Édition du mardi 29 octobre 2024 |
Logement
Meublés de tourisme : les parlementaires accordent des pouvoirs étendus aux maires et amputent la niche fiscale
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Députés et sénateurs se sont accordés pour autoriser les élus locaux à abaisser à 90 jours par an la durée maximale d'une location saisonnière et à créer des zones réservées aux résidences principales. Trop favorable, la niche fiscale « Airbnb » a, elle, été rabotée.
Après presque deux années de discussions, les parlementaires ont réussi à se mettre d’accord, hier soir, sur un texte de compromis, afin de revoir à la baisse la niche fiscale « Airbnb » et accorder davantage de pouvoir aux maires pour réguler le marché des meublés de tourisme, en pleine crise du logement.
Un marché qui ne cesse de progresser au détriment des locations de meublés de longue durée et des habitants. Ces meublés de tourisme sont, en effet, accusés d’accentuer la pénurie de logements qui frappe le pays, d’enchérir les prix des logements qui deviennent inaccessibles pour les habitants locaux et d’entretenir par là-même ce que certains décrivent comme une « bombe sociale ».
« 1,2 million de logements détournés des habitants »
Favorisés par une distorsion de fiscalité, ces meublés touristiques prolifèrent et sont ainsi passés de 80 000 logements loués en courte durée, en 2014, à 1,2 million en 2024. Des logements « détournés des habitants », déplorait encore hier, sur X, la députée macroniste Annaïg Le Meur (Finistère), à l’origine de la proposition de loi portée avec son homologue socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) depuis février 2023.
Très attendu par les élus locaux, ce texte transpartisan a connu un cheminement difficile malgré « l’urgence à légiférer » et à « réguler », subissant des reports et quelques manœuvres politiques, sans compter l’opposition de l’ancien gouvernement et, in fine la dissolution, en juin, qui a reporté son examen en commission mixte paritaire (CMP).
Après avoir été adopté par l’Assemblée nationale en début d’année puis, dans une version remaniée, par le Sénat, les parlementaires se sont donc retrouvés, hier soir, en CMP, durant laquelle ils ont trouvé un accord qui a été adopté par 12 des 14 membres (seuls les deux députés RN ont voté contre, selon les informations de Public Sénat).
La ministre du Logement, Valérie Létard, s’est d’ailleurs dit « ravie », ce matin, du franchissement de cette « étape décisive », ce texte de compromis n'ayant plus désormais qu’à être adopté définitivement par le Sénat puis l’Assemblée nationale, la semaine prochaine.
La niche « Airbnb » rabotée
Bien que le texte n'était pas encore publié ce matin, l’essentiel des dispositions validées en CMP a déjà été esquissé dans la presse. Sans surprise, les membres de la commission ont donc, d’abord, ciblé la niche fiscale très avantageuse et décriée des meublés de tourisme qui favorise leur essor.
Ils se sont ainsi mis d’accord pour que la fiscalité des meublés de tourisme non classés soit alignée sur la location nue de longue durée et voient ainsi leur abattement passer de 50 % à 30 %, avec un plafond à 15 000 euros.
Les propriétaires de meublés de tourisme classés et de chambres d'hôtes conserveront, pour leur part, un abattement plus avantageux de 50 %, avec un plafond abaissé à 77 700 euros.
C’est donc une mesure très proche de la version sénatoriale du texte qui a finalement été validée. L’objectif est de conserver « une incitation au classement », expliquait, au printemps, le rapporteur général du Budget au Sénat, Jean-François Husson (ex-LR).
Passoires thermiques : interdiction de location
Autre point qui a vu, là aussi, la version sénatoriale l’emporter : la question de l'obligation du diagnostic de performance énergétique (DPE). Si les meublés de tourisme devront, eux aussi, se soumettre à une obligation de DPE - comme les locations classiques - , seules les nouvelles locations saisonnières seront soumises au même calendrier d’interdiction de location : en 2025 pour celles classées G, en 2028 pour les classées F et en 2034 pour les E.
