mahorais de préférence... 

L’article 2 du texte va permettre de déroger à la loi qui prévoit qu’il revient aux conseils municipaux de décider « de la création et de l’implantation des écoles ». Jusqu’au 31 décembre 2027, c’est l’État qui va prendre la main en la matière à Mayotte, pour assurer, à ses frais, « la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l’extension, les grosses réparations et l’équipement des écoles publiques » dans les communes de l’île. Si, à la fin de l’année 2027, les travaux ne sont pas terminés, les communes et l’État pourront signer une convention pour prolonger le délai. 

Urbanisme

Le deuxième chapitre du texte a trait aux règles d’urbanisme. Il prévoit de « dispenser de toute formalité au titre de Code de l’urbanisme » les constructions à usage d’hébergement d’urgence. Par ailleurs, le gouvernement serait habilité à prendre une ordonnance pour adapter le droit aux « caractéristiques et contraintes propres au territoire mahorais ». Notamment, cette ordonnance pourra modifier « les règles techniques auxquelles sont soumis les constructions et les travaux qui y sont assimilés ». 

Pendant deux ans, les travaux de reconstruction ou de réfection, à l’identique ou avec adaptations, pourront se faire sans que les dispositions des PLU puissent y être opposables. Les demandes d’autorisation d’urbanisme seront drastiquement simplifiées et les délais d’instruction raccourcis. 

Une troisième ordonnance est prévue, permettant « des adaptations ou dérogations aux règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique » ainsi qu’une « occupation provisoire et réversible, moyennant indemnisation, d’emprises appartenant à des propriétaires privés, nécessaires à la réalisation des ouvrages, opérations et travaux ». 

Commande publique

Tous les marchés de travaux, fournitures et services liés à la reconstruction pourront être négociés sans publicité ni mise en concurrence dès lors qu’ils sont inférieurs à 100 000 euros HT. Les marchés de travaux de moins de 2 millions d’euros HT pourront être négociés sans publicité, mais avec mise en concurrence. 

Les règles d’allotissement seront également ignorées : les marchés liés à la reconstruction n’auront pas à faire l’objet de lots séparés mais pourront « faire l’objet d’un marché unique ». 

Dons des collectivités et des particuliers

L’article 15 du projet de loi spéciale autorise les collectivités et EPCI à « verser des subventions à toute association s’engageant à utiliser ces fonds pour financer les secours d’urgence au profit des victimes du cyclone Chido », entre le 14 décembre 2024 et le 14 mars 2025. Il s’agit donc d’une mesure rétroactive, puisqu’elle sécurise juridiquement des versements effectués préalablement à la publication de la loi. Interrogé sur ce point, le Conseil d’État a jugé que « une telle autorisation législative rétroactive peut être admise, compte tenu de l’intérêt général qui s’y attache, pour le financement des mesures les plus urgentes d’aide aux victimes ». 

Les collectivités pourront également – sans limitation de temps – verser des subventions à l’établissement public foncier qui sera créé pour reconstruire Mayotte. Il s'agit, répétons-le, de dons à des associations ou à un établissement public. Il n'existe donc toujours pas de disposition permettant de verser des dons à une autre collectivité située sur le territoire national. 

Par ailleurs, le texte officialise la réduction d’impôt portée à 75 % pour les dons aux profits des associations humanitaires portant assistance aux habitants de Mayotte, dès lors qu’il s’agit d’associations reconnues d’utilité publique. 

Droits sociaux

Enfin, tout le dernier chapitre du texte est consacré aux questions de prestations sociales. Le recouvrement forcé des dettes fiscales est suspendu pendant trois mois. Le versement des cotisations sociales par les entreprises et les travailleurs indépendants est suspendu jusqu’au 31 mars prochain, voire jusqu’au 31 décembre cas par cas. Les chômeurs arrivés en fin de droit au 1er décembre dernier bénéficieront d’une prolongation du versement de leurs allocation jusqu’au 31 mars. Idem pour les assurés sociaux : les personnes qui ne bénéficieraient plus de la Sécurité sociale depuis le 14 décembre 2024 verront leurs droits maintenus jusqu’au 31 mars 2025. 

