Édition du lundi 16 décembre 2024 |
Outre-mer
Mayotte rasée par le cyclone Chido, peut-être « des milliers » de morts
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Mayotte a été ravagée samedi 14 décembre par le cyclone Chido, qui a détruit les principales infrastructures de l'île et rasé les bidonvilles où vivaient des dizaines de milliers de personnes. Selon le préfet, le bilan humain pourrait être effroyable – et le bilan matériel incalculable.
Plus d’habitations, plus d’électricité, plus de téléphone, et surtout plus d’eau ni de nourriture. C’est toute l’île de Mayotte qui a été ravagée par le cyclone Chido et, ce matin, on est encore très loin de pouvoir mesure l’ampleur des dégâts – toute une partie de l’île étant encore inaccessible.
Un bilan impossible à établir
La catastrophe était annoncée : dès vendredi, les services météorologiques ont établi que le cyclone allait passer non pas à proximité de l’île mais très exactement sur elle. L’alerte violette était déclenchée pour samedi 14 décembre – le niveau le plus élevé des alertes météorologiques, impliquant le « confinement absolu » de la population. Mais que signifie le « confinement » dans un territoire où des dizaines de milliers d’habitants vivent dans des baraquements de tôles et de bâches ? Il a été souvent dit, depuis samedi, que ce cyclone est le plus violent qui ait frappé l’archipel depuis 1934, mais il faut rappeler qu’en 1934, Mayotte comptait moins de 20 000 habitants, contre 320 000, officiellement, aujourd’hui – dont un tiers vit dans des bidonvilles.
Lorsque l’on voit les images des structures en dur effondrées – comme la tour de contrôle de l’aéroport de Mayotte – on peut imaginer ce qu’il est advenu des baraquements des bidonvilles, comme celui de Kawéni, en banlieue de Mamoudzou, dont il ne reste plus rien, « comme si une gigantesque explosion avait eu lieu », raconte un habitant. Des milliers d’habitants de ces bidonvilles n’ont pas rejoint les centres d’hébergement, certains parce qu’ils n’avaient tout simplement pas eu l’information de la violence du cyclone, d’autres parce qu’ils sont clandestins et redoutaient tout contact avec les autorités. Combien de ces habitants ont été ensevelis sous les décombres, mutilés par des tôles emportées par des vents de plus de 200 km/h, pris par des coulées de boue ? Il est impossible de le dire à ce jour, et il sera peut-être impossible de le dire demain. Dans la mesure où personne ne sait exactement combien d’habitants peuplaient ces bidonvilles, le bilan sera très difficile à établir, a expliqué hier le préfet François-Xavier Bieuville, qui a dit craindre des centaines, voire des milliers de morts. D’autant plus que la tradition musulmane – religion majoritaire à Mayotte – impose d’enterrer les morts avant le coucher du soleil si le décès a eu lieu pendant la journée, ou le lendemain matin s’il a eu lieu le soir. Un nombre inconnu de victimes a, selon plusieurs témoignages, déjà été enterré.
« Un carnage »
Les mots utilisés par les témoins dans les médias sont tous les mêmes : « apocalypse », « chaos », « bombe atomique », « fin du monde ». Là où les infrastructures n’ont pas été détruites, ce sont les inondations qui frappent, comme dans l’hôpital de Mamoudzou et sa maternité réputée « la plus grande France », où toute la journée de samedi, les parturientes ont été transportées en brancard d’une salle à l’autre, d’un étage à l’autre, dans la panique, pour fuir les inondations. Selon la députée mahoraise Estelle Youssouffa, « les trois quarts des maisons en dur n’ont plus de toit ».