Les meublés de tourisme actuels ne seront pas soumis à ce calendrier dans l'immédiat puisqu’ils ont obtenu un délai de dix ans, jusqu’en 2034, pour se conformer aux exigences de décence énergétique et parvenir à l'étiquette énergétique D.
Zones exclusives et durée maximale de 90 jours par an
Par ailleurs, plusieurs mesures concernent directement les maires qui ont obtenu de nouveaux outils de régulation.
Les parlementaires leur ont, d’abord, accordé la possibilité d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale durant laquelle une résidence principale peut être louée en tant que meublé de tourisme. L’objectif est d’éviter les abus.
Les élus locaux pourront également « mettre en place des quotas de locations saisonnières dans leur commune » ou encore « créer des zones réservées uniquement aux résidences principales, dans les communes situées en zones tendues ou possédant plus de 20 % de résidences secondaires », confirme Le Monde.
Lors de l’examen à l’Assemblée, les députés avaient estimé que cette dernière mesure permettrait d’ouvrir potentiellement cette faculté à « 9 316 communes », quand les données de l’ANCT citées par les sénateurs écologistes tablaient plutôt sur « 7 672 communes ».
Copropriétés et sanctions
Le texte de la CMP entérine d'autres évolutions visant les copropriétés, assure également Le Monde. « Pour celles dont le règlement prévoit une "clause d’habitation bourgeoise" (qui réserve l’usage de l’immeuble à l’habitation et à l’activité libérale de médecins ou d’avocats), la proposition de loi va permettre d’interdire la location en meublés de tourisme dans le règlement de copropriété, par un vote à la majorité des deux tiers, au lieu de l’unanimité aujourd’hui », détaille le quotidien du soir, qui précise que, s’agissant des nouveaux immeubles, « leurs règlements de copropriété devront obligatoirement se prononcer sur la possibilité ou non de louer en meublés de tourisme des lots d’habitation ».
Pour ce qui est des sanctions, les amendes seront « renforcées » pour les loueurs se livrant à de fausses déclarations sur le numéro d’enregistrement des locations saisonnières. « Une amende civile spécifique est, en outre, prévue pour les plateformes ne se conformant pas à l’injonction du maire de retirer les annonces dont les numéros de déclaration ont été suspendus », selon le journal.
Il ne reste plus à ce texte issu de la CMP qu'à être adopté définitivement par le Sénat et l’Assemblée nationale, les 5 et 7 novembre prochains.
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Polices municipales
Le coût de fonctionnement des polices municipales pour les communes a dépassé les 2 milliards d'euros en 2023
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L'Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL) a rendu publique hier une étude très attendue sur « les enjeux financiers des polices municipales », la première du genre. Enseignements.
« Nourrir le débat public sur l’organisation de la sécurité dans nos territoires. » C’est à cet objectif – et non à celui de « faire un rapport sur l’efficacité des polices municipales » – que répond cette enquête, explique en introduction André Laignel, président de l’OFGL. En effet, malgré la très forte progression du nombre de polices municipales ces dernières années, il n’existait pas jusqu’à présent d’étude sérieuse sur « leur impact budgétaire » pour les collectivités.
Et cet « impact » est considérable, selon les calculs de l’OFGL : les dépenses de fonctionnement pour l’ensemble des polices municipales sont estimées à 2,2 milliards d’euros en 2023, et « 155 millions d’euros en moyenne par an depuis 2018 » pour les dépenses d’investissement.
Hausse des dépenses de fonctionnement
Les auteurs de l’étude rappellent que 11 % des communes se sont dotées d’une police municipale, mais que cette proportion monte à plus de 80 % pour les communes de plus de 3 500 habitants. Au-delà de 20 000 habitants, les communes ont presque toutes fait le choix de se doter d’une police municipale, la proportion oscillant, selon les strates, entre 96 et 99,7 %.
