Édition du lundi 28 octobre 2024 |
Fonction publique
Le gouvernement souhaite passer Ă trois jours de carence dans la fonction publique
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Le gouvernement a dĂ©voilĂ©, ce week-end, la teneur des 5 milliards d'euros d'Ă©conomies supplĂ©mentaires qu'il a prĂ©vues. La mesure la plus emblĂ©matique â mais ce n'est pas la seule â est la volontĂ© de passer le nombre de jours de carence des fonctionnaires Ă trois.Â
Lors d’un point presse tenu – inhabituellement – dimanche après-midi, l’entourage des ministres du Budget et de la Fonction publique ont dévoilé, hier, les grandes lignes de « l’effort » supplémentaire de 5 milliards d’euros décidé par le gouvernement. Pour mémoire, les délais trop contraints de publication du projet de loi de finances pour 2025 avaient conduit le gouvernement à n’inscrire dans la version initiale de celui-ci qu’une partie des mesures envisagées, et de proposer d’apporter les dernières par amendements. C’est le contenu de ces amendements qui a été dévoilé hier.
« Responsabiliser les agents »
La mesure la plus commentée, ce matin, est la décision de porter à trois jours le nombre de jours de carence pour les fonctionnaires, au lieu de un aujourd’hui. Dans une longue interview au Figaro, ce matin, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, s’en explique : pour lui, « l’urgence » est la « lutte contre l’absentéisme » dans la fonction publique, qui aurait augmenté de « 80 % en dix ans », selon les chiffres du ministre. Cet absentéisme aurait coûté « 15 milliards d’euros à l’État en 2022 » : il y a donc là de quoi trouver des économies.
Le gouvernement souhaite donc aller plus loin que la mesure prise en 2018 (rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique), en « passant le nombre de jours de carence de un à trois, ce qui revient à aligner le régime de la fonction publique sur le secteur privé ». Par ailleurs, les arrêts maladie seraient désormais payés à 90 % au lieu de 100 %. « La conjonction de ces deux mesures permet de responsabiliser les agents », ajoute le ministre, et d’économiser « 1,2 milliard d’euros ». « La fonction publique doit prendre sa part de l’effort. »
Guillaume Kasbarian indique cependant que « les accidents de service, les invalidités, les maladies graves, affections de longue durée ou arrêts liés à la grossesse n’entreront pas dans la réforme ».
Effets possiblement contre-productifs
En parlant de « responsabiliser » les agents, Guillaume Kasbarian place le débat sur un terrain clivant : il laisse entendre que les fonctionnaires prennent des arrêts maladie inutiles, voire de complaisance, ce qui laisse de côté un certain nombre de réalités pourtant largement documentées dans les nombreuses études sur l’absentéisme dans la fonction publique. En particulier, le fait que l’augmentation de l’absentéisme est essentiellement due au vieillissement des agents. Par ailleurs, les réformes successives des retraites ont eu un effet mécanique sur la question de l’absentéisme, qui commence là aussi à être documenté : maintenir au travail des agents de plus de 60 ans implique généralement que ceux-ci soient plus souvent malades.
Par ailleurs, cette proposition de réforme semble particulièrement mal adaptée aux réalités de la fonction publique territoriale, où la structure de l'absentéisme est particulière : ce sont les absences de longue durée qui sont très largement majoritaire, comme toutes les études récentes le confirment (lire Maire info du 11 octobre 2023). Le passage à trois jours de carence n'y aura donc qu'un effet limité sur l'absentéisme.
Enfin, cette réforme, si elle aboutit, conduira probablement à ce que les agents, pour ne pas perdre de salaire, aillent travailler malades – ce qui pourrait avoir l’effet exactement inverse que celui qui est poursuivi, en augmentant les problèmes de contagion, voire en aboutissant à des arrêts de plus longue durée du fait de maladies mal soignées. Ce n’est pas pour rien que, pendant l’épidémie de covid-19, le gouvernement avait temporairement supprimé le jour de carence pour les fonctionnaires : il semblait alors parfaitement au courant que pour les agents les moins bien payés, la perte d’un jour de salaire n’est pas tenable, et que les agents préféraient venir travailler malgré la maladie plutôt que de voir diminuer leur revenu.
