Édition du vendredi 15 novembre 2024

Finances
Michel Barnier pointe maintenant les investissements des collectivités
Dans un entretien à Ouest France paru ce matin, le Premier ministre promet des « ajustements » dans le budget sur le dossier des collectivités. Mais reste ferme sur le fond, estimant qu'elles doivent bien « participer à l'effort »... parce qu'elles investissent.

Michel Barnier va se déplacer dans le Maine-et-Loire aujourd’hui pour se rendre au congrès de Départements de France, à Angers. Il devra faire face à l’inquiétude, voire à la colère des présidents de départements : en l’état actuel du projet de loi de finances, 85 % d’entre eux estiment qu’ils ne seront pas en mesure de boucler leur prochain budget. En conséquence, dans plusieurs départements, les investissements ont été gelés, tout comme les embauches. Voire, des présidents de département ont dû faire le choix, forcément difficile, de ne pas renouveler plusieurs centaines de contrats – ce qui s’apparente selon l’expression de Sébastien Vincini, président du département de la Haute-Garonne, à « un plan social ». 

Emprunts des collectivités

Face aux départements aujourd’hui, et face aux maires jeudi prochain, en clôture du congrès de l’AMF, le Premier ministre aura-t-il quelques bonnes nouvelles à annoncer ? Depuis quelques jours, Michel Barnier laisse entendre qu’il n’est pas fermé à revenir sur les 800 millions pris sur le fonds de compensation de la TVA. Ce qui serait toujours bon à prendre, évidemment, mais laisserait intact plus de 90 % de l’effort demandé aux collectivités – puisque celui-ci, d’après les calculs de l’AMF, s’élèverait à environ 10 milliards d’euros. 

Dans son interview à Ouest France, le Premier ministre reconnaît que son projet de budget est « perfectible » et dit ne pas avoir de « tabou » à ce sujet. Mais il ne plie pas sur le fait de demander un « effort » aux collectivités, avec un argument que l’on n’avait pas entendu jusqu’à présent. En effet, jusqu’à maintenant, c’étaient les dépenses de fonctionnement des collectivités qui étaient pointées du doigt, avec de permanentes injonctions à la faire diminuer, ou encore un imaginaire « déficit » des collectivités – qui n’ont en réalité pas le droit d’en faire. Cette fois, Michel Barnier brandit un nouvel argument : « Une partie de notre dette est constituée par les emprunts souscrits par les  collectivités locales. Voilà pourquoi j’appelle tout le monde à participer à l’effort. » 

Rappelons que la dette des collectivités et de leurs groupements s’élève, selon l’OFGL, à environ 208 milliards d’euros – sur un total de 3 920 milliards d’euros de la dette publique. Et surtout que les collectivités ne peuvent s’endetter que pour investir, à la différence de l’État qui s’endette pour payer ses frais de fonctionnement. Expliquer que les collectivités doivent « participer à l’effort » parce qu’elles empruntent trop revient à dire que les investissements des collectivités, au moins en partie, sont inutiles. C’est une position difficilement tenable. D’abord parce que les investissements des collectivités sont générateurs d’activité économique et d’emploi ; ensuite parce que ces investissements permettent notamment de répondre, comme l’expliquait récemment André Laignel, le président du Comité des finances locales, « aux défis essentiels liés au dérèglement climatique, aux réseaux, à la mobilité, à l’accès à l’éducation et à la culture… ». 

Pas de nouveaux impôts

Reste que le Premier ministre promet « des ajustements significatifs dans le projet de loi de finances sur le volet des collectivités locales », sans en dire plus. Mais ces ajustements pourraient surtout concerner les départements, « qui n’ont plus de pouvoir fiscal mais des dépenses contraintes, notamment sociales, qui augmentent ». Le Premier ministre promet de « tenir compte de cette spécificité très forte ». 

