Édition du mercredi 23 octobre 2024

Budget de l'état
Budget 2025 : le fonds de précaution est un dispositif « assez brutal », concède la coalition gouvernementale
Cette ponction de 3 milliards d'euros sur les recettes des quelque 450 plus importantes collectivités a été, une nouvelle fois, critiquée par les députés, lors de l'arrivée dans l'hémicycle du projet de loi de finances.

A peine deux jours après son rejet en commission, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 est revenu, depuis lundi, dans sa version initiale en séance publique.

Après avoir largement revu la copie du gouvernement en commission - avec l’ajout de « 60 milliards d'euros » de nouvelles recettes fiscales votées, selon le président, Eric Coquerel (LFI) - , les députés ont déjà adopté certains amendements sur lesquels ils s’étaient mis d’accord la semaine dernière. Notamment sur les collectivités.

Un « OFNI » difficilement identifié

Les interrogations qui perdurent autour du « fonds de précaution » ont ainsi refait surface au début des débats dans l’hémicycle, l’exécutif souhaitant créer un système « d’auto-assurance » en 2025 en prélevant 3 milliards d’euros sur les recettes des quelque 450 plus importantes collectivités.

Car il y a toujours « un problème » sur « la nature juridique » de ce prélèvement, s’est plaint, hier soir, le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, Charles de Courson (Liot), qui avait déjà qualifié, en commission, cet « objet étrange » d’« OFNI » - pour « objet financier non identifié » - alors qu’il constitue le premier étage du plan de 5 milliards d’euros de ponction voulu par le gouvernement sur les recettes des collectivités (complété par un gel de la TVA et l’amputation du FCTVA) dans le but de les faire participer à la réduction du déficit public.

Sans nouvelles de l’exécutif depuis la semaine passée sur ce sujet particulièrement âpre et technique, le député de la Marne a donc fait adopté le même amendement qu’en commission afin d’éclaircir les contours de ce prélèvement, dont le nom même reste encore incertain (il est parfois aussi appelé, dans les documents officiels, « fonds de résilience des finances locales » ou « fonds de réserve au profit des collectivités territoriales » ).

« Il y a un vrai problème car il ne figure pas dans le tableau sur les prélèvements obligatoires », s’est ainsi interrogé Charles de Courson.

« Ce n’est pas une contribution fiscale à proprement parlé, mais bien davantage une ponction qui est prise sur les avances de fiscalité reversées aux collectivités pour participer à ce fonds. C’est pour cela que cela n’apparaît pas dans les contributions obligatoires du texte », s’est justifié le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, indiquant que « c’est bien un prélèvement, comme il y en a d’autres sur les collectivités locales : le fonds de péréquation sur les DMTO - qui est un prélèvement sur recettes affectées – ou encore le Fpic ».

« Autoritaire » et « brutal », selon le camp gouvernemental

Un dispositif qui a, d’ailleurs, été jugé « assez brutal » par le député macroniste de la coalition gouvernementale, Eric Woerth, qui estime également que sa mise en œuvre est faite « de manière assez autoritaire ».

Ce mécanisme « laisse assez peu de marge de manœuvre aux collectivités et engage leur fameuse autonomie financière », a ainsi souligné le député de l’Oise. « Je comprends qu’il y a une situation d’urgence pour rétablir rapidement les comptes du pays, mais il faut bien se poser la question si c’est un fusil à un coup. Et je pense que cela doit l’être », a-t-il fait valoir. 

« Oui, il faut que ce soit à un coup », a confirmé le ministre, insistant sur le fait qu’il faut « surtout que la gouvernance soit partagée avec les collectivités concernés, et que ce ne soit pas un fonds dont elles ne voient pas la destination des fonds ». Il a, par ailleurs, reconnu « une certaine verticalité, sinon une brutalité » dans l’application de cette mesure, assurant ne pas avoir « la prétention de croire que ce que nous proposons dans ce PLF est pérenne, durable et solutionne la problématique des finances locales ».

Réclamant « un mécanisme beaucoup plus consensuel », Eric Woerth a proposé de créer, comme en commission, un fonds de réserve lorsqu’il y a une dynamique des impositions qui est forte : « On pourrait écrêter cette dynamique dans un fonds à la main des collectivités afin de créer une sorte de coussin amortisseur pour les mauvaises années ».

