Édition du mardi 17 dĂ©cembre 2024

Mayotte
À Mayotte, le spectre de la faim et des épidémies
Plusieurs ministres se sont rendus hier à Mayotte, tandis que le chef de l'État dirigeait une cellule interministérielle de crise depuis Paris. Sur place, l'urgence absolue est donnée au rétablissement des réseaux et à l'acheminement de nourriture et d'eau, des zones entières de l'île étant privées de nourriture.

Les mots sont saisissants : le ministre de l’Intérieur, après avoir survolé Mayotte hier, a dit être frappé par le « peu de présence » des habitants. En voyant les images, nombreuses, des bidonvilles dévastés, notamment celui de Kawéni où habitaient, avant le cyclone, quelque 20 000 personnes, on ne peut que se poser la question : où sont les habitants ? Selon les chiffres donnés par la préfecture, moins d’un quart de ces 20 000 personnes ont été s’abriter dans les centres d’hébergement avant le cyclone. Il faudra encore plusieurs jours pour en savoir plus sur le sort des autres. Comme l’expliquait ce matin sur France info le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila, les secours n’ont pas encore pu accéder aux hauteurs de l’île, sur lesquelles étaient installés les bidonvilles. 

Le bilan de cette catastrophe, qui est déjà considérée par les experts comme la plus grave jamais survenue en France, est donc toujours impossible à établir, et Bruno Retailleau, hier, a confirmé que l’État était dans l’incapacité de donner le moindre chiffre, au-delà de la vingtaine de corps qui ont été retrouvés. 

Les réseaux paralysés

Pour l’instant, l’heure est au rétablissement des réseaux essentiels : 85 % des habitants de l’île étaient privés d’électricité, hier, et 80 % du réseau téléphonique est hors service. Les communications sont donc extrêmement difficiles – l’interview du maire de Mamoudzou sur France info, tôt ce matin, en témoigne, la chaîne ayant dû s’y reprendre à deux fois pour établir une communication à la qualité plus que médiocre. Le simple fait de pouvoir recharger son téléphone portable relève du défi, ce qui met de nombreux Mahorais dans l’incapacité de pouvoir donner de leurs nouvelles à leurs familles en métropole. La mairie de Mamoudzou a installé un groupe électrogène notamment pour permettre aux habitants de venir recharger leur téléphone. Les médias rapportent de longues files d’attente aux stations-service pour tenter de récupérer de l’essence, pour alimenter des lampes de fortune – avec les risques d’incendie et de brûlures que cela implique. Mais de toute façon, les stations-service encore en fonctionnement sont réquisitionnées pour les services de secours. 

Tout aussi urgente – et peut-être plus encore – est la question de la nourriture et de l’eau. Dans une île où la question de l’accès à l’eau était déjà un problème avant le désastre, la pénurie est gravissime. Les réseaux, déjà en mauvais état, sont détruits, et les réserves manquent. À Mamoudzou, les policiers municipaux ont reçu la mission d’apporter des bouteilles d’eau aux habitants, mais l’accès à certaines zones reste encore très difficile du fait des empilements d’arbres, de tôles, de déchets, de voitures. 

Si certains commerces ont pu rouvrir, encore faut-il que les habitants aient de quoi y acheter de quoi s’alimenter – ce qui n’est pas le cas d’innombrables Mahorais qui ont tout perdu, au sens littéral du terme, dans cette catastrophe. Des militants associatifs expliquent que les plus pauvres des habitants de l’île, avant le cyclone, s’alimentaient grâce aux fruits cueillis dans les forêts. Mais les forêts ont disparu. 

Urgence sanitaire

Reste aussi la question de l’urgence sanitaire. La pollution des eaux et la destruction des réseaux d’assainissement font courir à la population un risque sérieux de contamination à des graves maladies comme la diphtérie ou le choléra – à peine 10 % de la population est vaccinée contre cette bactérie. Plusieurs structures, dont Médecins du monde, ont dit hier redouter des « épidémies gravissimes », d’autant plus incontrôlables que les infrastructures de santé, qui avaient déjà un genou à terre avant le cyclone, sont effondrées après. 

