Édition du lundi 6 janvier 2025

Gouvernement
Ce qu'il faut retenir de la composition du gouvernement Bayrou
C'est finalement le lundi 23 décembre, à la veille de Noël, que François Bayrou a officialisé la composition de son gouvernement. La composition politique de celui-ci est assez similaire à celle du gouvernement de Michel Barnier. Pas moins de 14 ministres sont ou ont été maires.

Après l’habituelle succession de tractations, de négociations secrètes, de vraies rumeurs et de fausses informations, le gouvernement de François Bayrou a été nommé juste avant les fêtes de Noël. Il compte 35 membres : 14 ministres de plein exercice (dont quatre ministres d’État) et 21 ministres « auprès de » ou ministres délégués. Petite particularité de ce gouvernement, pas vue depuis fort longtemps : il ne comprend, en revanche, aucun secrétaire d’État. 

Les retours des anciens Premiers ministres

François Bayrou aura finalement échoué, tout comme son prédécesseur Michel Barnier, à élargir le spectre politique de son gouvernement : si, certes, quelques figures issues de la gauche sont entrées au gouvernement, comme Manuel Valls ou François Rebsamen, il ne s’agit pas de personnalités encore membres de l’un ou l’autre parti composant le Nouveau front populaire. Le gouvernement reste donc strictement appuyé sur ce qu’il est convenu d’appeler le « bloc central » (Renaissance, MoDem et Horizons) et Les Républicains. Ce qui le rend aussi fragile que le précédent, ayant de fortes chances de se retrouver rapidement confronté, lui aussi, une coalition du NFP et du Rassemblement national à l’Assemblée. 

François Bayrou a également fait le choix de faire revenir au gouvernement – et au premier plan – des personnalités certes très connues mais contestées. En particulier deux anciens Premiers ministres, Manuel Valls et Élisabeth Borne, dont les noms restent attachés à des réformes – des retraites ou du droit travail – qui avaient provoqué une forte contestation.

Ces deux anciens Premiers ministres ont été nommés au rang de ministre d’État – titre purement honorifique mais qui les place aux premiers rangs de la hiérarchie ministérielle. Élisabeth Borne, numéro deux du gouvernement, hérite d’un super-ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche – et sera secondée à ce dernier titre par Philippe Baptiste. Peu connu du grand public, celui-ci a le mérite de connaître son sujet, puisqu’il est chercheur et président du Centre national d’’études spatiales.

Manuel Valls, lui, devient ministre d’État des Outre-mer. Il va donc être chargé de dossiers particulièrement critiques et explosifs – la reconstruction de Mayotte, le retour de la paix civile et l’organisation des élections en Nouvelle-Calédonie, le problème de la vie chère aux Antilles. 

De la Banque des territoires à Bercy

Le poste le plus sensible de ce gouvernement, chargé pour la première fois depuis des décennies de concevoir un budget pour l’année en cours et non pour l’année suivante, est certainement celui de ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Il a été confié au banquier Éric Lombard. Si ce nom, jusqu’à présent, était lui aussi peu connu du grand public, il dirigeait une institution qui est, elle, très connue des élus : la Caisse des dépôts et consignations, dont une filière, la Banque des territoires, finance de très nombreux projets des communes et intercommunalités. 

Éric Lombard, politiquement, vient de la gauche (il a été conseiller ministériel sous François Mitterrand), mais c’est Emmanuel Macron qui l’a placé à la tête de la Caisse des dépôts. Ses anciennes fonctions – en plus du fait qu’il a été conseiller municipal à Fontenay-sous-Bois – en font un excellent connaisseur des questions de finances locales. 

Éric Lombard sera pleinement aux commandes des questions économiques et financières, puisqu’il aura sous sa direction pas moins de 5 ministres, dont deux macronistes historiques (Amélie de Montchalin aux Comptes publics et Marc Ferracci à l’Industrie). Le portefeuille du Commerce, de l’Artisanat, des PME et de l’Économie sociale et solidaire revient à la LR Véronique Louwagie, celui de l’Intelligence artificielle et du Numérique reste à Clara Chappaz et Nathalie Delattre (Mouvement radical) sera chargée du Tourisme. 