« C’est exactement ce qu’il se passe avec les DMTO. Les départements ont bénéficié d’une augmentation extrêmement forte ces dernières années et finançaient sans problème leur action sociale. Aujourd’hui, ils ont les plus grandes difficultés pour la financer parce que les DMTO se sont effondrés », a-t-il rappelé.

D’autres départements bientôt exonérés

« Une fois de plus, c’est une prime aux cancres », a pour sa part fustigé le député du Vaucluse, Hervé de Lépinau (RN), regrettant que l’on ne tienne « pas compte de la pauvreté intrinsèque des départements ». 

« On va voir que la mauvaise gestion [d’un département] fait qu’il n’a plus de marges de manœuvre fiscale pour pouvoir subir ce prélèvement », a-t-il dénoncé, avant de demander l’application de « critères objectifs » afin que son département « bénéficie de cette exonération ». Le Vaucluse est « le cinquième département le plus pauvre de France, mais comme nous faisons un effort de bonne gestion, comme nous avons eu des DMTO plutôt dynamiques et bien nous serons exclus de la liste des 20 » départements exemptés de ce prélèvement, a-t-il déploré.

En réponse, Laurent Saint-Martin a assuré qu’il allait « travailler à faire en sorte que la fragilité financière des départements soit bien prise en considération, probablement au-delà des 20 départements que nous avons d’abord évoqués ».

Pérennité de la surtaxe sur les hauts revenus

A noter qu’un amendement du gouvernement vise à « toiletter » une série de textes déjà adoptés, portant sur la loi de finances pour 2024, sur celle visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et, enfin, sur la loi visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics.

Parmi la douzaine d’amendements adoptés cette nuit, on peut également retenir que les députés ont élargi l'assiette de la nouvelle contribution fiscale des foyers à hauts revenus et l'ont rendue pérenne.

Alors que le gouvernement voulait l'instaurer de manière exceptionnelle pour trois ans, l'Assemblée nationale a adopté des amendements déposés par la gauche et le Modem pour supprimer cette limite de temps.

Si 62 500 foyers entraient théoriquement dans le champ de la nouvelle mesure, une étude préalable publiée sur le site du ministère du Budget estimait que 24 300 foyers en seraient effectivement redevables.

A noter que le Conseil des ministres devait discuter, ce mercredi, de l'éventualité d'autoriser le recours au « 49.3 » sur le projet de budget pour 2025, a annoncé la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, sur France 2.

Consulter le dossier législatif.
 




Catastrophes
Inondations : les communes « ne pourront pas régler seules la facture », alertent des députés
Quelques jours après les crues et inondations qui ont violemment frappé le centre-est et le sud-est de la France, des députés appellent le gouvernement à donner les moyens nécessaires aux communes en termes d'indemnisation et d'adaptation au changement climatique.

« Monsieur le Premier ministre, nous avons eu très peur ! » C’est le député ardéchois Hervé Saulignac qui a ouvert hier, à l’Assemblée nationale, le bal des questions concernant les inondations de la semaine dernière. Pour mémoire, jeudi soir dernier, une quarantaine de départements a été placée en vigilance orange, voire rouge, pour risque de crues ou pluie-inondations (lire Maire info de vendredi). Le lendemain, les dégâts constatés étaient lourds dans des centaines de communes. 

« L’épisode cévenol qui a touché notre pays en fin de semaine dernière a été très violent, en particulier chez moi, en Ardèche, où les dégâts sont considérables et les populations traumatisées », continue le député. « Les eaux transformées en torrents de boue ont dépassé par endroits tous les niveaux connus de mémoire d’homme », a ajouté Emmanuel Mandon, député de la Loire. 

S’il est encore trop tôt pour évaluer précisément les coûts pour les communes, les élus de ces zones sinistrées s’inquiètent des moyens qui seront alloués à ces dernières à la fois pour réparer les dégâts et pour préparer l’avenir, tandis que les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes. 