Les experts s’inquiètent également du risque supplémentaire qu’impliquent les enterrements illégaux qui semblent se multiplier depuis dimanche – les habitants musulmans des bidonvilles ayant, comme le veut leur religion, enterré leurs morts dans les heures suivant leur décès, clandestinement. Les enterrements hors des cimetières sont très réglementés, et ce n’est pas pour rien : il faut normalement une autorisation préfectorale et un avis de l’ARS, afin notamment de vérifier que le corps n’est pas inhumé près d’un captage d’eau potable. Aucune de ces règles n’a, évidemment, pu être respectée, ce qui induit un risque sanitaire non négligeable. 

La seule nouvelle positive, si l’on peut dire, qui puisse être donnée ce matin est la quasi-absence des désordres et des pillages tant redoutés par certaines personnalités politiques. Mais la cause de ce calme relatif n’a, elle, rien de positif. Comme l’explique dans Le Monde le responsable d’une association humanitaire, « tout le monde est en détresse et il n’y a même plus d’actes de violence, car chacun est seulement préoccupé par le fait de trouver un endroit où poser sa tête pour la nuit ». 

Quel budget pour faire face à la catastrophe ?

Face à cette situation, l’État poursuit, dans l’urgence, la mise en œuvre d’un pont aérien entre La Réunion et Mayotte et l’acheminement de personnels, de matériel et de vivres. 25 patients atteints de pathologies lourdes ont été évacués, hier, vers La Réunion et à partir d’aujourd’hui, sept avions (trois civils et quatre militaires) vont effectuer des rotations quotidiennes entre les deux îles. Des spécialistes vont notamment être acheminés pour rétablir l’aéroport de Mayotte, dont la tour de contrôle a été détruite, et où les vols civils ne devraient pas pouvoir reprendre avant deux semaines au moins. 

Vingt tonnes de nourriture et des conteneurs d’eau potable doivent également être acheminés, par bateau, « dans la semaine ». 

Très vite va néanmoins se poser la question des moyens que l’État va pouvoir affecter au traitement de cette catastrophe, dans la situation que l’on connaît d’absence de budget. Le problème est très concret : dans les prochaines semaines, du fait du vote de la loi spéciale (lire article ci-contre), les crédits du budget de l’État seront exactement les mêmes que ceux prévus pour l’année 2024. Et dans le budget 2024, rien n’était prévu pour faire face à une catastrophe d’une telle ampleur. Il faudra donc attendre le vote d’une véritable loi de finances pour 2025 pour pouvoir débloquer des crédits non seulement pour l’urgence mais pour la reconstruction, qui se chiffrera probablement en milliards d’euros. 

En attendant, le gouvernement ne peut que gérer l’urgent avec des bouts de chandelle. Ce matin, un décret du ministre chargé du Budget est paru pour officialiser l’ouverture d’une ligne de crédit d’un plus de plus 600 000 euros pour le programme de la mission « Sécurité civile ». « Compte tenu du caractère imprévisible et de l'ampleur de cet évènement climatique exceptionnel », écrivent les services du ministère, il a été possible de mobiliser les crédits de la dotation « dépenses accidentelles et imprévisibles ». 

Enfin, le chef de l’État, hier, a annoncé qu’il allait se rendre à Mayotte et décréter – on ne sait pas quand – un « deuil national », comme l’avait demandé, entre autres, le président de l’AMF au lendemain du drame. Aucune précision sur cette annonce n’est donnée sur le site de la présidence de la République. À l’heure où nous écrivons, d’ailleurs, trois jours après la catastrophe, pas la moindre mention au cataclysme qui a frappé Mayotte n’est faite sur le site de l’Élysée. 




Catastrophes
Mayotte : l'AMF appelle les maires Ă  la mobilisation
La solidarité s'organise du côté des associations d'élus pour venir en aide à Mayotte. Celles-ci appellent les maires à apporter un soutien financier aux opérations d'urgence, tandis que le Premier ministre, François Bayrou, a lui aussi relayé cet appel.

