Édition du mardi 12 novembre 2024 |
Sécurité
Le gouvernement présente son plan contre le narcotrafic
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Face à « l'explosion incontrôlée » des crimes et délits liés au trafic de drogue, les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont présenté, vendredi 8 novembre, une série de mesures et l'ébauche d'un projet de loi, prévu pour le début de l'année 2025.Â
« Conjurer le sort, prouver qu’il n’y a pas de fatalité et montrer que la volonté politique est une arme puissante pour lutter contre la criminalité organisée. » Tel était l’objectif du déplacement de Bruno Retailleau et Didier Migaud à Marseille, vendredi dernier, pour indiquer leurs orientations dans la lutte contre le crime organisé en général et le narcotrafic en particulier.
« Nécessaire sursaut »
Le phénomène des violences liées au trafic de drogue prend des proportions de plus en plus inquiétantes, dont l’apogée a sans doute été atteint à Marseille, début octobre, lorsque l’on a appris que le tueur à gage accusé du meurtre d’un chauffeur de VTC, dans une affaire de règlement de comptes entre bandes de trafiquants de drogue, était âgé de 14 ans.
Cette affaire a fait l’effet d’un électrochoc, qui a obligé l’exécutif à réagir. Le garde des Sceaux, tout en réfutant le terme très utilisé ces derniers temps de « mexicanisation » de la société française (il faut rappeler, pour raison garder, que les violences liées au narcotrafic font environ 40 000 morts par an au Mexique), a dénoncé une menace « multiforme, grandissante, tentaculaire (…), qui sape les fondements de notre République » et appelle à « un nécessaire sursaut ». Bruno Retailleau a, lui, parlé d’une « pieuvre qui menace les intérêts fondamentaux de notre nation ».
Le plan des deux ministres est constitué de deux phases : l’une, « immédiate » – donc à droit constant ; l’autre, de plus long terme, avec « de nouveaux outils législatifs ». Ces deux phases s’inspirent très largement des propositions du rapport des sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain, rendu en mars dernier, dont « 95 % » des propositions ont été retenues.
Campagne choc
Pour ce qui concerne la première phase, Didier Migaud veut d’abord mettre l’accent sur la prévention, rappelant qu’il « n’y a pas de trafic de stupéfiants sans consommateurs ». Il souhaite un « électrochoc » pour faire comprendre aux consommateurs des conséquences de leurs actes, dans la droite ligne des propos de Bruno Retailleau, quelques jours auparavant, qui déclarait dans la presse : « Fumer un joint, c’est deux balles dans la tête d’un enfant de 5 ans, c’est ce jeune qui a été lardé de 50 coups de couteau et brûlé vif. » Une campagne « choc » d’information va être diffusée par le gouvernement, et ce « ne sera pas de l’eau tiède », a promis le ministre de l’Intérieur. Le garde des Sceaux a également demandé que les amendes pour les consommateurs soient mieux appliquées.
Il a ensuite déroulé les autres mesures de la première phase : « des moyens pour investiguer », « des moyens pour poursuivre » (avec notamment la création d’une « cellule de coordination nationale chargée de dresser un état de la menace, fixer une stratégie et la mettre en œuvre »), « les moyens de juger » (5 postes supplémentaires de juges seront créés), et enfin « les moyens de punir ». Le ministre prévoit notamment la création de « quartiers spécifiques » au sein de certaines prisons pour « isoler » les narcotrafiquants, avec dispositifs de brouillage des téléphones portables et « dispositifs de lutte anti-drones ».
Parquet national
Dans un deuxième temps, donc, le gouvernement présentera un projet de loi ou reprendra à son compte la proposition de loi des sénateurs Durain et Blanc. L’une des principales mesures envisagées est de créer « un parquet national » dédié au narcotrafic, voire plus largement au « crime organisé », sur le modèle du parquet national antiterroriste. Didier Migaud souhaite également mettre en place des cours d’assises spéciales – comme c’est le cas, là encore, pour le terrorisme – qui seraient composées uniquement de magistrats professionnels, sans jury populaire. « Cette professionnalisation des cours vise à éloigner le risque de pression exercé sur les jurés en vue d’orienter la décision judiciaire finale. »
Enfin, le gouvernement a décidé de recourir plus largement aux « repentis » (« collaborateurs de justice »).
