Édition du mercredi 20 novembre 2024

Congrès de l'AMF
Ouverture du 106e Congrès des maires sur fond de mobilisation
Le traditionnel rendez-vous de l'AMF a débuté mardi 19 novembre à Paris avec la cuisante question des « prélèvements » sur les finances locales que les maires n'acceptent pas tant elle fait peser un « risque récessif » sur le pays.

Les maires sont en colère, et l’ont fait savoir en ce jour d’ouverture du 106e Congrès de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Les « prélèvements » prévus sur les finances des collectivités (5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances, près de 10 milliards en réalité, selon l’AMF) pour contribuer au redressement des comptes publics sont très mal vécus par la très grande majorité des édiles.

Sentiment d’injustice, presque d’abandon

Avec ce nouveau « coup de rabot » financier de la part de l’État, les élus ressentent un fort sentiment d’injustice, presque d’abandon. Aujourd’hui, il leur devient très difficile d’assurer les services publics de proximité. Le thème choisi pour ce Congrès 2024, « les communes, heureusement », rappelle que ces collectivités interviennent sur beaucoup de fronts : transports, eau potable, entretien des routes, inclusion des personnes en situation de handicap (l’AMF a souhaité fêter les 20 ans de la loi Handicap de 2005 lors de cette séance d’ouverture), sport, culture, lors des catastrophes comme les inondations, etc.

Les communes interviennent même dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence (la santé, la sécurité avec les polices municipales) pour pallier un manque de la part de l’Etat. Mais celui-ci n'en tient pas compte. Et continue les transferts de charges : service public de la petite enfance, AESH, digues, maisons France services (que les communes et intercommunalités contribuent à financer aux deux tiers), Gemapi…

« Laissez-nous travailler ! »

Pis, l’État rend les collectivités responsables des « dérapages » budgétaires. Une véritable « humiliation » pour le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, maire d’Issoudun et, par ailleurs, président du Comité des finances locales. « Ces critiques sont mensongères et donc inacceptables », a-t-il martelé.

Les maires se sont donc rassemblés, à l'initiative de David Lisnard, ceints de leur écharpe tricolore et d’une écharpe noire, pour alerter sur la possible «mort des communes», étouffées par les coupes budgétaires, mais aussi par les normes, les blocages administratifs les empêchant d’agir (voir notre article). « Laissez-nous travailler ! », a répété David Lisnard, maire de Cannes et président de l’AMF. « Les collectivités, c’est 70% de l’investissement public. Taper dans nos budgets est récessif ! Le pays est à un tournant ! Il n’y a pas de fatalité », veut croire le président de l’AMF.  

Il existe des solutions : recentrer l’État sur ses missions régaliennes, supprimer toutes les agences, placer les services de l’État sous l’autorité des préfets et sous-préfets, le pouvoir réglementaire attribué aux collectivités, moratoire immédiat sur les normes, arrêter la tendance à la supracommunalité…  « Faire en sorte que le maire soit toujours le premier à pouvoir agir ! Les libertés sont toujours la meilleure solution ! », assure David Lisnard.

Devoir d'ouvrir de nouveaux horizons

Or ce pouvoir d’agir des maires « a régressé », a appuyé André Laignel. « La République vacille ! L’État se noie. Il a besoin de boucs-émissaires : les élus locaux ».

« L’asphyxie des collectivités aura des conséquences graves pour nos concitoyens avec la mise en danger de nos services publics. Elle va aggraver la crise économique et nous conduire à la récession. Plusieurs observatoires économiques avertissent déjà sur une possible division par deux du PIB ! Les services de Bercy doivent comprendre que les collectivités sont un levier. C’est une folie de ne pas s’engager dans la décentralisation ».