Les syndicats, qui sont aussi montés au créneau pour dénoncer cette mesure, ne sont pas non plus convaincus par la nécessité brandie par le ministre de « mettre à égalité » les secteurs public et privé sur cette question. Ils rappellent que les deux tiers des salariés du privé, du fait d’accords de branche ou d’accords d’entreprise, n’ont pas de jour de carence, ceux-ci étant pris en charge par leur employeur.
Toutes les organisations syndicales représentatives de la fonction publique sont vent debout ce matin contre cette décision, qualifiée selon les cas « d’injuste », « d’aberrante », de « consternante » et « d’atterrante ». D’autant qu’elle intervient quelques jours après l’annonce par le même Guillaume Kasbarian du non-paiement de la Gipa (garantie individuelle du pouvoir d’achat) cette année (lire Maire info de vendredi). Le ministre indique d’ailleurs ce matin dans Le Figaro qu’il compte « inscrire à l’agenda social » la suppression définitive de la Gipa, qui ne serait « plus adaptée ».
Culture, aide publique au développement, transports
Les autres mesures d’économies permettant d’atteindre les fameux 5 milliards supplémentaires portent essentiellement sur le budget de l’État et celui des opérateurs. Un millier d’emplois publics vont être supprimés en plus de 2 200 déjà prévus. Le ministère de la Culture devrait perdre 50 millions d’euros – dont une partie sur le budget du Pass culture. Les mesures d’aides au verdissement de la flotte automobile devraient, elles, perdre quelque 300 millions d’euros.
Le budget alloué à la lutte contre la pauvreté va lui aussi être durement touché : l’Aide publique au développement (APD) va subir une troisième baisse en un an, cette fois de 640 millions d’euros. En un an, le budget alloué à l’APD sera donc passé de 6,5 à 4,5 milliards d’euros, reléguant définitivement aux oubliettes la promesse faite par Emmanuel Macron, en 2017, de porter ce budget à 0,7 % du revenu national brut (soit plus de 15 milliards d’euros).
Autre signal peu encourageant : le budget de l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport en France) va être amputé de 60 millions d’euros – l’amendement a déjà été déposé – il s’agit d’une diminution de la part de TICPE affectée à l’agence. Certes, la coupe n’est pas considérable par rapport au total, puisque cette part va passer de 1,28 à 1,222 milliard d’euros, mais c’est tout de même une diminution des moyens affectés au transport public et donc un mauvais signal en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Enfin, le gouvernement a laissé entendre qu’une nouvelle ponction serait faite sur le budget des agences de l’eau – qui viendrait donc s’ajouter à celles qui sont déjà prévues, soit 130 millions dans le projet de loi initial (lire Maire info du 21 octobre).
Des preuves supplémentaires, après le coup de rabot sévère sur le Fonds vert, que l’écologie n’est décidément pas au centre des préoccupations gouvernementales.
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Budget de l'Ă©tat
Budget 2025 : les députés proposent de rétablir la CVAE, lors de débats confus
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Les députés se sont mis d'accord pour rétablir la CVAE, exempter de TVA les Antilles sur certains produits et adopter une nouvelle série de mesures pour lutter contre la crise du logement. Ils ne devraient pas reprendre leurs discussions avant le 5 novembre.
Quelque 200 amendements adoptés et plus de 1 500 qui n’ont pu être encore examinés. La discussion sur la première partie du projet de budget s’est interrompue, dans la nuit de samedi à dimanche, sans que celui-ci ait pu être achevé, après six jours d'échanges houleux et confus.
Alors qu’il devait faire l'objet d'un vote solennel demain, celui-ci n’aura donc pas lieu et les discussions devraient reprendre le 5 novembre.
Déconvenues du gouvernement
Comme en commission des finances, les débats sur la partie recettes du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ont donc été particulièrement tendus, le gouvernement Barnier accumulant les déconvenues, avec parfois l’assentiment de son propre camp.
Si le Premier ministre n’a toujours pas décidé d’enclencher le « 49.3 » à ce stade, il a enchaîné les revers face des alliances hétéroclites et mouvantes d'élus issus de l’ensemble de l’échiquier politique qui, selon les circonstances, se sont ligués les uns contre les autres puis les uns avec les autres pour détricoter le budget ficelé par l’exécutif.
Cela a créé une certaine confusion et une lecture particulièrement difficile des débats, étant donné le manque de cohérence de l’ensemble. Comme en commission, l’examen des recettes du projet de budget en séance a donc, une fois de plus, révélé la fragilité du budget présenté par Michel Barnier.