Rappelons que le congrès de l’AMF sera, la semaine prochaine, l’occasion de débattre de ce sujet, puisqu’un forum aura lieu mercredi 20 novembre sur « les maires face au trafic de stupéfiants », en présence notamment des sénateurs Jérôme Durain et Étienne Blanc et de Grégoire Dulin, procureur de la République du tribunal d’Évry (Essonne). Le ministre chargé de la Sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, devrait conclure cette séance.
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Social
Une situation économique et sociale de plus en plus tendue
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Le ministre chargé de l'Industrie, Marc Ferracci, a rajouté à l'ambiance d'inquiétude générale sur la situation économique et sociale en déclarant, samedi, que les plans sociaux à venir vont « se compter en milliers d'emplois ». Parallèlement, la situation sociale se tend avec plusieurs grèves annoncées.Â
« Des annonces de fermetures de sites, il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent. Ça va se compter en milliers d’emplois. » Les propos peu optimistes de Marc Ferracci, samedi matin sur France inter, ont été la conclusion d’une semaine marquée par les annonces de la fermeture de deux usines Michelin et de 2 400 licenciements chez Auchan. Mais en réalité, cela fait plusieurs semaines que les experts économiques alertent sur une brutale dégradation de la situation économique.
Record de défaillances d’entreprises
Dès le mois de septembre, l’Insee a alerté sur un nombre de défaillances d’entreprises inquiétant au premier semestre (+ 18 %). Des chiffres qui se confirment en fin d’année, puisque plusieurs organismes, dont l’OCDE, estiment que le nombre de défaillances d’entreprises pourraient atteindre les 66 000 fin 2024, ce qui constituerait un triste record : même après la crise des subprimes de 2008, ce nombre n’avait pas été atteint (64 000 défaillances d’entreprises en 2009).
Les conséquences risquent d’être lourdes en termes d’emplois : l’OCDE chiffre à 150 000 le nombre de « destructions nettes d’emplois » qui pourraient intervenir l’an prochain. Car si l’année 2024 a été mauvaise, 2025 risque d’être pire encore, selon les économistes. Entre la situation géopolitique qui continue de s’aggraver, l’élection de Donald Trump qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour les exportations vers les États-Unis du fait de l’augmentation des droits de douane, la concurrence exacerbée de l’industrie chinoise, la crise de l’immobilier qui s’enlise… les indicateurs sont loin d’être au vert.
Sans compter, là encore de l’avis des experts, que la situation budgétaire de la France aura elle aussi des impacts sur l’économie : entre l’État qui diminue drastiquement le budget des ministères et les collectivités territoriales qui se voient ponctionnées de plus de 10 milliards d’euros, c’est la capacité d’investissement publique tout entière qui va être amputée. « Quelles que soient les mesures budgétaires finalement adoptées en loi de finances, les entreprises subiront les conséquences de la baisse des dépenses publiques », expliquait ainsi l’un des dirigeants du cabinet Deloitte dans La Tribune il y a quelques jours, ajoutant que l’incertitude est telle que « les investissements sont presque tous suspendus en France depuis quelques mois ».
Solutions timides
Pour l’instant, le gouvernement semble comme paralysé par la dégradation brutale de tous les indicateurs, sans proposer de solution qui semble à la hauteur. Marc Ferracci a bien évoqué, samedi, « une meilleure gouvernance des aides publiques » ou « des mécanismes de soutien à la filière automobile », mais ces solutions apparaissent bien timides face à la crise. Et peut-être contre-productives : selon plusieurs experts, les aides massives accordées aux entreprises lors de la crise du covid-19 ont, paradoxalement, fragilisé celles-ci. Si des dizaines de milliers de défaillances ont été évitées pendant cette période grâce au flot de liquidités issues du « quoi qu’il en coûte », certaines entreprises n’ont survécu que sous respiration artificielle et en payent le prix aujourd’hui, au moment où il s’agit de rembourser les prêts garantis par l’État.