Sur les autres sujets, Michel Barnier répète que le gouvernement n’entend pas « recréer » la taxe d’habitation, et semble fermer la porte au passage à la proposition faite par l’AMF – et que la ministre Catherine Vautrin n’a pas rejeté – de créer une nouvelle « contribution résidentielle universelle » (lire l’interview de David Lisnard ci-contre). Michel Barnier, sans évoquer directement cette idée, la rejette de fait : « Nous n’allons pas créer de nouveaux impôts. » 

Ouverture du dimanche

Notons enfin que le Premier ministre lance une nouvelle idée qui ne sera pas neutre pour les collectivités : afin de « remettre du dialogue partout », il souhaite instaurer une « journée nationale de consultation citoyenne ». « Un dimanche tous les ans ou tous les deux ans, les mairies seront ouvertes pour que les citoyens répondent à des questions de la municipalité, du département, de la région, de l’État. » 

Le Premier ministre ne précise ni les conditions d'organisation ni si l’organisation de cette journée sera prise en charge financièrement – par exemple pour les frais de personnel engagés un dimanche – par l’État.




Transition écologique
ZAN : plaidant pour « plus de réalisme », des sénateurs proposent de nouveaux assouplissements 
Leur proposition de loi vise à abroger l'objectif intermédiaire de 2031 qui prévoit de diviser par deux le rythme d'artificialisation. Elle prévoit aussi de repousser les délais fixés pour intégrer les objectifs de sobriété foncière dans les documents d'urbanisme.

« Ne parlons plus du ZAN mais de la Trace, la Trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux. » Afin de surmonter les difficultés persistantes dans de nombreux territoires dans la lutte contre la bétonisation, deux sénateurs viennent de déposer une proposition de loi pour assouplir une nouvelle fois la mise en place du « Zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).

Et pour en finir avec ce « repoussoir », les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) et Guislain Cambier (centriste, Nord) comptent donc commencer par abandonner le terme même de ZAN pour le substituer par cette Trace, une « trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux ».

Dispositif « repoussoir » et blocages persistants 

Instauré par la loi Climat depuis 2021, le ZAN est, en effet, devenu « un sigle désespérant pour de nombreux élus locaux, synonyme de trajectoires de sobriété foncière imposées aux collectivités sans tenir compte des spécificités et des dynamiques territoriales », constatent les deux élus à l’origine du texte.

Car malgré les aménagements et assouplissements déjà mis en place l’an passé grâce à la loi « ZAN 2 », « des difficultés et blocages persistent dans de nombreux territoires, notamment ruraux », observent les deux sénateurs.

Un constat qui fait écho aux résultats de l’enquête de l’AMF, réalisée cet été, dans laquelle une écrasante majorité d’élus (86 %) reconnaissent ne pas utiliser les outils créés par ce nouveau texte (notamment le « sursis à statuer ZAN »). Sans compter que la majorité d’entre eux estiment que les délais restent « trop courts » : plus de 52 % des répondants trouvent ainsi « insuffisant les délais d’évolution des documents d’urbanisme ». 

Pour permettre une meilleure concertation locale, les délais d’intégration de la trajectoire ZAN ont pourtant été prolongés, l’an passé, de six mois dans les SCoT (22 février 2027) et les PLU et cartes communales (22 février 2028) et de neuf mois dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), ce dernier arrivant à échéance dans… une semaine, le 22 novembre 2024. 

Abrogation de l’objectif intermédiaire de 2031

S'inspirant directement du rapport d'information qu'ils avaient publié début octobre, les sénateurs proposent donc de « renforcer l'acceptabilité et la soutenabilité » de la stratégie de sobriété foncière, selon un rythme davantage « compatible » avec les contraintes locales. 

S’ils ne remettent pas en cause l'objectif final de 2050 visant à stopper l'étalement urbain, ils comptent bien, en revanche, revoir et même abroger l'objectif intermédiaire de 2031 qui prévoit de diviser par deux le rythme d'artificialisation durant la décennie en cours. Leur objectif étant d’accorder « plus de latitude aux régions dans la fixation de leurs objectifs régionaux ». 