Pour le premier vice-président délégué, ce 106e Congrès doit marquer « le début d’une mobilisation durable des maires et ne doit pas être le chant du cygne. Nous avons la légitimité et le devoir d’ouvrir de nouveaux horizons ! Nous sommes une chance pour la France ! »

Les quelque 10 000 maires inscrits à cette édition (un record) ne diront pas le contraire. Ils attendent fermement le Premier ministre, Michel Barnier, qui clôturera le Congrès, jeudi 21 novembre. 




Congrès de l'AMF
Budget 2025 : très inquiets sur l'investissement, les maires s'opposent aux ponctions visant les collectivités 
S'opposant à l'idée de devenir « la variable d'ajustement de la mauvaise gestion du gouvernement », les représentants de l'AMF ont pointé les risques sur l'investissement, mais aussi les conséquences sur des élus qui se sentent « atteints comme jamais ils ne l'ont été ».

Colère froide sur le visage et écharpes noires autour du cou, les maires ont, une nouvelle fois, fait part, hier, de leurs grandes « inquiétudes » face aux mesures du projet de loi de finances qui prévoit de les mettre à rude épreuve pour l’année 2025.

« Nous tirons la sonnette d’alarme », a mis en garde le maire d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’AMF, à l’occasion d’une conférence de presse lors de l’ouverture de leur congrès qui se tiendra jusqu’à demain.

Plus de 10 milliards d’euros de ponctions 

Ce qui est proposé par le gouvernement est « évidemment hors de portée à la fois des petites villes, des communes rurales [mais aussi] des agglos, des départements et des régions », a assuré le maire de Wittenheim et co-président de la commission des finances de l'AMF, Antoine Homé. 

Des décisions qui pèseront d’autant plus sur les budgets locaux que l’épargne brute des communes s’est déjà dégradée de près de 20 % cette année, celles-ci perdant « plus d’un milliard » d’euros à cause, notamment, de la baisse des DMTO, selon une étude de l’AMF présentée pour l’occasion.

Alors que le gouvernement annonce 5 milliards d’euros de baisse des moyens des élus locaux l’an prochain (à travers la création d’un fonds de précaution, le rabotage de la TVA et l’amputation du FCTVA), la réalité serait en fait « beaucoup plus dure ». « C’est 10 milliards d’euros au minimum », a calculé André Laignel. Une somme qui représenterait « 85 % de la baisse des dotations qui avait eu lieu sur quatre ans » sous la présidence de François Hollande. 

Car au-delà de la ponction assumée par l’exécutif sur les recettes des collectivités, celui qui est également le président du Comité des finances locales (CFL) pointe les 1,5 milliard d’euros de baisse du Fonds vert, les 1,3 milliard de hausse de la cotisation employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), la non-indexation de la DGF sur l’inflation ainsi que toute une série d’autres dispositions inscrites dans le projet de budget défavorables aux élus locaux.

Un exemple parmi d’autres : les outre-mer, qui devraient subir une perte de « 500 millions d’euros en moins ». « Pourtant quand on voit dans quelle situation parfois dramatique elles sont… Dans certains territoires, on ne peut plus emmener les enfants à l’école malgré les longues distances ou assurer la restauration scolaire, parfois il n’y a plus de sage-femmes car les liaisons ne sont plus possibles pour qu’elles rejoignent les parturientes, des territoires entiers sont en état de sécheresse ou, au contraire, en état d’inondations chroniques… », a dénoncé André Laignel qui pointe aussi les « injonctions contradictoires ».

Craintes sur l’investissement et l’emploi

« On nous dit tous les matins qu’il faut faire des budgets verts, mais je fais un budget vert avec quoi ? On me supprime l’essentiel des crédits censés y être destinés », a ainsi reproché le maire d’Issoudun qui rappelle la série de ponctions visant la transition écologique avec notamment, outre le Fonds vert,  « 130 millions de moins sur les Agences de l’eau… ».

Selon le maire de Sceaux et vice-président de l'AMF, Philippe Laurent, « c'est une erreur de stratégie économique que de pénaliser les acteurs qui sont les plus efficaces sur le plan de la gestion publique. Ça ne peut pas servir le pays ».