Du fait d’absence de majorité et de l’éclatement de l’Assemblée, l’exécutif a encore dû céder face à une majorité de députés - parfois composés de députés de sa propre coalition – qui ne parviendront vraisemblablement pas à s’entendre sur la globalité du texte, le RN ayant d’ores et déjà annoncé qu’il ne votera pas le texte final.
Rétablissement graduel de la CVAE
Ce qui n’a pas empêché l’Assemblée de voter toute une série de mesures qui intéressent au premier chef les collectivités. Elle a ainsi approuvé, grâce plusieurs amendements portés par l’ensemble du Nouveau Front populaire (NFP), le rétablissement progressif de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Ce rétablissement se ferait « dans un premier temps pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros », avant de « l’élargir progressivement aux ETI », les entreprises de taille intermédiaire.
Estimant que la suppression de la CVAE est un « cadeau fiscal » sans « aucune justification économique » qui « grève le budget de l’État » et qui « a profité pour deux tiers à 10 000 grandes entreprises, lesquelles viennent en majorité des secteurs polluants », les députés insoumis ont notamment dénoncé « le manque de considération de l’État aux collectivités ».
Alors que le gouvernement prévoit seulement de reporter de trois ans sa suppression totale, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a regretté que l’Assemblée ait décidé d’« envoyer ce signal de retour en arrière ».
Rien ne garantit, toutefois, que ce rétablissement de la CVAE figurera bien dans la copie finale du texte. D'autant qu’une éventuelle activation du « 49.3 » permettrait à l’exécutif de faire adopter le texte de son choix – en conservant ou écartant les dispositions qu’il souhaite – sans vote.
Exemptions de TVA aux Antilles
À ce titre, l’initiative du gouvernement visant à « ajuster » la TVA, pendant trois ans, sur une liste de produits de « première nécessité » en Guadeloupe et en Martinique a davantage de chance de prospérer. Elle prévoit ainsi d'expérimenter dans ces territoires, de 2025 à fin 2027, l’exonération de TVA pour certains produits de première nécessité.
Il fait ainsi écho à l’accord conclu dernièrement à Fort-de-France visant à faire baisser les prix de 20 % en moyenne pour répondre à la forte mobilisation contre la vie chère qui perdure depuis près de deux mois en Martinique. La liste des produits bénéficiant de cette exemption, jusqu’à la fin 2027, doit être précisée par décret.
En parallèle, les députés ont adopté plusieurs autres amendements plus favorables que celui du gouvernement, arguant notamment que « la pauvreté n’est pas temporaire ». L'un prévoit de supprimer la TVA dans les collectivités ultra-marines sur « un ensemble de produits de première nécessité » (alors que seules la Guyane et Mayotte en sont actuellement exemptées), tandis qu’un autre vise à exonérer de la TVA les produits inscrits dans le bouclier qualité prix (BQP).
Le « Denormandie » réduit et écourté
L’exécutif est, en outre, revenu sur le dispositif « Denormandie » (aide fiscale destinée à encourager la rénovation des logements anciens dans le cadre locatif) en écourtant son application jusqu’au 31 décembre 2026 (et non plus jusqu’à la fin d’année 2027) tout en en réduisant son périmètre.
Il a ainsi supprimé l’extension du « Denormandie » aux copropriétés dégradées, adoptée en avril dernier, en le recentrant, comme c’était le cas avant, aux « seules communes caractérisées par un fort besoin en réhabilitation de leur centre-ville ou ayant conclu une convention d’opération de revitalisation des territoires (ORT) ».
Après tout juste six mois de mise en œuvre, l’exécutif estime que ce nouveau dispositif n’est « pas satisfaisant » et manquerait même « d’efficacité ».
Les « Airbnb » ciblés et le PTZ étendu
Afin de tenter de lutter contre la crise du logement, une série d’amendements assez variés ont permis d’étendre, notamment, à l'ensemble du territoire les prêts à taux zéro (PTZ) pour l'immobilier, à la fois dans le neuf (comme le souhaitait le gouvernement) mais aussi dans l'ancien.