« La fixation d'objectifs de réduction de l'artificialisation continuerait cependant à relever des Sraddet et autres documents de planification régionaux, à qui il serait loisible de fixer des objectifs plus ou moins ambitieux de réduction de la consommation » d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf), « sans horizon temporel prédéfini », précisent les deux sénateurs, qui souhaitent également pérenniser au-delà de 2031 la mesure de l'artificialisation par le décompte de la consommation de ces Enaf, qui devait être abandonnée à cette date.

Un infléchissement qui devrait satisfaire les élus locaux qui percevaient, dans l’enquête de l’AMF, l’échéance de 2031 comme intenable et « incompatible avec l’accueil d’opérations d’une certaine ampleur ».

Documents d’urbanisme : repousser les délais 

Afin de permettre aux collectivités de « mieux anticiper la baisse de leurs possibilités d'artificialisation », le texte prévoit également de repousser les délais fixés pour inclure les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols dans les documents d'urbanisme. 

Pour les communes, les dates butoirs de 2027 et 2028 seraient ainsi respectivement reportées en 2031 pour les SCoT et 2036 pour les PLU(i) et les cartes communales. Les régions « qui le jugeraient opportun » pourraient, de leur côté, reporter jusqu'au « 22 août 2026 » - au lieu du 22 novembre prochain - l’adoption d’un objectif régional de trajectoire foncière via les Sraddet.

La proposition de loi prévoit, par ailleurs, que les projets d'envergure nationale et européenne (Pene) soient décomptés à part en les excluant des enveloppes de consommation d'Enaf fixées aux niveaux régionaux et locaux. Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier espèrent ainsi que ces dernières ne soient « pas grevées par des projets ne relevant pas de l'initiative de la région ou des collectivités locales ». 

Une instance régionale avec un « pouvoir décisionnel »

Dernière mesure : les sénateurs souhaitent modifier la composition de « la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols » afin qu’elle devienne « une véritable instance de dialogue, de concertation et de délibération » et de lui conférer « un pouvoir décisionnel ». Sur cette mesure, l'AMF souhaite que la discussion se poursuive.

En plus de ces compétences actuelles, cette instance (réunissant des représentants des élus locaux compétents en matière d'urbanisme et de planification et de l'État) pourrait dorénavant « répartir entre les collectivités territoriales l'enveloppe de consommation d'Enaf déterminée par la région, dans les régions qui ne souhaitent pas modifier leur Sraddet sur ce point au-delà de la date du 22 novembre 2024 » et « déterminer, en concertation avec l'ensemble des collectivités et de leurs groupements, et sur la base des remontées de besoins et projets faites par ces derniers, la définition de cette enveloppe, puis sa répartition ».

Si les sénateurs rappellent qu’elle devra « préserver les intérêts des territoires ruraux », cette conférence se réunira « tous les trois ans pour évaluer la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers dans chaque département, et se prononcer sur la compatibilité du rythme de l'artificialisation avec la trajectoire fixée au niveau régional ».

Des formations départementales se réuniraient « en amont » de la conférence régionale afin de préparer ses travaux et de se prononcer sur les évolutions de l'enveloppe d'artificialisation. « En cas d'opposition d'une ou plusieurs formations départementales, les prises de décision de la conférence régionale se feraient à la majorité qualifiée », expliquent les sénateurs.

Consulter la proposition de loi.
 




Société
Fréquentation des transports, réduction des parcs de bureaux : une étude sur les transformations induites par le télétravail
Depuis la crise sanitaire, la pratique du télétravail chez les salariés ayant la possibilité de travailler à distance a augmenté. En 2023, 19 % d'entre eux, en majorité des cadres, ont eu recours au télétravail. Une étude de France Stratégie analyse les impacts territoriaux de ce changement social.

Dans une note d’analyse publiée hier, France Stratégie et l’IGEDD (Inspection générale de l’environnement et du développement durable) montrent que le télétravail, en tant qu’évolution de l’organisation du travail, a des impacts territoriaux importants.