À l’ouverture du conseil municipal de Pau, qu’il présidait hier, le Premier ministre a demandé que « toutes les solidarités nationales s’expriment » face au drame que vit Mayotte. « Il faut que  les collectivités locales de France, toutes les collectivités qui le pourront, acceptent de participer à une aide particulière ». Dans la foulée, François Bayrou a fait voter, à l’unanimité, « une subvention de 25 000 euros destinée au conseil général de Mayotte ». « J’espère que beaucoup d’autres communes de France pourront participer à ce signal », a ajouté François Bayrou. 

Veille et soutien

Un peu plus tôt, vers 18 h 30, l’AMF a publié un communiqué appelant « à la solidarité nationale » et détaillant le dispositif que l’association a mis en place avec la Protection civile. « Mayotte vit une tragédie exceptionnelle. Les conséquences humaines, sanitaires, et matérielles ne sont pas encore entièrement connues mais les premiers constats sur place indiquent qu’elles sont catastrophiques et durables », écrit l’AMF dans un communiqué cosigné notamment par l’Association nationale des élus du littoral (Anel), l’Unccas (Association nationale des CCAS) et la Protection civile. 

Le Bureau de l’AMF a décidé de mettre en place « un dispositif de veille et de soutien », dont seront responsables les co-présidents du groupe de travail Risques et crises de l’association, Éric Ménassi (maire de Trèbes) et Sébastien Leroy (maire de Mandelieu-la-Napoule). Y seront associés Madi Madi Souf, président de l’Association des maires de Mayotte, Serge Hoareau, président de l’Association des maires de La Réunion, et Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis de La Réunion.

L’AMF appelle les maires à verser des dons à la Protection civile (coordonnées bancaires en fin d’article). Elle fournira sous peu aux élus, sur la page dédiée de son site internet, un modèle de délibération.

D’autres associations ont lancé des opérations similaires hier, notamment l’APVF (petites villes), qui appelle à verser à la Fondation de France. 

Cadre juridique

Rappelons que le Code général des collectivités territoriales évoque la possibilité de verser des subventions à caractère humanitaire à l'article L1115-1, mais uniquement au niveau international. Cet article dispose que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire ». Ces soutiens sont à distinguer de la coopération décentralisée (dispositif dit Oudin-Santini), détaillé à l’article L1115-1-1, qui permet de consacrer jusqu’à 1 % du budget eau, énergie ou déchet de la commune ou de l’EPCI à des actions d’aide, mais uniquement à destination des collectivités étrangères.

Ces dispositifs ne sont donc pas mobilisables pour Mayotte. L'AMF propose donc, dans les « visas » de la délibération, de s'appuyer tout simplement sur l'article L1111-1 du CGCT, qui dispose que « les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus ». La libre administration des collectivités leur permet de verser de telles subventions à leur gré. 

Les délibérations proposées au vote du conseil municipal ou communautaire doivent répondre à certaines règles précises, notamment en termes de fléchage des fonds alloués. D’où l’importance du modèle de délibération qui sera prochainement fourni aux maires par l’AMF.

Télécharger les coordonnées bancaires de la Protection civile pour adresser des dons. 




Cumul
François Bayrou souhaite le retour du cumul des mandats
Comme plusieurs ministres du précédent gouvernement, François Bayrou a décidé de ne pas abandonner son mandat de maire. Il a indiqué qu'il allait demander, dans son discours de politique générale, une révision de la loi de 2014 sur le non-cumul des mandats. 

La scène en a surpris plus d’un. En pleine crise politique, alors que le gouvernement n’est pas constitué, et au milieu du drame terrible que vit Mayotte, le Premier ministre fraîchement nommé, François Bayrou, s’est rendu à Pau hier pour présider le conseil municipal. Il a même, pour cela, écourté sa présence à la cellule interministérielle de crise, qu’il n’a suivie qu’en visio-conférence. François Bayrou, lors de ce conseil, a expliqué pourquoi il ne souhaitait pas rendre son écharpe de maire. 