Il y a aujourd’hui quelque 28 100 policiers municipaux employés par 3 613 communes.
Pour réaliser son étude, l’OFGL a sélectionné un échantillon de 1 446 communes représentatives de l’ensemble des communes de plus de 3 500 habitants (celles-ci ne sont en effet que 3 % à avoir fait le choix de se doter d’une police municipale). L’Office a ensuite extrapolé les résultats à l’ensemble des communes concernées pour aboutir aux chiffres mentionnés plus haut.
Premier constat : les dépenses de fonctionnement des polices municipales sont en hausse régulière depuis 2017, avec un pic en 2022 (+ 9 %). En six ans, elles ont augmenté de 33 %, soit trois fois plus que l’augmentation moyenne des autres dépenses locales. Cette augmentation plus massive à partir de 2022 est logique : deux ans après les élections municipales, les maires qui avaient mis la création d’une police municipale à leur programme sont passés aux actes.
Poids des charges de personnel
Ce service a ceci de particulier que les charges de personnel sont prépondérantes dans l’ensemble des dépenses de fonctionnement : elles représentent 91 % des charges. Ce chiffre est « particulièrement élevé », note l’OFGL, quand on le compare à d’autres postes : les dépenses de personnel ne représentent que 67 % des coûts de fonctionnement des piscines municipales, 80 % dans le périscolaire, 81 % pour les bibliothèques. Pour les polices municipales, les fournitures et achats ne représentent que 2 % des dépenses de fonctionnement.
L’Office relève une autre « spécificité » de ce secteur : le poids du volet indemnitaire. Du fait de la grande tension de la filière, les maires tentent de rendre leur offre plus attractive en jouant sur les indemnités diverses (primes). De plus, ces agents sont plus fréquemment que les autres amenés à faire des heures supplémentaires (comptabilisées comme des indemnités). Résultat : alors que dans l’ensemble des services hors police municipale, les indemnités ne représentent que 12,5 % des frais de personnel, ce chiffre est du double (23,6 %) pour les polices municipales. Logiquement, plus la tension est forte, plus les indemnités sont élevées : en région parisienne, où existe un forte « concurrence territoriale dans le recrutement », le poids des indemnités dans les frais de personnel monte à 31 %.
Conséquence, en partie, de ce qui précède : le niveau de dépense par habitant est très variable d’une commune à l’autre pour ce qui concerne les polices municipales, allant du simple au double : 25 % des communes dépensent moins de 23 euros par habitant sur ce poste, et 25 % plus de 51 euros par habitant.
Communes touristiques
L’OFGL tente d’expliquer les causes de ces fortes disparités. Dans certains départements, le poids des polices municipales dans les dépenses totales de fonctionnement est inférieur à 1 %, quand il atteint presque les 7 % dans d’autres, notamment dans « l’arc méditerranéen ».
L’une des explications de ce dernier point tient à la forte proportion de communes touristiques dans cette région. En effet, l’OFGL a établi que « le caractère touristique [d’une commune] impacte très significativement et à la hausse les dépenses par habitant consacrées à la police municipale », en particulier parce que les communes touristiques emploient en général un plus grand nombre d’agents que les autres.
Autre facteur de différenciation – assez logique : la richesse de la commune. Tout simplement, plus une commune est riche, plus elle peut se permettre d’employer un nombre important de policiers. Le niveau de centralité entre également en ligne de compte : « Plus la commune est considérée comme centrale et a des équipements, plus ses dépenses par habitant pour la police municipale sont importantes ».
L’Office note également une différenciation de nature « politique » : si l’existence d’une police municipale ne dépend plus, aujourd’hui, de la couleur politique d’une mairie, les communes étiquetées à droite « ont tendance à dépenser plus par habitant dans leurs polices municipales » que celles étiquetées à gauche (46,9 euros par habitants en moyenne contre 38,7 euros).