Il est donc à noter que contrairement au choix de Michel Barnier, qui avait placé le ministre chargé du budget directement sous la tutelle de Matignon, ce poste revient à présent à Bercy. Le fait qu’il soit confié à Amélie de Montchalin, très proche d’Emmanuel Macron depuis ses débuts, laisse penser que celui-ci tient à garder la main sur les orientations budgétaires. 

Police-justice : un tandem à droite

Les deux ministères régaliens de l’Intérieur et de la Justice reviennent à des personnalités marquées à droite : Bruno Retailleau reste à l’Intérieur, tandis que Gérald Darmanin fait son retour au gouvernement, avec le titre de ministre d’État, à la Justice. Cette dernière nomination, dans un premier temps, a fait tiquer un certain nombre de magistrats, qui n’ont pas oublié le soutien de Gérald Darmanin à une manifestation d'un syndicat de police accusant la justice d’être « le problème de la police ». 

Bruno Retailleau sera secondé dans ses fonctions par le LR François-Noël Buffet, brièvement ministre des Outre-mer sous Michel Barnier. 

Aménagement du territoire : retour vers le futur

On notera que ce gouvernement ne comporte pas de portefeuille comportant dans son intitulé le terme de « collectivités territoriales », contrairement à ce qui était en usage depuis plusieurs années. En revanche, on assiste au retour d’une expression née dans les années 1960 et longtemps utilisée, mais qui n'était plus en usage depuis qu'Emmanuel Macron occupe l'Élysée : « l’aménagement du territoire ». 

C’est le maire très récemment démissionnaire de Dijon (et encore président de l’agglomération), François Rebsamen, qui a été nommé ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation. Ancien socialiste et ministre du Travail sous François Hollande, François Rebsamen a rompu avec son ancienne famille politique pour rejoindre Emmanuel Macron en 2022. 

Il aura quatre ministres sous sa tutelle : Valérie Létard, comme sous Michel Barnier, reste au Logement – dont elle est une spécialiste reconnue –, mais elle ne s’occupera plus de la politique de la ville, dont hérite l’ancienne socialiste Juliette Méadel. Philippe Tabarot – vice-président LR de la région Paca, chargé des transports – devient ministre des Transports. Dès sa nomination, ce dernier a choisi de se heurter frontalement aux organisations syndicales en disant sa volonté d’accélérer la mise en concurrence du ferroviaire et de limiter le droit de grève. 

Enfin, Françoise Gatel, sénatrice UDI et figure de l’Association des maires de France, reste au gouvernement, chargée de la Ruralité. 

Les autres ministères

L’écologie et la transition énergétique n’occupent pas, en revanche, une place considérable dans ce gouvernement. Seulement 12e dans la hiérarchie du gouvernement, Agnès-Pannier Runacher devra à elle seule s’occuper de la transition énergétique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Fait notable : elle n’aura à ses côtés ni ministre délégué ni secrétaire d’État – ce qui peut en dire long sur la place qu’occupent ces dossiers aux yeux du Premier ministre. Contrairement à ce qui se faisait depuis plusieurs années, le ministre chargé de l’écologie n’aura plus la main sur les portefeuilles essentiels dans ce domaine que sont le logement et les transports.

Parmi les autres ministres qui auront à traiter des questions intéressant les collectivités territoriales, il faut citer Catherine Vautrin, qui prend le portefeuille de la Santé, en plus du Travail, des Solidarités et des Familles. Elle sera secondée de trois ministres délégués, dont un dont il faut retenir le nom puisqu’il sera chargé, au titre de « l’accès aux soins », de lutter contre la désertification médicale : il s’agit de Yannick Neuder. Ce député LR, ancien rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, est cardiologue au CHU de Grenoble et ancien maire de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs.

Annie Genevard garde le portefeuille de l’Agriculture. Marie Barsacq, membre de la direction de la Fédération française de football et directrice exécutive du comité d’organisation des JOP de Paris, devient ministre des Sports. Enfin, Laurent Marcangeli, l’ancien maire d’Ajaccio, prend le portefeuille de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification en lieu et place du très controversé Guillaume Kasbarian. On ignore s’il entend reprendre à son compte la réforme consistant à porter à trois le nombre de jours de carence des fonctionnaires. 

Quatorze maires ou anciens maires au gouvernement

Notons enfin que, s’il n’y a pas de ministre directement chargé des collectivités, un très grand nombre de membres du gouvernement ont une réelle connaissance du monde local, soit qu’ils aient été maires, soit qu’ils aient eu au moins un mandat local. 