Le télétravail en hausse mais pas partout 

Il faut d’abord souligner que s’il existe des effets du télétravail sur le fonctionnement du pays, un peu moins de 40 % des emplois seraient aujourd’hui télétravaillables selon l’Insee. La note rappelle aussi que la pratique concerne surtout les cadres et les aires métropolitaines. Concrètement, « la moitié des emplois franciliens sont télétravaillables, alors que cette part n’est que d’un tiers dans des régions plus rurales telles que la Normandie ou la Bourgogne Franche-Comté »

De plus, l’étude pointe les difficultés à mesurer les évolutions du télétravail au niveau local : « Les collectivités disposent rarement des outils et des données pour objectiver la réalité du télétravail, son évolution et ses impacts sur le territoire », constatent les auteurs. « Il y a donc beaucoup de « discours » et de ressentis sur les incidences locales du télétravail, mais peu d’objectivations et de données territorialisées. »

Si la part de télétravailleurs est la plus élevée à Paris (43 %), on compte selon l’Insee 11 % de télétravailleurs dans les communes hors unités urbaines.

Impacts sur les transports et l’offre de logement 

Premier impact significatif : « Un effet mécanique de baisse des déplacements domicile-travail ».  Ce dernier a surtout un effet dans le secteur des transports collectifs, « même s’il n’est pas uniforme géographiquement ». 

« En Île-de-France, le télétravail n’a pas diminué le trafic routier, mais il a conduit à réduire la fréquentation des transports en commun aux heures de pointe, peut-on lire dans la note. Des tendances similaires sont observées dans d’autres grandes métropoles comme Lyon, la circulation automobile baissant en revanche à Rennes ou Toulouse. »

La fréquentation des TER a aussi fortement augmenté, ce qui peut être expliqué en partie par le télétravail. La SNCF constate en effet une forte augmentation de la fréquentation des TER dans la plupart des régions (+ 21 % en moyenne entre 2019 et 2023 pour l’ensemble du réseau), qui « peut s’expliquer par la hausse du prix du carburant, la montée des préoccupations écologiques et certaines politiques tarifaires et d’adaptation des offres ». Parmi les usagers des TER, 25 % télétravaillent partiellement et 5 % sont des télétravailleurs à temps complet.

Du côté du parc immobilier, « le développement du télétravail (ré)interroge les besoins en matière de logement tant sur le plan de leur conception que de leur localisation ». L’hypothèse selon laquelle le télétravail viendrait détendre le marché immobilier des métropoles à la faveur du déménagement de télétravailleurs dans le périurbain ou les villes moyennes n’est pas vérifiée pour le moment. Cependant, « dans les territoires à forte intensité touristique, le télétravail concourt à l’engouement pour l’achat de résidences secondaires et pour la location en courte durée d’une partie du parc de logements, qui conduit à évincer les résidents locaux. »

Enfin, le télétravail semble favoriser « une réduction partielle des surfaces de bureaux dans les plus grandes métropoles et entreprises ». D’autre part, on observe « une tendance à la relocalisation des bureaux vers les centres-villes au détriment des périphéries qui, lorsqu’elles sont dépourvues d’aménités (transports, services, commerces), connaissent des taux élevés de vacance tertiaire sans perspective de réutilisation rapide des surfaces disponibles. Ces évolutions présentent en outre un risque d’éviction du logement dans les quartiers centraux ou les mieux connectés. »

L’étude mentionne aussi le développement des tiers-lieux qui a fortement progressé (3 500 en 2023, contre 1 800 en 2018). Ces tiers-lieux peuvent être une opportunité pour les territoires non-urbains. « Parmi eux, 28 % se trouvent dans des villes moyennes et 34 % en zone rurale », précisent les auteurs. Cependant, les élus ruraux rencontrés par la mission constatent que « les tiers-lieux proposant des espaces de coworking rencontrent d’importantes difficultés dans la recherche de leur modèle économique et que le télétravail ne représente qu’une part limitée des usagers. »

Un levier pour agir en faveur de l’environnement ? 

Enfin, la note rappelle que les différents travaux s’intéressant aux bénéfices environnementaux potentiels du télétravail montrent que « s’il est très probablement bénéfique pour l’environnement, il n’apportera toutefois qu’une contribution sans doute très limitée à l’atteinte de nos objectifs de décarbonation ». 