Quant à un grand plan de relance, il semble inimaginable aujourd’hui au vu du niveau stratosphérique du déficit de l’État. Sauf à ce que ce plan de relance vienne de l’Europe, ce que semble espérer Marc Ferracci, qui a évoqué un « emprunt commun européen » pour financer des « mécanismes de soutien ».
Situation sociale tendue
La situation sociale semble également s’être brusquement tendue ces derniers jours. Chez Michelin, à Cholet, l’usine est en grève depuis l’annonce de la fermeture et le ministre Marc Ferracci, venu discuter avec les grévistes, a été reçu dans une ambiance si tendue qu’il a dû être exfiltré au bout de quelques minutes.
Du côté des agriculteurs, le feu semble couver sous la cendre, à quelques jours du G20 qui va se tenir à Rio, au Brésil, et lors duquel l’accord sur le Mercosur (accord de libre-échange entre l’Union européenne et cinq pays d’Amérique du sud) devrait être signé. Tous les syndicats agricoles promettent une reprise du mouvement de protestation des agriculteurs en cas de signature de cet accord – la FNSEA ne parlant pas de ligne rouge mais de « ligne écarlate », la Coordination rurale pronostiquant « une révolte agricole sans précédent » et le « blocage du fret alimentaire », à partir du 19 novembre.
Il faut peut-être également s’attendre à une fin d’année tendue à la SNCF, avec un premier appel à la grève pour le 21 novembre, prélude à un appel à la grève « illimitée » à partir du 11 décembre déposé par les quatre syndicats représentatifs de l’entreprise, pour s’opposer à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire et à ce qu’ils estiment être « la privatisation du fret ferroviaire ».
Au mois de novembre toujours, le 14, c’est également le secteur aérien qui sera touché par une grève, à l’appel des pilotes de ligne, pour protester contre la nouvelle taxe sur le transport aérien prévue dans le projet de loi de finances.
Enfin, y aura-t-il d’ici la fin de l’année un important mouvement de grève des fonctionnaires, en réponse aux annonces du gouvernement sur les jours de carence dans la fonction publique ? Les syndicats semblent le souhaiter – sans que l’on puisse savoir aujourd’hui si un tel mouvement serait suivi par les agents.
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Logement
Passoires thermiques : des députés veulent assouplir les interdictions de location prévues à partir de janvier
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Soutenue par le gouvernement, la proposition de loi prévoit que les logements classés G ne soient pas retirés du marché locatif si les propriétaires ont réalisé tous les travaux « techniquement et juridiquement possibles ». Ils pourraient être aussi exemptés lorsqu'il y a un « blocage » de la part des copropriétaires ou du locataire.
À deux mois de l'interdiction à la location d’une partie des logements les plus énergivores, deux députés viennent de déposer une proposition de loi transpartisane afin d’apporter une certaine « souplesse » et une série d’aménagements juridiques à loi « Climat et résilience », promulguée en 2021.
Soutenu par le gouvernement qui a engagé, vendredi, la procédure accélérée sur ce texte, celui-ci prévoit que les logements en copropriété les plus énergivores ne soient pas retirés du marché locatif si des travaux de mise en conformité sont en cours, mais aussi lorsqu’il y a un « blocage » de la part des copropriétaires ou si le locataire y « fait obstacle ».
Risque de contentieux
Les députés des Deux-Sèvres et des Pyrénées-Atlantiques, Bastien Marchive (apparenté au groupe macroniste) et Iñaki Echaniz (PS), comptent ainsi éviter les risques de litiges qui entourent les obligations liées à la rénovation énergétique des logements locatifs. Pour rappel, à compter du 1er janvier 2025, les logements classés G (les plus énergivores et les plus émetteurs de gaz à effet de serre) seront interdits à la location. Suivront ceux classés F en 2028, puis les E en 2034.