Plusieurs écoles, qui servaient de centre d’hébergement le temps du cyclone, ont été dévastées : selon Mayotte Hebdo, sur X ce matin, « les écoles de Cavani sud, qui font partie des hébergements d’urgence, ont été dévastées. (…) Il n’y a pas d’eau, les collations sont rationnées et les enfants sont blessés. (…) Les tôles ont été arrachées par les habitants du bidonville en ruine pour reconstruire dans l’urgence. »
Les bâtiments les plus modernes n’ont pas été épargnés, comme les locaux de la chaine de télévision Mayotte la 1ère, ravagés. Plusieurs mairies, dont celle de Mamoudzou, sont gravement endommagées. Selon un témoin interrogé par l’AFP, « c’est un carnage : le tribunal, la préfecture, beaucoup de services et de commerces sont à terre. » Le commissariat de Mamoudzou a été détruit. Les barges reliant la grande île aux îles de Pamandzi et Dzaoudzi sont échouées, isolant totalement ces dernières.
Selon la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, le seul hôpital de Mayotte est « très endommagé », notamment « en chirurgie, aux urgences, en maternité », et les autres centres médicaux de l’île sont « inopérants ».
La réaction de l’État
Hier soir, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, – qui se rend aujourd’hui à Mayotte avec son collègue aux Outre-Mer François-Noël Buffet – a activé l’article 27 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, qui donne des pouvoirs exceptionnels au préfet « lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics ».
Ces dispositions donnent le pouvoir au préfet pour « diriger l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État » sur le territoire concerné.
Hier après-midi, les premiers moyens ont été déployés : un avion Dash 8 de la Sécurité civile embarquant 17 personnels médicaux et trois tonnes de matériel médical a décollé de La Réunion, puis deux avions embarquant du personnel et du matériel EDF. Un bâtiment de la marine nationale, le Champlain, a été dirigé vers l’archipel. Depuis l’Hexagone, un A440M de l’armée a décollé hier vers La Réunion, qui va servir de base arrière pour les opérations de secours, avec à son bord une trentaine de militaires de la sécurité civile et 20 tonnes de matériel, dont des machines de potabilisation de l’eau. Dans les jours prochains, 140 militaires supplémentaires devraient être acheminés et jusqu’à « 700 personnels de la Sécurité civile », annonce le gouvernement.
Une centaine de soignants de la réserve sanitaire sont également acheminés sur place avec du matériel et des médicaments, a annoncé ce matin Geneviève Darrieussecq, et un hôpital de campagne va être déployé
L’urgence absolue – outre le rétablissement des réseaux et la réouverture des routes – est de fournir de l’eau et de la nourriture à la population, dans une île où, même en temps « normal », l’eau manque cruellement et où, faut-il le rappeler, le choléra a refait son apparition ces derniers mois.
La députée Estelle Youssouffa a par ailleurs appelé ce matin à la déclaration de l’état d’urgence, en vue notamment d’éviter les pillages. La députée Liot a eu des mots terribles hier, en milieu de journée, pour décrire la situation de l’île : « Les pillages ont commencé. La population est en état de choc très profond. La population cherche ses disparus. Les bidonvilles sont maintenant des charniers, des milliers de personnes ont certainement été ensevelies sous les coulées de boue et les tôles. Mayotte était déjà un désert médical avant le cyclone, avec un hôpital pour un demi-million d’habitants avec 4 médecins aux urgences. Aujourd’hui il ne reste plus rien. J’ai demandé ce matin au préfet d’envoyer les bateaux de la gendarmerie explorer les zones du nord et du sud. On m’a répondu : ‘’Les bateaux de la gendarmerie ont coulé.’’ »
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Outre-mer
Mayotte : mobilisation maximale des maires
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Face à la catastrophe nationale que représente la destruction de Mayotte par le cyclone Chido, l'AMF appelle les maires à la mobilisation et va mettre en place « un dispositif de solidarité » exceptionnel.
Dans la ville de Cannes, dirigée par le président de l’AMF David Lisnard, les drapeaux sont ce matin en berne, « en hommage aux victimes de Chido ». Le président de l’AMF appelle à la proclamation d’un « deuil national » et a déclaré, hier sur X, que l’AMF prépare « une mobilisation nationale des communes notamment pour l’urgence eau et vivres ».