D’autant que les élus s’inquiètent des conséquences sur l’investissement qui pourrait « s’effondrer », et avec lui « tout un système ». Cela mettrait « en difficulté des branches entières comme le bâtiment, les travaux publics ». Et, en bout de chaîne, il y a le risque de « faire couler des entreprises ».

« On est à la croisée des chemins », préviennent les maires, qui ont rappelé, comme Murielle Fabre, la secrétaire générale de l’AMF que le phénomène n’a rien de nouveau : « Quand la DGF a diminué, on a eu une baisse de l’investissement local. Il y a donc un risque que la thésaurisation s’amplifie ».

Il existe aussi un autre « effets pervers » lié à la réduction du FCTVA de 800 millions d’euros, qui n’a pu être anticipée au niveau local. « Si toutes les collectivités avec un besoin de financement viennent devant les prêteurs dans les semaines et les mois à venir on risque d’avoir une remontée des taux et surtout une raréfaction des crédits. Ce qui ajoutera de la crise à la crise », redoute le co-président de la commission des finances de l'AMF, Emmanuel Sallaberry.

Des maires « atteints comme jamais »

« Après avoir géré la crise du covid, on va subir des restrictions comme on n’en a jamais connues alors que d’autres crises apparaissent : celles de l’énergie, du logement et de l’emploi avec le chômage qui remonte », prévient le maire de Talence qui juge que « ce PLF donne un coup de poignard dans les éléments de mobilisation des élus locaux ».

« On sent nos collègues maires atteints aujourd’hui comme jamais ils ne l’ont été », alors qu’une crise des vocations se propage lentement avec la démission d’une quarantaine de maires chaque mois depuis le début de ce mandat. « Beaucoup de maires me disent : "il me reste un an et demi à faire", a-t-il expliqué, évoquant le fait que certains élus ne souhaitent plus prolonger leur mandat.

« Ce qui est proposé est insupportable », s’est insurgé Antoine Homé. « L’Etat s’est privé de ses propres recettes, les baisses d’impôts de M. Macron ont été financées par un accroissement pharamineux de la dette de la France. Ce n’est donc pas aux collectivités d’être purgées à la suite à ces lourdes erreurs de gestion », estime-t-il.

« Même avec 1, 2 ou 3 milliards de moins sur le budget envisagé aujourd’hui, ce n’est pas acceptable car c’est un budget qui risque de mettre la France en récession à la fin 2025 », a lancé le maire d’Issoudun qui assure qu’il « ne faut pas sous-estimer l’effet dominos qui sera considérable ». D’autant qu’à chaque fois que l’Etat a été « sur la voie des restrictions des collectivités », il ne « s’est pas désendetté ». « Bien au contraire, l’Etat s’est alourdi de 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour compenser les ressources locales qui avaient été supprimées », a rappelé Emmanuel Sallaberry.

Consulter l'ensemble des études sur les finances locales présentées hier.
 




ZAN
ZAN : les maires et l'État s'accordent sur la nécessité d'adapter la réforme
Lors du débat organisé sur le sujet, le 19 novembre, dans le cadre du 106e congrès de l'AMF, les maires ont exprimé de nombreuses critiques sur la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN). L'occasion pour les sénateurs de rappeler leurs propositions récentes sur le sujet. Et, pour le gouvernement, d'annoncer également sa volonté de corriger certains « irritants ».  

Trop technique, trop rigide, trop verticale… Sans surprise, la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) a fait l’objet de nombreuses critiques lors du débat organisé sur le sujet par l’AMF, le 19 novembre, dans le cadre de son 106è congrès, telles que celles exprimées par les maires dans une récente enquête de l’association. Si les élus partagent la nécessité de préserver l’objectif de sobriété foncière fixé par le législateur (- 50 % d’artificialisation d’ici à 2021 et un solde nul en 2050), ils veulent unanimement une remise à plat de la méthode, voire du calendrier de cette réforme, tout en demandant à l’Etat de mieux les accompagner dans son application, en ingénierie et en financement, a rappelé Sylvain Robert, maire de lens (62) et co-président de la Commission aménagement de l’AMF. 