S’agissant de la niche fiscale « Airbnb » jugée particulièrement favorable (et contribuant au moins en partie à la pénurie de logements dans les zones touristiques), les députés se sont mis d’accord en baissant au taux de 30 % les abattements fiscaux relatifs aux meublés de tourisme, contre 71 % jusqu’en 2024.
Une exception serait, cependant accordée pour les meublés de tourisme classés situés en zone rurale ou en station classée de sport d’hiver. Leur abattement pourrait ainsi être « complété d’un abattement supplémentaire de 41 % sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros ».
L’Assemblée a, en outre, décidé d’assujettir les loueurs de meublés de tourisme au paiement de la TVA pour les biens qui ne constituent pas leur résidence principale. En cause toujours, ce type d'activité économique entraîne « une concurrence déloyale par rapport à la location meublée de longue durée et surtout à la location nue » et « amplifie la crise du logement en zone tendue et entraîne la déperdition des cœurs de ville dans les communes touristiques ».
À noter, par ailleurs, la décision des députés d’appliquer le taux de TVA de 5,5 % sur l’ensemble des opérations de construction neuve de logements locatifs sociaux ainsi que pour l’ensemble des travaux qui sont réalisés dans ces logements.
Casinos : l’amendement polémique sera retiré
Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a indiqué dimanche, sur Radio J, que le gouvernement allait retirer un amendement, très polémique, prévoyant d'ouvrir la voie à l'autorisation des casinos en ligne en France.
Une mesure qui avait conduit une centaine de maires à publier une tribune, la semaine dernière, en demandant au Premier ministre de ne pas autoriser les casinos en ligne par voie d'amendement « sans concertation ». Ceux-ci assuraient que des milliers d'emplois étaient en jeu.
« Cette ouverture incontrôlée entraînera la disparition d’un tiers des casinos français, le plus souvent localisés dans nos plus petites communes, menaçant 15 000 emplois la première année, et une baisse de 25 % de l'activité des casinos restants. Un calcul dangereux pour les finances de l’État » , alertaient ainsi les signataires de la tribune, publiée dans Le Figaro, parmi lesquels David Lisnard (maire de Cannes, président de l'AMF) ou Philippe Sueur (maire d'Enghien-les-Bains).
« Il était question que le gouvernement dépose un amendement. Ce n'est plus le cas. Je crois qu'il nous faut d'abord travailler entre nous », a précisé le ministre du Budget, reconnaissant qu’il y avait besoin d’une « concertation large ».
Autres mesures
Parmi les autres mesures adoptées, l'Assemblée nationale a voté une série d'allégements de TVA pour différents secteurs. Outre les nouveaux logements sociaux, on peut aussi citer les associations d'aide alimentaire, les transports de voyageurs – sauf l'aérien – , les entreprises de réparation, ou encore les « premiers kilowatts » de gaz et d'électricité consommés par les ménages.
Les députés ont aussi supprimé l'alourdissement prévu du « malus » pour les voitures essence et diesel et validé un nouvel impôt sur le patrimoine des milliardaires, ainsi qu’une taxe exceptionnelle de 10 % sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC 40.
« Les multinationales doivent prendre leur juste part dans le financement des collectivités, de la Sécurité sociale et des services publics [car] elles bénéficient en premier lieu des infrastructures mises à disposition par l’État », ont défendu les députés « insoumis ».
Des députés de l'opposition soupçonnent le camp gouvernemental de pousser à un « 49.3 », en laissant le projet de budget de Michel Barnier être profondément remanié. Un soupçon infondé, a assuré la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, alors que d'autres élus se demandent si le gouvernement ne cherche pas plutôt un rejet du texte, comme en commission des Finances, ou un enlisement des débats qui empêcherait un vote avant la date limite du 21 novembre, liée aux délais constitutionnels. Dans les deux cas, la conséquence serait une transmission directe du texte initial au Sénat.
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Climat
Fonds Barnier, guichet unique, études d'impact : le gouvernement présente son Plan d'adaptation au changement climatique
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Le nouveau Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) a été présenté vendredi. De trÚs nombreux points concernent les collectivités locales, qui sont des acteurs clés pour adapter les territoires.
La semaine dernière – quelques jours après les crues et inondations qui ont violemment frappé le centre-est et le sud-est de la France – Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, avait annoncé qu’un nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique sera annoncé « dans les prochains jours » (lire Maire info du 23 octobre).
