Édition du lundi 18 novembre 2024 |
Élus locaux
L'exercice du mandat a un impact sensible sur la santé des maires
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Publiée le 15 novembre, une enquête menée par Sciences Po et le CNRS, à laquelle près de 5 000 élus ont répondu, révèle notamment la charge mentale importante liée à une fonction jugée chronophage, complexe et stressante par les maires. Même si leur intérêt pour l'exercice du mandat perdure.
[Article initialement paru sur le site Maires de France]
« Les maires estiment, de manière massive (83%), que leur mandat est usant pour la santé » : tel est le principal (et inquiétant) enseignement de l’enquête pilotée par deux sociologues du Centre de sociologie des organisations (Sciences Po et CNRS), avec le soutien de l’AMF, publiée le 15 novembre. Intitulée « Être maire aujourd’hui : engagés, débordés, malmenés : quels effets sur la santé ? », l’enquête « ELUSAN : les élu.es et leur santé » a été réalisée entre le 17 mai et le 28 juin 2024 (4 928 maires ont répondu).
Un mandat « qui engage fortement »
Premier enseignement, le mandat de maire engage fortement les élus : si le temps consacré à la fonction de maire connaît d’importantes variations liées à la situation personnelle des élus, comme l’avait montré l’enquête du Cevipof publiée en novembre 2023, « 62% [des répondants à l’enquête de 2024] sont tout à fait d’accord et 33 % plutôt d’accord » pour estimer que leur mandat « implique des sacrifices personnels importants ». En cause, principalement, « un poids partagé des horaires atypiques » liés à l’exercice du mandat (activités régulières en soirée ou le samedi matin et, plus occasionnellement, sur l’ensemble du week-end) qui « débordent amplement sur des temps en principe dévolus au repos et à la vie privée » (familiale, notamment), notent les auteurs de l’enquête, a fortiori quand les élus cumulent leur mandat avec une activité professionnelle.
Une fonction attractive mais exigeante
Deuxième enseignement, l’exercice du mandat est une source d’intérêt et de satisfaction pour la majorité des maires ayant répondu à l’enquête (72,5 % ont le sentiment de faire quelque chose d’utile pour les autres, 66,2 % de faire ou apprendre des choses nouvelles). Mais les mêmes soulignent la pénibilité du mandat liée à la multiplicité des activités à mener de front. Parmi les activités vécues comme pénibles figurent « le montage de dossiers pour demander des subventions, la gestion des conflits dans la commune, les injonctions de la Préfecture, les querelles de voisinage, l’excès de règlementation, les tensions dans l’équipe, la gestion quotidienne du personnel, la déloyauté, les annonces de décès, les litiges avec les administrés, les imprévus perpétuels, les contraintes administratives, les incivilités et infractions ».
Cette pénibilité, bien qu’exprimée de manière hétérogène par les élus selon la strate démographique de leur commune et leur expérience personnelle, « traduit le fait que la fonction de maire est traversée par une tension majeure entre contraintes ou exigences du mandat d’une part, et engagement et mobilisation dans le mandat, d’autre part », soulignent les sociologues.
Un exercice « qui génère fatigue et surmenage »
Troisième enseignement de l’enquête, dans un domaine assez peu documenté jusqu’à présent : le mandat de maire, chronophage, intensément investi et exigeant, a des incidences sur la santé des élus. Ainsi, « 83 % des maires estiment que leur mandat est usant pour la santé ». Cette usure se traduit par la déclaration de troubles du sommeil, de coups de fatigue ou de moment de lassitude « qui sont des états permanents pour un quart à un tiers des maires » ayant répondu, particulièrement dans les petites communes, notent les sociologues. Ils constatent que « la fatigue du maire, au sens d’une fatigue physique qui peut émousser ou miner la santé, n’est pas une légende. C’est plutôt un constat partagé massivement par les femmes et hommes qui exercent le mandat ».
Une charge mentale et des « risques psychosociaux »
Les auteurs de l’enquête estiment que « la charge mentale du mandat apparaît potentiellement plus lourde que la charge physique ». L’exercice du mandat de maire est « typique de conditions de travail comportant des risques psychosociaux », alertent-ils. Ainsi, 64,8% des maires « déclarent vivre des situations où il leur faut souvent penser à trop de choses à la fois et 40,1% où ils sont souvent sous pression ».