Sur 36 ministres (en comptant François Bayrou), seulement 8 n’ont jamais eu de mandat local – même si ceux-ci ont, pour la plupart, un mandat parlementaire. Les 28 autres membres du gouvernement ont siégé ou dans des conseils municipaux, ou dans des conseils départementaux ou régionaux. Quatorze d’entre eux sont ou ont été maires (François Bayrou, Manuel Valls, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Rachida Dati, François Rebsamen, Annick Genevard, Laurent Marcangeli, Thierry Mignolas, Sophie Primas, François-Noël Buffet, Yannick Neuder, Véronique Louwagie, Françoise Gatel), auxquels il faut ajouter Catherine Vautrin, présidente de la métropole de Reims. Nathalie Delattre a été adjointe au maire de Bordeaux, tandis que trois autres ministres (Éric Lombard, Patricia Mirallès et Juliette Méadel) ont été conseillers municipaux. 

Cette connaissance et cette pratique du monde des collectivités suffiront-elle pour que ces nouveaux ministres tiennent compte des besoins des maires ? L’avenir le dira, mais l’expérience prouve, hélas, que ce n’est pas toujours suffisant, loin de là. 




Mayotte
Chido : trois semaines après le cyclone, Mayotte toujours en détresse
Mayotte a été dévastée le 14 décembre dernier par le cyclone Chido. Plus de trois semaines après cette catastrophe, la situation reste critique pour les Mahorais. En parallèle, le gouvernement s'apprête à présenter mercredi le projet de « loi d'urgence » pour reconstruire le département.

Le calme finira-t-il par revenir après la tempête ? Le rétablissement des services pour les besoins vitaux des Mahorais tarde. Plus de trois semaines après la catastrophe, beaucoup reste encore à faire pour venir en aide aux habitants qui vivent dans des conditions difficilement imaginables. À l’occasion de plusieurs visites officielles – comme celle du président de la République, du Premier ministre François Bayrou, ou encore du ministre d'État des Outre-mer, Manuel Valls – les Mahorais ont laissé éclater leur colère et leur désespoir face à une aide qui tarde à venir. 

Accès à l’eau, distributions alimentaires, électricité, écoles, santé, logement : les besoins des habitants restent à ce jour encore urgents. 

Des blocages et des interrogations 

L'accès à l'eau à Mayotte a toujours été une problématique de premier plan pour les habitants et le passage du cyclone n’a fait qu’empirer la situation. Comme le pointe la Croix-rouge française dans un communiqué, « les sources d’eau sont très rares à Mayotte, les rivières dites “urbaines” sont jonchées de détritus, et depuis le cyclone, faute de mieux, l’eau y est puisée pour tous les usages, ce qui augmente fortement les risques d’épidémies, comme le choléra et la typhoïde. » Dans une interview accordée au Journal du dimanche, Manuel Valls indique que les déchets ménagers accumulés depuis le cyclone seront éliminés « d’ici la mi-janvier ». François-Xavier Bieuville, le préfet de Mayotte, estime de son côté qu’il faudra « entre trois et quatre semaines pour ramasser la totalité des déchets ».

En parallèle, selon les chiffres de la préfecture de Mayotte, un million de litres d’eau ont été distribués sur l’île. Sur place, on constate que cette quantité est insuffisante et que, contrairement à ce que dit le gouvernement, l’eau courante n’est pas de retour dans toutes les communes. Racha Mousdikoudine, présidente de l'association Mayotte à soif indique sur Franceinfo que des Mahorais « boivent de l'eau de rivière infectée » et que « les gens font la queue pendant plusieurs heures sous 40 degrés pour rentrer bredouilles chez eux », sans avoir pu obtenir de bouteille d’eau. 

La distribution de denrées alimentaires n’est pas encore non plus à la hauteur. Selon la préfecture de Mayotte, 146 tonnes de nourriture ont été livrées et « toutes les communes du département bénéficient de livraisons de vivres à destination de l’ensemble de la population ». Dans certains villages isolés, la nourriture se fait de plus en plus rare. À Mtsahara par exemple, les premières distributions ont eu lieu fin décembre et tout le monde n’a pas pu en bénéficier tellement les stocks étaient insuffisants. Du côté de la préfecture de Mayotte, on annonce une montée en puissance de l’aide alimentaire, avec des « acheminements de vivres [qui] continuent pour soutenir la population durement touchée par le cyclone Chido ».