Au regard des délais particulièrement serrés, les deux députés ont demandé l'inscription du texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale « courant décembre, pour une entrée en vigueur dès le début de l'année prochaine ». Celui-ci a de bonnes chances de passer puisqu’il existe un certain consensus autour de cette question, à l’exception du RN qui défend la suppression totale des contraintes liées aux obligations de décence énergétique. Face à l’hostilité des députés, il a d’ailleurs dû retirer, il y a une dizaine de jours, l’un de ses textes allant dans ce sens, après que celui-ci a été totalement vidé de sa substance dans l'hémicycle.
« Il apparait nécessaire de préciser les modalités d'application de ce dispositif pour éviter de potentiels contentieux et un retrait du marché d'un nombre conséquent de logements » alors que le secteur est en pleine crise, est-il expliqué, dans un communiqué publié sur X par Bastien Marchive.
Nouveaux baux uniquement
La ministre du Logement, Valérie Létard, avait déjà plaidé, début octobre, pour une adaptation du calendrier du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les copropriétés. Si elle ne souhaitait pas changer le calendrier, elle reconnaissait que sa mise en œuvre « pose un réel problème » à ces dernières, assurant que « les conditions ne sont pas réunies pour qu'elles puissent s'y conformer ».
Dans ce cadre, Bastien Marchive et Iñaki Echaniz ont, d'abord, inscrit dans leur texte une précision qui prévoit que l’interdiction de louer des logements classés G ne sera valable « qu’aux contrats nouvellement conclus ». « Pour les contrats en cours au 1er janvier, l'interdiction ne viendrait alors plus s'appliquer qu'à partir du renouvellement ou de la tacite reconduction », expliquent-ils dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi.
Travaux en cours ou impossibles
Ils proposent également que les logements classés G (mais aussi F et E lorsqu’ils seront interdits à la location) ne soient pas retirés du marché locatif si le propriétaire a « réalisé tous les travaux de rénovation énergétique techniquement et juridiquement possibles ».
« Cette mesure sécurise le fait que tous les travaux de rénovation énergétiques réalisables au regard des contraintes qui s’appliquent au logement ont été entrepris, sans les conditionner au respect d’un objectif par nature inatteignable », détaillent les députés. Une disposition qui ne s’appliquerait, toutefois, pas aux logements classés G+ (ceux qui présentent une consommation d'énergie finale supérieure à 450 kWh par mètre carré et par an), particulièrement énergivores et considérés comme indécents depuis le 1er janvier 2023.
De la même manière, dans le cas des copropriétés, les logements jugés énergétiquement indécents seront aussi exemptés de l’interdiction de mise en location si des travaux de mise en conformité sont en cours. Plus précisément, cette exonération s’appliquera « le temps de la réalisation des travaux lorsque ces derniers ont été votés par le syndic de copropriété ».
Autres exceptions, les logements classés G ne seront pas retirés du marché locatif lorsqu’il y a un « blocage » de la part des copropriétaires ou si le locataire « fait obstacle » à la rénovation thermique du logement en empêchant le propriétaire de réaliser les travaux nécessaires.
« Le cas où un copropriétaire se verrait dans l’impossibilité de mettre aux normes son logement en raison d’un refus de l’assemblée générale des copropriétaires de réaliser ces travaux n’est pas traité par la loi "Climat et Résilience" », rappellent ainsi les députés, estimant « jusqu’à 250 000 logements situés en copropriétés [qui] pourraient se trouver dans cette situation au 1er janvier 2025, et seraient ainsi menacés d’interdiction de location ».
La loi « Airbnb » définitivement adoptée
Afin de préserver les droits des locataires à vivre dans un logement décent, les deux députés prévoient, cependant, la possibilité pour le juge de minorer le loyer du montant des charges énergétiques « jusqu’à l’exécution des travaux » nécessaires.
Il est enfin prévu d'intégrer les obligations de rénovation énergétique dans le plan pluriannuel de travaux dont doivent obligatoirement se doter les immeubles en copropriété de plus de 15 ans afin d'assurer leur réalisation à terme.
On peut également rappeler qu’un autre texte transpartisan – très attendu – sur les meublés de tourisme, porté là aussi par les socialistes et les macronistes, vient d’être adopté définitivement la semaine dernière. Si celui-ci doit encore être promulgué, il accordera des pouvoirs étendus aux maires et amputera la niche fiscale « Airbnb ».
Les parlementaires se sont ainsi accordés pour, notamment, autoriser les élus locaux à abaisser à 90 jours par an la durée maximale d'une location saisonnière et à créer des zones réservées aux résidences principales.
Consulter la proposition de loi.
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Assurances
Assurances des collectivités : la réflexion avance
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Un colloque organisé par l'Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale sur le sujet a permis de discuter de nouvelles solutions pour permettre de développer la concurrence sur ce marché atone.
[Article initialement paru sur le site de Maires de France.]
Un certain nombre de collectivités rencontrent toujours des difficultés pour trouver une assurance. L’échéance du 1er janvier 2025, date de renouvellement de nombreux contrats, tend encore davantage le marché en cette période. Qui plus est, lors des dernières semaines, des assureurs (en particulier étrangers) se sont désengagés du marché des assurances automobiles.
Depuis plus d’un an, la prise de conscience nationale des risques encourus par les collectivités qui ne trouvent plus d'assurance a conduit à la publication de plusieurs rapports et à l’entame de travaux de révision du guide pratique des marchés publics d’assurances par la direction des affaires juridiques de Bercy. La sortie de ce guide est annoncée pour le printemps prochain. Hormis cela, la dissolution de l’Assemblée nationale a retardé un certain nombre de discussions. Des contacts auraient cependant été rétablis entre les différents acteurs et le gouvernement. Le dossier serait même directement traité par le cabinet du Premier ministre.
Un sujet devenu politique
C’est dans ce contexte que s’est tenu, à Paris le 6 novembre, le 23e colloque de l’Observatoire SMACL consacré aux enjeux assurantiels et à la gestion des risques dans les collectivités. La rencontre affichait complet avec 400 participants, dont des élus. « Le sujet a pris une dimension politique », a d’ailleurs commenté d’emblée Jérôme Baloge, maire de Niort et président de SMACL Assurances, en ouverture du colloque.
L’élu niortais a aussi rappelé que SMACL Assurances avait été « créée il y 50 ans par des élus locaux pour mutualiser le risque ». Une manière d’expliquer aux néophytes du sujet qui la réclamaient il y a quelques mois que « l’assurance des élus et des dirigeants locaux » existe déjà. Certes, elle relève du secteur privé, mais a une conception « mutualiste », que possède également la MAIF, pour Jérôme Baloge, la MAIF étant l’assurance qui a repris et recapitalisé SMACL Assurances pour lui éviter la faillite.
Concurrence
Cette année encore, l’assurance historique des collectivités (avec Groupama) se situe en zone dangereuse. Si bien qu’elle cherche à tout prix à ramener des concurrents sur ce marché. « Nous ne pouvons pas assurer toutes les collectivités, ont martelé tout au long de la journée ses représentants. Il faut partager le risque. Et trouver des solutions pour les collectivités. » L’objectif est clair.
Ce d’autant que les risques pour les collectivités augmentent en nombre et en nature : dérèglement climatique, émeutes (à l’été 2023 dans l’hexagone, en Outre-mer aujourd’hui), cyberdélinquance, risques industriels, juridiques, etc. Mais aussi transferts de charges et de risques liés aux transferts de compétences entre l’État et les collectivités (digues domaniales depuis janvier 2024, voirie...).
Connaissance du patrimoine
Aussi l’un des principaux conseils ressorti de la journée consiste à travailler sur la connaissance des risques existants et sur la connaissance du patrimoine à assurer. « Quel est l’actif de nos collectivités ? Nous n’avons pas l’habitude de travailler ainsi, admet Alain Chrétien, maire de Vesoul, co-auteur d’un rapport sur l’assurance des collectivités, et vice-président de l’AMF. C’est un travail de fourmi ».
Réaliser l’inventaire précis de son patrimoine signifie faire un état comptable des actifs, qu'il faut confronter « à des données plus anciennes relatives à ces actifs qui existent forcément quelque part dans des fichiers Excel, Word ou autres dans la collectivité, détaille Thimothée Dumortier, chef de service immobilier au conseil départemental du Vaucluse pour lequel il a réalisé un inventaire. Depuis 2023, tout propriétaire, collectivités comprises, peut voir la liste de ses biens sur le site des impôts. Le cadastre, également accessible en ligne, donne également des indications. Cela fait déjà quatre inventaires à confronter. Ensuite, il est possible de se rapprocher des services de la publicité foncière pour vérifier la propriété d’un bien. Attention à ne pas oublier tout ce qui est bail emphytéotique, biens issus de la décentralisation ».
Culture du risque
Connaître les risques, c’est aussi avoir une culture du risque, « encore trop peu développée », de l’avis de nombreux intervenants. Réaliser des tests grandeur nature, faire réaliser des diagnostics, répondre à un questionnaire, communiquer auprès de la population… concourent à cultiver cette culture du risque, pour mieux anticiper.
La gestion des risques est autre pan à travailler. Avec l’aide éventuelle d’un « risk manager » (gestionnaire de risque) qui « cotera » celui-ci ou à tout le moins un agent référent qui aura une vision d’ensemble des risques et qui pourra suivre l’état des risques et être le contact des assureurs. Gérer un risque, c’est également apprendre à faire des choix, parfois politiques et peu acceptables par une population. Par exemple dans le cas des digues. « Une digue finira toujours par rompre, explique Albane Guignard Martin, directrice du syndicat Seine Normande. Une bonne digue est celle qui va protéger contre les crues décennales, pas contre une crue centennale. Pour éviter que la digue ne casse, ce qui pourrait entraîner des conséquences sur les vies humaines, nous inondons certaines zones aval (gestion classique des digues), donc nous créons des dommages aux biens. Mais nous ne savons pas ce que l’on risque d’un point de vue assurantiel. Il y a quelques temps, les relations avec les habitants ont été tendues jusqu’à l’agression d’agents car des habitations ont été inondées ».
Dommage aux biens ou risque pénal
« Vous vous prémunissez contre le risque pénal car vous sauvez des vies », a rassuré l’avocat Éric Landot. Là se situe un autre aspect à anticiper dans la gestion de risques, notamment pour les élus qui décident d’une action ou d’une autre en fonction du coût et des conséquences. Au-delà de la gestion des risques juridiques, de contentieux, pointe le risque pénal pour l’élu qui aurait pris les mauvaises décisions ou n’aurait pas pris en compte certains risques pesant sur la vie humaine.
Dans ces conditions, trouver une assurance relèverait presque du miracle. C’est l’une des raisons pour lesquelles « il est important de rétablir la confiance entre le monde de l’assurance et les collectivités car il nous faut trouver des solutions, exhorte Alain Chrétien. Nous assurons des services publics ». L’heure n’est plus au débat sur lequel, du Code de l’assurance ou du Code de la commande publique, l’emporte juridiquement, mais à l’opérationnalité qui ne peut passer que par le dialogue entre les parties, selon nombre de participants au colloque de l’Observatoire.
Rétablir le dialogue
Cela peut commencer par exemple par des marchés publics à procédure négociée (et non plus des appels d'offres), avec des cahiers des charges précis sur les biens à assurer et qui mettent en avant toutes les initiatives de la collectivité en matière de prévention des risques. Les candidats aux marchés pourront ainsi percevoir comment la personne publique appréhende le risque. Certains acteurs réclament un cahier des clauses administratives générales dédié à l’assurance pour faciliter les procédures. D’autres prônent la prise en charge en auto-assurance par les collectivités des sinistres les moins importants (comme un bris de glace sur un véhicule), laissant les plus gros à la charge des assureurs et les dégâts exceptionnels comme les catastrophes naturelles ou les émeutes à un fonds spécifique national.
Des solutions existent. Les réflexions ont largement avancé depuis un an. Reste à passer à la phase opérationnelle. Au terme du colloque de l’Observatoire SMACL, élus et assureurs avaient « espoir » d’y arriver prochainement.
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Aménagement numérique du territoire
Fibre : un dispositif expérimental pour les raccordements complexes prévu dans le projet de loi de finances 2025
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Une ligne budgétaire a été prévue dans le projet de loi de finances 2025 pour expérimenter à hauteur de 16,1 millions d'euros un dispositif expérimental de financement des raccordements complexes privés. C'est une recommandation d'un rapport du Conseil général de l'économie (CGE), rendu public il y a quelques jours.
Alors que le chantier de déploiement de la fibre avance et que l’objectif du 100 % fibre devait être atteint en 2025, les raccordements restants sont complexes et plus coûteux, plus longs et plus difficile à déployer. Dans certaines communes, les derniers mètres pour amener la fibre jusqu'aux habitations ne sont en effet pas si simples. Des travaux chez les particuliers sont parfois nécessaires et ils peuvent être particulièrement coûteux, allant jusqu’à plusieurs milliers d’euros parfois – la charge financière totale revenant au particulier.
Pour apporter une réponse à ce problème des raccordements complexes dans le domaine privatif, le gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2025 16,1 millions d'euros pour soutenir le lancement d’un dispositif expérimental de soutien au financement des raccordements complexes en domaine privé.
La question des raccordements complexes sur un domaine privé a fait l’objet d’un rapport spécifique du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGE) réalisé en avril dernier mais publié la semaine dernière. Ce dernier prévoit notamment la mise en place de ce dispositif de soutien.
Jusqu’à 1,8 million de raccordements complexes à réaliser
Dans ce rapport, le CGE a mené une évaluation du nombre et du coût des raccordements complexes en domaine privé restant à réaliser. Les auteurs rappellent d’abord que l’évaluation du nombre de raccordements complexes en domaine privé présente des difficultés notamment car « les raccordements complexes ne peuvent pas être identifiés a priori » et « le sont uniquement lorsque le technicien chargé de réaliser le raccordement rencontre un obstacle pour installer la fibre optique sur le domaine privé et que ceci se traduit par un échec de l’opération de raccordement ».
Cependant, à partir des données des opérateurs, le CGE estime que ces raccordements complexes chez les particuliers représenteraient « un total de 1,4 à 1,8 million de raccordements complexes » soit 6 % à 8 % des locaux privés.
Concernant le coût de ces travaux, selon le CGE, environ la moitié de ces raccordements complexes « correspond à des travaux légers d’un coût inférieur à 200 euros ». Dans la plupart des cas, l’intervention est simple : « Il s’agit typiquement de nettoyer une gaine obstruée pour permettre le passage de la fibre optique ». « La plus grande partie du reste concerne des travaux d’importance limitée, pour un coût de l’ordre de 300 à 600 euros, mais pouvant atteindre des montants plus élevés – de l’ordre de 1 000 € voire plus – selon la configuration du terrain et la nature des opérations à effectuer. Il s’agit, par exemple, une fois le point de blocage localisé, de procéder à une fouille sur quelques mètres pour réparer une gaine endommagée. » Enfin, « les travaux très coûteux, impliquant la création de génie civil, sont très minoritaires » et ne concerneraient que 2 à 3 % des raccordements.
L’évaluation du coût total des raccordements complexes au très haut débit à réaliser est donc comprise entre 640 millions d’euros et 1,05 milliard d’euros. Ainsi, les 16,1 millions d'euros débloqués par l‘État pour 2025 paraissent anecdotiques.
Une aide particulièrement restrictive
Dans son rapport, le CGE considère que « l’État ne doit pas s’abstenir d’agir » et propose que soit élaboré un dispositif prenant en compte la capacité des personnes concernées à payer les travaux (enjeu des foyers à faibles revenus), à travers des conditions de ressources, et un système de plafonnement du soutien complet à un référentiel de prestation à soutenir.
A l’occasion d’une réunion de la commission des affaires économiques, Jérôme Nury, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Communications électroniques et économie numérique », a précisé que si le « dispositif prévu dans le présent projet de loi de finances pourrait paraître insuffisant, le montant budgété n’étant que de 16 millions d’euros ; il [lui] semble au contraire adapté, dans la mesure où il est expérimental et où il ne revient sans doute pas à l’État d’absorber la totalité du surcoût dans le domaine privé. »
Si le dispositif n’est pas encore détaillé par le gouvernement, le rapport du CGE préconise lui que les raccordements inférieurs à 200 euros soient tout bonnement pris en charge par les opérateurs et que l’aide de l’État soit subordonnée « à des conditions de ressources » pour « limiter les effets d’aubaine, c’est-à-dire la prise en charge par un dispositif d’aide de dépenses qui auraient de toute façon été effectuées par les personnes concernées en l’absence de ce dispositif ». Le nombre de bénéficiaires du dispositif ou les travaux prix en charge seront dont particulièrement limités. Le CGE recommande également un « plafond d’aide fixé à 1 500 euros ». De même, les résidences secondaires pourraient être exclues de cette aide tout comme « les travaux en intérieur ».
Si toutes les recommandations du CGE sont suivies par le gouvernement pour mettre en place cette aide, les surcoûts liés aux raccordements complexes pour les particuliers ne seront que partiellement pris en charge par l’État.
Une réponse trop partielle du côté de l'État
Pour le reste, le CGE compte largement sur l’implication des opérateurs et des collectivités, comme c’est le cas depuis plusieurs années déjà.
Il faut rappeler qu’en mars 2024, une solution mutualisée, provisoirement nommée GCco, faisant office de péréquation, avait été annoncée « pour le portage des investissements nécessaires aux raccordements complexes » en domaine public. Le gouvernement devait mettre en place une solution mutualisée de l’investissement en génie civil pour ces raccordements, grâce au soutien de la Caisse des dépôts. Finalement, cette solution n’a pas abouti « faute de consensus unanime et de portage politique du sujet ». La situation est donc figée et s’enlise depuis. Pourtant, le CGE compte sur cette solution GCco pour proposer une offre de pré-raccordement en domaine privé et pour prendre en charge la réalisation du génie civil nécessaire dans des zones où celui-ci n’existe pas.
Enfin, dans son rapport, le CGE propose aussi d’associer au dispositif d’aide aux raccordements complexes en zones privées les collectivités territoriales qui ont déployé des réseaux de fibre optique dits « d’initiative publique ». « Dans ce contexte, leur association au dispositif pourrait prendre la forme d’une participation financière, directe ou indirecte (via la fiscalité) » et/ou « de la prise en charge d’une partie de l’information du public, avec lequel elles sont naturellement en contact ; ceci faciliterait notamment l’abondement du dispositif par les collectivités qui souhaiteraient le faire (par exemple dans le cadre de l’aide sociale) ».
Si cette piste était suivie par le gouvernement, elle ferait peser une énième charge sur les collectivités qui devront déjà encaisser les coupes budgétaires prévues dans le projet de loi de finances 2025 concernant le Plan France très haut débit, les crédits de paiement passant de 464 millions d'euros alloués en 2024 à 247 millions d’euros.
Concrètement, l’État, par le biais de ce dispositif, va subventionner une petite partie des raccordements complexes mais continue de se reposer largement sur les collectivités et les opérateurs. Un choix politique qui menace de fait l’égalité et la solidarité territoriale puisque les collectivités ne pourront pas gérer seules et de la même manière les problèmes de raccordement chez les particuliers.
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Journal Officiel du dimanche 10 novembre 2024
Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques
Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques
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