Un phénomène d’autant plus inquiétant que cette charge mentale est « peu partagée et reste un tabou car en parler peut compromettre la légitimité du maire ou sa capacité à bien exercer sa mission », notent les sociologues. « Bien souvent, soulignent-ils, les maires sont renvoyés à eux-mêmes pour gérer cette charge mentale, la supporter ou s’en accommoder, parfois jusqu’au trop-plein ». Dans ce contexte, près de 45 % des maires interrogés indiquent avoir pensé à s’arrêter ou à démissionner (contre 52 % « jamais »). « Plus la taille de la commune diminue, plus la démission est envisagée », constatent les sociologues, soulignant que les maires des petites communes « sont confrontés à des conditions d’exercice dégradées, caractérisées notamment par une faiblesse des moyens techniques et humains, un volume important de sollicitations directes, une exposition plus forte dans l’espace public local ».
Les principaux résultats de l’enquête seront présentés, mardi 19 novembre, lors du forum sur l’évolution du statut de l’élu (10h-11h30) organisé dans le cadre du 106e congrès de l’AMF.
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Ruralité
Pourquoi les agriculteurs se remettent en mouvement contre l'accord avec le Mercosur
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La mobilisation des agriculteurs a repris hier et devrait s'amplifier cette semaine, mais sans réels blocages, ont promis les organisations syndicales. Explications sur une colère qui ne faiblit pas.
Ce sont plus de 80 points d’actions qui sont prévus entre aujourd’hui et mercredi dans tout le pays : filtrages de la circulation, occupation de ronds-points (notamment ceux qui portent un nom lié à l’Europe), manifestation devant les préfectures… Les agriculteurs ont promis qu’ils ne bloqueraient pas les routes – heureusement pour la tenue du congrès des maires qui débute demain à Paris – mais certaines opérations de filtrage, comme celle qui a débuté dimanche soir sur la RN 118 en banlieue parisienne, auront des répercussions évidentes sur la circulation.
Il est à noter que le ministère de l’Intérieur a changé de ton par rapport au mouvement survenu l’an dernier, lors duquel il s’était montré assez tolérant face aux blocages. Cette fois, le ministre Bruno Retailleau a indiqué que ce serait « tolérance zéro » et qu’il n’hésiterait pas à faire intervenir les forces de l’ordre en cas de « blocage durable ».
Panneaux bâchés
Une fois encore, ce sont les panneaux d’entrée de commune qui sont visés pour exprimer la colère des agriculteurs. Après les milliers de panneaux retournés l’an dernier, l’action prend cette fois d’autres formes. Tout le mois d’octobre, dans plusieurs départements, les agriculteurs ont carrément retiré des panneaux, qu’ils déposent aujourd’hui devant les préfectures, voire inversé les panneaux de plusieurs communes, en ajoutant un panneau « Vous êtes perdus ? Nous aussi. »
Ces actions ne rencontrent pas forcément l’assentiment des maires, pourtant globalement solidaires des agriculteurs. Mais le fait d’enlever un panneau d’entrée de ville n’est pas sans conséquence et peut même être dangereux, ceux-ci symbolisant un endroit où il est nécessaire de réduire la vitesse.
Depuis hier, une nouvelle forme d’action est privilégiée : le bâchage des panneaux, ce qui permet de les « renommer » sans les dégrader, expliquent ce matin des agriculteurs dans la presse. Dans de nombreuses communes, les panneaux d’entrée ont été recouverts d’une bâche où a été peint le nom d’une ville ou d’un pays d’Amérique du sud : dans le nord, Boulogne-sur-Mer a été « rebaptisée » Brésil, Wimeureux est devenue « Uruguay ». Dans la Sarthe, La Suze-sur-Sarthe est devenue « Sao Paulo » tandis que Parcé-sur-Sarthe a été rebaptisée « Copacabana ».
Il s’agit évidemment de dénoncer le projet d’accord avec le Mercosur, qui cristallise toutes les colères.
L’accord UE-Mercosur, qu’est-ce que c’est ?
La date de cette nouvelle mobilisation a été choisie du fait de l’ouverture du G20, au Brésil, où va être à nouveau évoqué l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (union économique entre le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie).