Des renforts supplémentaires ont également été engagés pour rétablir l’électricité et les réseaux de télécommunication. Aujourd’hui, 71,3 % des foyers ont de nouveau accès à l’électricité et l’objectif est de la rétablir dans tous les foyers « d’ici la fin janvier 2025 ». Concernant les réseaux de télécommunications, 83,8 % des abonnés sont de nouveau couverts par le réseau mobile (Orange, SFR et Only). 

Enfin, selon Le Monde, 2 000 personnes sont toujours logées dans les écoles alors même que la rentrée des classes doit avoir lieu le 20 janvier pour les élèves. Cette solution d’hébergement d’urgence concerne surtout les migrants venus des Comores. Au total, selon Manuel Valls, « une vingtaine d’établissements du primaire et du secondaire sont occupés ». Il ajoute : « Il est impératif de les évacuer vite. » Qu’adviendra-t-il alors de ces milliers de personnes qui vivaient pour la plupart dans des bidonvilles aujourd’hui détruits ? Pour le gouvernement, il n’est pas envisageable de reconstruire ces bidonvilles. Ainsi, « des solutions de logement temporaires » seront proposées » et les demandeurs d’asile devront à termes « être éloignés du territoire ». 

Rappelons finalement qu’un décret paru le 19 décembre au Journal officiel instaure le blocage des prix des produits de grande consommation à Mayotte, pour éviter la spéculation. Concrètement, les produits de grande consommation (eau, alimentation, produits d’hygiènes, outils) ne pourront pas dépasser leurs prix d’avant la catastrophe. Cependant, plusieurs témoignages indiquent que les prix flambent malgré tout. Dans un article de Ouest-France, une bénévole d’une association mahoraise implantée à Saint-Nazaire rapporte que « le prix du pack de Cristalline a doublé depuis le passage de Chido, passant de 9 à 18 euros ». 

Le projet de loi d’urgence pour Mayotte présenté mercredi

Le projet de loi d’urgence pour le département se fait attendre lui aussi. Le Premier ministre avait annoncé la présentation d'une loi d'urgence pour Mayotte dès le 3 janvier en Conseil des ministres. Finalement, il sera présenté cette semaine, le 8 janvier, avant d’être examiné par le Parlement dès le 13 janvier prochain. 

Un plan « Mayotte debout » a été présenté par le Premier ministre François Bayrou lors de son déplacement à Mayotte et plusieurs mesures de ce plan seront inscrites dans le projet de loi d’urgence. Manuel Valls a indiqué hier au JDD que ce projet de loi devrait « permettre d’accélérer la reconstruction de Mayotte en simplifiant les règles dans le domaine de l’urbanisme et de la commande publique. Certains délais seront révisés par trois. » Le ministre a également évoqué « l’augmentation de la prise en charge de l’activité partielle », « la création d’un établissement public qui aura en charge le développement et l’aménagement du territoire, le financement de l’économie, la construction d’équipements publics et la gestion du foncier, en lien étroit avec les élus ». Il a aussi rappelé qu’une zone franche économique va être créée. 

La question migratoire en filigrane 

Une tribune a été publiée hier dans les colonnes du Figaro, dans laquelle Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ministre des Outre-mer et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, expliquent qu’ « il est nécessaire de joindre à la mobilisation des pouvoirs publics une lutte efficace contre l’immigration clandestine et une augmentation significative des moyens d’action ». Pour les membres du gouvernement, « sans fermeté migratoire, nous reconstruirons Mayotte sur du sable ». 

Concrètement, ils proposent d’ « allonger la durée de résidence régulière des parents [requise pour] l’accès des enfants à la nationalité française, lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou étendre l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine ». 

Un second projet de loi de programmation devrait être présenté au printemps. Comme l’indique Manuel Valls, « développement économique et social, modernisation du territoire, jeunesse, attractivité, immigration et sécurité (…) seront les axes essentiels » de ce futur texte. 