Un texte à compléter

Manuel Valls a reconnu hier que ce texte est incomplet – peut-être parce que le gouvernement n’a pas eu le temps d’y ajouter certaines dispositions, ayant déjà retardé sa parution d’une semaine. Il faudra donc le compléter « au cours du débat parlementaire », ce qui laisse supposer que le gouvernement présentera des amendements à son propre texte, sur « deux questions très urgentes » : la « lutte contre l’habitat illégal » et « le blocage temporaire des loyers ». Sur le premier point, Manuel Valls a martelé : « Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville. » 

Enfin, le ministre a clairement indiqué que le gouvernement ne souhaite pas – comme l’a réclamé notamment Marine Le Pen – aborder dans ce texte la question de la lutte contre l’immigration illégale. Sans méconnaître cette question, qualifiée de « fléau qui pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne des Mahorais », Manuel Valls a indiqué qu’elle serait au centre du deuxième projet de loi, qui sera présenté au printemps. 

Le texte du premier projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale, et il sera examiné dès lundi par la commission des affaires économiques. 




Fonction publique territoriale
Fonction publique: le gouvernement joue l'apaisement
À l'occasion des vœux du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, présidé par Philippe Laurent, maire de Sceaux, ce 8 janvier, la ministre du Travail, Catherine Vautrin, et Laurent Marcangeli, ministre de l'Action publique et de la Fonction publique, ont loué l'importance des agents publics dans le fonctionnement du pays.

[Article initalement paru sur le site de Maires de France]

Pas moins de deux ministres du nouveau gouvernement Bayrou ont fait le déplacement aux vœux du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), rue de Reuilly à Paris : Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles et Laurent Marcangeli, ministre de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification.

La présence d’un ministre du Travail « est une première » salue Philippe Laurent, président du CSFPT, et à ce titre porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux (CET), qui veut y voir un signe de l’importance de la fonction publique territoriale. Le maire de Sceaux s’est dit également « extrêmement heureux » de la présence du ministre de la Fonction publique, Laurent Marcangeli. 2025 s’annonce-t-elle sous de meilleurs auspices dans les relations entre les collectivités, la fonction publique et le gouvernement ? 

Discours de méthode

2024 s’était soldée par une journée de mobilisation nationale des fonctionnaires le 5 décembre contre les annonces, unilatérales, de Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique du gouvernement Barnier, sur le jour de carence et l’indemnisation des arrêts maladie. Les employeurs territoriaux étaient eux aussi très remontés contre la hausse des cotisations CNRACL décidée par le gouvernement Barnier sans concertation.

Cette méthode semble dépassée tant les deux ministres ont assuré, ce 8 janvier, à la fois les agents et les employeurs territoriaux de leur « respect », « écoute », de leur « reconnaissance », avec une pensée particulière pour Mayotte et les agents qui « ne comptent pas leur temps depuis le passage du cyclone », a ainsi lancé Catherine Vautrin. La ministre, ancienne présidente du Grand Reims, a insisté sur le rôle de la fonction publique territoriale, « garante d’un service public essentiel pour la cohésion » du pays et de ces agents qui sont « derrière les maires, qui les accompagnent et dont ils ne peuvent pas se passer ».

Le ministre de la Fonction publique (et ancien maire d'Ajaccio) a, lui, réitéré ses propos tenus lors de la passation de pouvoirs à l’endroit des fonctionnaires le 26 décembre : « Je vous aime ! », a scandé l’ancien maire d’Ajaccio. Aux employeurs territoriaux, il a promis « un travail commun fluide, respectueux, efficace ».

Arbitrages budgétaires

Un ton qui réjouit le monde territorial mais qui ne convainc pas ses représentants. Après le passage de quatre gouvernements en un an, tous aspirent à une plus grande « stabilité ». Mais attendent avec une évidente inquiétude les arbitrages budgétaires. Philippe Laurent, qui est aussi vice-président de l’AMF, a rappelé les sujets sur la table : transposition de l’accord du 11 juillet 2023 sur la protection sociale complémentaire (PSC), suite à donner au rapport Hiriart sur le fonds de prévention de l’usure professionnelle, financement de l’apprentissage, situation de la CNRACL et mainmise de l’État sur l’Ircantec, perte accélérée de l’attractivité de la fonction publique.