Budget : les communes prises en tenaille 

« Nous venons de subir la colère de la nature. On ne peut pas subir la foudre du gouvernement qui menace de s’abattre sur les budgets de nos collectivités », a résumé le député ardéchois. Le contexte budgétaire n’est en effet pas rassurant de ce côté pour les communes ayant été touchées par cet épisode violent. « En Ardèche, 70 % des communes comptent moins de 1 000 habitants et ne pourront pas régler seules la facture. »

D’un côté, le projet de loi de finances prévoit en effet une ponction de 5 milliards d'euros sur les recettes des collectivités locales. De l’autre, la dotation de solidarité « aux collectivités victimes d’évènements climatiques ne prévoit que 40 millions d’euros au budget 2025 ». Résultat : les communes devront se tourner vers leur département, leur région ou leur métropole qui auront subi un prélèvement « injuste » de plusieurs milliards sur leurs recettes. Selon Hervé Saulignac, pour le seul département de l’Ardèche cela représente une ponction de 8 millions d’euros – « somme qui ne couvrira même pas les dégâts de la commune d’Annonay ».

Rappelons que le dispositif principal de ce plan de 5 milliards d’euros de prélèvements vise à la création d’un « fonds de précaution » - appelé aussi « fonds de résilience des finances locales » ou « fonds de réserve au profit des collectivités territoriales » - de 3 milliards d’euros (lire Maire info du 11 octobre). Ce dernier sera alimenté par un prélèvement sur les recettes des collectivités mais prévoit une « exonération pour les collectivités dont les indicateurs de ressources et de charges […] sont les plus dégradés ». Une vingtaine de départements serait exemptée et le député demande donc de placer l’Ardèche dans cette liste.

Selon l’AFP, deux parlementaires de la Loire ont également adressé un courrier au Premier ministre, pour « renoncer à la contribution […] de l’ordre de 16 millions d’euros » envisagée sur les recettes du département de la Loire. 

Catastrophe naturelle et assurances 

Sans surprise, concernant les finances de collectivités locales, aucune réponse n’a été apportée hier. Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires, a indiqué hier que pour les dégâts relevant des assurances, « une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été engagée par Agnès Pannier-Runacher dès vendredi dernier et nous devrons obtenir des réponses assurantielles. »

Pour le reste – « les ponts, les routes, les murs [qui] devront être réparés », « autant de biens qui ne sont pas assurables » – la réponse apportée par la ministre a été lacunaire : « L’État a des engagements à travers les mesures de soutien à la reconstruction et à la réparation du patrimoine public. Ce budget nécessitera peut-être d’être abondé. »

Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, a aussi indiqué hier que les missions d’inspection pour évaluer les dégâts allaient être lancées, étant donné que « ce processus est nécessaire pour déclencher l’octroi de la dotation de solidarité aux collectivités locales touchées par des épisodes climatiques. » Dans l’hémicycle, des députés ont rappelé que le temps presse. 

Un plan national d’adaptation à venir 

« Puis il va falloir construire l’après : reconstruire de façon à mieux faire face à des risques dont on constate que l’ampleur augmente », poursuit le ministre. Sur cette question, beaucoup s’interrogent quant aux moyens que le gouvernement souhaite engager pour réussir ce défi colossal. 

Dans son projet de loi de finances, le gouvernement prévoit une réduction drastique du Fonds vert (qui passera de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros), « alors qu’il est censé servir la transition écologique », déplore Hervé Saulignac. 

Alors que les financements se réduisent, la ministre annonce qu’un nouveau plan national d’adaptation au changement climatique sera annoncé « dans les prochains jours ». « Son objectif sera de promouvoir des actions très concrètes pour prévenir les risques, développer les investissements et la culture du risque, a-t-elle ajouté. Il n’y a pas que les inondations : nous devons également faire face aux canicules ou aux vents violents. L’objectif est de mettre à disposition des collectivités locales une boîte à outils qui leur permette de mieux se protéger. »

Rappelons que la ministre elle-même juge qu'en l'état, le budget alloué à l'adaptation et à la lutte contre le réchauffement climatique « n'est pas à la hauteur ». Une sortie qui illustre, une fois encore, les dissonances au sein du gouvernement. 