Alors que les débats s’enflamment autour du sujet de l’immigration, on ne sait toujours pas à cette heure combien de victimes sont à déplorer sur l’île. D’après le dernier bilan humain provisoire, 39 morts ont été recensés et un peu plus de 4 000 blessés ont été identifiés. La « mission d'identification des victimes » est toujours en cours.




Budget de l'état
Budget 2025 : après la loi spéciale, le gouvernement confirme que les collectivités devront « faire un effort » cette année
Alors que le budget de 2024 a été reconduit à l'identique en ce début d'année afin d'assurer le fonctionnement de l'État, le nouvel exécutif semble soutenir le dispositif validé au Sénat prévoyant « autour de deux milliards d'euros d'économies » pour les collectivités. Il a aussi annoncé vouloir réintégrer les 2 168 communes exclues du dispositif FRR. 

Après l’adoption de la loi spéciale et en attendant l'élaboration d'un véritable budget pour 2025, l’exécutif a reconduit les autorisations d'engagement ouvertes dans le budget de 2024, via un décret publié la semaine dernière au Journal officiel

Ce texte ouvre ainsi des crédits aux ministères pour 2025 afin d’assurer le fonctionnement de l’État et de « poursuivre l'exécution des services publics en reconduisant ceux ouverts en loi de finances initiale pour l'année 2024 par le Parlement », indique le document.

Versement garanti de la DGF

Pour rappel, la loi spéciale est destinée à éviter un « shutdown » et le blocage des administrations du pays lors des premiers jours de l’année 2025, après la censure du précédent gouvernement. Afin de surmonter une paralysie budgétaire, ce texte d’urgence autorise donc l'exécutif à prélever l'impôt et à emprunter pour financer l'État, les collectivités et la Sécurité sociale depuis le 1er janvier.

Ce texte atypique garantit notamment aux collectivités le versement de leurs dotations de fonctionnement pour les prochaines semaines. Elles doivent ainsi percevoir, dès ce mois, leur DGF sur la base de son montant global et des règles d’attribution de l’année 2024. Elle sera ainsi versée par douzièmes dès le début de l'année (pour les enveloppes faisant l’objet d’un versement mensuel), avant que son montant soit régularisé  après l’adoption du prochain projet de loi de finances (PLF). 

En revanche, si les élus locaux pourront bien bénéficier de la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore du Fonds vert pour leurs dépenses déjà engagées, ils devront attendre l'adoption du budget 2025 pour percevoir à nouveau ces dotations sur leurs nouvelles dépenses. Sauf exceptions liées à une situation d’urgence.

Des mesures d’urgence qui ne resteront en vigueur que jusqu’au bouclage définitif du prochain budget dont l’adoption est attendue d’ici la « mi-février », selon les prévisions de François Bayrou, qui a toutefois reconnu ne pas être « sûr d’y arriver ».

Collectivités : un « effort » en 2025, les réformes structurelles « plus tard »

Sur la même ligne que le précédent gouvernement, le nouveau ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, a d’ailleurs rapidement confirmé, au lendemain de sa nomination, que les collectivités se verront bien imposer « un effort » dans la prochaine mouture du PLF pour 2025. Ce texte « demandera aux collectivités (...) de faire un effort, mais un effort à la hauteur de leur participation au redressement de la France, pas plus » car « la motion de censure n'a pas fait disparaître le déficit public, ni la dette », a expliqué de manière pour le moins évasive celui qui est toujours président de la métropole de Dijon, dans un entretien au quotidien local Le Bien public.

Refusant de repartir d’un tout nouveau projet, le Premier ministre avait, toutefois, annoncé vouloir reprendre, non pas la version du projet de loi de finances pour 2025 initialement concoctée par Michel Barnier, mais « la copie qui a été votée » par les parlementaires avec les nombreux amendements approuvés par les parlementaires lors des débats. L’une des conséquences directes de ce choix pourrait conduire à ce que l’effort demandé aux collectivités en 2025 soit moins important que ce que prévoyait le projet d'origine de Michel Barnier. 

Une position confirmée hier par la nouvelle ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui a d'ailleurs qualifié de « courageux » le « dernier accord qui prévoyait autour de deux milliards d’euros d’économies » de la part des collectivités, selon une citation relayée par l'AFP, contre une ponction initiale de 5 milliards d’euros si l’on ne considère que les dispositions visant le gel de la dynamique de la TVA, l’amputation du FCTVA et la création d’un fonds de précaution.