Il s’agit d’un accord qui est en cours de négociations depuis plus de 20 ans, et qui vise à abaisser les barrières douanières entre les deux blocs que sont l’UE et le Mercosur. S’il était signé, l’accord instaurerait le libre-échange entre ces deux énormes marchés représentant 780 millions de personnes en tout. Il est prévu de définir des quotas d’exportation et d’importation qui ne seraient pas soumis à des droits de douane – ou bien soumis à des droits de douane très faibles. Il est à noter que l’accord ne concerne pas que les produits agricoles : il touche aussi les produits industriels manufacturés et même les marchés publics, permettant à chaque partie de candidater aux marchés publics de l’autre.
Comme c’est souvent le cas dans les traités de libre-échange, si chaque partie voit d’un bon œil le fait de pouvoir accéder plus facilement au marché de l’autre, la réciproque n’est pas vraie. Et c’est là que le bât blesse chez les agriculteurs : l’accord permettrait l’entrée massive sur le marché européen de produits agricoles sud-américains. Les droits de douane seraient ainsi supprimés pour 45 000 tonnes de miel, 60 000 tonnes de riz, 180 000 tonnes de sucre, 60 000 tonnes de bœuf et 180 000 tonnes de volaille.
Selon les agriculteurs français, ces importations représentent une concurrence déloyale du fait des coûts de production très inférieurs en Amérique du sud, notamment dans les immenses propriétés du Brésil et d’Argentine. Par ailleurs, ils pointent le fait que les normes sanitaires environnementales ne sont pas les mêmes dans le Mercosur – la signature de l’accord permettant par exemple, expliquent-ils, le retour en Europe du « bœuf aux hormones ».
Les syndicats agricoles, toutes tendances politiques confondues, sont unanimes à dénoncer l’accord. Ils trouvent, pour une fois, le soutien des écologistes, et de la plupart des partis politiques français – comme en témoigne une tribune parue dans Le Monde le 12 novembre et signée par pas moins de 622 parlementaires de gauche comme de droite.
Le gouvernement lui-même, par la voix du Premier ministre, a dit sa détermination à ne pas signer l’accord « en l’état », alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von des Leyen, plaide pour une signature avant la fin de l’année. L’exécutif français plaide pour une renégociation de l’accord, avec intégration de clauses dites « miroir », c’est-à-dire imposant aux deux parties les mêmes normes sanitaires et environnementales.
Et maintenant ?
On ignore si l’accord va être ou non signé, ou à l’occasion du G20, aujourd’hui et demain, ou à l’occasion du « sommet Mercosur », début décembre. Mais même si c’était le cas, cela ne signifierait pas une application définitive, puisqu’un tel accord devrait encore être ratifié par l’Union européenne. En attendant cette ratification, l'accord pourrait toutefois s'appliquer à titre provisoire.
Et c’est là que les choses se compliquent : en l’état, dans la mesure où cet accord ne comprend pas que des clauses commerciales mais aussi un volet « coopération » empiétant sur les compétences des États membres, il doit être ratifié à l’unanimité des 27 États membres puis approuvé par les Parlements nationaux de ceux-ci. Ce qui permettrait à la France ou aux autres États opposés à l’accord (Pologne, Autriche, Pays-Bas…) d’opposer leur véto.
Mais un autre scénario est possible : la Commission pourrait choisir de scinder l’accord en deux, afin de séparer la partie strictement commerciale de l’autre. Pour un accord commercial, le vote à l’unanimité n’est plus nécessaire, la majorité qualifiée étant suffisante. Les pays opposés à l’accord ne sont aujourd’hui pas assez nombreux, dans ce scénario, pour empêcher ce vote.
Autant dire que – signature ou pas de l’accord – le feuilleton n’est pas terminé et risque de se prolonger encore de longs mois. D’ailleurs, les agriculteurs ont d’ores et déjà prévu des actions au long cours, qui pourraient durer au moins jusqu’au Salon de l’agriculture, fin février prochain.
Reste qu’une signature de l’accord à l’occasion du G20 pourrait bien mettre le feu aux poudres et transformer un mouvement jusqu’à présent pacifique en mouvement plus violent. C’est en tout cas ce que promet la Coordination rurale, qui annonce dans ce cas son intention de passer à un mouvement de blocage du fret alimentaire – gare des frets, centrales d’achats et ports. Ce qui pourrait provoquer des tensions avec les forces de l’ordre, mais pas seulement : la fédération CGT des ports et docks, par exemple, a appelé dans un communiqué publié en fin de semaine dernière ses adhérents à s’opposer à ce que les agriculteurs « prennent les ports en otage ».