Le coût des armes
L’étude établit également que l’armement d’une police municipale (qui, rappelons-le, est un libre choix du maire) a un impact avéré sur les dépenses de fonctionnement. Exemple dans les communes non touristiques de moins de 20 000 habitants, le coût moyen d’une police municipale armée est de 40,7 euros par habitant contre 23,7 euros pour une police non armée. Ce surcoût s’explique certes par les frais afférents aux munitions, à l’entretien des armes, aux boîtiers sécurisés, etc., mais surtout aux frais de formation continue imposés par la loi pour les agents habilités.
Dépenses d’investissement
L’OFGL s’est enfin penchée sur les dépenses d’investissement liées aux polices municipales. Les dépenses les plus importantes tiennent à la construction et la rénovation des bâtiments (32 %), au matériel et à l’outillage technique (22 %).
Ces dépenses, sur la période 2018-2023, sont estimées à quelque 155 millions d’euros par an en moyenne. Elles ont augmenté régulièrement (sauf pendant l’épidémie de covid-19), jusqu’à atteindre un pic de 260 millions d’euros en 2023.
L’étude relève donc qu’en fonctionnement aussi bien qu’en investissement, les dépenses sont fortement à la hausse. C’est l’un des enseignements de cette étude, note André Laignel : « Ces données doivent nous alerter sur les dynamiques inflationnistes de ces dépenses de polices municipales afin que le ‘’continuum de sécurité’’ ne se transforme pas en transfert de charges asphyxiant pour les finances du bloc communal. »
Télécharger l'enquête.
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Finances
PLFSS : ça commence mal pour le gouvernement
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La discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 a débuté hier en séance publique, après que le texte eut été rejeté dans sa totalité par la commission des finances. Ce texte comprend plusieurs mesures touchant directement les collectivités.
Vendredi 25 octobre, la commission des finances a terminé d’examiner le PLFSS après avoir supprimé, comme le précise le compte-rendu, « toutes les parties du projet de loi ». En conséquence, l’ensemble du texte a été rejeté.
Auparavant, lors de l’examen de ce texte, les membres de la commission ont notamment rejeté l’article 14, qui permet d’approuver le rapport fixant les prévisions de recettes et de dépenses des différentes branches des régimes de retraites. C’est dans ce rapport que figure le projet d’augmenter de 4 points la cotisation employeur à la CNRACL, avant deux nouvelles hausses en 2026 et 2027.
En rejetant cet article 14, une majorité de député a voulu « envoyer un signal » au gouvernement pour lui demander de ne pas faire porter aux collectivités et aux employeurs hospitaliers une charge supplémentaire et « intenable ». Mais ce n’est, en effet, qu’un « signal » : en effet, l’augmentation des cotisations CNRACL est une mesure réglementaire. Elle sera donc, si le gouvernement persiste dans cette voie, publiée par décret, et n’a pas besoin de figurer dans la loi. Reste que lors des débats en séance publique, le sujet reviendra sur la table, et que les députés de l’opposition se sont fait fort d’inventer, d’ici là, une proposition alternative de recette équivalente qui ne pèserait pas sur les collectivités.
Premiers revers pour le gouvernement
Comme c’est le cas pour tous les textes budgétaires (PLF et PLFSS), c’est la version initiale de la proposition de loi qui sera discutée en séance publique – le rejet de ce texte par la commission n’ayant donc eu qu’une valeur symbolique. Mais il est probable que les choses ne se passeront pas beaucoup mieux pour le gouvernement qu’en commission : en une seule soirée, hier, les trois premiers articles du texte (l’article liminaire, l’article 1er et l’article 2) ont été supprimés. Ces articles sont essentiels, puisqu’ils fixent les objectifs de recettes et de dépenses des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale, ainsi que l’Ondam (objectif national de dépenses de l’Assurance maladie). La discussion en séance publique prend donc la même tournure que celle qui a eu lieu en commission, avec la suppression, un par un, de tous les articles du PLFSS.