Transports
Mobilités : le ministre des Transports veut davantage associer les communautés de communes aux décisions des métropoles
Le ministre des Transports François Durovray a été auditionné hier par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, ce qui lui a permis de préciser les « principales priorités » de sa feuille de route. 

« Le secteur des transports représente un tiers des émissions (de gaz à effet de serre) du pays. C’est donc un tiers du problème, mais aussi un tiers de la solution. » Dès le début de son propos liminaire devant les députés, le ministre des Transports – par ailleurs président du département de l’Essonne – a insisté sur le fait que les transports jouent pour lui un double rôle :  « solution » pour la décarbonation, mais aussi outil de « cohésion des territoires », de « désenclavement », notamment dans les territoires ruraux où la voiture reste indispensable. « Je veux être le ministre des Transports de ceux qui n’en ont pas », a indiqué François Durovray, qui a affirmé que la question de la mobilité pour tous et du rééquilibrage entre les zones urbaines/périurbaines et les zones rurales, en matière de transports, est « le cœur de (son) engagement ». 

Questions de financement

C’est dans cet objectif qu’il a confirmé la présentation, au début de l’année prochaine, d’un plan « cars express » (lire Maire info du 14 octobre). Mais il a voulu rassurer ceux qui pensaient que ces cars allaient, pour des raisons budgétaires, remplacer les Serm (les RER métropolitains annoncés l’an dernier) : ceux-ci seront bien mis en œuvre, et une « conférence de financement » sera réunie en début d’année prochaine. Lors de cette conférence, a-t-il précisé, il ne sera pas seulement question des financements publics, mais aussi « de la mobilisation des capitaux privés et de la contribution des usagers, à raison des avantages qu’ils retirent de ce service ». 

Il n’a, en revanche, pas évoqué la question de versement mobilité payé par les entreprises, qui pourrait lui aussi être une importante source de financement pour ces grands chantiers. On sait que de nombreux élus des métropoles souhaitent une augmentation du plafond du VM afin de le voir aligné sur celui de l’Île-de-France, nettement plus élevé. 

Le ministre a dit sa préoccupation de trouver des moyens de financement pérennes pour les infrastructures de mobilité : « Le modèle actuel de financement des mobilités sera bientôt obsolète », a-t-il rappelé. En effet, la perspective de l’interdiction à venir de la vente de véhicules thermiques va, mécaniquement, faire diminuer la vente de carburant et donc le produit de la fiscalité sur ceux-ci. Or cette fiscalité (la TICPE) est affectée en partie au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf), à Île-de-France mobilités et aux régions, pour financer le transport public. Que se passera-t-il lorsque le produit de cette taxe diminuera, voire, disparaîtra quasiment – le ministre a parlé d'une diminution de 13 milliards d'euros à horizon 2030 ? Comment la mobilité sera alors financée ? C’est pour réfléchir à cette question que le ministre souhaite lancer « une réflexion prospective » début 2025, à laquelle les collectivités seront « associées ». 

« Embarquer » les communautés de communes

Le ministre n’a pas non plus évoqué la possibilité d’un éventuel rebattage des cartes sur la question de la compétence mobilité dans les communautés de communes. On sait que les associations d’élus, AMF comme Gart, revendiquent la mise en œuvre d’une nouvelle période de choix qui pourrait permettre aux communautés de communes qui n’ont pas pris la compétence mobilité, et l’ont laissée aux régions, de changer d’avis. Si cette question n’a pas été abordée, le ministre a en revanche estimé que trop de communautés de communes qui ont bien pris la compétence mobilité « ne l’exercent pas, pour des raisons d’ingénierie ou des raisons financières ». Il juge indispensable « d’embarquer ces territoires ruraux dans des offres adaptées à leur territoire », ce qui passera, selon lui, par « un bilan de la loi d’orientation des mobilités ». Sur les dossiers des RER métropolitains, notamment, il estime qu’il faudra absolument associer les communautés de communes, « retrouver un dialogue territorial, se mettre autour d’une table et étudier les flux ». Il faut, a ajouté le ministre, « que les métropoles se préoccupent davantage de leur périphérie ». 