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Politique de la ville
Contrats de ville et conseils citoyens : le gouvernement modifie certaines dispositions de la politique de la ville
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L'exécutif a notamment répondu à une « doléance » des élus locaux visant à « corréler le renouvellement des contrats de ville aux futures échéances électorales de l'échelon communal ».
Renouvellement des contrats de ville corrélé aux élections locales, élargissement des formes de participation citoyenne, abrogation de la veille active… Le gouvernement vient de publier deux décrets portant sur la politique de la ville, visant à modifier les modalités de renouvellement des contrats de ville et à « réaffirmer » l’obligation de participation des habitants à la politique de la ville.
Ils ont notamment pour objectif de préciser le calendrier, le contenu et la durée des contrats de ville, ainsi que les modalités de participation des habitants à la politique de la ville, dont les conseils citoyens. Après un report lors de leur premier passage devant les membres du Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), ces derniers y ont finalement donné un avis favorable unanime, bien qu’accompagné de quelques réserves.
Les contrats de ville actualisés par les signataires
Ces deux décrets s'inscrivent dans le cadre de la réforme des contrats de ville et de la géographie prioritaire de la politique de la ville qui procède à « une actualisation, via une procédure de délégalisation » de certaines dispositions de la loi Lamy. Le premier décret, pris en Conseil d’Etat, modifie ainsi la loi de 2014 et renvoie vers le second pour les autres évolutions.
Première mesure importante, les contrats de ville seront désormais « actualisés tous les trois ans si les parties en conviennent », et non plus « si la rapidité des évolutions observées le justifie ». Ce qui consolide la dimension contractuelle du contrat.
Sur ce point, l’exécutif a amendé ses projets de décret initiaux après la décision, en juillet, des membres du Cnen de reporter l’examen de ces textes devant les « réserves formulées par les élus représentant le bloc communal ». Une adaptation qui s’est donc faite après les « concertations » menées avec l’AMF afin d’y insérer cette disposition réclamée par les élus locaux, souligne le Conseil national d’évaluation des normes.
Cette modification répond ainsi à « la doléance émise du collège des élus visant à corréler le renouvellement des contrats de ville aux futures échéances électorales de l'échelon communal », alors que la première version des textes rendait possible la décorrélation entre les calendriers électoraux locaux et celui des contrats de ville. Ces derniers seront « renouvelés au 1er janvier 2030, puis tous les six ans », précisent les décrets.
Assouplissement des types de participation citoyenne
Une autre disposition a été également ajustée afin de « prendre en compte la remarque » des représentants du bloc communal concernant les modalités de participation des habitants à la politique de la ville.
Outre le fait qu’ils réaffirment le « recours obligatoire » aux conseils citoyens, les décrets publiés hier permettent dorénavant à l'instance de pilotage de la participation des habitants de « solliciter toute démarche participative permettant la représentation des différentes composantes de la population du quartier ».
« Les contrats de ville définissent un lieu et des moyens dédiés pour le fonctionnement des conseils citoyens et des autres démarches participatives mobilisées », L'Etat apportant « son concours à ce fonctionnement », détaillent les deux textes. Ceux-ci permettent, par ailleurs, de faire « appel à des personnalités extérieures en raison de leur expertise dans les domaines relevant de leur compétence ».
Si les élus représentant le bloc communal au sein du Cnen ont souligné « la pertinence » de cet ajustement, « notamment afin d'assouplir et d'élargir les formes de participation citoyenne », ces derniers ont, une nouvelle fois réitéré « leurs interrogations à l'égard des modalités de recours aux conseils citoyens comme instance de démocratie locale », indique le compte-rendu du Conseil national d’évaluation des normes.
Pour rappel, dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville, les modalités de participation des habitants à la politique de la ville sont déterminées par l'instance de pilotage, dont l’organisation et le fonctionnement sont décidés par les signataires du contrat de ville.
Veille active abrogée
Les décrets abrogent, par ailleurs, le dispositif de veille active pour les quartiers qui ne présentent pas les caractéristiques d'un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Une décision critiquée, là aussi, par les élus locaux, puisque celui-ci a été supprimé sous prétexte qu'il s'agissait d'un « dispositif tombé en désuétude ». « A contrario, ils indiquent que le mécanisme de "poche de pauvreté", qui permet d'englober autant les ilots urbains dégradés que des zones périurbaines davantage rurales, est un dispositif plus efficace », relate le Cnen.