Cumul emploi retraite pour les médecins
Les députés ont, par ailleurs, peu apprécié le fait que le gouvernement dépose, la veille du début de l’examen du texte en séance publique, pas moins de 28 amendements, que ni les commissions ni le rapporteur général n’ont eu la possibilité d’étudier. Et ce n’est sans doute pas fini, puisque dans ces amendements ne figure pas la décision annoncée dimanche par le gouvernement de passer le nombre de jours de carence à trois dans la fonction publique et de diminuer les indemnités journalières des agents en arrêt maladie (lire Maire info d’hier). Un amendement dans ce sens sera donc probablement ajouté ultérieurement.
Parmi les 28 nouvelles dispositions proposées in extremis par le gouvernement, on en retiendra une qui concerne la lutte contre la désertification médicale.
On se rappelle que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, avait proposé de prendre des mesures pour favoriser le retour à l’activité partielle des médecins retraités. L’amendement proposé vise à faciliter cette reprise d’activité en élargissant les conditions d’accès des médecins au « régime simplifié des professions libérales ». Ce régime, dont la gestion administrative est relativement légère, était jusque-là accessible à un nombre très limité de praticiens du fait de plafonds de revenus très bas. L’amendement vise à relever ces plafonds, pour encourager davantage de médecins retraités à reprendre du service.
Ehpad : expérimentation accélérée
Un autre amendement, important, concerne les Ehpad. Il s’agit de faire évoluer l’application d’une mesure contenue dans la loi de financement de la Sécurité sociale de l’an dernier, prévoyant une expérimentation de quatre ans permettant de simplifier le financement des Ehpad et d’en décharger en partie les départements. Comme l’a rappelé hier le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Paul Christophe, cette expérimentation prévoit de « transférer des départements à la branche autonomie le soin de financer l’entretien de l’autonomie au sein des Ehpad ». À compter du 1er janvier prochain, dans les départements volontaires pour participer à l’expérimentation, les Ehpad percevront « un forfait global unique relatif aux soins et l’autonomie en remplacement de l’actuel forfait global de soins versé par l’agence régionale de santé (ARS) et du forfait global afférent à la dépendance versée par le département ».
Sans surprise, cette idée a rencontré un certain succès du côté des départements : alors que la loi prévoyait que 20 d’entre eux puissent participer à l’expérimentation, 23 sont déjà volontaires. Le PLFSS initial prévoyait donc déjà d’acter que l’expérimentation soit ouverte à ces 23 départements. Mais le gouvernement veut accélérer : un des amendements qu’il a déposés vise à réduire de quatre à deux ans la durée de l’expérimentation, afin qu’une généralisation de la mesure puisse éventuellement être décidée plus rapidement. Celle-ci pourrait, dans ce cas, intervenir dès 2027.
Probable 49-3
En attendant de discuter ce point, les débats se concentreront, aujourd’hui, sur des sujets particulièrement clivants : les allègements de cotisations patronales et le report de six mois de l’indexation des pensions de retraite. Il y a de fortes probabilités pour que, sur ce sujet aussi, le gouvernement soit mis en minorité.
Le PLFFS risque, au final, de subir le même sort que la première partie du PLF, qui n’a pu être examiné dans les temps la semaine dernière. Et quand bien même le serait-il qu’il sera sans doute tellement vidé de sa substance que le gouvernement n’aura, au bout du compte, pas d’autre choix que de faire jouer le 49-3 pour imposer ses choix.
L’examen en séance publique du PLFSS est censé s’achever le lundi 4 novembre.
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Gouvernement
Casinos en ligne : le gouvernement lance (enfin) une consultation
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Le gouvernement a renoncé, pour l'instant, à imposer à la hussarde la légalisation des casinos en ligne en France, devant les protestations unanimes, et a annoncé hier qu'il lançait une « consultation » sur ce sujet. Explications.