Parmi les très nombreuses questions posées par les députés pendant cette audition, plusieurs ont concerné la taxe sur les billets d’avion prévue par le gouvernement dans son projet de budget. Des députés ultramarins ont pointé cette taxe comme une mesure « inique », qui va « accentuer la fracture entre la métropole et les Outre-mer », en renchérissant le prix des billets y compris pour les citoyens des Outre-mer qui n’ont pas d’autre choix que l’avion pour rejoindre la métropole ou en revenir. 

François Durovray s’est voulu rassurant sur ce sujet, en indiquant que le gouvernement souhaitait que « les liaisons avec les Outre-mer soient le moins impactées possible ». Il a affirmé que pour ces liaisons, la contribution serait « symbolique ».

Le ministre a également été interrogé sur le partage de la voirie entre cyclistes et véhicules motorisés, après le drame qui a conduit à la mort de Paul Vary, à Paris. François Durovray s'est dit convaincu de la nécessité de réfléchir à un meilleur partage de la voirie entre ses différents usages. Mais concrètement, on ignore quelles actions vont être entreprises dans ce sens. Si le ministre a cité le Plan Vélo de 2020, il faut rappeler que tous les appels à projets de ce plan sont aujourd'hui gelés, faute de financement. 




Nouvelle-Calédonie
Le Sénat se prononce aujourd'hui sur le report des élections locales en Nouvelle-Calédonie
Le Sénat examine aujourd'hui un texte très important pour la Nouvelle-Calédonie, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi organique pour le report d'un an des élections au Congrès et aux assemblées de province, censées se tenir avant le 15 décembre prochain. Ce que chacun juge aujourd'hui parfaitement impossible. 

Ce sont les sénateurs socialistes qui ont déposé cette proposition de loi, mais leur constat fait l’unanimité sur tous les bancs : la tenue des élections au Congrès et aux assemblées de province en Nouvelle-Calédonie d’ici moins de deux mois est « inenvisageable ». On se dirige donc vers un report, qui serait, en réalité, le deuxième.

Dégel du corps électoral

Pour comprendre ce débat, il faut revenir aux origines de la séquence politique qui a, en mai dernier, mis le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie. 

Normalement, les élections provinciales auraient dû se tenir le 12 mai dernier, soit cinq ans après les précédentes, comme le prévoit la loi. Mais la réforme du corps électoral voulue par le président de la République et son gouvernement ont changé les choses. On se rappelle que ce projet visait à « dégeler » le corps électoral de la liste dite « spéciale » – celle qui ouvre l’accès aux élections locales en Nouvelle-Calédonie, et qui est « gelée » depuis 1998 et les accords de Nouméa. Suivant un avis du Conseil constitutionnel et estimant « intenable » que plusieurs dizaines de milliers de citoyens installés depuis 1998 ne puissent participer aux élections locales, le gouvernement a donc engagé, avec le soutien des loyalistes, une réforme constitutionnelle permettant d’ouvrir la liste spéciale à environ 25 000 électeurs supplémentaires. 

Mais pour donner le temps à cette réforme constitutionnelle d’aller à son terme, il fallait reporter les élections du 12 mai, ce qui a été acté par une loi organique publiée le 16 avril. Cette loi a reporté le scrutin « au plus tard le 15 décembre 2024 ». 

Dans l’esprit du chef de l’État, la réforme du corps électoral devait être menée au pas de charge et aboutir en juillet, avec un vote des deux assemblées réunies en congrès. Dans ce cas, les élections provinciales, sur la base de la nouvelle liste électorale, auraient en effet pu se tenir avant la fin de l’année. 

L’explosion

Mais le gouvernement n’avait visiblement pas anticipé la colère profonde que provoquerait cette tentative de réforme du corps électoral dans la population kanak. Dès le 13 avril,  une manifestation de plus de 15 000 personnes, appelée par les partis indépendantistes, se déroulait à Nouméa, sous une bannière disant « La réforme du corps électoral nous mène à la mort ». Un mois plus tard, le 13 mai, la situation a explosé, avec une véritable insurrection dans toute l’agglomération de Nouméa, conduisant les autorités locales à décréter le couvre-feu. 