Les impensés de la réforme

« Nous devons faire de la haute couture [foncière], il faut desserrer le cadre règlementaire et le calendrier », a résumé Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (03) et co-présidente de la Commission aménagement de l’AMF. « L’instabilité législative et règlementaire fixant le cadre du ZAN a beaucoup perturbé les élus dans leur travail de planification foncière, a déploré Laurence Rouède, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Et le législateur n’a pas mesuré l’impact du ZAN sur les projets de réindustrialisation, la production de logements, le développement des énergies renouvelables (ENR), autant d’impensés qui rendent la réforme difficilement applicable ». Car les élus doivent parfois concilier l’inconciliable : le développent de leur commune et la sobriété foncière. « Nous avons été pris en traitre par le législateur, a pour sa part estimé un maire, lors de la séance de questions-réponses. La loi est arrivée dans le dos des élus et son effet rétroactif [la période de référence pour caler le ZAN est l’année 2021] les a pris de court. Ils se retrouvent mis devant le fait accompli. Il faut modifier cela ».

Un autre « impensé » de la réforme a été négligé : « l’atterrissage du ZAN qui va conduire le maire à annoncer au propriétaire d’un terrain sa perte de valeur après l’avoir rendu inconstructible ou à refuser un permis de construire », a souligné Françoise Rossignol, maire de Dainville (62). Autrement dit, sa surexposition au mécontentement des administrés et, potentiellement, la judiciarisation du ZAN lié à des recours contentieux. 

Privilégier la « mise en compatibilité » à la « mise en conformité » 

Les élus dénoncent aussi une loi « mathématique et comptable » assortie d’une application « descendante » qui s’impose aux communes sans tenir compte des réalités locales, mais aussi sans accompagnement de l’Etat. « La loi ZAN n’est pas mise en œuvre par les maires mais par les régions via leur Sraddet », a déploré Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91). « Il faut avoir un objectif théorique que l’Etat porte à la connaissance des élus et que les maires mettent en œuvre les actions pour l’atteindre, en toute liberté et en responsabilité, estime Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (01), qui a rappelé les propositions formulées par l’AMF en sens. Il faut sortir de la mise en conformité et privilégier la mise en compatibilité ». 

Le financement de la réforme et l’adaptation de la fiscalité au ZAN restent aussi à déterminer dans un contexte où la réforme renchérit d’ores et déjà la valeur du foncier. Là encore, l’AMF a formulé une vingtaine de propositions sur le sujet .

Une proposition de loi au Sénat

Le Sénat, qui avait déjà pris l’initiative d’une première loi correctrice du ZAN en 2023, a remis l’ouvrage sur le métier. Devant les maires, Jean-Baptiste Blanc, sénateur du Vaucluse, et Guislain Cambier, sénateur du Nord, ont rappelé les principales dispositions de leur proposition de loi « visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux », déposée le 7 novembre (lire Maire info du 15 novembre). Et notamment l’abrogation de l'objectif intermédiaire de 2031 qui prévoit de diviser par deux le rythme d'artificialisation. « Ce n’est pas grave si les élus n’ont pas rempli cet objectif en 2031 s’ils ont de bonnes raisons. L’essentiel est de garder le cap de la sobriété en tenant compte des contraintes locales », a souligné Jean-Baptiste Blanc. 