Curieuse méthode : plutôt que de consulter d’abord et légiférer ensuite, le gouvernement avait décidé de commencer par proposer une modification législative… qu’il s’est empressé de retirer devant le tollé général, ayant « entendu les craintes du secteur », avant d’annoncer hier une « concertation » avec les acteurs concernés, remettant les choses dans l’ordre.
Tentative de passage en force
Pour comprendre cet imbroglio, il faut revenir quelques jours en arrière. Le samedi 19 octobre, le gouvernement déposait un amendement surprise au projet de loi de finances, instituant rien moins que la légalisation des casinos en ligne, et un nouveau « prélèvement » sur le produit des jeux de ceux-ci.
Dans l’exposé des motifs de cet amendement, le gouvernement prenait soin d’expliquer qu’il s’agissait avant tout d’un motif de santé public et surtout pas d’une occasion d’augmenter les recettes de l’État. Constatant que le « marché illégal des jeux en ligne » explose (il a été « multiplié par 8 en 6 ans »), le gouvernement estime que la situation doit changer. « Les sites illégaux de casinos en ligne (…) ciblent les joueurs français », qui jouent « en dehors de tout cadre légal et de tout programme de protection destiné à prévenir les risques d’addiction ». « Le maintien de l’interdiction du casino en ligne (…) contribue à faire de la France le plus important marché illégal de jeux en ligne d’Europe ». La légalisation « régulée » des casinos en ligne permettrait donc « d’assécher le marché illégal ». La taxe prévue rapporterait, accessoirement, « un milliard d’euros chaque année ». Ironiquement, on peut constater que le gouvernement utilise ici exactement les mêmes arguments que ceux qui plaident, par exemple, pour la légalisation du cannabis.
Avalanche de réactions
Les réactions n’ont pas tardé à fuser de toute part. Les patrons de casinos, regroupés dans l’Organisation des casinos de France, ont dénoncé « un choix totalement irréfléchi, sans aucune concertation avec les parties prenantes », menaçant l’existence d’un tiers des casinos physiques. Une fois n’est pas coutume, la CGT leur a emboîté le pas en redoutant « une catastrophe sociale sans précédent pour des milliers de salariés et leurs familles ».
L’initiative gouvernementale n’a pas eu plus de succès du côté des professionnels de la lutte contre l’addiction. L’association Fédération Addiction a dit « sa surprise face au dépôt sans concertation (de cet amendement), qu’elle juge irresponsable et contraire aux priorités de santé publique ». La fédération rappelait que « les casinos en ligne cumulent tous les facteurs de risque d’addiction (fréquence élevée des mises, rapidité du résultat, prises de risque solitaires, continues et rapides…) », et appelait à « l’ouverture d’une discussion transparente sur la régulation des jeux d’argent ».
Enfin, les maires ont réagi, par le biais d’une tribune signée par 130 d’entre eux, dont David Lisnard, président de l’AMF, Philippe Sueur, président de l’Association nationale des élus des territoires touristiques, Yannick Moreau, président de l’Association nationale des élus du littoral et Jean-Pierre Vigier, président de l’Association nationale des élus de la montagne.
« N'ouvrez pas la boîte de Pandore des casinos en ligne ! », ont lancé ces maires au Premier ministre. Rappelant la volonté de celui-ci de faire de la santé mentale la « grande cause » de l’année 2025, les maires signataires demandaient « comment concilier cet engagement avec la volonté de légaliser les casinos en ligne », lorsque l’on sait que « 45 % des joueurs de casinos en ligne appartiennent à la catégorie des joueurs dépendants ».