En visite dans le Rhône vendredi, le Premier ministre a dévoilé les contours de ce nouveau plan national d'adaptation au changement climatique, qui doit préparer la France à vivre avec une hausse de 4 °C d'ici 2100.
Ce plan se décline à travers une cinquantaine de mesures, visant à « protéger la population », « assurer la résilience des territoires », « adapter les activités humaines », « protéger le patrimoine naturel et culturel » et « mobiliser les forces vives de la nation ».
Le Fonds Barnier porté à 300 millions d’euros
Créé en 1995 par l’actuel Premier ministre, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, est un fonds public qui permet de financer des travaux pour réduire la vulnérabilité de bâtiments exposés aux catastrophes, comme ceux construits en zone inondable, ou d’indemniser l’expropriation des biens les plus à risque, devant être démolis ou condamnés. Alors que ses moyens devaient rester stables, à 225 millions d’euros, selon le projet de loi de finances 2025, le gouvernement a décidé de changer son fusil d'épaule après les graves intempéries qui ont touché la France ce mois-ci. Le fonds Barnier verra finalement « ses moyens renforcés de plus de 30 % et portés pour la première fois à 300 millions d’euros. »
Il faut cependant relativiser cette augmentation. Rappelons que la surprime « cat nat » sur les contrats d’assurance, qui finance d’une part le régime des catastrophes naturelles et d’autre part le fonds Barnier, augmentera de 12 % à 20 % à partir de 2025. Selon la présidente de France Assureurs, Florence Lustman,« si on fait un calcul global », le fonds devrait atteindre « à peu près 450 millions d’euros pour 2025 ». C'est donc 150 millions de plus que ce que le gouvernement annonce dans ce plan.
Un nouveau guichet unique pour les collectivités locales
Parmi les autres mesures de ce plan qui concernent les collectivités, on retrouve la mise en place d’un guichet unique. Concrètement, « ces dernières années, plusieurs opérateurs (Ademe, Cerema, ANCT, OFB, Agences de l’eau, Banque des territoires, Météo-France, etc.) se sont saisis des sujets d’adaptation afin de travailler sur leurs offres d’accompagnement des collectivités ». Cependant, « la dispersion de l’offre de service peut créer un manque de lisibilité pour les collectivités ».
C’est dans ce contexte que le gouvernement propose de créer « une offre commune, en expertise et ingénierie, pour accompagner les collectivités territoriales dans leur démarche d’adaptation au changement climatique. Le déploiement de cette offre partenariale nouvelle se traduit par la mise en place d’un nouveau service à destination des collectivités territoriales, dénommé "Mission adaptation" ». Ce guichet unique sera mis en place dès 2025.
Prévention et évaluation
Le plan prévoit aussi « de gérer les impacts déjà constatés et d’anticiper ceux à venir. » Pour ce faire, de nombreuses mesures visent à préparer l’avenir dans les territoires. Par exemple, pour « accompagner l’adaptation du tourisme culturel, de montagne, littoral et nautique », le gouvernement souhaite « réaliser une cartographie des études existantes en matière d’objectivation de l’impact du changement climatique sur les activités de montagne et une étude sur les impacts du changement climatique sur les activités littorales ».
Concernant l’épineuse question des assurances, « un dispositif sera instauré afin d’inciter les assureurs à maintenir une offre assurantielle abordable et disponible sur tout le territoire et à ne pas délaisser les zones les plus à risques ». « En parallèle, un travail sur un zonage des principaux risques couverts par le régime assurantiel d’indemnisation des catastrophes naturelles sera conduit. »
En matière de planification, « la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc) devra être progressivement intégrée dans l’ensemble des documents de planification et sectoriels locaux pertinents. Ainsi, les collectivités territoriales n’auront plus à se poser la question du scénario climatique à adopter pour leur politique d’adaptation et les analyses de vulnérabilité réalisées seront harmonisées et comparables. »
Il est également prévu qu’une étude spécifique soit réalisée dans les départements et régions d'Outre-mer sur les vulnérabilités de l'approvisionnement en eau potable. « Concrètement, l'ensemble des acteurs, en particulier les collectivités territoriales, auront une vision claire des évolutions futures de l'approvisionnement en eau et pourront préparer les évolutions nécessaires pour s'adapter », peut-on lire dans le dossier de presse.