Cette modification de l’objectif intermédiaire, qui reste suspendue à l’adoption du texte, n’emporte pas l’adhésion du gouvernement. « Je pense qu’il faut garder un bilan à dix ans sinon les choses resteront floues d’ici à 2050 », a estimé Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, en rappelant qu’« en vingt ans, la consommation foncière a augmenté quatre fois plus vite que l’évolution démographique. Il faut donc maîtriser cette tendance ». En revanche, elle est favorable à des évolutions législatives et règlementaires, sans préciser à ce stade si elles passeront par une proposition de loi ou un projet de loi. Elle a semblé notamment ouverte sur une modification de la période de référence, fixée actuellement à 2021, pour caler les objectifs intermédiaires de réduction foncière : « Nous pourrions envisager 2024-2034 ou 2025-2035 », a-t-elle indiqué. La ministre n’exclut pas non plus de « sortir les grands projets nationaux de la comptabilisation du ZAN à l’échelle locale, ce qui rendrait du foncier aux collectivités ». 

Catherine Vautrin envisage également d’augmenter le fonds dédié à la réhabilitation des friches pour soutenir les projets des élus locaux. « Le gouvernement est d’accord pour assouplir le cadre mais en tenant l’objectif de sobriété foncière », a résumé la ministre. Les bonnes volontés en tout cas ne manque pas pour améliorer les modalités d’application du ZAN. Ainsi, Constance de Pélichy, députée de Loir-et-Cher, a annoncé le lancement, par l’Assemblée nationale, d’une mission d’information sur le sujet. « Notre idée n’est pas de concurrencer le Sénat mais d’apporter notre contribution pour améliorer la réforme », a-t-elle assuré. 




Congrès de l'AMF
Les maires ne veulent plus se contenter d'alerter sur l'explosion des besoins sociaux
Les témoignages qui se sont exprimés au forum dédié aux CCAS, mardi 19 novembre, dépeignent une aggravation des situations de vulnérabilité et de précarité, que les communes et leurs CCAS tentent de pallier. Désarroi et colère s'expriment aussi face à l'inertie de l'État, notamment sur la question du financement des Ehpad.

Le constats sont là, comme chaque année, qui prouvent que la précarité gagne, mais surtout « s’installe », résume Luc Carvounas, co-président de la commission Affaires sociales de l’AMF et président de l’Union des CCAS (UNCCAS). Grand témoin du forum, le secrétaire national du Secours populaire, Jean Stellittano, en livre de nouvelles preuves avec le baromètre annuel de l’association. Entre autres indicateurs, ce « sentiment » de vulnérabilité, partagé par près de deux Français sur trois (62%) d’avoir été sur le point de connaitre une situation de pauvreté. Une récente enquête de l’Unccas révèle, elle, que 65 % des CCAS ont été sollicités pour une mise à l’abri. Le logement est devenu le motif de 45% des nouvelles demandes, « dont un tiers de personnes salariées en CDI ». 

Ce qui inquiète surtout la maire de Rezé (Loire-Atlantique), Agnès Bourgeais, c’est que ces demandes ne sont plus « pour du ponctuel ou un coup de pouce » : « On se retrouve avec des gens qui pourtant sont salariés mais doivent venir régulièrement nous demander de l’aide, avec le problème du logement comme question centrale de cette précarité ». 

« Quand les travailleurs, malgré leur salaire, ne peuvent boucler le mois (loyer, cantine), cela veut dire qu’ils n’ont plus accès à la culture, au sport, bref, à tout ce qui rend heureux dans un foyer. Cette pauvreté là aussi s’installe », ajoute l’adjointe au maire de Schoelcher (Martinique), Yolène Largen-Marine.

Du désarroi à la colère

Le problème, comme le souligne Agnès Bourgeais, c’est que « communes et CCAS n’ont ni les moyens de faire face ni de sortir neuf millions de personnes de la pauvreté. La question, c’est comment éviter d’en arriver là ? Et comment travailler sur les causes plutôt que de passer notre temps à traiter les conséquences ? ». Le Secours populaire en cite un exemple, en pointant le risque que le renoncement aux soins ne s’aggrave encore un peu plus en cas d’augmentation à venir des restes à charge, « car ce sont les plus précaires et fragiles qui auront du mal à payer chez le médecin ». 