« Pas de promesses irréalisables »

Habilement, aucun des deux ministres ne s’est engagé sur quoi que ce soit. « En toute humilité, je ferai de mon mieux, a indiqué Laurent Marcangeli. Dans un contexte budgétaire contraint, je ne ferai pas de promesses irréalisables. Nous aurons ces prochaines semaines des discussions. Certaines seront âpres. Elles se feront en nous concertant, en nous respectant. Avant de parler, il nous faut faire des arbitrages ». Le ministre a déjà commencé à rencontrer pour cela les partenaires sociaux.

Travailler sur les retraites

À moyen et plus long terme, en fonction aussi du temps qu’il aura, Laurent Marcangeli souhaite engager un travail sur plusieurs sujets de fonds comme l’évolution des métiers et carrières, la refonte des grilles de rémunération, la PSC. Sur cette dernière, il a fait part de « détermination très forte » et doit rencontrer prochainement le président du Sénat pour évoquer un projet de loi transposant l’accord de 2023. Dernier « défi essentiel » évoqué par le ministre : la simplification. « Nous devons améliorer la qualité des services publics, réduire l’administratif et donner plus de temps aux missions à valeur ajoutée ».

Catherine Vautrin a, de son côté, appuyé sur les sujets attractivité, prévention des risques professionnels, réflexion sur les métiers. Mais a sans doute douché aussi quelques espoirs sur l’apprentissage en rappelant que l'accord avec France Compétences sur le financement était « une expérimentation » et, qu’à ce titre, elle devait « avoir une fin », tout en ouvrant la porte à de nouvelles discussions. Même flou entretenu sur les retraites : « Nous devons continuer à y travailler », a-t-elle signifié.  




Logement social
Quartiers populaires : les bailleurs sociaux sanctionnés financièrement s'ils entretiennent mal leurs immeubles ?
« Si le travail n'est pas bien fait, je demanderais aux préfets de revenir » sur l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les bailleurs HLM, a annoncé Juliette Méadel, qui a dit aussi travailler sur de possibles dérogations pour accéder aux ZFE. 

« Faites le job pour lequel vous avez une aide publique. » Les bailleurs sociaux ont été prévenus par la nouvelle ministre chargée de la Ville, Juliette Méadel : s’ils n'assurent pas correctement l’entretien de leurs HLM dans les quartiers populaires, ils seront désormais sanctionnés financièrement. 

Les quartiers de politique de la ville (QPV) doivent être « soutenus davantage par les pouvoirs publics parce qu’ils sont en situation de grande pauvreté », a-t-elle justifié.

État des lieux « dans les trois semaines qui viennent »

Pour cela, l’ancienne porte-parole du Parti socialiste et secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes sous la présidence de François Hollande vient donc de demander aux préfets de « faire un état des lieux dans les trois semaines qui viennent de la situation d'entretien des logements sociaux dans les quartiers de politique de la ville pour voir si les bailleurs sociaux font bien leur travail », a-t-elle annoncé, en début de semaine, dans un entretien à Sud Radio.

« Il faut que les ascenseurs fonctionnent, que les poubelles soient bien relevées, que les boîtes aux lettres soient sécurisées », a exigé Juliette Méadel qui souhaite devenir « la ministre des ascenseurs qui marchent » alors que plus de 5,4 millions d'habitants vivent aujourd'hui dans les quelque 1 600 quartiers classés politique de la ville.  

Et « si le travail n’est pas bien fait, je demanderais aux préfets de revenir sur l’exonération de taxe foncière », a expliqué la ministre, en référence à l’abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont bénéficient les bailleurs sociaux dans ces quartiers et qui représente une somme de 315 millions d’euros qui « pèse sur le budget des communes et celui de l’État » (qui compense les premières partiellement). L’AMF rappelle ce matin qu'elle plaide également pour que « les communes puissent mieux suivre les actions mises en œuvre par les bailleurs en contrepartie de l’abattement. Cette demande devrait être discutée lors d’une révision du cadre de référence national prévue cette année ».

« On est dans une période difficile sur le plan budgétaire, […] un euro dépensé doit être un euro utile », a estimé la ministre, rappelant toutefois le « rôle fondamental » des bailleurs sociaux dont la situation « n’est pas toujours facile sur le plan économique ». 