Par ailleurs, afin d’atteindre l’objectif national de réduire au moins de 10 % les prélèvements d’eau d’ici 2030, une cartographie des réseaux d’eau devrait être réalisée à la fin de l’année pour avoir « une vision précise des besoins des territoires et identifier les communes les plus en difficulté ». Cela « permettra de prioriser les territoires sur lesquels des actions de rénovation des réseaux doivent être menées. »
Enfin, dans le but de « mesurer l’efficacité des politiques d’adaptation mises en place », il est proposé de « travailler sur une base d’une vingtaine d’indicateurs qui pourrait être utilisée par toutes les collectivités territoriales pour évaluer leur politique d’adaptation. » Ensuite, à partir de 2026, un rapportage « adaptation » régulier pour les collectivités locales, selon leur taille, pourrait être rendu obligatoire.
Transports, télécommunications, énergie
Une partie du plan porte sur la résilience des infrastructures. Les évènements climatiques de ces dernières années ont démontré l’importance de mener un travail pour assurer la continuité des services dans les territoires face à l’augmentation des intempéries.
Ainsi, une « étude de vulnérabilité sera progressivement obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques, à commencer, dès 2025, par les grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie et, dès 2026, pour les opérateurs d’importance vitale, apprend-on dans le dossier de presse. Sur cette base, des plans d’action seront élaborés afin d’adapter au mieux les infrastructures. »
Consultation publique
Pour mobiliser l’ensemble de la société, une grande consultation publique a été lancée en ligne. Les citoyens sont invités à répondre à une vingtaine de questions puis à donner leur avis sur le site consultation-pnacc.ecologie.gouv.fr.
Du 25 octobre au 27 décembre 2024, les personnes morales (collectivité territoriale, association, chambre consulaire, syndicat professionnel, organisme public, parapublic ou privé, etc.) peuvent également déposer un cahier d’acteur argumenté et documenté en lien avec les axes mis en débat dans le cadre de la consultation du public sur le futur Plan national d’adaptation au changement climatique. Il faut souligner que les collectivités n'ont pas été consultées dans le cadre de l'élaboration de ce plan qui pourtant les concerne au premier chef.
« Le ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques procédera à l’analyse des avis des citoyens et des acteurs institutionnels et entreprises et en publiera une synthèse après la fin de la consultation », peut-on lire sur le site du ministère.
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Catastrophes
531 communes placées en état de catastrophe naturelle aprÚs les inondations survenues du 8 au 13 octobre
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L'arrĂȘtĂ© portant reconnaissance de l'Ă©tat de catastrophe naturelle pour plus de 500 communes Ă la suite des inondations dues Ă la tempĂȘte Kirk a Ă©tĂ© publiĂ© ce week-end, alors que des maires de communes frappĂ©es par les intempĂ©ries demandent que celles-ci soient exemptĂ©es des ponctions budgĂ©taires prĂ©vues par le gouvernement.Â
Ce n'est qu'une première salve : la reconnaissance en état de catastrophe naturelle qui a été publiée samedi au Journal officiel ne concerne que les dégâts causés entre le 8 et le 13 octobre par la tempête Kirk. Il y aura donc un deuxième arrêté, dans les prochains jours, pour les communes (parfois les mêmes) frappées par les très graves inondations survenues les 16 et 17 octobre, notamment en Ardèche et dans le Rhône.
Sept départements concernés
Pour ce qui concerne les seules conséquences de la tempête Kirk, ce sont sept départements qui ont été particulièrement touchés : l’état de catastrophe naturelle est reconnu dans 133 communes de l’Eure-et-Loir et 132 communes de la Seine-et-Marne, mais aussi dans 71 communes de l’Essonne, 58 de l’Aisne, 75 des Yvelines, 40 de la Loire-Atlantique et 22 du Loir-et-Cher.
Maire info publie ci-dessous la carte des communes reconnues en état de catastrophe naturelle dans chaque département concerné (voir en fin d'article).
Ponctions financières : des maires demandent à être « épargnés »
Dans ce contexte d’aggravation du dérèglement climatique, où deux phénomènes pluvieux majeurs sont survenus en une quinzaine de jours – et même trois en comptant les pluies diluviennes tombées sur le Var ce week-end – de nombreux élus se sentent particulièrement désemparés face à la ponction financière envisagée par le gouvernement dans son projet de loi de finances.