Premiers appels aux dons
En milieu de journée, hier, sur le compte X de l’AMF, l’association a communiqué : « Mayotte vit une tragédie exceptionnelle depuis hier, dont il n'est pas encore possible de mesurer toutes les conséquences. La situation appelle des mesures d'urgence que les services de l'État et des communes ont commencé à mettre en œuvre dans des conditions très difficiles. En lien avec l'association des maires de Mayotte, l’AMF met en place un dispositif de solidarité des communes et intercommunalités de métropole et d'outre-mer avec Mayotte pour participer à la mobilisation nationale en faveur de la population mahoraise et soutenir les maires et les élus dans leur immense tâche. Comme elle l'avait fait en 2017, lors de la tempête Irma, l’AMF travaillera en étroite collaboration avec la Protection civile. »
Dès hier, de nombreux élus locaux ont déjà annoncé leur intention de faire voter une aide exceptionnelle pour Mayotte. C’est le cas par exemple de la maire de Dijon Nathalie Koenders, de Jean-Marie Vilan maire de Viry-Chatillon, de Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux, de Patrick Haddad, maire de Sarcelles ou du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, Charles-Ange Ginésy, qui annonce tenir à la disposition de Mayotte « une enveloppe de solidarité de 100 000 euros ». Le maire de Marseille, Benoît Payan, annonce avoir demandé « aux marins pompiers de Marseille de se tenir prêts avec hommes et matériels. »
L’Unccas (Union nationale des CCAS), par la voix de son président Luc Carvounas, a demandé à toutes les communes et intercommunalités « d’activer leurs CCAS pour organiser la mobilisation nationale en faveur de Mayotte ».
La plupart des associations d’aide humanitaire (Protection civile, Secours Populaire, Fondation de France, Oxfam…) ont lancé des appels aux dons.
Maire info détaillera dans son édition de demain le dispositif exceptionnel mis en place par l’AMF, avec son président David Lisnard.
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Gouvernement
François Bayrou, Premier ministre
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Vendredi 13 décembre, Emmanuel Macron a finalement nommé le maire de Pau, François Bayrou, Premier ministre, avec la charge de constituer un gouvernement dans une situation politique toujours aussi instable.Â
Après plusieurs jours de tergiversations, Emmanuel Macron a annoncé la nomination du maire de Pau et fondateur du MoDem, François Bayrou, pour remplacer Michel Barnier à Matignon. Alors que, en début de matinée vendredi, « l’hypothèse Bayrou » semblait s’éloigner, la situation s’est retournée peu avant 13 heures. Si l’on en croit les proches du nouveau Premier ministre, Emmanuel Macron avait convoqué François Bayrou à l’Élysée pour lui annoncer qu’il ne serait pas nommé, lui préférant Sébastien Lecornu, avant que le maire de Pau ne réussisse à le faire changer d’avis : s’il n’était pas nommé Premier ministre, le président de la République, déjà affaibli, risquait de perdre le soutien du MoDem au Parlement.
Longue carrière politique
François Bayrou, 73 ans, agrégé de lettres classiques, a occupé à peu près tous les postes électifs possibles à l’exception de celui de sénateur. Il a été par trois fois député des Pyrénées-Atlantiques, conseiller départemental de ce département pendant 25 ans et président pendant 8, député européen entre 1999 et 2002, maire de Pau et président de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées (depuis 2014). Ce lundi 16 décembre, son entourage fait d'ailleurs savoir qu'il ne compte pas démissionner de ses fonctions de maire de Pau malgré sa nomination à Matignon, et présidera dès ce soir le conseil municipal.
Il a également été ministre de l’Éducation nationale sous les gouvernements Balladur et Juppé entre 1993 et 1997, et très brièvement Garde des sceaux juste après la première élection d’Emmanuel Macron, en 2017, avant d’être contraint à la démission par les démêlés judiciaires de son parti.
François Bayrou a également été trois fois candidat à l’élection présidentielle, incarnant le centre-droit contre une droite plus dure défendue notamment par Nicolas Sarkozy – appelant à voter pour la socialiste Ségolène Royal au second tour de l’élection présidentielle de 2007, puis pour François Hollande en 2012, ce qui lui vaut quelques solides inimitiés du côté des LR.
En 2017, François Bayrou s’est rallié à Emmanuel Macron et a renoncé à se présenter à l’élection présidentielle pour soutenir celui-ci. Il est, depuis, un soutien constant du président de la République, qui l’a nommé Haut-Commissaire au Plan en septembre 2020.