Reste que les membres représentant le bloc communal ont reconnu « la qualité de la concertation menée par le ministère avec les associations nationales représentatives des élus locaux, et plus particulièrement l'AMF ». Pour cette raison, « le projet de norme ne pose plus de difficultés particulières d'application pour les collectivités locales ».
Consulter le décret pris en Conseil d'Etat.
Consulter le second décret.
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Santé publique
Vieillir chez soi, une option plébiscitée mais confrontée au défi du recrutement
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Les Français sont nombreux à vouloir vieillir chez eux, mais le pourront-ils ? Annoncé depuis plusieurs années par les pouvoirs publics, le « virage domiciliaire » reste à ce stade peu abouti.
Moyens humains et financiers, ambition de la politique menée... Cette question devrait sans surprise s’inviter aux Assises nationales de l’aide à domicile qui se tiennent mardi à Paris en présence des professionnels du secteur.
Quel état des lieux ?
Les années passent mais le constat reste le même : une immense majorité des Français souhaitent rester chez eux le plus longtemps possible. En 2022, ils étaient ainsi 94 % à confier tout faire pour finir leur vie chez eux (Ifop) et 92 % à penser que rester le plus longtemps possible chez eux leur permettrait de vivre une « vieillesse satisfaisante » (Harris Interactive).
Un souhait qui, jusqu’à présent, est parvenu à se concrétiser pour une majorité d’entre eux. Une enquête de la Drees publiée en février 2023 faisait état de moins d’un senior de 75 ans ou plus sur 10 (9,2 %) vivant en établissement d’hébergement contre une écrasante majorité (90,8 %) à domicile.
Mais la donne pourrait changer avec le « tsunami démographique » annoncé pour les années qui viennent. Selon les projections démographiques et épidémiologiques, les personnes âgées en perte d’autonomie devraient représenter 4 millions de la population en 2050 – soit une hausse de 60 % depuis le dernier recensement datant de 2015.
« Le choc démographique lié au vieillissement de la population nécessitera la création d’un nombre important de places de services à domicile, uniquement pour maintenir les taux d’équipement et la part du domicile à leur niveau actuel », relevait dans un rapport publié en 2022 la Cour des Comptes.
Quelles problématiques ?
Or sur le terrain, le compte n’y est pas, selon les professionnels du secteur et observateurs qui pointent une offre insuffisante de services d’aide à domicile à même de venir en aide dans les actes de la vie quotidienne (se laver, s’habiller, sortir...).
Comme les autres métiers du grand âge, le secteur de l’aide à domicile est confronté à une crise de l’attractivité avec de nombreux postes qui restent vacants. « Un enjeu capacitaire et RH majeur », a mis en garde l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2024.
Un système déjà sous tension qui devrait se tendre encore davantage. Le vieillissement de la population et le souhait des personnes âgées de rester à domicile devraient en effet entraîner une forte croissance des besoins en services à la personne d’ici 2030 avec une hausse de plus de 30 000 emplois sur le seul segment de l’accompagnement à domicile, selon les projections du gouvernement.
Au-delà des effectifs, d’autres problématiques sont également en suspens. D’une part, des logements personnels encore largement inadaptés au vieillissement – seuls 6 % ont été adaptés à ce jour à la perte d’autonomie et 10 000 chutes mortelles par an sont encore à déplorer, selon l’agence nationale de l’habitat (Anah).
D’autre part, la perspective d’une baisse des proches aidants – liée à la diminution du nombre d’enfants et à la distance géographique croissante entre parents et enfants. « Or l’impossibilité pour l’entourage de continuer à aider la personne est l’un des premiers motifs d’entrée en établissement », notait l’Igas dans son rapport de 2023.
Quelles solutions ?
Face à ce tableau, des voix s’élèvent depuis plusieurs années pour défendre une troisième voie et en finir définitivement avec la « dichotomie domicile/établissements ». Cette alternative pourrait passer par les « résidences autonomie » – un logement privatif avec des espaces communs et des services collectifs. Dans son rapport, l’Igas appelait à en construire 100 000 de plus à horizon 2030.
Autre alternative mise en avant, celle de « l’habitat inclusif », à l’image du plus célèbre d’entre eux – la maison des Babayagas conçue dès les années 1990 par la militante féministe Thérèse Clerc et inaugurée à Montreuil en 2013.