Du jamais vu depuis 27 ans

Des Premiers ministres qui restent maires, cela n’a rien de nouveau : certains prédécesseurs illustres de François Baryou, comme Pierre Mauroy à Lille ou Alain Juppé à Bordeaux, avaient cumulé les deux fonctions, sans parler de Jacques Chirac, à la fois Premier ministre, maire de Paris et président du conseil général de Corrèze. Mais depuis Lionel Jospin en 1997, qui avait imposé à ses ministres de démissionner de leurs mandats locaux, la chose était devenue très rare. Emmanuel Macron lui-même, au début de son mandat de 2017, avaient demandé que ses ministres soient « pleinement consacrés » à leur tâche. Le premier locataire de Matignon, sous la présidence d’Emmanuel Macron, avait démissionné de la mairie du Havre pour prendre ses fonctions. 

Plus récemment, l’ancien ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait fait de même à Angers. 

Les choses ont changé avec le gouvernement de Michel Barnier, en septembre dernier, dans lequel trois maires, devenus ministres, ont immédiatement annoncé qu’ils resteraient premiers édiles de leur commune : Nicolas Daragon à Valence, Gil Avérous à Châteauroux et Fabrice Loher à Lorient. Quant à François Durovray, ministre chargé des Transports, il avait également choisi de conserver ses fonctions de président du conseil départemental de l’Essonne. 

Le pli étant pris, François Bayrou a donc choisi de rester, lui aussi, en fonction – même si de nombreuses voix s’en étonnent, depuis hier, estimant que l’ampleur de la tâche qui l’attend (il a lui-même évoqué « un Himalaya de difficultés ») devrait justifier qu’il consacre la totalité de son temps à ses fonctions de Premier ministre. Sans même parler des conséquences du cyclone à Mayotte, la constitution d’un gouvernement dans un contexte extrêmement difficile, l’obligation de doter la France d’un budget dès le mois de janvier, le contexte financier et économique défavorable, sont autant d’arguments brandis par l’opposition pour critiquer le choix de François Bayrou. 

La situation à Mayotte n’a pas arrangé les choses : plusieurs voix dans l’opposition se sont étonnées, voire indignées, que le Premier ministre donne la priorité à son conseil municipal plutôt qu’à la gestion d’une crise d’une ampleur inédite. 

« Une erreur »

François Bayrou a justifié son choix lors du conseil municipal d’hier soir, et est allé plus loin que son cas personnel. Ce conseil municipal était, chose rarissime, retransmis en direct sur BFMTV, le maire de Pau a tenu des propos très politiques, dépassant largement le champ de compétence du conseil municipal. 

« La vie de tous les jours, c’est de nos villes et de nos villages qu’elle part, a expliqué François Bayrou à ses conseillers municipaux. J’ai beaucoup souffert, j’ai été très choqué, tout au long des dernières années, par la rupture entre la base de la société française (…) et les milieux de pouvoir, comme si un mur de verre s’était construit, qui fait que nos concitoyens ont une défiance profonde à l’égard du monde politique. »

Cette « rupture » est « très grave », selon le Premier ministre, qui juge que « les relations entre le pouvoir et la base ne peuvent pas être séparées comme elles le sont » : « il faut réenraciner les responsabilités politiques dans la société, dans les villages, dans les quartiers. Je le pense depuis longtemps. Je pense profondément qu’on s’est trompés (…) en faisant que deviennent incompatibles les responsabilités locales et les responsabilités nationales. » François Bayrou a estimé qu’à l’époque où les Premiers ministres et les ministres étaient aussi maires, « les collectivités territoriales étaient présentes dans le débat national, elles s’exprimaient ». Il estime donc que le pays doit « réfléchir à une nouvelle organisation ». Il a donc annoncé qu'il abordera la question lors de son discours de politique générale – lorsque le gouvernement sera formé. 

Précédents

Ces déclarations sur la loi de 2014 ne tombent pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Déjà, lors du récent congrès des maires, l’ancien Premier ministre Michel Barnier avait évoqué la question du non-cumul des mandats dans son discours de clôture : « Parmi les centaines de parlementaires, aujourd’hui, il n’y a plus de maires. Je suis ouvert sur cette question, sans tabou et sans idéologie. »

Plus récemment encore, des députés LR ont déposé une proposition de loi pour abroger la loi de 2014, mettant en avant, eux aussi, « la déconnexion » entre les parlementaires et la vie locale (lire Maire info de vendredi). Au printemps dernier, déjà, une autre proposition de loi dans ce sens, issue des députés Horizons, avait échoué de justesse. 