Les restrictions pour les collectivités pourraient être en réalité bien plus élevées si l'on y ajoute par exemple leurs contributions à la réduction du déficit de la CNRACL via la hausse du taux de cotisation retraite (1,3 milliard d'euros) ou la réduction du Fonds vert (1,5 milliard d'euros).

« La priorité des priorités c'est de préparer un budget des collectivités locales, des régions, des départements et bien sûr des communes et groupements de communes », a assuré  François Rebsamen, reléguant à « plus tard » les « réformes structurelles » et notamment son souhait de remplacer les conseils départementaux sous leur forme actuelle par une assemblée constituée des présidents des intercommunalités, comme il le défendait encore en octobre dernier. Pour rappel, il y a deux ans, l’ancien président du groupe socialiste au Sénat (de 2011 à 2014) avait porté une violente charge contre les départements qu’il accusait de « clientélisme ».

FRR : l’exécutif veut réintégrer les 2 168 communes exclues 

Devant les nombreuses incertitudes causées par la situation budgétaire inédite, le gouvernement a déjà fait part de certaines des positions qu’il « entend défendre » devant le Parlement lors de l’examen à venir du PLF pour 2025.

« L’objectif est ainsi d’apporter des précisions sur des situations qu’il serait, juridiquement ou opérationnellement, impossible de traiter rétroactivement par le PLF promulgué après le 1er janvier sans annonce préalable du gouvernement et qui, faute de prévisibilité, pourraient perturber les transactions du début de l’année », explique ainsi Bercy dans un communiqué publié en fin de semaine dernière.

Dans les zones accordant des avantages fiscaux aux entreprises s’y installant, l'exécutif prévoit, par exemple, de soutenir « l’octroi des avantages propres au zonage France revitalisation rurale (FRR) pour les entreprises installées à compter du 1er juillet 2024 dans les communes anciennement classées en ZRR (zone de revitalisation rurale) et sorties du classement FRR ». Pour l’heure, en l’absence de loi de finances, les 2 168 communes qui devaient réintégrer « FRR » au 1er janvier 2025 ne peuvent bénéficier du dispositif. De la même manière, le renforcement du dispositif (FRR+) avec des aides renforcées destinées aux communes les plus en difficulté n’a pu entrer en vigueur.

Bercy annonce également « la reconduction pour les installations d’entreprises en 2025 des avantages fiscaux inhérents aux zones franches urbaines (ZFU) et quartiers prioritaires de la ville (QPV) tels qu’ils s’appliquaient aux installations d’entreprises jusqu’au 31 décembre 2024 » ainsi que « la reconduction des avantages propres aux Bassins d’emploi à redynamiser (BER) pour les entreprises qui s’y installeront ».

S’agissant de la fiscalité des déchets en outre-mer, le ministère de l’Économie assure que la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP-déchets) prévue au 1er janvier sera « rétroactivement annulée par la loi de finances pour 2025 ». 

« Il en résultera pour les installations ayant facturé la taxe aux apporteurs de déchets une obligation de restitution du trop-perçu », indique Bercy qui promet que « les installations qui s’abstiendront d’appliquer la hausse de la taxe entre le 1er janvier et la promulgation de la loi de finances ne s’exposeront à aucune sanction ni majoration, même si le Parlement venait à rejeter l’annulation rétroactive de la hausse que le gouvernement défendra. Les installations pourront alors émettre des factures rectificatives d’ici à la fin de l’année ». Ces factures faisant l’objet de TVA (y compris sur la part TGAP), la régularisation de leur montant conduira à une régularisation des montants de TVA vis-à-vis des clients, mais aussi de l’Etat.

Alors qu’une série d’autres mesures en faveur des exploitations agricoles sont notamment prévues, le nouveau ministre de l’Économie, Éric Lombard, s’est voulu rassurant, dans une interview à La Tribune Dimanche, en affirmant qu’il y aura « un budget qui comportera une indexation du barème » de l’impôt sur le revenu. « Les Français qui ne paient pas d’impôts sur le revenu aujourd’hui n’en paieront pas demain », a-t-il également assuré. Enfin, il a émis « une condition » à un futur aménagement de la loi sur les retraites : les discussions « ne doivent pas alourdir le déficit de l’assurance-vieillesse ».