Dans un rapport publié en 2021, la mission d’information du Sénat intitulée « Bien vieillir chez soi : c’est possible aussi ! » insistait sur le fait que le domicile n’était « pas nécessairement le logement de toujours ».« Il peut être adapté, partagé ou d’un type particulier. Il n’en doit pas moins rester personnalisé, c’est-à-dire composant une part de personnalité », concluait-elle.
Rappelons qu’au congrès des maires qui s’ouvre demain à Paris, une débat sera en partie consacré aux implications du vieillissement de la population : à 11 h30 aura lieu le débat sur « Les CCAS confrontés à l’explosion des besoins », dont la troisième partie traitera des réponses à apporter face à l’explosion du nombre de personnes âgées.
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Santé publique
Une nouvelle répartition des examens médicaux obligatoires pour les enfants
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Un décret publié samedi au Journal officiel modifie le calendrier des examens de santé obligatoires de l'enfant au cours des dix-huit premières années. Cette actualisation des examens de santé touche directement les services de protection maternelle et infantile (PMI).
Jusqu'à l'âge de seize ans, un enfant bénéficie de vingt visites médicales obligatoires remboursées à 100 % par l'Assurance maladie. Ces examens médicaux peuvent être réalisés par un médecin généraliste ou un pédiatre en cabinet libéral, en centre de santé ou, jusqu’à 6 ans, dans des services de PMI (protection maternelle et infantile).
Quelques mois après les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant qui se sont déroulées le 24 mai dernier, un nouveau calendrier de ces examens médicaux obligatoires pour les enfants a été élaboré.
Un décret relatif aux examens médicaux obligatoires de l'enfant publié samedi au Journal officiel précise ce nouveau calendrier des examens médicaux de suivi obligatoires actuellement prévus.
Suppression et création d’un examen médical
Le suivi préventif, qui implique la réalisation des 20 examens au cours des dix-huit premières années va voir sa répartition changer au 1er janvier 2025. Le décret qui vient d’être publié supprime en effet l’un des quatorze examens obligatoires prévu lors des trois premières années de l'enfant. Trois seront effectivement maintenus : le premier avant le huitième jour de vie, le second à quinze jours et le troisième à un mois.
Parallèlement à cela, un nouvel examen est créé entre la septième et la dix-huitième année. Cet examen vise à surveiller « la croissance staturo-pondérale de l’enfant et de son développement physique, psychoaffectif et neurodéveloppemental, le repérage des troubles psychiques, notamment anxieux et dépressifs, le dépistage des troubles sensoriels, la vérification du statut vaccinal, la promotion des comportements et environnements favorables à la santé, en particulier physique et sportive, et le dépistage d’éventuelles contre-indications à cette pratique. »
Ainsi, la répartition des examens a changé et est désormais répartie en 13 examens au cours des trois premières années de l’enfant, trois examens entre la 4ème et la 6ème année, et quatre autres de la 7ème à la 18ème année.
Le décret instaure par ailleurs la possibilité pour le médecin d’administrer des traitements préventifs à l'égard des maladies infantiles définis par arrêté du ministre chargé de la santé.
Les conséquences pour les services de PMI
Lors de l’examen du projet de décret au Cnen, les associations d’élus (notamment celles représentant l’échelon départemental) regrettent l’absence de concertation du ministère du travail, de la santé et des solidarités sur ce sujet. Elles indiquent également que, selon les médecins travaillant dans les services de protection maternelle et infantile (PMI), un nouvel examen à six ans n’apparait pas opportun. Ils considèrent cependant que « le renforcement des moyens dévolus par l’État à la médecine scolaire permettrait de renforcer le dispositif d’identification et de prévention des maladies et troubles infantiles auprès d’un plus grand nombre d’enfants ».
Par ailleurs, ce bouleversement de calendrier instauré par le décret permettrait, selon le ministère, d’aller vers une diminution des consultations menées par les services de PMI des départements. Cette diminution concernerait « près de 100 000 consultations ». « S’agissant des conséquences financières, l’examen prévu avant la fin du premier mois de vie étant supprimé, quinze examens resteront à la charge des services de PMI, au lieu de seize actuellement », précise le ministère. Il en résulterait donc un gain financier pour les collectivités concernées.
En séance, des réserves ont été émises sur « les gains potentiels attendus » notamment car « les services de PMI peinent déjà à réaliser les examens médicaux du premier mois de l’enfant en raison de la pénurie de médecins et de leur inégale répartition sur le territoire ».
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Journal Officiel du samedi 16 novembre 2024
Lois
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