À l’Assemblée nationale, seule la gauche est opposée au retour du cumul des mandats – le « bloc central », les LR et le RN y étant favorables. D’ailleurs, lors de l’examen de la proposition de loi Horizons au printemps dernier, la gauche n’avait réussi à faire échouer ce texte que grâce à une procédure d’obstruction, n’ayant pas de majorité pour s’y opposer « à la loyale ». 

Il est donc probable, si le futur gouvernement décide de présenter un projet de loi dans ce sens, dans les mois à venir, que le texte puisse l’emporter, vu les rapports de force à l’Assemblée nationale et plus encore au Sénat. 




Emploi
Les acteurs de l'emploi et de l'insertion préparent l'avenir
Le réseau Alliance villes emploi a tenu ses journées nationales à Montpellier les 9 et 10 décembre. L'occasion de mesurer la résistance des clauses sociales, du secteur de l'insertion, et des Maisons de l'emploi au contexte économique et politique dégradé et fortement instable.

Le président d'Alliance villes emploi (1) et ancien adjoint au maire de Bordeaux, Yohan David, l'assure : les élus et responsables de maisons de l'emploi, PLIE (plan local pour l'insertion et l'emploi) et conciliateurs de clause sociale sont repartis « regonflés » à l'issue de ces deux journées d'échanges de pratiques. Une prouesse alors que les contextes politique et budgétaire sont pourtant source de « grandes interrogations ». 

Les maisons de l'emploi devraient continuer à recevoir 5 millions de l'État comme le prévoyait le projet de loi de finances 2025, dans la continuité de la loi de finances 2024. Pas de mauvaise surprise de ce côté-là. Même s'il a fallu « batailler » pour éviter que la ligne soit supprimée, rappelle Yohan David. C'est davantage l'effet domino d'une adoption tardive du budget en 2025 que chacun redoute. « Les mois de janvier et de février seront des mois charnières, plus l'adoption du budget tarde, plus nous recevrons tardivement les premiers versements, plutôt en juin qu'en mars, on va devoir donc faire des avances de trésorerie », explique Yohan David. Il se dit également inquiet de l'impact du côté des entreprises, « sans visibilité sur la fiscalité », ce qui risque de « freiner les recrutements ». 

L'explosion des clauses sociales

Cela aura forcément une incidence sur l'insertion en général, ajoute Yohan David, et sur les clauses sociales en particulier, même si celles-ci se sont tellement développées qu'elles sont moins tributaires de la bonne ou mauvaise santé d'un seul secteur d'activité. En l'espace de 15 ans, elles ont connu une évolution « colossale », passant, entre 2008 et 2023, d'un million d'heures par an dédiées à des personnes en insertion dans le cadre de marchés publics à plus de 30 millions par an. Cela s'est accompagné d'une « grande diversification », en partant des secteurs historiques du bâtiment, dopés grâce aux chantiers Anru, pour progressivement s'ouvrir à quasiment tous les marchés publics, de même qu'au secteur privé. « Ce qui permet de se retourner, même si la baisse de production de logements a bien sûr une incidence », indique Yohan David.

Plus que 72 maisons de l'emploi, mais solidement ancrées

Le nombre de maisons de l'emploi s'est stabilisé à 72 (contre un peu plus de 200 en 2019), de tailles diverses, avec trois agents pour les plus petites à plus d'une quarantaine pour les plus importantes. Si la part de co-financement de l'État pour les maisons de l'emploi est faible, les élus en ont pris leur parti, regardant le verre à moitié plein. « Ces 5 millions d'euros ont un effet multiplicateur essentiel » pour permettre de « monter des actions concrètes », affirme Yohan David. « Les élus les mobilisent pour anticiper par exemple l'installation d'une entreprise et faire de la gestion territorialisée prévisionnelle des compétences, en repérant les besoins de qualification et en organisant les formations ad hoc ». Leurs relations avec le partenaire France Travail (ex-Pôle emploi) semblent stabilisées. Elles « travaillaient très bien avec le Pôle emploi de l'époque et France Travail d'aujourd'hui », observe le président d'Alliances villes emploi.  