Communes nouvelles
2025 : un bon cru pour les communes nouvelles !
En 2024, 46 communes nouvelles ont été créées, dont l'existence a officiellement pris effet au 1er janvier 2025. C'est le chiffre le plus important depuis 2018. Dans l'attente des chiffres officiels de l'Insee, on peut désormais estimer le nombre de communes en France, aujourd'hui, autour de 34 870.

En 2024, 46 communes nouvelles ont été créées, dont l’existence a officiellement pris effet au 1er janvier 2025. C’est le chiffre le plus important depuis 2018. Dans l’attente des chiffres officiels de l’Insee, on peut désormais estimer le nombre de communes en France, aujourd’hui, autour de 34 870. 

Les dernières publications du Journal officiel, chaque fin d’année, amènent leur moisson d’arrêtés officialisant la naissance de communes nouvelles. Si l’on reste loin des grandes années qui ont suivi la promulgation de la « loi Pélissard » du 16 mars 2015 (753 communes nouvelles créées entre 2015 et 2018), on a assisté cette année à un regain de création de communes nouvelles, après plusieurs années de net tassement. 

11 régions concernées

Il s’est en effet créé au 1er janvier 2025 plus de communes nouvelles que pendant les 6 années précédentes cumulées : si 33 communes nouvelles ont vu le jour entre 2019 et 2024, 46 ont été officialisée au 1er janvier 2025. Ce regain s’explique en partie par le fait, d’un part, que des projets mis à mal par l’épidémie de covid-19 ont fini par aboutir et, d’autre part, que l’on a atteint la date limite pour créer une commune nouvelle – la chose étant impossible dans l’année qui précède les élections municipales. 

La création de ces 46 communes nouvelles est répartie de façon assez homogène sur le territoire métropolitain, puisqu’elle touche 11 régions sur 13, c’est-à-dire toutes à l’exception de Paca et de la Corse. Certains départements ont connu trois créations de communes nouvelles (les Côtes-d’Armor, le Doubs et la Charente). Toutes les typologies de territoires, de l’hyper-urbain au très rural, sont concernées : à une extrémité du spectre, on peut noter la création de la commune nouvelle de Caychax-et-Senconac, dans l’Ariège, qui compte 22 habitants. À l’autre, celle de la plus grande commune nouvelle jamais créée, celle de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, regroupant les villes de Saint-Denis (114 000 habitants) et de Pierrefitte (33 600 habitants). Le nouvel ensemble, avec 147 208 habitants, se hisse directement au rang de deuxième ville d’Île-de-France en nombre d’habitants, après Paris. 

Comme c’est le cas depuis 2015, la très grande majorité des communes nouvelles crées cette année regroupe seulement deux communes : c’est le cas de 36 communes nouvelles sur 46, soit près de 80 %. Quelques mouvements sont plus vastes : c’est le cas notamment de la commune nouvelle de Pays-de-Montbencis, dans le Doubs, qui regroupe 5 communes, ou celles de Merlerault-le-Pin, dans l’Orne, et de Sauzé-entre-Bois (Deux-Sèvres), avec 5 communes également. Il est enfin à noter qu’un nombre non négligeable de ces communes nouvelles de 2025 regroupent plus de 3 500 habitants : c’est le cas de 9 d’entre elles, soit 19 %. À l’inverse, 6 d’entre elles (13 %) regroupent moins de 500 habitants. 

Dans l’attente du décompte officiel du nombre de communes en 2025 par l’Insee, l’AMF estime que celui-ci s’élève à environ 34 870. Pour connaître le chiffre exact, il faudra en effet tenir compte non seulement des créations de communes nouvelles mais également des quelques défusions qui ont été dénombrées cette année. 

Encore et toujours des noms mal orthographiés

On peut remarquer, au passage, que malgré les recommandations appuyées et répétées du gouvernement et des autorités chargées de la toponymie (noms de lieu), il se trouve encore des préfectures qui laissent passer des noms de communes non conformes aux règles typographiques en vigueur. C’est le cas pour quatre d’entre elles, « Neuville Saint Denis », « Cap d’Astarac », « Haut Valmorey » « L’Orée de Mormal » et  ainsi orthographiées dans l’arrêté, sans le trait d’union normalement obligatoire. Il faut toutefois reconnaître que la situation est en très net progrès, puisque seulement 4 communes nouvelles sur 46, soit 10 % environ, sont mal orthographiées, alors que Maire info avait établi, en 2017, que lors de la première salve de communes nouvelles, cette proportion était de plus d’un tiers !