« Le développement du télétravail pourrait ainsi venir en appui à d’autres politiques visant la réduction des émissions liées aux déplacements du quotidien mais ne pourra suffire, à lui seul, à relever les défis environnementaux de la décarbonation des transports. » Les auteurs de la note mentionnent soulignent enfin que certaines collectivités territoriales ont développé « des « bureaux des temps » visant à adapter les horaires des services publics et l’organisation temporelle du territoire en prenant mieux en compte les attentes des usagers. La généralisation de ces démarches pourrait maximiser les effets positifs du télétravail, tant sur la qualité de vie des salariés que sur l’aménagement et l’équilibre territorial, en favorisant la lutte contre le dérèglement climatique. »

Consulter la note. 




Interview
David Lisnard : « L'État doit laisser les collectivités agir au plus près du terrain »
À la veille du 106e Congrès de l'AMF, son président, David Lisnard, maire de Cannes, appelle l'État à se recentrer sur ses compétences régaliennes. Il lui demande de supprimer les prélèvements sur les recettes des collectivités, qui bafouent leur autonomie. Et souligne le rôle clé des communes auprès de leurs habitants.

[Retrouvez l'Interview intégrale sur le site de Maires de France].


Le Premier ministre veut bâtir un «nouveau contrat de responsabilité entre l’État et les collectivités ». Or, le gouvernement a annoncé, le 8 octobre, des prélèvements et coupes budgétaires affectant les collectivités. Quelle est votre réaction ?

L’État fait payer aux autres – les entreprises, les collectivités, les particuliers – sa propre incurie et sa mauvaise gestion. L’AMF avait alerté et dénonçait, il y a déjà quinze ans, l’empilement des structures, le culte des grands ensembles, les injonctions contradictoires de l’État et la prolifération normative qui génèrent des milliards d’euros de surcoût, comme l’indique chaque année le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Or, ceux qui ont créé ce système hyper-bureaucratisé voudraient nous le reprocher et nous le faire payer aujourd’hui ! Nous finançons déjà au quotidien, dans l’exercice de nos mandats, la complexité, l’allongement des délais et le coût de ce centralisme.  

Ces mesures sont donc injustes ? Il faut certes redresser les comptes publics mais pas comme cela.

Ces mesures sont le degré zéro de l’imagination et de la pertinence. Le plafonnement de la TVA est un coup majeur porté à la parole de l’État qui s’était engagé à compenser aux collectivités par une fraction de cet impôt la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à l’euro près. L’amputation du Fonds de compensation de la TVA pénalisera la capacité d’investissement des collectivités qui, comme tous les acteurs économiques, ont besoin de stabilité. Il s’agit donc d’une mesure récessive.

Enfin, les 3 milliards d'euros prélevés sur les recettes des collectivités pour abonder un «fonds de précaution » alimenteront en fait un «fonds de spoliation » : l’État prélève de l’argent qu’il doit aux collectivités. Il prend 2 % de nos recettes de fonctionnement. Pour la commune de Cannes (qui, je le répète, à chaque fois, a de grosses charges de centralité et un taux de pauvreté de la population élevé) et sa communauté d’agglomération, cela se traduit par une perte de 10 millions d'euros !

Que préconisez-vous ?

Les prélèvements de l’État sur les collectivités ne constituent pas des mesures d’économies et de bonne gestion car ils ne remettent pas en cause le périmètre de l’action publique et sa nécessaire clarification. Tous les jours, l’État transfère de nouvelles compétences aux collectivités sur la gestion du trait de côte, l’entretien des digues, la sécurité, la petite enfance... L’État poursuit aussi ses injonctions contradictoires : il réduit de 60 % les crédits du fonds vert mais demande aux élus d’investir massivement dans la transition écologique !