La semaine dernière déjà, plusieurs parlementaires de l’Ardèche avaient interpellé le gouvernement à ce sujet (lire Maire info du 23 octobre). « Nous venons de subir la colère de la nature. On ne peut pas subir la foudre du gouvernement qui menace de s’abattre sur les budgets de nos collectivités », a ainsi plaidé le député Hervé Saulignac. Explication : le gouvernement prévoit, par le biais du dispositif du « fonds de réserve », une ponction de 3 milliards d’euros sur les budgets des plus grandes collectivités, dont les départements et les régions. Or les communes n’ayant pas les moyens de faire face seules aux conséquences des catastrophes naturelles, elles devront se tourner vers ces derniers. Sauf qu’un département comme celui de l’Ardèche devrait, selon les calculs du député, subir une ponction de 8 millions d’euros…
La même critique a été faite par les parlementaires de la Loire, elle aussi durement frappée par les inondations il y a une quinzaine de jours, alors que le département va se voir prélevé de quelque 16 millions d’euros.
En fin de semaine dernière, ce sont cette fois des maires du Pas-de-Calais qui ont interpellé le gouvernement sur le même sujet. Dans un courrier commun au Premier ministre, co-signé du président des maires du Pas-de-Calais, Frédéric Leturque, des maires de Calais, Boulogne-sur-Mer, Liévin, Lens, Béthune, et des présidents des communautés d’agglomération du Pays de Saint-Omer et de Hénin-Carvin, les élus demandent à Michel Barnier « un dispositif sur mesure » préservant les budgets de leurs collectivités.
« Treize collectivités » du Pas-de-Calais seront frappées par les mesures liées au « fonds de réserve », écrivent les élus. Mais « le Pas-de-Calais n’est pas un département comme les autres », et les signataires demandent à ce titre que sa situation « soit regardée différemment ».
Le Pas-de-Calais est en effet touché par les effets cumulés de trois crises. La crise climatique, qui a conduit à « deux vagues d’inondations sans précédent en 2023 ». « La reconstruction débute tout juste, alors même que les nappes phréatiques sont pleines et que les précipitations hivernales sont déjà là ». Les maires « craignent le pire » pour les semaines et les mois qui viennent.
Deuxième enjeu : la crise migratoire, dont les effets sont particulièrement graves « sur le littoral, à Calais et tout autour » : « La population est exténuée et dans l’incompréhension d’une crise aussi durable », constatent les maires, alors que semaine après semaine, les tentatives de passage en Angleterre font de nouveaux morts en mer du Nord.
Enfin, la crise économique et sociale : dans le département, le taux de pauvreté atteint 19 %, soit « 5 points de plus que la moyenne nationale ».
Dans ces conditions, les maires demandent à être « épargnés » par le plan d’économies prévu par le gouvernement, au moins « le temps de la reconstruction », alors que non seulement 13 villes seront touchées par les ponctions, mais aussi le département et la région, ce qui ne fera qu’aggraver le problème.
Les maires demandent donc non seulement à ce que le budget de leurs collectivités soit épargné, mais également un traitement particulier au regard des autres mesures prévues par le gouvernement, avec « le maintien du Fonds vert », et « une protection des effectifs de l’Éducation nationale dans les territoires sinistrés ».
Plus généralement, ils demandent d’ailleurs qu’un tel dispositif soit appliqué « au niveau national dans les territoires concernés par les aléas climatiques ».
À l’heure où le gouvernement vient de durcir un peu plus son plan d’économies (lire article ci-contre), les chances de le voir accéder aux demandes des maires du Pas-de-Calais sont minces. La question recevra certainement une réponse lors d’une prochaine séance de questions au gouvernement.
Les communes concernées par les arrêtés de catastrophe naturelle
(Passer le pointeur de la souris sur une commune pour voir son nom.)
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Outre-mer
L'électricité rétablie partout en Guadeloupe, le couvre-feu partiel reconduit
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Le courant a Ă©tĂ© rĂ©tabli partout dimanche en Guadeloupe, affectĂ©e depuis prĂšs de deux jours par une coupure gĂ©nĂ©ralisĂ©e provoquĂ©e par l' « arrĂȘt illĂ©gal » des moteurs de la principale centrale de production d'Ă©lectricitĂ© de l'archipel, le prĂ©fet dĂ©cidant toutefois de reconduire le couvre-feu partiel en vigueur.