Les maires alertaient aussi Michel Barnier sur les enjeux économiques et sociaux : « Souhaitez-vous la destruction de 15.000 emplois non délocalisables dans nos communes ? ». Et de rappeler : « Les casinos physiques jouent un rôle fondamental dans l'économie locale. Ils génèrent 60 000 emplois, et participent au financement des services publics locaux essentiels comme l'éducation, la culture, ou encore les infrastructures. Dans certaines villes, les recettes fiscales issues des casinos représentent jusqu'à 50 % du budget communal. » Les signataires concluaient : « Vous pensez générer des recettes fiscales supplémentaires, mais c'est précisément l'inverse qui arrivera. (…) L'ouverture large des casinos en ligne (…) provoquerait, a minima, une perte de recettes fiscales pour l'État et les communes de plus de 440 millions d'euros. »
La mesure envisagée n’a trouvé qu’un seul défenseur – logiquement : l’Association française des jeux en ligne.
Concertation à enjeux multiples
Face à cette levée de bouclier unanime, le gouvernement a donc choisi de reculer et de retirer son amendement. « J’ai entendu les craintes du secteur, a expliqué hier le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin. Dès la semaine prochaine, je les recevrai personnellement pour construire avec eux les meilleures solutions concernant les casinos en ligne. »
Le ministre estime que cette concertation doit répondre à plusieurs enjeux : la préservation « de la santé mentale des Français », en cherchant comment « canaliser » les comportements de jeu « pathologiques ». Mais aussi le renforcement de « l’équité du champ concurrentiel » en « corrigeant le déséquilibre concurrentiel en défaveur des casinos physiques, aujourd’hui confrontés à la concurrence d’acteurs qui échappent à toute régulation ». La « préservation de l’emploi et de l’économie locale » seront également au centre des discussions.
Ce nouvel épisode prouve, une fois de plus, que la concertation en amont d’une prise de décision, surtout sur un sujet aussi sensible, est toujours politiquement préférable à un recul en rase campagne.
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Culture
Politiques culturelles : les budgets culturels des collectivités restent stables
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Malgré l'inflation, les collectivités tentent de maintenir leur niveau de soutien à la vie culturelle. SI ces dernières ont une situation budgétaire globalement stable, selon le dernier baromètre de l'Observatoire des politiques culturelles, la situation est disparate selon les types de collectivités.
La stabilité budgétaire en fonctionnement domine pour l’ensemble des grandes catégories de collectivités entre 2023 et 2024. C’est ce que montre l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) dans son dernier baromètre 2024 publié hier.
Ce sont ainsi les retours de 13 régions, 68 départements, 73 communes de plus de 50 000 habitants (dont 23 communes de plus de 100 000 habitants et 50 communes de moins de 100 000 habitants), 45 intercommunalités (dont 19 métropoles, 3 communautés urbaines et 23 communautés d’agglomération) et 3 collectivités d’outre-mer qui ont permis de dresser ce panorama des budgets dont disposent les collectivités « pour mener à bien leur politique culturelle ».
La situation des communes « plus favorable cette année »
Même si, pour l’ensemble des collectivités territoriales, « on constate moins d’augmentations des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) entre 2023 et 2024 qu’au cours de la période précédente », la tendance générale est à « relativiser au regard de certaines évolutions plus favorables déclarées par le bloc local (communes et intercommunalités) et de son poids prépondérant dans les dépenses culturelles ».
La stabilité budgétaire en fonctionnement domine certes, mais des disparités sont constatées. « La situation est plus dégradée pour les régions (plus de deux fois plus de baisses) et pour les départements, peut-on lire dans l’étude. La part des départements qui baissent leurs budgets de fonctionnement a en effet doublé (de 9 % dans le baromètre 2023 à 20 % dans l’enquête 2024) et celle des départements qui les augmentent est passée de 49 % à 27 % ».
Mais du côté des intercommunalités et des communes on remarque davantage d’augmentations : « La situation des communes de plus de 50 000 habitants, relativement dégradée sur la période précédente, est plus favorable cette année : la part des communes qui indiquent baisser leur budget primitif culturel de fonctionnement est passée de 34 % dans l’enquête 2023 à 21 % cette année. C’est une indication importante au regard de la structuration budgétaire des politiques culturelles puisque le bloc local représente environ 80 % des dépenses culturelles des collectivités territoriales, devant les départements (12 %) et les régions (9 %). »
Par ailleurs, les régions et les communes sont les catégories qui déclarent le plus d’augmentations en investissement.