Entre impuissance et immobilisme, le chemin est parfois étroit. Et risqué, même si, pour l’heure, « je ne connais pas un collègue qui n’a pas abondé la dotation de son CCAS » assure Luc Carvounas. « Mais à un moment donné on aura un plafond de verre ! Or, si maires et communes mettent un genou à terre, c’est tout l’équilibre qui va basculer », prévient-il.  

« De plus en plus de mairies abondent aussi les budgets des CCAS pour soutenir des structures comme les EHPAD dont 85 % sont en déficit », alerte ainsi Marylène Millet, maire de Saint Genis de Laval et co-présidente de la commission Affaires sociales. « Ce n’est pas parce que nous sommes de mauvais gestionnaires comme cela a été laissé insinué. Mais depuis deux ans, l’accélération de l’inflation (+ 6 %) n’a pas été compensée par une hausse équivalente des financements (+ 2 %) », tient-elle à expliquer. Mais se pose donc la question de l’avenir de ces EHPAD. « Que doit-on faire : moins de service ? rationner ? Non, notre objectif, c’est de garder la même qualité d’accueil ».

C’est ce qui a conduit des maires bretons à se rebeller depuis un peu plus d’un an. Maire de Plouaret (Côtes-d’Armor), Annie Bras-Denis fait partie de ces élus aujourd’hui réunis au sein du « Collectif des maires et territoires en résistance pour le grand âge ». Ils ont choisi de poursuivre l’État en justice pour obtenir les moyens qui leur font défaut. 25 CCAS ont déposé leurs requêtes au tribunal administratif depuis la rentrée. « Le double est en préparation », indique Annie Bras-Denis.

La force du collectif

« Plus nous serons nombreux, plus nous serons efficaces pour peser et nous faire entendre : nos vieux méritent vraiment mieux ! On a besoin d’être tous ensemble face à un état qui méprise les collectivités locales mais encore plus les personnes âgées, or quand une société ne respecte plus ses personnes âgées, elle est en grande difficulté ! » relance l’élue. Un appel salué de larges applaudissements.

Le Collectif comptait beaucoup sur une rencontre prévue avec le ministre des Solidarités, Paul Christophe, mardi matin. Un rendez-vous finalement annulé, les élus ayant été prévenus, le matin même, que l’entrevue se limiterait avec son directeur de cabinet. Il n’en fallait pas plus pour renforcer leur détermination. Dans les allées du Congrès, les élus bretons ont multiplié toute la journée les contacts et prises de parole pour convaincre leurs collègues de rejoindre leur action.  

En Martinique non plus, on ne veut plus des bouts de ficelle ou des plans sparadrap. « Nous attendons de l’État qu’il intervienne, non pas sur vie chère en Martinique, car c’est la conséquence, mais qu’il s’attaque aux causes », apostrophe Yolène Largen-Marine. (Schoelcher). 

La conclusion de Luc Carvounas s’impose : « Si nous ne faisons pas cause commune, nous n’y arriveront pas. Nous devons tous travailler ensemble ». Et les élus attendent du gouvernement qu’il prenne sérieusement en considération leurs alertes.  




Fonction publique
Les absences ont diminué en 2023 dans la fonction publique
Le rapport 2024 sur l'état de la fonction publique passe au crible les données de l'absentéisme public. Si les arrêts maladie diminuent partout, les personnels des collectivités sont les plus nombreux à s'absenter pour raison de santé. Un phénomène qui s'explique par le vieillissement de la territoriale, la sur-représentation des femmes et les métiers pénibles.

Publiée le 15 novembre par la Direction de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), l’édition 2024 du traditionnel et volumineux rapport sur l’état de la fonction publique arrive à point nommé pour cerner la réalité de l’absentéisme au sein de la sphère publique. Ce document, qui compile et analyse les données recueillies dans les trois versants de la fonction publique en 2023, apporte, en effet, un éclairage objectif sur l’absentéisme des agents au moment où le gouvernement souhaite réviser les règles des arrêts maladie dans les services et les administrations de l’Etat, les hôpitaux publics et les collectivités territoriales. Un projet dévoilé par le ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian le 27 octobre dernier. Ce dernier prévoit notamment de faire passer de un à trois les jours de carence appliqués chez les fonctionnaires et les contractuels (pour aligner le nombre de journées non payées en cas d’arrêt maladie sur celui en vigueur dans le secteur privé) et réduire, ensuite, l’indemnisation journalière des agents publics à 90% de leur salaire.