Comment les élus peuvent-ils faire ? Cette situation continuera de se traduire soit par de la dette, soit par la baisse de l’investissement, soit par de l’impôt supplémentaire. Il est donc urgent que l’État se réforme et mette fin à l’enchevêtrement des compétences avec les collectivités en se recentrant sur le régalien et en privilégiant le principe de subsidiarité ascendante : laisser les collectivités agir au plus près du terrain, en disposant d’une autonomie financière, et bâtir entre elles des coopérations en fonction des besoins.

Pourquoi l’État ne comprend-il pas que les collectivités sont un relais de croissance ?

Il y a un entre-soi au ministère de l’Économie et des Finances, dans d’autres ministères, à la Cour des comptes. Ceci conduit à une «monoculture », à un conformisme de la pensée très centralisateur et étatiste, producteur de normes. La lutte contre la bureaucratie, que l’AMF prône depuis tant d’années, est confiée à ceux qui la produisent ! Il y a donc un problème. La haute administration ne comprend pas quand les élus locaux lui parlent de libertés communales, de libre administration et de subsidiarité.

Quel crédit accordez-vous au gouvernement ?

Le gouvernement actuel est en apnée car il pare aux urgences budgétaires et je doute qu’il inverse cette tendance centralisatrice en dépit de la présence de ministres qui connaissent très bien les collectivités. J’espère cependant que ces derniers parviendront à imposer un retour au bon sens et à convaincre que l’assainissement des comptes publics ne peut passer que par la liberté et la responsabilité locales. Autrement dit, par le transfert aux communes des compétences de proximité avec des moyens. Je rappelle qu’en dix ans, les communes ont perdu un tiers de la dotation globale de fonctionnement (DGF) censée leur revenir. Cela doit cesser. Le gouvernement doit engager des réformes de structures qui nécessitent d’avoir une légitimité politique et du temps. Or, il n’a ni l’une, ni l’autre.  

Que peut faire l’AMF ?

Nous allons nous mobiliser pour obtenir la suppression des mesures pénalisant les budgets locaux car les communes ne sont pas le problème des comptes publics et ne sont pas responsables de leur dégradation. L’AMF va faire des propositions concrètes d’économies : allégement des normes, de la planification, des lourdeurs administratives et procédurières, des contraintes administratives et règlementaires qui coûtent une fortune aux collectivités en ingénierie interne ou externe.

Il faut abroger des décrets coûteux qui obligent, par exemple, les collectivités à équiper tous leurs bâtiments de thermostat pour un coût de 1,1 milliard d’euros ou les nouvelles obligations imposées aux élus comme celle d’amortir les investissements dans le domaine de la voirie qui génèrera 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires au 1er janvier 2025.  

Les communes n’ont quasiment plus de levier fiscal. Que proposez-vous pour restaurer leur autonomie ?

Pour redonner des moyens d’agir aux communes tout en associant et en responsabilisant les citoyens, sans faire payer exclusivement les propriétaires, l’AMF propose de remplacer le système actuel par une contribution résidentielle universelle. Cette contribution permettrait aux communes de ne plus être sous la perfusion financière d’un État surendetté qui a supprimé quasiment toute la fiscalité locale et de rétablir de l’équité fiscale. La conséquence sera, à terme, de baisser les prélèvements obligatoires par la responsabilité fiscale des élus locaux et d’alléger aussi le budget de l’État, qui a accru son déficit en supprimant des impôts locaux (TH, CVAE…) qu’il doit désormais compenser aux collecti­vités en puisant dans les impôts nationaux, avec beaucoup de gaspillage bureaucratique.

Vous soulignez également un enjeu démocratique…

Absolument. Aujourd’hui, environ la moitié des habitants ne paie plus d’impôt local, l’autre moitié est constituée de propriétaires qui paient la taxe foncière et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il faut recréer un système de responsabilité locale et impliquer les citoyens dans la gestion de la commune, leur expliquer le coût réel des services publics dont ils bénéficient en tant qu’usagers. Ils comprendront que la gratuité n’existe pas. Le lien fiscal entre la commune et ses administrés, distendu aujourd’hui, doit être restauré car c’est aussi un lien civique et démocratique.    