Le maire de Pau, ces derniers mois, avait préféré se tenir à l’écart des gouvernements successifs, ne partageant pas le choix fait par le chef de l’État de déplacer le curseur de sa politique vers la droite.
Équation insoluble
François Bayrou va maintenant avoir la lourde tâche de composer un gouvernement qui ne soit pas condamné à subir le même sort que celui de Michel Barnier – ce qu’il a lui-même appelé, lors de sa nomination, « un Himalaya de difficultés ».
Il s’est déjà clairement démarqué du chef de l’État dans cette tâche : en effet, celui-ci avait convoqué, la semaine dernière, les chefs de partis tous ensembles (à l’exception du RN et de LFI), pour tenter de les faire dialoguer sur une sorte de pacte de non-agression. Il avait ensuite annoncé que son futur Premier ministre serait chargé de poursuivre cette tâche, sous le même format. François Bayrou n’a pas suivi cette consigne, préférant, dès aujourd’hui, recevoir les responsables de parti en tête à tête, en commençant par Marine Le Pen, en tant que présidente du principal groupe de l’Assemblée nationale.
Tout l’enjeu est de savoir si François Bayrou réussira à élargir les soutiens politiques du gouvernement ou s’il ne pourra que reproduire la situation du gouvernement Barnier, uniquement soutenu par le « bloc central » à l’Assemblée nationale et Les Républicains, et donc à la merci d’une motion de censure NFP-RN.
Autrement dit, François Bayrou va tenter de rallier tout ou partie du Parti socialiste à son gouvernement, comme il en avait d’ailleurs déjà exprimé le vœu l’été dernier, où il évoquait la nécessité d’un gouvernement « large et central avec des femmes et des hommes (…) réformistes, de gauche, du centre et de droite, républicains, hors extrêmes ». Il est peu probable qu’il y parvienne, pour ce qui est de la composition du gouvernement : le PS a d’ores et déjà annoncé que tout membre qui rejoindrait le gouvernement serait exclu. En revanche, il n’est pas totalement inimaginable qu’une partie de la gauche puisse accepter une forme de soutien sans participation, ou en tout cas d’engagement de « non-censure », à condition que le nouveau Premier ministre accepte de porter des réformes souhaitées par le NFP.
Contrairement à Michel Barnier, François Bayrou, par ailleurs, n’est pas assuré du soutien automatique des Républicains. Outre « l’énorme passif » entre lui et le parti, selon l’expression de Jean-François Copé ce week-end, dû au refus de François Bayrou de soutenir Nicolas Sarkozy, les LR ont mis comme « préalable » à tout soutien le maintien de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur … et le refus de céder aux exigences du NFP.
On voit donc assez mal, ce matin, ce qui peut laisser entrevoir l’espoir d’un déblocage de la situation politique. Il va bien falloir, pourtant, nommer un gouvernement qui puisse être en mesure de présenter, début 2025, un projet de budget. En attendant, dès aujourd’hui, les députés vont examiner le projet de loi spéciale permettant au moins à l’État, au 1er janvier, de percevoir l’impôt et de débloquer, par décret, les crédits permettant aux administrations de fonctionner.
Il n’est pas impossible, par ailleurs, que les dramatiques événements de Mayotte retardent quelque peu la nomination du gouvernement, néanmoins espérée « avant Noël ».
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Petite enfance
Petite enfance : la Cour des comptes veut privilégier la garde parentale
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En matière de financement des modes d'accueil du jeune enfant, « la dépense publique paraît mal maîtrisée ». C'est ce que pointent les magistrats de la Cour des comptes dans un rapport publié la semaine dernière, qui préconisent notamment de prolonger d'un mois le congé maternité.