Alors que ces propositions vont être prochainement débattues au Sénat – après un premier rejet de la version amendée par les députés dans le cadre du Projet de loi de finances (PLF) – le rapport de la DGAFP montre d’abord que les agents de la fonction publique se sont absentés 12 jours en moyenne en 2023, soit 1,7 jour de plus que les salariés du secteur privé (10,3 jours). Cependant, si la durée d’absence recule à la fois dans le privé et dans le public par rapport à 2022, ce recul est plus sensible dans la fonction publique (- 2,5 jours) que dans le secteur concurrentiel (-1,4 jour). Dans le détail, ce sont les personnels de la fonction publique d’Etat (FPE) qui s’absentent le moins. En dehors des enseignants, les absences pour raison de santé des agents de la FPE représentent en moyenne 8,4 jours (9,3 jours pour les enseignants) tandis que l’absentéisme atteint 14 jours dans la fonction publique hospitalière (FPH). Les agents territoriaux sont ceux qui font valoir le plus grand nombre d’arrêts maladie : en moyenne 14,7 jours d’absence ont été enregistrés en 2023 dans la fonction publique territoriale (FPT).

Les femmes plus souvent absentes que les hommes

Le rapport sur l’état de la fonction publique met, par ailleurs, en exergue le lien existant entre les profils des agents publics et leur niveau d’absence au travail pour raison de santé. Ainsi, il apparait que le nombre moyen de jours d’absence est plus élevé pour les femmes que pour les hommes, une donnée qui se vérifie dans les trois versants de la fonction publique (13,4 jours pour l’ensemble des agentes) et que l’on retrouve également dans le secteur privé (11,7 jours chez les salariées).

Concernant les hommes, les niveaux d’absentéisme pour raison de santé sont légèrement plus élevés dans la fonction publique (9,6 jours) que dans le secteur privé (9,1 jours). La DGAFP souligne toutefois que c’est chez les femmes que la durée des absences a le plus reculé entre 2022 et 2023 (-3,3 jours) alors que celle des hommes ne diminue que de - 1,2 jour en un an.

L’âge des agents et les métiers pénibles pèsent sur l’absentéisme territorial et hospitalier

Le document souligne également l’impact de l’âge des agents sur la courbe de l’absentéisme. Il apparait ainsi que les personnels de la fonction publique âgés de plus de 50 ans se sont absentés pour raison de santé 16,4 jours dans l’année, soit une durée deux fois plus importante que celle des agents de moins de 30 ans.

« Au sein de la fonction publique, c’est dans la FPH et la FPT que les femmes et les agents âgés de 50 ans et plus s’absentent le plus pour raison de santé. Les femmes travaillant dans la FPT et la FPH se sont absentées respectivement 15,3 jours et 15,7 jours contre 9,8 jours dans la FPE hors enseignants et 10,8 jours pour les enseignantes », notent les auteurs du rapport.

En se focalisant sur les données concernant spécifiquement les personnels hospitaliers et territoriaux, la DGAFP souligne que la fréquence plus élevée des absences pour raison de santé s’explique en grande partie « par des effets de structure » de ces deux versants qui concentrent un grand nombre de femmes et d’agents plus âgés. En outre, le document pointe les conditions de travail spécifiques et les métiers pénibles que l’on trouve en plus grand nombre dans les hôpitaux publics et dans les collectivités. Des particularités « qui influent sur les absences pour raison de santé : contraintes physiques, horaires de travail atypiques, risques psychosociaux… ».







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