La reconduction de cette mesure dans certaines communes de 22 h à 5 h vise à « prévenir le risque de nouveaux troubles à l'ordre public » bien que « le nombre et l'intensité des faits de violences urbaines » ont « diminué » dans la nuit de samedi à dimanche « par rapport à la nuit précédente », a souligné le préfet dans un communiqué.
Des pillards avaient profité d'une première soirée sans électricité, dans la nuit de vendredi à samedi, pour dévaliser des commerces. À Pointe-à-Pitre, des bijouteries avaient été attaquées à la tractopelle, d'autres boutiques saccagées.
Selon le Parquet, « il y a eu pas mal de barrages sur Pointe-à-Pitre mais pas du tout de pillage » dans la nuit de samedi à dimanche. Des barrages ont également été érigés sur d'autres communes concernées par le couvre-feu et trois personnes ont été interpellées, a indiqué à l'AFP la procureure adjointe de Pointe-à-Pitre. Quelques heures plus tôt, EDF avait annoncé avoir « réalimenté la totalité des clients du territoire de la Guadeloupe (soit 230 000 clients) ».
« Grand soulagement »
« Coupée 25 heures au total », Laure Atienza, infirmière libérale de 39 ans, ne cache pas dimanche, dans un rire franc, son « grand soulagement » avec le retour de l'électricité, mais aussi de l'eau. « Je peux laver mes petits papys et mamies à l'eau chaude donc pour la prise en charge des patients, ça change tout », témoigne auprès de l'AFP cette résidente de Sainte-Anne. Elle est malgré tout en « colère » face à ces coupures qui, « médicalement parlant », sont « gravissimes pour certains patients ».
L'une de ses patientes a ainsi dû partir aux urgences « parce qu'elle a fait une décompensation respiratoire dans la nuit et n'a pas pu mettre son appareil pour l'apnée du sommeil, le lit était bloquée en position allongée », confie Laure Atienza. « S'il y avait eu de l'eau et de l'électricité, elle ne serait pas allée aux urgences ». Un black-out affectait la Guadeloupe depuis vendredi matin, « à la suite de l'arrêt illégal », selon EDF, des moteurs de la centrale EDF-PEI de Jarry qui fournit la majorité de l'électricité sur le territoire de près de 380 000 habitants.
Alors qu'un conflit social oppose depuis plusieurs semaines la branche énergie de la CGT et la direction d'EDF Production électrique insulaire (PEI), le préfet Xavier Lefort avait accusé, peu après la coupure, « des salariés grévistes » de la centrale de Jarry de s'être « introduits dans la salle des commandes » et d'avoir « provoqué l'arrêt d'urgence de l'ensemble des moteurs ».
Réquisitions
Les gendarmes avaient été envoyés à l'intérieur de la centrale et le préfet avait décidé de réquisitionner les salariés « nécessaires » au fonctionnement de la centrale. EDF, via sa filiale EDF-PEI, a déposé une plainte contre X vendredi pour « mise en danger d'autrui ». Le black-out a mis en tension les établissements de santé et les services publics de première nécessité. Dès la constatation de la coupure, le CHU de la Guadeloupe avait activé ses groupes électrogènes, permettant aux « unités critiques de l'hôpital » de disposer « d'une autonomie de 72 heures ». Le CHU a ainsi pu bon an mal an continuer son activité.
La coupure généralisée a également impacté les réseaux de téléphonie mobile et la distribution d'eau. Cette dernière n'était pas encore totalement rétablie dimanche matin, a fait savoir le Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de la Guadeloupe (SMGEAG). « Selon les secteurs, un délai de 12 à 24 h est à prévoir, entre la remise en service des ouvrages et le retour de l'eau dans les robinets », a-t-il indiqué dans un communiqué.
Le mouvement social à la centrale de Jarry, qui dure depuis le 15 septembre, porte sur la mise en œuvre d'un accord signé début 2023, après deux mois de grève pour réclamer une mise en conformité des contrats et rémunérations avec le droit du travail. Il avait depuis provoqué des coupures d'électricité affectant jusqu'à 100 000 foyers. Lundi, la direction d'EDF-PEI avait proposé la signature d'un accord que la fédération de l'énergie de la CGT-Guadeloupe a refusé, un dernier point d'achoppement portant sur le mode de calcul des congés payés.
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