En quelques semaines, les affrontements entre indépendantistes, loyalistes et forces de l’ordre ont fait 11 morts et des centaines de millions d’euros de dégâts. Cinq mois plus tard, malgré le recul du gouvernement qui a renoncé au projet de loi constitutionnel, la tension n’est toujours pas retombée, le couvre-feu est toujours en vigueur, et la situation économique et sociale de l’archipel est catastrophique (lire Maire info du 8 octobre) : le PIB de la Nouvelle-Calédonie a chuté de 24 %, plus de 20 000  emplois ont été détruits, 900 entreprises ont fermé leurs portes. Les services publics sont quasiment à l’arrêt, le système de santé est en faillite, les collectivités territoriales sous perfusion. Les autorités, aujourd’hui, en sont à craindre « des émeutes de la faim » avant la fin de l’année. 

Élections « inenvisageables » à la date prévue

Dans ces conditions, comment espérer que des élections puissent se tenir dans des conditions normales d’ici décembre ? Comme il est expliqué dans l’exposé des motifs de la proposition de loi organique déposée par les sénateurs socialistes, « matériellement, aucune des formations politiques calédoniennes n'envisage à cette heure de s'engager dans un processus de campagne électorale. Aucun acte concret et opérationnel visant à préparer une campagne électorale n'a eu lieu. Aucun travail programmatique, aucune tentative d'organiser une liste électorale, aucune nomination de mandataire financier ne sont envisagés ». 

Il est donc demandé au Parlement de « prendre acte de l’impossibilité de tenir des élections au terme des mandats actuels ». Pour les auteurs de la proposition de loi, rien ne pourra se faire tant que l’État ne se sera pas porté « à la hauteur de ses responsabilités » non seulement pour « rétablir la paix civile et apporter des réponses politiques », mais également pour élaborer « un plan d'appui économique et social massif pour la Nouvelle-Calédonie », permettant d’envisager « la reconstruction ». Il est également demandé au gouvernement de « redevenir un facilitateur en évitant de manifester des parti-pris ». 

Cette proposition fait l’unanimité. D’abord en Nouvelle-Calédonie même, où l’ensemble des forces politiques qui constituent le Congrès sont d’accord avec l’idée que la tenue des élections en décembre est impossible. En métropole, ensuite : si la proposition de loi émane de la gauche, elle a reçu le soutien de la droite. Le LR Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois, a estimé par exemple que « l’ensemble du territoire n’est pas pacifié et que la situation peut toujours s’embraser à la moindre étincelle. (…) Il convient de se donner un peu de temps pour (…) donner aux différentes parties calédoniennes la possibilité de conclure un accord, dont la question du corps électoral sera, comme toujours, un point essentiel ». 

Seul bémol apporté par Philippe Bas : « On ne peut pas indéfiniment laisser le pouvoir à des élus dont le mandat est achevé. (…) le report des élections ne sera constitutionnel que s'il n'excède pas une durée que l'on évalue en général à dix-huit mois. » D’ailleurs, la seule opposition aux mesures proposées porte non sur le report lui-même mais la durée de celui-ci : les indépendantistes souhaitent un délai plus court, avec des élections au 30 mai prochain. 

Le texte, composé initialement d’un article unique, propose donc le report des élections au 30 novembre 2025 au plus tard. La commission des lois a simplement ajouté un article pour sécuriser juridiquement le texte en précisant que le mandat des élus du Congrès et des assemblées de province sont « prorogés » jusqu’aux prochaines élections. 

C’est ce texte qui sera examiné cet après-midi en séance publique au Sénat. Il a déjà été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, en commission des lois le 30 octobre et en séance le 6 novembre.




Eau et assainissement
Recyclage des eaux usées : la « réut » peine à décoller, selon les industriels
Des projets qui restent à l'état de projet : malgré des objectifs ambitieux, en France, la « réut », ou réutilisation des eaux usées traitées pour faire face au manque d'eau, ne décolle pas, selon les industriels de l'eau, qui dénoncent la persistance de freins réglementaires.