Emplois culturels et subventions aux associations
Les budgets de fonctionnement évoluent aussi selon le domaine de politique culturelle. Par exemple, « 38 % des communes indiquent augmenter leur soutien aux festivals/événements. » Autre donnée importante : si au niveau des départements, les baisses impactent un peu moins souvent certaines compétences obligatoires (livre et lecture, enseignement artistique), au niveau des communes « ce sont les enseignements artistiques qui doivent le plus fréquemment composer avec des baisses budgétaires. »
Concernant l’évolution des emplois culturels, les communes de 50 000 à 100 000 habitants ont une situation plus instable que les autres catégories territoriales : « C’est dans ces communes que l’on trouve à la fois le plus fort taux de baisses et le plus fort taux de hausses déclarées du nombre d’emplois culturels. »
Pour les subventions versées aux associations, les baisses de subventions émanant des départements sont deux fois plus nombreuses cette année par rapport à la période 2022-2023 (21 % contre 10 %). « À l’inverse, la situation semble s’améliorer – avec plus de hausses – au niveau du bloc local (communes et intercommunalités) ; faut-il y voir le signe d’une proximité plus marquée entre l’exécutif et les acteurs subventionnés ? », écrivent les auteurs.
Démocratie culturelle et transition écologique
La politique culturelle n’est pas appréhendée de la même manière selon l’échelon territorial. L’étude pointe que « les registres d’accès, d’offre et d’éducation-jeunesse dominent les choix culturels des exécutifs locaux » à l’échelle communale, « bien que la philosophie d’action de la démocratie culturelle y soit plus affirmée que dans les autres niveaux de collectivités ». Les auteurs indiquent que, « comme en 2023, il s’agit de la catégorie de collectivité où la palette des registres prioritaires de politiques culturelles investis est la plus large : autrement dit, l’échelon communal apparaît comme étant le plus généraliste et le moins focalisé sur tel ou tel registre d’action. »
Le baromètre s’intéresse aussi pour la première fois aux problématiques liées à la transition écologique. La place accordée aux enjeux de transition écologique est jugée plus prépondérante pour les communes de plus de 100 000 habitants. De plus, « 18 % des collectivités confient n’avoir pas mis en place de démarche spécifique ». Cependant, celles qui l’ont fait ont privilégié les mesures de sobriété énergétique, devant les concertations avec les acteurs culturels du territoire et la formation des agents.
« Contexte financier dégradé »
« La situation budgétaire globalement stable qui ressort du baromètre 2024 n’enlève rien aux difficultés financières éprouvées par les milieux culturels, du fait notamment des flambées inflationnistes de ces dernières années que ne parviennent pas à compenser les évolutions des dépenses des collectivités dans ce domaine », indiquent les auteurs.
Plus précisément, plusieurs directeurs et directrices des affaires culturelles (DAC) sondés ont des perspectives pessimistes pour l’avenir. « Certains évoquent des adaptations nécessaires face aux contractions budgétaires, notamment à travers la reconfiguration ou l’arrêt de certains dispositifs de soutien : "La légère baisse du budget a été possible de façon assez neutre grâce à des dispositifs qui arrivaient à échéance" ; "Un grand nombre de dispositifs ont été baissés ou suspendus. L’effet sur l’emploi n’est pas encore tangible, mais devrait se faire sentir au gré des départs (objectif annoncé de baisse de la masse salariale)." »
« Comme le soulignent plusieurs responsables culturels, un maintien du budget revient, avec l’inflation, à faire moins d’actions et ne compense pas la hausse des charges, par exemple dans l’économie du spectacle vivant (cachets artistiques, dépenses énergétiques...). »
Consulter le Baromètre.
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Journal Officiel du mardi 29 octobre 2024
Ministère de la Santé et de l'Accès aux soins
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