À ce titre, on peut rappeler que ces derniers réclament, sans succès depuis plusieurs années, la fin de la réduction de loyer de solidarité (RLS), une ponction de 1,3 milliard d’euros chaque année sur leurs recettes qui les pénalise et mise en place par Emmanuel Macron. Sans compter qu’ils ont été privés de l’enveloppe de 1,2 milliard d'euros de crédits d’aide à la rénovation promis, il y a un peu plus d’un an, celle-ci ayant été gelée brutalement l’an passé pour pallier le dérapage budgétaire du pays.

L’abattement de TFPB, bien « plus qu’une mesure fiscale » 

« Attention à ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des bailleurs HLM ! », a prévenu sur X le député de l'Indre, François Jolivet (Horizons), rappelant que « ces conventions d’abattement de taxe foncière, avaient à l’origine pour objectif de faire porter par les bailleurs des politiques publiques abandonnées par les collectivités locales et l’Etat… »

Comme l’expliquait l’Union sociale pour l’habitat (USH), dans un rapport publié en juin dernier, ce dispositif est « plus qu’une mesure fiscale, c’est un levier pour agir en faveur de l’amélioration du cadre de vie dans les quartiers et renforcer la participation des habitants ». 

« C’est aussi un moyen pour renforcer la qualité de service et développer des projets à impact social sans que ces surcoûts ne pèsent trop sur les charges locatives des locataires-habitants », explique l’organisme dont la directrice, Marianne Louis, a sobrement salué dans un message sur X « la volonté de la ministre de la Ville de faire un état des lieux de la situation dans les quartiers. Cela répond à la volonté de l’Union HLM de faire vivre l’égalité réelle partout : services publics, santé, sécurité, transport, école. »

La ministre a également dénoncé le fait que « les trafiquants s'installent dans certains immeubles […] Ils font des trous dans les murs pour cacher la drogue, installent dans les sous-sols des supermarchés de la drogue ». « C'est ça qui pourrit la vie des habitants, il faut une présence. Et la présence des bailleurs sociaux est indispensable car ils mettent en place des systèmes de surveillance et de propreté ».

Plus globalement, Juliette Méadel a affirmé qu’il « y a urgence » concernant la politique de la ville au regard de « la situation très difficile dans les quartiers », jugeant que « les quartiers périphériques des villes de province sont aussi abandonnés » et rejoignant ainsi les préoccupations des associations d’élus du bloc local.

ZFE : vers de « probables dérogations »

Celle-ci a également annoncé son intention de « travailler sur de probables dérogations » pour permettre aux habitants des QPV d'accéder aux zones à faibles émissions (ZFE) instaurées dans certaines grandes métropoles en vue d'améliorer la qualité de l'air mais qui pénalise souvent les classes modestes. 

Les habitants venant de banlieues qui veulent aller travailler dans les grandes villes se retrouvent ainsi mis en difficulté s'ils possèdent une voiture ancienne. Les métropoles du Grand Paris, de Lyon, Montpellier et Grenoble limitent ainsi depuis le 1er janvier la circulation des véhicules dotés d'une vignette Crit'Air 3, c'est-à-dire les voitures diesel immatriculées avant 2011 et les voitures à essence immatriculées avant 2006.

Un « objectif louable » puisqu’il y a chaque année « 40 000 morts à cause des microparticules », a défendu la ministre, qui a reconnu que « pour les artisans qui travaillent, et qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler en centre-ville, cette mesure de ZFE est très difficile ».

« J'en ai parlé hier avec Agnès Pannier-Runacher. Nous sommes d'accord pour travailler à des dérogations » qui pourraient bénéficier aux « quartiers politique de la ville, par exemple ». « Je ne dis pas que nous allons exclure une partie considérable du territoire français. Mais nous allons regarder au cas par cas […] selon les zones, les régions, comment les transports publics peuvent ou pas offrir une alternative. C'est un travail de dentelle, parce que le territoire français est fracturé », a-t-elle précisé.
 




Numérique
L'impact environnemental du numérique de plus en plus important en France
L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) publie de nouveaux chiffres sur l'empreinte environnementale du numérique en France à partir des données de l'année 2022.

Alors qu’en 2020 le numérique représentait 2,5 % de l’empreinte carbone nationale, deux ans plus tard, selon les nouveaux chiffres de l’Ademe, cette part atteint 4,4 % soit 29,5 millions de tonnes en équivalent CO2 émises. Rappelons que la principale source d'émissions de gaz à effet de serre en France est le transport et que, à titre de comparaison, le secteur aérien représente 4 % des émissions de gaz à effet de serre des transports intérieurs. 

