Édition du vendredi 11 octobre 2024 |
Budget de l'état
Collectivités : ce que contient le projet de budget pour 2025
|
Comme prévu, le gouvernement prévoit de prélever 5 milliards d'euros sur les recettes des collectivités et de geler l'enveloppe de DGF. On peut également retenir le report de la suppression de la CVAE, la réintégration de plus de 2 000 communes rurales dans le nouveau zonage FRR et la réduction de 4 000 postes d'enseignants.
« Que ce soit l’Etat, les collectivités ou le secteur social, toutes ces administrations doivent être contributives à l’effort de redressement des comptes publics. » Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, l’a martelé à plusieurs reprises, hier, lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 devant la presse : le déficit public, « c’est l’affaire de tous ».
Ce à quoi les associations d’élus ont déjà largement répondu que ce n’est pas pour autant aux collectivités - qui n’en sont pas responsables - de payer.
Afin de ramener le déficit à 5 % du PIB, dès 2025 (contre 6,1 % annoncés pour 2024), l’exécutif prévoit ainsi de trouver 60 milliards d’euros dès 2025 via, d’un côté, le déblocage de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires et, de l’autre, la réduction de 40 milliards d’euros de dépenses publiques. Ce n’est ni « une cure d’austérité » ni « un rattrapage fiscal », a assuré Laurent Saint-Martin.
Effort « important » des collectivités
Pour y parvenir, cependant, cette réduction des dépenses devra être portée par l’Etat à hauteur de 20 milliards d’euros, pour 15 milliards d’euros par le secteur social et, enfin, pour 5 milliards d’euros par les collectivités.
« Ce sera difficile mais nécessaire » car « si on ne le fait pas la crise qui suivra sera encore plus douloureuse », a mis en garde, pour sa part, le ministre de l’Economie, Antoine Armand.
De quoi braquer les oppositions qui dénoncent un budget « inégalitaire » et « mal réparti », voire « une boucherie ».
Dans ce contexte, les collectivités territoriales devront donc prendre « leur juste part » à l’effort de redressement budgétaire - selon les mots de l’exécutif - à travers une ponction de 5 milliards d’euros sur leurs finances, auxquels on peut ajouter la réduction drastique du Fonds vert (qui passera de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros) et une augmentation de plus d’un milliard d’euros des cotisations CNRACL contenue dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, y voit, d’ailleurs, un « hold-up » sur les finances locales.
Vent debout, les associations d’élus ont déjà largement fait part de leur mécontentement au regard de cet effort que le gouvernement qualifie, lui-même, d’« important ». Un effort qui sera « proportionné au poids des collectivités territoriales dans la dépense publique » et « tiendra compte de leur situation financière », a voulu rassurer Bercy qui cible, toutefois, toujours « la forte progression des dépenses locales ».
Fonds de précaution : ponction plafonnée à 2 % des recettes
Le dispositif principal de ce plan de 5 milliards d’euros de prélèvements, on le sait depuis le début de semaine, c’est la création d’un « fonds de précaution » - appelé aussi « fonds de résilience des finances locales » ou « fonds de réserve au profit des collectivités territoriales » - de 3 milliards d’euros.
Il impacterait environ 450 des plus grosses collectivités (celles « dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros », détaille l’article 64 du PLF) et sera alimenté par un prélèvement sur les recettes des collectivités « limité à un maximum de 2 % des recettes réelles de fonctionnement ».
Ce prélèvement sera, toutefois, mis en œuvre uniquement lorsqu’est « constaté le dépassement d’un solde de référence », indique le projet de budget, qui prévoit une « exonération pour les collectivités dont les indicateurs de ressources et de charges […] sont les plus dégradés ». Une vingtaine de départements serait déjà ainsi exemptée.
Pour rappel, ce système « d'auto-assurance » doit permettre la mise en réserve du fonds en 2025 afin d’en restituer l’épargne plus tard ainsi que « le renforcement à partir de 2026 des mécanismes locaux de précaution et de péréquation au bénéfice des collectivités les plus en difficulté ». « La répartition du fonds l’année suivante sera établie après consultation du comité des finances locales », précise Bercy, dans son dossier de presse.
Intercommunalités de France a d’ailleurs publié, hier, une estimation des montants de la mise à contribution des collectivités dans le cadre de ce futur « fonds de précaution », collectivité par collectivité, qui reste, pour l’heure, à prendre avec prudence.
D’après l’association, « les ponctions de l’État représenteraient jusqu’à 15 % » de l’épargne brute des intercommunalités alors que celles-ci sont « au pic de leur cycle d’investissement ». Ce qui les obligerait « soit à renoncer à leurs projets, soit à s’endetter lourdement pour honorer les marchés qu’elles ont signés ». Des risques sur l'investissement également pointés par André Laignel.
Gel de la TVA et réduction du FCTVA
Le gouvernement a aussi prévu, dans le cadre de ce plan de 5 milliards d’euros, le gel de l’évolution annuelle des recettes de TVA qui ferait perdre 1,2 milliard d’euros aux collectivités et l’amputation du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) de 800 millions d’euros.