L’État semble prêt à assouplir l’application du zéro artificialisation nette (ZAN). Cela vous rassure-t-il ?

Il faut changer la loi. La loi Climat et résilience [du 22 août 2021], comme l’AMF l’avait pressenti et annoncé, est une loi à fragmentation bureaucratique, inapplicable en l’état, qui entrave la liberté et le développement local, et ne permettra pas de lutter contre l’artificialisation des sols. Les communes et intercommunalités refusent la tutelle de l’État et celle des régions via les Sraddet. Il faut sortir de cette vision descendante du ZAN et partir des projets des communes et EPCI en incitant les élus à pratiquer l’optimisation foncière, avec des clauses de revoyure et un système de bonus-malus, sans remettre en cause les pouvoirs d’urbanisme des maires.

L’AMF a formulé des propositions concrètes sur le sujet. Nous sommes à la disposition du gouvernement pour engager cette nouvelle méthode de travail.   





L'épidémie de dengue est déclarée en Guadeloupe 
La Guadeloupe est passée « en phase épidémique pour la dengue » avec un sérotype rare qui pourrait provoquer « un nombre élevé de cas », selon un communiqué officiel diffusé jeudi soir appelant à tout mettre en oeuvre pour « minimiser » l'impact de la maladie. 

Réuni dans la journée, le comité de gestion présidé par le préfet de région a acté « le passage en phase épidémique pour la dengue », précise ce communiqué commun de la préfecture, de l’association des maires de Guadeloupe et de l’Agence Régionale de Santé de Guadeloupe et des îles du Nord.

Les autorités lancent « un appel à la mobilisation de tous les acteurs impliqués » dans la lutte « pour tenter de minimiser l’impact de cette maladie » dans les semaines à venir.

Cette année, « un sérotype du virus de la dengue qui a peu circulé ces vingt dernières années », le DENV3, fait redouter aux autorités des « risques de forme grave » et « un nombre élevé de cas » si des « actions résolues de lutte ou de prévention ne sont pas mises en œuvre », selon le communiqué. Parmi 62 échantillons analysés entre fin septembre et mi-octobre, « 97% sont DENV3 », selon le dernier bulletin de Santé Publique France.

Le seuil saisonnier des cas cliniques (80 cas hebdomadaires) est très largement dépassé. Fin octobre, il était estimé à 540 en médecine de ville, soit plus du double qu’en septembre. À l’hôpital, Santé Publique France a relevé le mois dernier « en moyenne 40 passages hebdomadaires aux urgences pour suspicion de dengue, contre 25 en septembre ».

Le communiqué commun des autorités a rappelé qu’il était « primordial » de lutter contre les eaux stagnantes qui permettent aux larves du vecteur de la maladie, le moustique, de se développer.  Ces eaux stagnantes sont souvent « situées autour ou dans les habitations » et peuvent avoir été « alimentées par les fortes pluies récentes », souligne le communiqué.

Les autorités préconisent par ailleurs « le port de vêtements couvrants et amples », l’utilisation « d’un produit répulsif homologué » et le recours à des moustiquaires pré-imprégnées.

Le territoire fait en outre face à l’émergence d’un nouveau type de moustique « hautement compétent pour transmettre toutes les arboviroses (dengue, chikungunya, zika) », selon un communiqué publié fin octobre de la collectivité et l’Agence de Santé. Ces larves d’Aedes Albopictus ont été repérées pour la première fois dans le quartier de Lorient, à Saint-Barthélémy, au nord de la Guadeloupe, avait-il été précisé.

La dengue, qui peut provoquer une forte fièvre, des courbatures et de la fatigue, est une maladie infectieuse potentiellement mortelle.






Journal Officiel du vendredi 15 novembre 2024

Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques
Décret n° 2024-1022 du 13 novembre 2024 portant diverses mesures relatives à la sécurité des réseaux, des canalisations de transport ou de distribution de gaz, d'hydrocarbures ou de produits chimiques et de certains équipements à risques
Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques
Décret n° 2024-1023 du 13 novembre 2024 portant application de l'article 40 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables

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