Le principe est d'ajouter en sortie de station d'épuration des traitements additionnels permettant d'éliminer les agents pathogènes, afin, au lieu de la rejeter dans le milieu naturel, de recycler l'eau et la réutiliser pour irriguer des cultures, nettoyer les voiries. Les derniers textes ouvrent également la voie à des usages domestiques d'eaux non conventionnelles comme les eaux de pluie ou les eaux grises (issues des douches, des baignoires, des lavabos et des lave-linges), entre autres. 

« En France, on a un pourcentage qui est moins de 1 % (d'eaux usées réutilisées), c'est vraiment très, très peu, alors que d'autres pays, même européens, sont à 15 % », a déploré Sabrina Soussan, présidente du comité stratégique de la filière eau et patronne du groupe Suez, lors d'une table ronde organisée par les constructeurs d'infrastructures de l'eau, pour le centenaire de leur organisation.

Lors de la présentation du dernier plan Eau de la France, Emmanuel Macron a annoncé fin mars 2023 un objectif de 10 % d'eaux usées réutilisées d'ici 2030, mais 18 mois plus tard, à en croire les industriels, le pays n'est pas du tout sur la bonne trajectoire. « Il y a beaucoup de projets dans les cartons, mais ils n'avancent pas. Et les projets qui se réalisent concrètement, il n'y en a quasiment pas », explique à l'AFP Christophe Dingreville, président de l'Union nationale des industries et entreprises de l'eau (UIE), qui regroupe les fabricants d'infrastructures.

Un constat que semblent corroborer les chiffres des géants des services de l'eau : le leader Veolia évoque « une centaine de projets en cours, avec autant de communes qui ont manifesté leur intérêt pour cette solution », alors que son rival Suez avance le chiffre d'une cinquantaine de projets. Des chiffres très en-deçà des objectifs fixés par le plan eau : « D'ici à 2026, il devait y avoir 1 000 nouveaux projets de réut », rappelle Christophe Dingreville. Les industriels déplorent unanimement des « freins réglementaires », notamment sanitaires.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), parfois pointée du doigt, indique avoir été « saisie dans des délais très courts pour rendre des expertises concernant les risques sanitaires associés à différents type de réutilisation des eaux non potables ». Elle précise par ailleurs avoir pour mission « de produire des repères scientifiques, sur la base de la littérature existante, pour les ministères ».

« Accélérer »

« L'engagement du Plan Eau pour lever les freins réglementaires a bien avancé avec plusieurs évolutions récentes », assure toutefois le ministère de la Transition écologique, qui rappelle l'entrée en vigueur en janvier 2024 d'un décret concernant l'industrie agroalimentaire, ainsi que la publication en juillet de textes encadrant les usages domestiques des eaux non conventionnelles (EICH, eaux impropres à la consommation humaine). Le ministère reconnaît toutefois, sur ce dernier point, que « des ajustements sont nécessaires pour garantir que les services locaux n'entravent pas la mise en œuvre » et indique qu' « un arrêté santé est d'ailleurs en cours de préparation ».

« Il faut quand même reconnaître que les pouvoirs publics se sont mobilisés pour changer les choses », admet Bertrand Convers, délégué aux relations extérieures de la Cooperl, poids lourd de la filière porcine française qui porte un projet de « réut » depuis huit ans. « Maintenant on a le cadre réglementaire, mais il nous manque le mode d'emploi », résume-t-il, indiquant que la direction générale de l'alimentation (DGAL), un service du ministère de l'Agriculture « est en train d'écrire les instructions techniques qui permettront de passer à l'acte ». La Cooperl espère ainsi, à très court terme, économiser 60 000 mètres cube par an.

Pour Sabrina Soussan, PDG de Suez, l'objectif de 10 % de « réut » demeure « réaliste » à condition d'« accélérer », à l'unisson du rival Veolia, pour qui « il y a du besoin, de la demande, des solutions ». Le sujet s'imposera de manière inéluctable, renchérit Bertrand Convers : « Au fur et à mesure que la contrainte de la ressource en eau va s'imposer à nous, on aura des leviers de progression qui seront de plus en plus importants », conclut-il.






Journal Officiel du mercredi 23 octobre 2024

Ministère de la Santé et de l'Accès aux soins
Décret n° 2024-948 du 21 octobre 2024 relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique hospitalière

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