Les PLIE, dont le financement repose sur le fonds social européen, bénéficient eux de la stabilité – rassurante - d'une programmation jusqu'en 2026. 

Et le prix du jury est...

Au cours de ces journées, dix Trophées ont été décernés pour récompenser des initiatives d'achats socialement responsables ou territoriales. Comme celle de la MDE du grand Périgueux pour l'insertion de réfugiés ukrainiens, qui s'était inspirée de l'expérience de la MDE de Nancy ; celle de Brest, pour son accompagnement de très petites entreprises, sur le modèle de ce que la MDE de Bordeaux avait mis en place ; ou encore les clauses sociales positionnées à Saint Nazaire sur le parc éolien en mer, sur l'idée du maire et d'un de ses adjoints. 

(1) Alliance Villes Emploi est le réseau national des collectivités locales impliquées dans les questions d’insertion, d’emploi et de formation. Tête de réseau des PLIE et des Maisons de l’Emploi, et portant le réseau des facilitateurs de la clause sociale.




Budget de l'Ă©tat
Loi spéciale : les députés veulent sécuriser le versement des dotations aux collectivités à partir de janvier
Avant d'adopter le texte, les députés l'ont amendé par précaution afin de sécuriser de manière explicite les prélèvements sur les recettes de l'État destinés aux collectivités.

On avait perdu l’habitude de voir une telle concorde dans les travées de l’Assemblée. Les députés ont adopté, hier, à l'unanimité (seuls les « insoumis » se sont abstenus) le très attendu projet de loi spéciale (PLS), ce texte d’urgence destiné à éviter le « shutdown » et le blocage des administrations du pays dès les premiers jours de l’année 2025.

Pour empêcher la paralysie budgétaire et faire face à l'impasse politique qui a empêché le pays de se doter d'un budget, ils ont donc préféré assurer l’essentiel en autorisant l'exécutif à prélever l'impôt et à emprunter pour financer l'État, les collectivités et la Sécurité sociale à compter du 1er janvier, et choisi de remettre à plus tard leur bras de fer budgétaire.

Les députés LFI ont, toutefois, déploré, que la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet ait jugé irrecevables des amendements visant à indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu. Une décision prise sur la base d’un avis du Conseil d'État. 

Les élus ont besoin de « ne pas être dans le flou »

Déposé la semaine dernière après la censure du gouvernement de Michel Barnier, ce texte doit encore être examiné demain par les sénateurs, avant d’être certainement promulgué dans la foulée, sauf si la version sénatoriale venait à être différente. Il faudrait alors attendre encore que les parlementaires s’accordent sur un texte de compromis en commission mixte paritaire (CMP).

En séance, les députés ont décidé de régler un point d’incertitude concernant le versement des dotations destinées aux collectivités et la sécurisation de leurs ressources à partir du 1er janvier.

Si les services du gouvernement assurent depuis le début que ce projet de loi spéciale permettra bien le versement des dotations de fonctionnement aux collectivités (pour une « durée temporaire, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année » 2025) sans que celui-ci ne le mentionne explicitement, il semble que « des divergences d’appréciation existent quant à la nécessité de mentionner ces prélèvements au sein [du texte] », a expliqué dans l’hémicycle le président de la délégation aux collectivités territoriales, Stéphane Delautrette (PS).

« Certains disent, comme le secrétariat général du gouvernement, qu’il vaut mieux les inscrire par sécurité juridique, alors que d’autres disent que cela va de soi », a-t-il ainsi rappelé.

Estimant comme beaucoup d’autres que la loi spéciale reste « un objet mal identifié », il a donc fait approuver « par prudence » un amendement – sur les trois adoptés – visant à garantir les prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités. Car, « dans le doute, cela va mieux en le disant ».

« Suite aux innombrables interpellations qui nous sont faites par les élus dans cette période de construction budgétaire, les maires, les présidents d’interco, de départements ou encore de régions ont besoin de prévisibilité, d’assurance, d’être rassurés et de ne pas être dans le flou », a souligné le député de la Haute-Vienne.