Dernier détail à noter à propos de cette salve de création de communes nouvelles, d’un point de vue plus administratif : pour la première fois, les arrêtés parus au Journal officiel ne le sont plus par le ministère de l’Intérieur mais par celui de l’Aménagement du territoire. Une nouvelle étape dans la perte de tutelle du ministère de l’Intérieur sur la Direction générale des collectivités locales (DGCL), engagée il y a plusieurs années. 




Budget
Le déficit à fin 2025 « n'excédera pas significativement les 5 % », affirme la ministre des Comptes publics
Le projet de budget du gouvernement prévoira un déficit public pour fin 2025 qui « n'excède pas significativement les 5 % », affirme dimanche au Parisien la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, qui dit ne pas envisager « de nouveaux impôts ou hausses d'impôts pour la classe moyenne ».

À partir de lundi, Amélie de Montchalin et Eric Lombard, ministre de l'Economie, recevront les forces politiques à Bercy pour préparer le budget 2025. « La loi spéciale, qui a permis de simplement prolonger celui de l’année dernière, n’est pas tenable. Nous ne voulons pas d’une France en service minimum » et « il nous faut un budget », martèle la ministre.

Elle affirme n'avoir « pas de lignes rouges mais des convictions fortes »: « il nous faut trouver un compromis et chacun doit faire un pas. Soyons clairs : ce budget ne sera ni celui de la droite, ni celui de la gauche, ni celui du centre. Ce ne sera pas le budget idéal d’un parti, ce sera celui du pays ». « La loi spéciale a été votée à l’unanimité, nous pouvons trouver une majorité » sur le budget, selon elle.

« Nous repartirons des textes en discussion au Parlement. Des éléments ont fait consensus, ce serait absurde de ne pas les garder. D’autres ont contribué à la censure: nous devons en tenir compte, en discuter avec les forces politiques et amender sensiblement le budget », ajoute Amélie de Montchalin. « Par rapport au texte issu du Sénat, il nous manque encore plus d’une dizaine de milliards d’euros d’économies », estime-t-elle, invitant à rendre la dépense publique « plus efficace ». « Tout le monde peut et doit faire plus d’économies », selon elle. « Je ferai des propositions de telle sorte que le déficit à la fin de l’année 2025 n’excède pas significativement les 5 % » du PIB, alors que le précédent gouvernement ambitionnait 5 %, après un dérapage attendu à 6,1 % en 2024, résume-t-elle.

Selon des informations de presse, le gouvernement vise un déficit public de 5,4 % du PIB cette année. « Nous n’avons pas une mesure d’économie totem », déclare encore Amélie de Montchalin, se disant « opposée aux mesures aveugles, au rabot » et invitant à utiliser les « travaux parlementaires » ou « d’institutions indépendantes comme la Cour des comptes qui proposent des économies ».
La ministre affirme vouloir « garder la contribution supplémentaire sur les grandes entreprises ainsi que la taxe sur les rachats d’action » tout comme « la taxe sur les billets d’avion ».

En revanche, elle prévient: « pas de nouveaux impôts ni de hausses d'impôts qui pénaliseraient le pouvoir d'achat de la classe moyenne. La (hausse de la) TVA n'est donc pas une option envisagée ».

Interrogée sur les efforts demandés aux collectivités, elle qualifie d' « accord courageux » « le dernier accord qui prévoyait autour de deux milliards d’euros d’économie ». Le ministre de l'Économie avait annoncé fin décembre inviter tous les partis à dialoguer, espérant trouver « des compromis » et « aménager » le projet de loi de finances préparé par l'ex-gouvernement Barnier, laissé en souffrance durant la navette parlementaire par la censure du 4 décembre.

Lundi, Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, sera reçu à 9H00. Suivront à 12H00 Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, Boris Vallaud, président du groupe Socialiste à l’Assemblée nationale, et Patrick Kanner, son homologue au Sénat. Écologistes et communistes devraient être reçus mercredi. De source gouvernementale, les consultations des forces politiques sur le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) débuteront mardi.







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