La politique d’accueil du jeune enfant, encadrée par la réglementation et largement financée par des fonds publics, laisse en théorie le choix aux parents entre l’accueil individuel (assistantes maternelles) et l’accueil collectif (crèches et haltes-garderies, également dénommées établissements d’accueil du jeune enfant, gérées par des collectivités territoriales, des associations et des entreprises de crèches privées). Depuis ces 20 dernières années, « l’organisation des modalités d’accueil des jeunes enfants a conduit, en particulier, à soutenir l’activité d’assistante maternelle pour développer l’accueil individuel et à structurer, sur le plan juridique, une offre diversifiée d’accueil dans les crèches, qui assurent l’essentiel de l’accueil collectif. » En pratique, « l’assistante maternelle est privilégiée lorsque l’enfant a entre six et 12 mois (28 %) » et la crèche est le mode d’accueil préféré durant la deuxième (45 %) et la troisième année (52 %). » La Cour relève donc une « préférence pour le mode d’accueil collectif ».
Mais, selon la Cour des comptes, il est temps de changer de braquet, et ce pour deux raisons. Premièrement, on observe depuis plusieurs années maintenant « une offre insuffisante pour satisfaire la totalité de la demande », notamment en ce qui concerne l’accueil collectif. Par ailleurs, la Cour indique que « les inégalités territoriales d’accès aux places d’accueil sont marquées et tendent à s’accentuer ». Deuxièmement, la difficulté de trouver une solution de garde pour toutes les familles se couple avec le déficit public actuel et la nécessité de trouver des moyens pour réduire la dépense publique.
Assistantes maternelles et congés parentaux
Pour faire des économies et satisfaire davantage les familles, la Cour des comptes explique que « l’accueil par une assistante maternelle, qui figure parmi les moins coûteux pour les finances publiques, mériterait d’être davantage encouragé ». En 2022, « 236 000 assistantes maternelles proposaient 684 000 places d’accueil, soit plus de la moitié des places d’accueil formel, mais leur offre est en net recul ». Actuellement, selon les magistrats de la rue Cambon, « les financements publics privilégient l’accueil en crèche, certes plus demandé par les parents mais plus coûteux ».
Les auteurs de ce rapport rappellent par ailleurs que certains objectifs fixés par le gouvernement comme l’augmentation du nombre d’adultes par enfant en crèche ou la création de 200 000 places d’accueil envisagée d’ici 2030, « pourraient alourdir le coût pour les finances publiques de plusieurs milliards d’euros par an ». La Cour des comptes incite plutôt les pouvoirs publics à « développer les crèches financées par la prestation de service unique dans les territoires sous-cotés et moins favorisés » en renforçant notamment les financements de la branche famille liés aux spécificités territoriales.
Pour compenser ce manque de personnel et ne pas creuser davantage le déficit public, la Cour des comptes propose de miser sur les congés parentaux et plus précisément sur le congé de maternité. D’après les sondages réalisés pour la Cour, « la majorité des employeurs et des salariés serait favorable à une prolongation d’un mois du congé de maternité, qui permettrait de libérer 35 000 places d’accueil. Le coût net d’une telle mesure a été évalué par la Cour à 350 millions d’euros par an. »
La Cour recommande également une refonte du congé parental. Pour rappel, ce congé permet aux parents d’enfants de moins de 3 ans de cesser leur activité pour s’occuper d’eux, à l’issue du congé maternité (16 semaines) ou paternité (28 jours). « La prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare) qui leur est versée dans ce cas, à hauteur de 450,67 euros par mois en 2024, est en fort déclin et très rarement utilisée par les pères. » Selon les estimations des magistrats, une « indemnisation de la garde parentale plus attractive et plus courte » permettrait de « réduire le besoin de garde formelle de l’ordre de 70 000 berceaux » pour un coût net d’environ 360 millions d’euros par an.
En 2023, Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et des Familles avait lancé cette idée d’un congé parental « plus court, mais mieux indemnisé, pour laisser un vrai choix aux familles ». L’annonce avait alors fait l’objet d’un certain nombre d’interrogations notamment de la part des associations féministes qui observent que le congé parental est avant tout pris par les mères faute de modes de garde disponibles. Une tribune signée par des universitaires et militants avait alors été publiée dans le journal Libération demandant d’aligner le congé paternité sur le congé maternité car, selon eux, « il n’existe pas un parent principal, la mère, et un parent secondaire » .
Qualité, PSU et SPPE
Enfin, il était impossible de parler d’accueil du jeune enfant en France sans évoquer « la qualité de l’accueil, dont les effets sont largement soulignés sur le bien-être des enfants ». À la rentrée 2024, le journaliste Victor Castanet a publié un livre mettant en lumière les dérives de certaines crèches privées, avec des conditions de travail parfois scandaleuses, des cas de maltraitances graves et des conditions d'accueil dégradées (lire Maire info du 7 octobre). Sur cette question, la Cour des comptes estime qu’un « meilleur pilotage des objectifs de qualité couplé à des contrôles coordonnés du respect de ces objectifs » est nécessaire. Les juges proposent de « centraliser et publier les résultats des contrôles des modes d’accueil réalisés localement et mettre en œuvre un système de sanctions graduées en cas de manquement ».
« De même, le mode de financement des crèches ne doit pas encourager des gestions qui dégradent la qualité d’accueil, en particulier quand la recherche d’une occupation maximale des structures conduit à multiplier les accueils occasionnels et met des équipes sous pression ». Les magistrats semblent avoir entendu la plainte des opérateurs de secteurs associatifs, municipaux ou privés sur la Prestation de service unique (PSU). Depuis 2014, date de la réforme la PSU, c’est un taux de facturation calculé sur un ratio « heures facturées / heures de présence effective » qui sert de base au versement de la PSU. La Cour est favorable à un financement forfaitaire avec le versement d’un forfait a la demi-journée d’accueil qui « devrait alléger les contraintes administratives des structures et modérer la tendance a une hausse du taux d’occupation préjudiciable a la qualité de l’accueil ».
Rappelons qu’à compter du 1er janvier 2025 (lire Maire info de vendredi), les communes seront désignées autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, chargées d’exercer deux à quatre nouvelles compétences obligatoires : le recensement des besoins d’accueil et de l’offre disponible, l’information et l’accompagnement des familles, et, pour celles de plus de 3 500 habitants, la planification du développement de l’offre et le soutien à la qualité de l’offre. « Chacune de ces compétences peut être exercée par la commune ou l’intercommunalité dont elle est membre », précisent les auteurs du rapport. Les juges expliquent que pour réguler l’évolution de l’offre, « seuls les maires de communes de plus de 3 500 habitants se voient conférer un pouvoir d’avis préalable à tout projet de création, d’extension ou de transformation d’un établissement sur leur territoire. Selon la Cour, « ce seuil de population gagnerait à être supprimé : les autorités organisatrices, quelle que soit leur taille, devraient a minima être sollicitées pour avis, dans un contexte où elles restent tributaires de l’intervention d’autres acteurs, sur lesquels elles n’ont aucune autorité fonctionnelle, pour organiser l’accueil du jeune enfant sur leur territoire ». Cette proposition va dans le sens des demandes portées par l’AMF jusqu’alors.
Consulter le rapport.
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Parlement
Gouvernements démissionnaires : des députés recommandent de « renforcer » le contrôle du Parlement
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S'ils souhaitent limiter le pouvoir accordé à un exécutif qui a perdu sa légitimité, les députés estiment que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a « globalement respecté », l'été dernier, le cadre des affaires courantes.
Le contrôle des parlementaires sur les gouvernements démissionnaires doit être « véritablement renforcé ». C’est ce que concluent deux députés, dans un rapport adopté mercredi, dans lequel ils estiment que ce contrôle constitue « une exigence démocratique fondamentale », afin de « protéger notre République face aux dérives » d’un exécutif qui a perdu sa « légitimité ».
Une situation qui reste d’actualité puisque les ministres du gouvernement démissionnaire du gouvernement Barnier sont toujours en place.
Affaires courantes : le cadre « globalement respecté » cet été
Face à la durée « inédite » de 67 jours « dans l’histoire des IVe et Ve Républiques » (dont la durée était en moyenne de « deux semaines ») durant laquelle le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a expédié les affaires courantes, l’été dernier, la commission des lois de l’Assemblée avait décidé de créer, en octobre, une mission d’information flash sur « le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire ».
Deux mois plus tard, les deux rapporteurs, Léa Balage El Mariky, députée écologiste de Paris, et Stéphane Mazars, député Renaissance de l’Aveyron, estiment que le gouvernement démissionnaire Attal a « globalement respecté » le cadre des affaires courantes, même si « le périmètre des affaires courantes peut parfois être sujet à débat ».
Ils ont ainsi pu constater « la réduction importante du nombre d’actes édictés […] à l’été 2024, par rapport aux années précédentes : 340 décrets ont été pris […], soit la moitié de moins qu’à la même période l’année passée ». Et « aucun acte » pris par celui-ci « n’a été suspendu ou annulé par le juge administratif au motif qu’il excédait le champ de l’expédition des affaires courantes ».
Les deux députés rappellent au passage que cette période de gestion des affaires courantes, bien qu’inédite, reste « nettement plus brève que dans de nombreux régimes parlementaires étrangers, en particulier ceux dotés d’un mode de scrutin proportionnel nécessitant la formation de coalitions gouvernementales », comme c’est le cas en Belgique qui a connu cette situation pendant 541 jours.
« Éviter les abus »
Reste que « s’il perd l’usage de l’outil de sanction ultime du gouvernement [via la censure], le Parlement doit continuer d’exercer son contrôle sur l’activité du gouvernement démissionnaire », assurent les deux députés.
Une situation résumée par la formule du constitutionnaliste Marcel Waline sur l’impossibilité de renverser les gouvernements démissionnaires, complété par celle d’un professeur de droit auditionné lors de la mission flash : « On ne tue pas les morts… », mais « rien n’empêche d’ouvrir le cercueil pour vérifier qu’ils le sont bien ».
Ce faisant, la mission a pu prendre conscience de « la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période » de gestion des affaires courantes par le gouvernement Attal, allant du 16 juillet au 21 septembre 2024. Période durant laquelle le Parlement ne siégeait pas de droit (ils n’ont pu siéger que pendant 15 jours).
Léa Balage El Mariky estime ainsi qu’un gouvernement démissionnaire peut créer « un flou démocratique », « une transparence affaiblie » et « un équilibre des pouvoirs fragilisé », puisque « sans contrôle parlementaire renforcé, les abus deviennent possibles ». Et la députée de Paris de citer, sur X, l’actuel ministre démissionnaire de la Fonction publique (et ancien ministre démissionnaire du Logement sous le gouvernement Attal) « Guillaume Kasbarian qui souhaite passer en force sa loi » ou encore l’actuel ministre démissionnaire de l’Intérieur « Bruno Retailleau qui veut suspendre les demandes d'asiles de Syriens ».
Prérogatives spéciales, recours au Conseil d’État…
Afin de « prévenir tout dépassement des prérogatives gouvernementales », il est donc « essentiel », selon elle, « d’encadrer ces périodes, car c’est l’équilibre démocratique qui est en jeu ».
Aux yeux des rapporteurs, il revient au Parlement de s'assurer « que les actes pris » par le gouvernement démissionnaire « entrent bien dans le périmètre des affaires courantes », et que « les actions de représentation n'excèdent pas le champ de ce qui est indispensable ».
Ils souhaitent ainsi renforcer le contrôle parlementaire dans ce type de période en se dotant, si nécessaire, « des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête ».
Stéphane Mazars plaide ainsi pour pouvoir « auditionner en commission les ministres démissionnaires », inscrire dans la loi un droit d’information du Parlement « comme cela existait durant la période d’épidémie du covid-19 », mais aussi « donner la possibilité aux parlementaires d’initier des recours devant le Conseil d’État contre des actes pris par un gouvernement démissionnaire ».
Ils proposent de modifier la Constitution pour que le gouvernement se réunisse de plein droit lorsque l’expédition des affaires courantes dépasserait une quinzaine de jours.
Les députés préconisent également d’accorder aux parlementaires la possibilité de déposer des « questions écrites » ou « d’orienter, par des votes, l’action du gouvernement démissionnaire sur des choix politiques majeurs ».
Consulter le rapport.
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Journal Officiel du dimanche 15 décembre 2024
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Journal Officiel du samedi 14 décembre 2024
Lois
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