Toutefois, « on peut douter de la validité légale de quelque amendement que ce soit au projet de loi spécial de finances comme l’avait indiqué le Conseil d’Etat », estime ce matin l'AMF.

Dotations basées sur les montants de 2024

Les collectivités devraient donc bien percevoir, dès janvier, les dotations de fonctionnement de l’État par reconduction de 2024. Et ce, « jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances initiale pour 2025 ».

Elles percevront ainsi leur DGF sur la base de son montant et des règles d’attribution de l’année 2024, c’est-à-dire un peu plus de 27 milliards d'euros. Celle-ci sera « versée par douzièmes dès le début de l'année », tout du moins pour les enveloppes faisant l’objet d’un versement mensuel, avant que son montant ne soit « régularisé lorsque le projet de loi de finances sera voté », indiquait-on à Bercy la semaine dernière. Reste que les montants ne seront « pas forcément » exactement les mêmes que l’an passé à l’échelon de chaque collectivité puisque certaines variables d’attribution ont pu « bouger » depuis.

Les règles du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne changent pas pour l’heure, Bercy ayant assuré que, comme les années passé, les crédits attribués « dépendent des demandes des collectivités auprès de l'État ». 

On peut aussi noter qu’alors qu’elle devait être minorée dans le PLF 2025 présenté par Michel Barnier, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) se maintiendra à près de 240 millions d’euros pour les communes, de 890 millions pour les EPCI, de 1,24 milliard pour les départements et de 467 millions pour les régions.

De la même manière, l’« amortisseur électricité » sera, pour l’instant, lui aussi maintenu à hauteur de 400 millions d’euros. Grâce à lui, l’État va prendre en charge une partie de la facture d’électricité des collectivités territoriales, du moins pour celles qui subissent une hausse importante des prix, souvent parce qu’elles ont dû signer des contrats au plus mauvais moment lors de l’explosion des tarifs.

Subventions suspendues

Rappelons, toutefois, que ce texte présente plusieurs limites - détaillées la semaine passée par le ministre démissionnaire du Budget, Laurent Saint Martin – puisqu’il n’autorise pas le gouvernement à procéder à « de nouveaux investissements ni à des dépenses discrétionnaires, qui concernent notamment les fonds de soutien pour les entreprises, les collectivités et les associations ».

Concrètement, sauf exceptions liées à une situation d’urgence, les subventions seront versées sur les seules dépenses déjà engagées. Si les élus locaux pourront bien bénéficier de la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore du Fonds vert pour leurs dépenses déjà engagées, ils devront attendre l'adoption d’un budget 2025 pour percevoir à nouveau ces dotations sur leurs nouvelles dépenses.

Par ailleurs, la réduction progressive de la part restante de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n’est finalement plus annulée, sa suppression étant donc toujours prévue en 2027 et non plus en 2030 comme le souhaitait le gouvernement Barnier.

On peut également signaler la parution, ce matin, de deux arrêtés (ici et ) ouvrant des crédits pour l’année 2024 dont près de 40 millions d’euros au titre des « Infrastructures et services de transports » alors que la loi de fin de gestion pour 2024 prévoit de nouveaux crédits pour la Nouvelle-Calédonie, le paiement de loyers par la gendarmerie et l'entretien de la voirie. 

En parallèle, un décret a débloqué 655 000 euros pour Mayotte, afin de financer les « besoins urgents » de la sécurité civile sur place à la suite du cyclone tropical Chido (lire articles ci-contre).

Le président de l’AMF, David Lisnard,  a écrit à chaque adhérent pour préciser les effets de cette loi spéciale de finances sur les communes et intercommunalités, et les éléments des ministères précisant les conséquences du dispositif de la loi spéciale pour les collectivités locales sont sur le site de l’AMF.   






Journal Officiel du mardi 17 décembre 2024

Premier ministre
Rapport relatif au décret n° 2024-1180 du 16 décembre 2024 portant ouverture et annulation de crédits
Premier ministre
Décret n° 2024-1180 du 16 décembre 2024 portant ouverture et annulation de crédits
Ministère de la Santé et de l'Accès aux soins
Arrêté du 12 décembre 2024 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés