Édition du jeudi 7 novembre 2024 |
Budget de l'état
De nouvelles coupes budgétaires annoncées, les collectivités encore touchées
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Afin de contenir le dérapage budgétaire annoncé en 2024, l'exécutif vient de présenter 5,6 milliards d'euros de nouvelles économies. Le Fonds verts et les crédits alloués aux collectivités sont notamment ciblés, bien que d'autres devraient être débloqués, notamment pour la Nouvelle-Calédonie.
Après les quelque 10 milliards d’euros de suppression de crédits réalisés en début d’année, ce sont 5,6 milliards d’euros supplémentaires que le gouvernement compte, cette fois, bien annuler pour l’année 2024. Ce qui représenterait au total 15 milliards d’euros de coupes claires par rapport au budget initial et dont le but est de faire face au dérapage budgétaire en cours.
Afin que le déficit public de la France ne dérape pas au-delà de 6,1% du PIB cette année (une dérive importante par rapport au déficit de 4,4 % du PIB qui était prévu dans le projet budget initial pour 2024), l’exécutif prévoit, cette fois, de passer, non pas par un simple décret, mais via un projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) – qu’il a présenté hier en Conseil des ministres, mais qui doit encore être adopté par les parlementaires pour que ces nouvelles mesures d’économies soient définitivement actées.
Le Fonds vert encore amputé
Deuxième du genre après celui adopté l’an passé, ce nouvel outil budgétaire permet des ajustements de crédits pour l'exercice en cours (mais aucune disposition fiscale nouvelle) et remplace l’habituel collectif budgétaire (projet de loi de finances rectificative) de fin d’année.
Hormis le fait que 20 % des économies prévues émaneront des différents ministères, l’essentiel des annulations de crédits annoncées par le gouvernement proviendront de la « réserve de précaution » mise en place cet été par le précédent gouvernement qui avait gelé provisoirement 16,7 milliards d’euros. Michel Barnier n’annulera donc finalement qu’un peu plus d’un quart de cette somme.
Et comme en début d’année, les collectivités ne seront pas épargnées. En premier lieu car la mission qui leur est consacrée (« Relations avec les collectivités territoriales ») se verra réduite de 128 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 159 millions d'euros en crédits de paiement.
Autre point sensible, la nouvelle amputation du Fonds vert qui ne cesse d’être ciblé par les gouvernements successifs. Après la coupe de 500 millions d’euros engagée en début d’année, l’enveloppe permettant de financer la transition écologique dans les territoires devrait subir un nouveau coup dur en perdant encore 400 millions d’euros d’autorisations d’engagement (les sommes susceptibles d'être engagées pour les années suivantes).
En outre, il faudra compter sur une réduction de 65 millions d’euros de crédits de paiement (les dépenses maximales pouvant être engagées pendant l'année), s’ajoutant aux annulations de 430 millions déjà décidées en février. Sans compter que le projet de budget pour 2025 prévoit de réduire le Fonds vert de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros.
On peut également lister pêle-mêle : les près de 600 millions d’euros de moins pour le logement et l’urbanisme, la suppression de 200 millions d’euros pour l’enseignement scolaire public des premier et second degrés (dans le même temps, le secteur privé percevra 33 millions supplémentaires), de 85 millions d’euros sur le Plan France Très haut débit ou encore de 51 millions pour la politique de la ville.
Crédits ouverts : impôts locaux et Nouvelle Calédonie
Dans le même temps, des crédits ont été également ouverts pour un montant de 4,2 milliards d'euros afin d'assurer des dépenses imprévues, notamment le coût des élections législatives anticipées, mais aussi les destructions en Nouvelle-Calédonie, les primes des agents qui ont assuré la sécurité durant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
Au total, « près d’1 milliard d’euros » de dépenses sont prévues pour la Nouvelle-Calédonie, « au titre notamment de la mobilisation des forces de sécurité, du soutien aux entreprises et aux salariés via le fonds de solidarité et l’activité partielle, ainsi que des aides apportées aux collectivités et aux hôpitaux » du territoire océanien, détaille le PLFG.
Par ailleurs, des crédits ont été ouverts pour compenser « la dynamique de certaines prestations sociales », telles que « les bourses sur critères sociaux pour les étudiants, l’allocation adulte handicapé (AAH) et l’accueil des réfugiés ukrainiens ».
En outre, ce sont 767 millions d’euros débloqués pour les impôts locaux qui sont annoncés « en raison principalement de la hausse des remboursements et dégrèvements d'impôt sur la taxe d'habitation. »
On peut également noter que 250 millions d’euros de plus sont prévus afin de couvrir les besoins en matière d'hébergement d'urgence et 300 millions d’euros compte tenu de « la prévision actualisée des dépenses de personnel et de la bascule de la rémunération des AESH ».
Dépenses : les collectivités ciblées par le HCFP
En parallèle, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a appelé hier le gouvernement à retenir des « hypothèses prudentes » dans ses textes financiers, pour éviter un nouveau « dérapage majeur » des comptes publics, dans son avis sur le projet de loi de finances de fin de gestion dans lequel il estime que la prévision d'un déficit public de 6,1% du PIB en 2024 « reste plausible ».
Toutefois, il en a profité pour attaquer les collectivités en estimant que la hausse de « 13,4 milliards d'euros » de leurs dépenses (dont 8 milliards de dépenses de fonctionnement et 5,4 milliards de dépenses d'investissement) « montre la nécessité, pour présenter une trajectoire de finances publiques fiable, de retenir dans les textes financiers des hypothèses prudentes, notamment en matière de prévision des recettes ou de modération des dépenses des collectivités locales, lorsqu'il n'y a pas de dispositifs robustes prévus à cet effet ».
Si « l'analyse précise et exhaustive de cette dégradation par rapport à la prévision du PLF pour 2024 reste à mener à bien », elle est « principalement imputable à des moins-values de prélèvements obligatoires, mais résulte aussi d'un écart majeur entre le caractère volontariste des hypothèses de dépenses des collectivités locales et la réalité d'une dynamique très soutenue », a ainsi défendu le HCFP. Une critique déjà largement dénoncée par les associations d'élus et les députés.
Consulter le PLFG 2024.
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Nouvelle-Calédonie
Les députés actent le report d'un an des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie
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L'Assemblée nationale a adopté sans modification, hier, la proposition de loi organique déjà votée par le Sénat et décalant d'un an les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement a par ailleurs donné des précisions sur certaines mesures de soutien à l'archipel.Â
Le temps commençait à presser : officiellement, les élections au Congrès et aux assemblées de province de Nouvelle-Calédonie sont toujours censées se tenir le 15 décembre prochain. Mais vu la situation qui a cours sur le « Caillou » depuis l’explosion du 13 mai dernier, il semble parfaitement impossible de tenir les élections à la date prévue – d’autant que la question de la composition du corps électoral n’est toujours pas réglée. Aucun candidat n’est en campagne, et aucun signe de préparation matérielle des élections n’est visible, sur un territoire où la circulation routière normale n’a toujours pas été entièrement rétablie et qui est toujours sous couvre-feu. Il faut donc, encore une fois reporter, et toutes les forces politiques de Nouvelle-Calédonie y sont favorables. C’est la raison pour laquelle le gouvernement s’est saisi d’une proposition de loi des sénateurs socialistes et a engagé la procédure accélérée.
« Écrire la suite de l’accord de Nouméa »
Ce texte a été adopté par le Sénat le 23 octobre, à l’unanimité, et il a été discuté hier à l’Assemblée nationale. Il vise à reporter les élections en Nouvelle-Calédonie à une date non fixée, mais ne pouvant aller au-delà du 30 novembre 2025.
Comme l’a expliqué le rapporteur de la commission des lois, Arthur Delaporte, ce report rendu incontournable par la situation même, n’est « qu’une étape et non une fin en soi ». Il faut maintenant « écrire la suite de l’accord de Nouméa, qu’il s’agisse de la relation avec la France, de l’organisation interne du territoire, du corps électoral ou encore des futures modalités d’exercice du droit à l’autodétermination et donc de la poursuite du processus de décolonisation ». Le député a salué la décision de Michel Barnier de retirer le projet de réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres en mai dernier. Il reste maintenant à « se remettre autour de la table pour discuter ». C’est d’ailleurs pour encourager la reprise du dialogue que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, vont se rendre en Nouvelle-Calédonie du 9 au 14 novembre.
Amers reproches
Les députés de tous les bancs ont voté ce texte, qui a donc été adopté. Mais dans leurs déclarations, lors de la discussion générale, beaucoup n’ont pas été tendres avec le gouvernement précédent, accusé par exemple par la députée écologiste Sabrina Sebaihi d’avoir « brisé trente-six années de réconciliation et d’accord mutuel ouvertes par les accords de Matignon puis de Nouméa ». La députée a exhorté le gouvernement, en geste de bonne volonté, à rapatrier les responsables kanaks actuellement emprisonnés en métropole.
Le groupe Liot a enfoncé le même clou : « Nous avions alerté sur les risques qu’entraînerait le fait de lier le dégel constitutionnel du corps électoral et le report des élections. Nous avions rappelé la nécessité d’attendre un accord global avant d’agir. » Néanmoins, même les députés les plus hostiles au gouvernement ont reconnu la nécessité de reporter les élections pour laisser aux Néo-Calédoniens le temps de trouver un accord.
Après avoir discuté de deux amendements issus de la France insoumise, l’un demandant que les élections ne soient reportées que de six mois, et l’autre exigeant le retour des prisonniers kanaks en Nouvelle-Calédonie, le texte a été adopté. Comme il l’a été sans modification par rapport à la version du Sénat, la navette s’arrête là et le texte va pouvoir être promulgué par le chef de l’État.
Le recensement reporté aussi en Nouvelle-Calédonie
La veille, pendant la séance de questions au gouvernement, le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, avait donné quelques précisions aux députés sur les mesures d’urgence envisagées par le gouvernement. Il a indiqué que « trois amendements » vont être déposés par le gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2025.
Le premier vise à créer « une enveloppe de 80 millions d’euros pour financer la reconstruction des bâtiments publics ». Deuxièmement, le gouvernement va proposer de rehausser de 50 % « le montant de la garantie de l’État aux prêts susceptibles d’être consentis par l’Agence française de développement, qui passera de 500 à 770 millions ». Cette disposition devrait permettre « de financer le régime unifié d’assurance maladie et de maternité », ainsi que, entre autres, « de couvrir une partie des pertes de recettes fiscales des collectivités calédoniennes ».
Enfin, le gouvernement a décidé de reporter le recensement « à la fin de l’année 2025 » en Nouvelle-Calédonie. D’une part, pour les mêmes raisons que pour les élections, les conditions matérielles ne sont pas réunies pour pouvoir l’organiser dans des conditions normales. D’autre part, parce que cela va permettre de « stabiliser les dotations aux communes pour les années à venir ».
Au total, a rappelé le ministre, c’est environ 1,5 milliard d’euros qui aura été débloqué entre 2024 et 2025 pour soutenir la Nouvelle-Calédonie.
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Marchés publics
Marchés publics sans publicité : le seuil devrait être définitivement porté à 100 000 euros dès le 1er janvier prochain pour les travaux
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Le gouvernement vient de mettre en consultation un projet de décret sur la « simplification du droit de la commande publique », où il propose de pérenniser le passage à 100 000 euros HT du seuil permettant la dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence. Â
De dérogation en dérogation, on avait fini par presque l’oublier, mais en matière de marchés publics, le seuil officiel de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence est toujours de 40 000 euros HT. De multiples dérogations ont été apportées pour des marchés spécifiques, comme celui des fournitures de denrées alimentaires, par décret. Ou sur les marchés de travaux, avec la loi Asap de 2020, qui a porté le sueil à 100 000 euros. Mais cette dérogation, provisoire, n'est valable que jusqu’au 31 décembre 2024.
Le projet de décret élaboré par le gouvernement doit donc entrer en vigueur au plus tard à cette date. Il prévoit de rendre définitives ces dispositions : pour les marchés de fournitures ou de services, le seuil restera à 40 000 euros HT, mais pour les marchés de travaux, il va passer de façon pérenne à 100 000 euros HT.
20 % pour les PME
Le projet de décret contient d’autres propositions, dont au moins deux doivent être retenues par les collectivités.
Premièrement, le Code de la commande publique exige aujourd’hui que, dans un marché de travaux (marchés globaux, marchés de partenariat et contrats de concessions), le titulaire s’engage à confier au moins 10 % du marché à « des petites ou moyennes entreprises ou à des artisans ». Le projet de décret prévoit de passer cette part de 10 à 20 %.
Deuxièmement, le texte prévoit de « simplifier les dispositions relatives au moment où l’avance doit intégralement être remboursée afin d’introduire plus de souplesse dans la pratique des acheteurs publics », explique la Direction des affaires juridiques de Bercy. Lorsque le titulaire est une PME, il est proposé d’abaisser de 5 à 3 % le montant maximum de la retenue de garantie. Toutefois, cette disposition ne concernerait que les marchés passés par les collectivités et EPCI de grande taille, dont les recettes de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros.
Ce texte est en consultation publique jusqu’au 19 novembre.
Prix des fournitures
Commande publique toujours : le ministre chargé des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a annoncé avant-hier sur RTL qu’il comptait se pencher sur les prix, jugés excessifs, auxquels les collectivités locales achètent leurs fournitures. Cette annonce fait suite à une enquête menée par Le Parisien, publiée le 28 octobre, qui fait apparaître que les prix pratiqués par les centrales d’achat, notamment l’Ugap (Union des groupements d’achats publics) sont parfois supérieurs à ceux que l’on peut trouver en hypermarché. Le quotidien donne quelques exemples : un stylo bille vendu 2,26 euros sur le site de l’Ugap et 1,59 dans un hypermarché ; une plaque de cuisson vendue 179,10 par l’Ugap mais 119,11 euros sur un célèbre site de vente en ligne.
« Tout cela questionne », a reconnu Laurent Saint-Martin mardi, tout en indiquant que les écarts de prix « peuvent être justifiés » notamment par le fait que les centrales d’achat doivent respecter certaines contraintes. Mais cela n’explique pas la différence de prix sur un même produit de même marque.
Le ministre a donc décidé de diligenter une mission de l’Inspection générale des finances sur cette question, dont le champ intègrera aussi bien les achats de l’État que ceux des collectivités locales. Ce ne sera pas le premier : il y a tout juste un an, un rapport de l’IGF s’était déjà penché sur les quelque 51 milliards d’euros « d’achats et de charges externes » des collectivités. Dans ce rapport, les inspecteurs estimaient que les collectivités pourraient économiser de l’ordre de 10 % sur leurs achats en mobilisant davantage les outils existants, « sourçage, ingénierie des marchés et massification ».
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Justice
Adoption d'une proposition de loi pour protéger davantage les mineurs, notamment dans les services de transport
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Mardi, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Ce texte permettrait aux opérateurs de transport public de personnes de consulter les fichiers dans lesquels sont inscrits les auteurs d'infractions sexuelles et violentes.
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a renforcé le contrôle des antécédents judiciaires de tous les professionnels et bénévoles intervenant auprès des jeunes, notamment dans les accueils collectifs de mineurs (ACM). Depuis, selon le ministère de l’Intérieur, ce sont 157 729 consultations du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) qui ont été réalisées en 2023 par les préfectures – à la demande des maires et/ou de présidents d'exécutifs locaux – représentant une hausse substantielle de 109,5 % par rapport à l'année 2022.
Pour « renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes », la sénatrice de la Saône-et-Loire, Marie Mercier, a déposé une proposition de loi qui a été adoptée mardi au Sénat.
Consultation des fichiers judiciaires pour les conducteurs de transports
En dépit d’un arsenal « déjà relativement complet », « certaines professions pourtant sensibles restent exclues du régime d'inaptitude fondée sur une condamnation pénale et celles-ci, a fortiori, ne disposent pas d'un accès indirect au Fijaisv : tel est notamment le cas des conducteurs de transports collectifs de mineurs ou de majeurs vulnérables ».
C'est dans ce contexte que la proposition de loi souhaite « rendre les entreprises de transport public de personnes destinataires des informations contenues dans le Fijaisv, dans les mêmes conditions que les élus locaux (donc avec un accès indirect au fichier et une consultation seulement fondée sur l'identité de la personne) ».
En pratique, l'incapacité pour les personnes condamnées à exercer des fonctions de conducteur de véhicule de transport public collectif routier lorsque ces fonctions impliquent un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité serait garantie par le contrôle, du bulletin n° 2 du casier judiciaire et d'une attestation de non-inscription au Fijaisv ou au Fijait. « Ces documents n'étant pas transmis directement à l'employeur, mais demandés par le responsable de la collectivité territoriale en charge de l'organisation et du fonctionnement du service de transport (maire, président d'intercommunalité, président de conseil départemental ou régional) à la préfecture puis envoyés à la personne faisant l'objet du contrôle afin qu'elle les remette à son employeur. »
« Bien loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur les chauffeurs de bus, mais nous avons été alertés par les opérateurs de transports sur le fait que les chauffeurs de bus présentent leur permis, mais rien de plus, a expliqué en séance l’auteure de la proposition de loi. Cette proposition vise à corriger cet état de fait. »
Il faut souligner que ce texte préventif intervient dans un contexte de pénurie de chauffeurs de cars scolaires qui perdure depuis plusieurs années. Alors qu'il manquait 8 000 conducteurs de cars scolaires en 2022, 3 000 postes étaient à pourvoir en cette rentrée 2024 (lire Maire info du 5 septembre). Ainsi, cette mesure permettrait aussi de maintenir un niveau de vigilance sur les critères de recrutement malgré le besoin accru dans les territoires.
Changement de nom : besoin d’encadrement
La loi du 2 mars 2022, dite loi Vignal, a instauré une nouvelle procédure de changement de nom simplifiée (lire Maire info du 26 avril). Si la loi a été adoptée pour notamment répondre plus efficacement à des situations douloureuses de personnes abandonnées par leur père ou des enfants maltraités ou abusés par un parent, il existe cependant des dérives.
La sénatrice de la Saône-et-Loire illustre ces dérives avec l’exemple de Francis Evrard : alors qu’il a été condamné à 30 ans de prison pour viol sur mineur, ce pédocrimel multirécidiviste a changé de nom dans la perspective notamment de demander sa libération conditionnelle en 2027.
Si cette proposition de loi est adoptée au Parlement, le procureur pourrait s'opposer au changement de prénom ou de nom de personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait. De plus, alors que la loi Vignal ne le prévoit pas, un amendement adopté mardi propose que pour tout changement de prénom et de nom via une procédure simplifiée, le demandeur fournisse « le bulletin n° 2 de (son) casier judiciaire et une attestation établie par la préfecture faisant apparaître l'existence, ou non, d'une fiche à (son) nom au Fijaisv ou au Fijait ». Si la mesure paraît légitime, elle complexifierait de fait les démarches de changement de nom, notamment dans les mairies.
Enfin, une autre disposition du texte vise à intégrer, au sein de la liste permettant l'application de la procédure spécifique aux infractions sexuelles et aux infractions violentes commises sur les mineurs (catégorie qui emporte, notamment, l'inscription des condamnés au Fijaisv), deux nouveaux délits récemment créés : l'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre un acte sexuel sur lui-même ou avec ou sur un tiers et la sollicitation d'images pornographiques auprès d'un mineur.
En attendant une nouvelle loi immigration...
Les discussions de mardi ont aussi été l’occasion de revenir sur le sujet de la durée de rétention administrative pour les étrangers auteurs d’une infraction sexuelle ou violente grave. Inséré par la commission, l'article 4 visait, sur le modèle des dispositions existantes en matière de terrorisme, à « prolonger jusqu'à 180, voire 210 jours la rétention d'un étranger condamné à une interdiction du territoire pour une infraction sexuelle ou violente grave. »
Finalement, l’article a été supprimé par un amendement du gouvernement. Cela ne veut pas dire que ce dernier soit contre. Ce n'est « pas [...] le bon véhicule législatif », selon la ministre des Relations avec le Parlement Nathalie Delattre ; le secrétaire d’État chargé de la Citoyenneté Othman Nasrou a lui été encore plus clair, mettant fin à toute ambiguïté concernant les ambitions du gouvernement : « La seule et unique raison pour laquelle le gouvernement demande le retrait de cet article, c’est pour pouvoir l’inscrire dans un véhicule législatif adapté en début d’année prochaine ».
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Logement
Effondrements de la rue d'Aubagne: le procès du logement indigne s'ouvre à Marseille
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Le procès d'un drame devenu symbole des ravages du logement indigne s'ouvre jeudi pour six semaines, celui des effondrements de deux immeubles insalubres au coeur de Marseille le 5 novembre 2018, qui ont fait huit morts.
Attendu par toute une ville depuis six ans, il se tiendra dans la salle des procès « hors norme » du tribunal judiciaire de Marseille, qui peut accueillir 400 personnes.
Les titres de la presse régionale jeudi matin permettaient de mesurer qu’il se joue dans ce dossier un pan de l’histoire de la deuxième ville de France, l’une des plus pauvres : un procès « monstre » pour le site Marsactu, « pour l’histoire », titre La Marseillaise quand La Provence estime qu’il s’agit de juger « une époque ».
« Hors norme », ce procès l’est à plusieurs titres, a souligné le président du tribunal, Olivier Leurent (qui ne fera pas partie des magistrats jugeant l’affaire): « Par l’émoi profond provoqué par cette affaire (...), par le nombre des parties civiles (NDLR: 87 à ce jour) et par sa durée (...) et sa complexité ».
Pourquoi les immeubles des 63 et 65 de la rue d’Aubagne, à quelques centaines de mètres du Vieux-Port, ont pu s’écrouler sur eux-mêmes, en quelques secondes ? C’est la question à laquelle vont devoir répondre les trois magistrats du tribunal correctionnel devant lesquels comparaîtront les 16 prévenus.
Parmi eux, plusieurs copropriétaires du 65, le seul immeuble habité, qui n’avaient pas fait réaliser les travaux nécessaires à la sécurité de l’immeuble ; leur syndic, resté sourd aux signalements des locataires ; et un expert, qui avait réalisé une expertise de l’immeuble en à peine une heure, sans même prendre le temps de visiter la cave, deux semaines avant le drame, expertise après laquelle les habitants avaient été autorisés, sauf pour un appartement, à rentrer chez eux.
« Accumulation de dysfonctionnements »
Mais aussi un élu, alors adjoint au maire, chargé de lutter contre « l’habitat dégradé et indigne », dont les services, totalement désorganisés, auraient géré les nombreux signalements « avec une légèreté qui interroge », selon les termes des magistrats instructeurs.
Le dernier prévenu est Marseille Habitat, le bailleur social de la ville, propriétaire du 63, qui aurait apporté sa « contribution personnelle » à la dégradation de cet immeuble. Un « attentisme » sans doute « motivé par des critères financiers », selon l’enquête.
Pour l’instruction, ce drame est « le reflet dramatique et paroxystique d’une accumulation de dysfonctionnements ».
Des dysfonctionnements dus, selon Liliana Lalonde, la mère d’une des victimes, « à des gens qui ont mal fait leur travail » et d’autres qui ont voulu « se faire de l’argent » sans rien dépenser eux-mêmes.
Ce drame avait profondément entaché la fin du règne de Jean-Claude Gaudin (LR), maire de la ville pendant 25 ans, qui avait accusé « la pluie » et la malchance. L’élu, décédé en mai, avait toutefois confié à l’AFP être « hanté tous les jours » par cette catastrophe.
En résonance avec cette période de révolte contre la municipalité à Marseille, aux cris de « Gaudin assassin », un collectif d’associations de lutte contre l’habitat indigne a appelé à manifester devant le tribunal à 13 heures.
Bien au-delà du quartier de Noailles, l’onde de choc s’était propagée à toute la ville : plus de 3 000 personnes avaient été évacuées d’immeubles jugés dangereux.
« Nous attendons ce procès avec plein d’espoir. Nous savons que ce ne sera pas simple, mais nous sommes très confiants dans la justice », afin « (qu’)à l’avenir il n’y ait plus jamais » un tel drame, a expliqué Maria Carpignano, la mère de Simona, emportée à 30 ans.
Imane Saïd Hassani, fils d’une autre victime, espère lui « voir le bout du tunnel » avec cette échéance judiciaire « même si je crains que ce que je vais trouver ne me plaise pas », explique-t-il à l’AFP, redoutant des peines dérisoires pour les prévenus qui risquent au maximum dix ans d’emprisonnement.
Et les proches des victimes comme les associations le savent: ce procès ne signera pas la fin de l’habitat indigne à Marseille, où 100 000 personnes sont toujours mal logées.
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