L’empreinte environnementale du numérique est indéniablement forte et risque d’augmenter au fur et à mesure des années. Une évaluation prospective de l'impact environnemental du numérique en France à horizon 2030 et 2050 a été remise au gouvernement en 2023 par l’Arcep et l’Ademe, qui alertaient sur le risque d’une croissance exponentielle. « Si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel », l’empreinte carbone du numérique en France augmenterait d’environ 45 % en 2030 et de 187 % en 2050.

Fabrication des équipements et data centers 

Dans le détail, ce sont avant tout la fabrication des équipements numériques et le fonctionnement des terminaux (téléviseurs, ordinateurs, smartphones…) qui émettent le plus gaz à effet de serre. Selon l’Ademe, en 2022, c’est 17,8 millions de tonnes en équivalent CO2 émises en 2022 et 117 Mt/an de ressources mobilisées pour produire ces équipements : métaux, minerais, plastiques, eau, terres excavées, etc.

Par ailleurs, 46 % de l’empreinte carbone du numérique sont causés par les data centers (centre de données) ce qui est donc directement « lié à l’utilisation des services numériques (moteurs de recherche, clouds, vidéos à la demande, réseaux sociaux, IA…). » Cette part est en augmentation de 16 % par rapport à 2020, ce qui s’explique par le fait qu'« à l’époque, seuls les data centers implantés en France avaient été pris en compte » et « de nouveaux centres de données ont été mis en service entre les deux études. » L’Ademe précise que ces données datant de 2022, elles « ne reflètent pas encore la montée en puissance de l’IA générative. » La délégation à la prospective du Sénat mène actuellement des travaux sur le sujet et un rapport thématique sur l’IA et l’environnement devrait être publié courant 2025. 

Les nouveaux chiffres de l’Ademe montrent enfin la recrudescence de la consommation en contenus audiovisuels en France (TV linéaire, streamings audio et vidéo à la demande) : 6 millions de tonnes en équivalent CO2 émises par la consommation de contenus audiovisuels en France en 2022, « soit autant que les émissions de 4 041 073 véhicules par an. » Si la tendance actuelle se confirme, c’est-à-dire moins d'usage de la télévison en direct et davantange de vidéos à la demande, ces chiffres pourraient augmenter de 29 % en 2030.

Les leviers d’action

En même temps que cette mise à jour, l’Ademe préconise, dans un avis publié en ce début d’année, « un développement plus responsable de ce secteur. » Un des leviers d’action est de promouvoir la « sobriété numérique » notamment en « prolongeant la durée de vie des appareils » et en résistant « aux sirènes de la nouveauté ». Du côté des fabricants notamment, il est précisé dans l’avis qu’un travail est à mener sur l’obsolescence : « Plutôt que de mettre chaque année de nouveaux modèles sur le marché, les marques devraient accompagner la montée en puissance du reconditionnement industriel, en améliorant la réparabilité de leurs produits. L’écoconception devrait, par ailleurs, contribuer à la fabrication d’appareils plus fiables, avec de meilleures performances énergétiques, et plus faciles à recycler. »

Cependant, les auteurs de l’avis précisent que « l’écoconception et l’allongement de la durée de vie des appareils ne suffiront pas à compenser notre consommation effrénée de services numériques. » Ainsi, l’Ademe indique qu’il est essentiel de prioriser les usages. « Certains sont des opportunités pour l’écologie : ils aident, par exemple, une collectivité à mieux gérer son éclairage, une industrie à faire de la maintenance préventive et un agriculteur à optimiser son arrosage. En revanche, il y a de fausses bonnes idées, susceptibles de retarder les efforts nécessaires à la transition écologique. Ainsi, dans l’industrie, ce n’est pas un nouvel outil de pilotage énergétique qui va réduire le bilan carbone d’une usine, si rien n’est fait pour en isoler les conduits de vapeur ou électrifier les chaînes de production. » 




Urbanisme
Accidents majeurs et information du public : la France se met (enfin) en conformité avec la directive « Seveso 3 »
Depuis le 1er janvier, une procédure de participation du public doit être organisée par l'autorité compétente en matière d'urbanisme avant toute autorisation de projets dans le périmètre d'établissements classés Seveso. 

La directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012 dite « Seveso 3 » le prévoyait, la France l’a fait… 12 ans plus tard, et après rappel à l’ordre de la Commission européenne. Un décret du 30 décembre impose ainsi, à partir du 1er janvier, une consultation publique pour la délivrance d’autorisations d’urbanisme dans le périmètre d’établissements Seveso, ces installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en raison « des substances, préparations ou mélanges dangereux présents dans des quantités telles qu'ils peuvent être à l'origine d'accidents majeurs ».  

Autrement dit, les citoyens doivent désormais pouvoir donner leur avis sur les projets d’urbanisation à proximité d’installations Seveso. Le décret créé en ce sens un nouvel article au sein du Code de l’urbanisme, qui prévoit que « font l'objet d'une participation du public (…) les constructions, travaux, aménagements et installations soumis à permis de construire ou d'aménager réalisés à une distance (d'une installation Seveso) inférieure au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des ICPE (…), pour la rubrique dont l'installation relève, lorsqu'ils sont susceptibles, par leurs caractéristiques ou leur localisation, d'aggraver le risque ou les conséquences d'un accident majeur et ne font pas l'objet d'une autre procédure de participation du public. ». Une distance mesurée à partir du périmètre de l'installation, précise le texte. 

Consultation en ligne 

Cette nouvelle obligation pèse sur l’autorité compétente en matière d’urbanisme, soit, le plus souvent, le maire ou le président d’intercommunalité. En principe, la participation du public doit être organisée par voie électronique, selon la procédure définie par l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement, indique le décret du 30 décembre. Ainsi, « le dossier de demande doit être mis à disposition du public par voie électronique ». Mais quand « le volume ou les caractéristiques du projet de décision ou du dossier de demande » ne le permettent pas, le public est informé, toujours par voie électronique, « de l'objet de la procédure de participation et des lieux et horaires où l'intégralité du projet ou du dossier de demande peut être consultée », mais aussi « des modalités de la procédure de participation retenues ».

À noter que les observations et propositions du public doivent parvenir à l'autorité publique dans un délai minimal de 15 jours à compter de la mise à disposition. Enfin, le projet de décision ne peut être définitivement adopté « avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public », délai qui ne peut être inférieur à trois jours à compter de la date de clôture de la consultation – sauf absence d’observations et propositions.

Affichage en mairie

À titre dérogatoire, le décret du 30 décembre autorise les communes de moins de 10 000 habitants à organiser une participation du public selon les modalités de l'article L. 123-19-2 du Code de l'environnement. Dans ce cas, l’affichage en mairie de l’objet de la procédure de participation, des lieux et horaires où le projet de décision ou le dossier de demande peut être consulté et où des observations et propositions peuvent être déposées sur un registre, suffit pour considérer ces éléments « portés à la connaissance du public ». L’affichage doit préciser « le délai dans lequel ces observations et propositions doivent être déposées, qui ne peut être inférieur à 15 jours à compter du début de l'affichage ». Si la commune dispose d'un site Internet, ces informations – tout comme le projet de décision ou le dossier de demande, si son volume ou ses caractéristiques le permettent – sont aussi mis à disposition du public par voie électronique pendant la même durée. Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai « qui ne peut être inférieur à trois jours à compter de la date de clôture de la consultation » – sauf absence d’observations et propositions.

Rappelons que la réglementation française prévoyait déjà une consultation du public pour tout ce qui concerne l'installation Seveso elle-même, mais pas pour les constructions autour des installations.

Pour mémoire, ce décret répond (très) tardivement à la lettre de mise en demeure de 2019 et à l'avis motivé de la Commission européenne du 2 décembre 2021, demandant aux autorités françaises de se mettre en parfaite conformité avec la directive « Seveso 3 » de 2012. La sous-transposition peut nuire à la démocratie environnementale. 


 






Journal Officiel du jeudi 9 janvier 2025

Ministère de l'Intérieur
Décret n° 2025-15 du 8 janvier 2025 relatif aux attributions du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Décret n° 2025-25 du 8 janvier 2025 relatif aux attributions du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Décret n° 2025-26 du 8 janvier 2025 relatif aux attributions de la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Décret n° 2025-27 du 8 janvier 2025 relatif aux attributions du ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Arrêté du 6 janvier 2025 portant délégation de signature (cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville)

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