La reconduction des montants de l’année 2024 de TVA ne devrait pas être pérennisée dans le temps puisqu’elle se fera « exceptionnellement pour l’exercice 2025 », indique le PLF. A noter que le fonds de sauvegarde des départements ne sera pas affecté par la mesure.
S’agissant du FCTVA, il est donc procédé à « un abaissement du taux » à 14,85 % (contre 16,4 % en 2024) à compter de 2025. En outre, les dépenses de fonctionnement sont « exclues de l’assiette éligible », afin de « recentrer le fonds sur son objectif initial : le soutien à l’investissement ».
Résultat, il est prévu de « supprimer les exceptions que constituent l’intégration des dépenses d’entretien des bâtiments publics, de la voirie, des réseaux payés et des prestations de solutions relevant de l’informatique en nuage pour revenir au régime commun historique du fonds ».
DGF et dotations d’investissement stables
Du côté des dotations, la DGF reste stable et sera maintenue à hauteur d’un peu plus de 27,2 milliards d’euros, comme en 2024. Même chose pour les dotations d’investissement : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV) seront ainsi stabilisées au même niveau que 2024.
Comme l’a rappelé André Laignel, en début de semaine, « en euros constants, elles sont en recul », puisque cette stagnation ne compense pas la hausse des prix portée par l’inflation (qui vient de repasser sous la barre des 2 %, selon l’Insee).
D’autant que les collectivités seront sollicitées à hauteur de 487 millions d’euros au titre des variables d’ajustement. Un montant qui « revient à un niveau ante crise, conformément aux recommandations de la Cour des comptes », précise le PLF.
Péréquation : DSU et DSR en hausse
L’augmentation des dotations de péréquation est, elle, poursuivie au même niveau qu’en 2024. Il est ainsi prévu de majorer de 290 millions d’euros les dotations de péréquation des communes : 140 millions d’euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU) et 150 millions d’euros pour la dotation de solidarité rurale (DSR).
La hausse de la DSR sera « répartie au minimum à 60 % sur sa deuxième fraction dite « péréquation », dont la quasi-totalité des communes de moins de 10 000 habitants bénéficie ». Par ailleurs, la péréquation verticale des départements sera augmentée de 10 millions d’euros.
Quelques ajustements sont également opérés et plusieurs critères servant à la répartition sont « modernisés ».
Report de la suppression de la CVAE
Au regard du contexte budgétaire, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est, pour l’heure, reportée, mais reprendra « dans trois ans », a fait savoir le ministre de l’Economie, Antoine Armand. Il est donc dorénavant prévu de supprimer totalement la CVAE en 2030 et non plus en 2027.
Pour rappel, en 2021, l’imposition à la CVAE a, d’abord, été diminuée de moitié avant que sa suppression totale ne soit échelonnée sur quatre années, jusqu’en 2027. Dans ce contexte, le président du CFL a, d’ailleurs, proposé de réaffecter aux collectivités la part restante de cette contribution perçue désormais par l’Etat.
Ruralité : les communes ZRR exclues bénéficieront du dispositif FRR
C’était une promesse de l’ancien gouvernement. Les 2 168 communes exclues, depuis le 1er juillet 2024, du nouveau zonage unique France ruralités revitalisation (FRR) - qui remplace l’ancien dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) – vont intégrer ce nouveau zonage et donc continuer à bénéficier des exonérations fiscales et sociales de ce dispositif de soutien aux zones rurales en difficulté.
Elles pourront bénéficier à compter du 1er juillet 2024 et « jusqu’au 31 décembre 2027, des effets du dispositif des zones FRR » puisque « leur situation reste caractérisée par des fragilités géographiques, économiques et sociales », indique l’article du 27 du projet de loi de finances.
Anru et présence postale : crédits abondés par amendements
Les crédits accordés à La Poste et à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) seront, eux, abondés lors des débats parlementaires, a annoncé l’exécutif.
Le gouvernement assure qu’il a l’intention de proposer en cours de débats « certains rehaussements de crédits ». « Cela concernera les crédits du ministère de la Justice, qui seront réévalués, tout comme ceux du ministère de l’Intérieur et du Logement, pour maintenir la capacité d’action de l’Anru, en maintenant le rendement de la mesure de réduction de loyer de solidarité (RLS) au même niveau qu’en 2024 », explique Bercy dans son dossier de presse.
Une nouvelle qui ne devrait toutefois par réjouir les bailleurs sociaux qui réclamaient la fin de la RLS.
Par ailleurs, un « ajustement de la dotation versée à la Poste et du niveau des crédits consacrés à la restauration de notre patrimoine » sera également proposé. Pour rappel, le gouvernement avait initialement prévu la suppression de 50 millions d'euros de crédits du contrat de présence postale territoriale. Ce qui avait consterné les élus locaux. Avant de revoir sa copie.
Ecoles maternelles et élémentaires : 3 155 postes en moins
Du côté de l’Education nationale, c’est « une véritable saignée » qui va frapper l’école publique, ont dénoncé les syndicats avec la suppression de 4 000 postes d’enseignants dans le budget 2025.
Justifiée, selon le gouvernement, par une diminution du nombre d’élèves (97 000 élèves en moins annoncés à la rentrée 2025), cette réduction des effectifs frappera surtout le premier degré.
Dans le détail, les écoles maternelles et élémentaires seront donc les plus touchées avec une réduction de 3 155 postes alors que le second degré public (collèges et lycées) perdra 180 postes, selon des informations du ministère de l’Education nationale relayées par Le Monde. A noter que le premier degré privé verra ses effectifs réduits de 660 postes et enfin le second degré privé de 40 postes.
Il est, en revanche, prévu de créer 2 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires.
Consulter le PLF pour 2025.
|
Vie publique
Le Sénat rejette une proposition de loi sur la diminution du nombre de conseillers municipaux
|
Élaboré à l'origine pour ne concerner que les communes de moins de 500 habitants, le texte discuté au Sénat, après son passage en commission, proposait de diminuer le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Après un débat compliqué, les sénateurs l'ont rejeté.
« C’était un texte simple, mais plus on avance plus c’est compliqué ! ». Ce cri du cœur d’un sénateur, pendant le débat qui a eu lieu en séance publique le 9 octobre, illustre assez bien la situation. La discussion sur ce texte au départ assez simple et de bon sens a fait apparaître une foule de problèmes de fond.
Le texte initial et celui de la commission
Présentée par le sénateur (Union centriste) de la Charente, François Bonneau, la proposition de loi visait à répondre à un problème concret : la difficulté, dans les très petites communes, d’atteindre le quorum nécessaire pour que les réunions du conseil municipal puissent se tenir. Du fait d’une « carence d’engagement » et de démissions de plus en plus nombreuses, il devient difficile non seulement de constituer des listes mais également de réunir les conseillers municipaux au complet une fois élus. François Bonneau proposait donc, dans un texte constitué d’un article unique, de passer de 7 à 5 le nombre de conseillers dans les communes de moins de 100 habitants et de 11 à 7 dans les communes de 100 à 499 habitants.
Rappelons que dans ces communes, il existe déjà ce que l’on appelle une « présomption de complétude », à savoir une souplesse qui permet que le conseil soit « réputé complet » à 5 membres au lieu de 7 pour les premières et 9 au lieu de 11 pour les secondes. La proposition de loi de François Bonneau proposait d’abroger ce dispositif, en fixant donc directement à 5 et 11 le nombre de conseillers municipaux.
La commission des lois du Sénat a modifié le texte sur deux points. Pour les communes de moins de 100, elle a souhaité maintenir le système actuel : 7 conseillers mais conseil réputé complet à 5. Pour les communes de 100 à 499, elle conservait l’idée de François Bonneau de passer le nombre de conseillers de 11 à 9, mais allait plus loin en établissant une présomption de complétude à 7.
Par ailleurs, la commission a proposé de diminuer l’effectif des conseils dans toutes les autres communes de moins de 3 500 habitants : de 15 à 11 pour la strate 500-1 499 habitants ; de 19 à 15 pour la strate 1 500-2 499 habitants ; et enfin de 23 à 19 pour celle de 2 500 à 3 499 habitants.
Des visions très divergentes
En introduction des débats, la nouvelle ministre chargée de la Ruralité, du Commerce et de l’Artisanat, Françoise Gatel, s’est exprimée pour la première fois au banc des ministres, dans une maison qu’elle connaît bien pour avoir été sénatrice pendant dix ans. Elle a apporté le plein soutien du gouvernement à ce texte, estimant qu’il répond « à un véritable besoin ». La ministre a évoqué au passage un certain nombre d’amendements qui avaient été déposés mais déclarés irrecevables : certains sénateurs souhaitaient profiter de ce texte pour faire passer, par amendement, l’extension du scrutin de liste à la totalité des communes. Plutôt favorable à cette idée, qui a déjà fait l’objet de plusieurs propositions de loi avortées, la ministre a toutefois estimé que la question était trop importante pour être traitée par amendement et méritait « une réflexion approfondie ultérieure ».
Les prises de parole des différents groupes qui ont suivi ont montré de profonds désaccords entre les sénateurs. Si chacun se montre parfaitement conscient du problème, les avis divergent en revanche nettement sur la façon de le traiter – au-delà même des clivages politiques et parfois au sein des mêmes groupes. Si de nombreux sénateurs ont exprimé leur soutien à ce texte, d’autres ont estimé – et la question mérite d’être posée – que la proposition traite les effets et non les causes : ils estimeraient plus juste de faire en sorte qu’il y ait davantage de candidats à la fonction de conseillers municipaux – par exemple en améliorant le statut de l’élu – plutôt que de diminuer le nombre de conseillers municipaux, ce qui apparaît comme un « constat d’échec ». Le sénateur LR de l’Oise Olivier Paccaud a fait remarquer incidemment que la proposition de loi, en l’état, ferait disparaître pas moins de « 40 000 conseillers municipaux ». « Je ne comprendrais pas que l’on se prive de ces bonnes volontés précieuses », a ajouté le sénateur.
Par ailleurs, un long débat a eu lieu sur des amendements portant une autre proposition : celle de permettre, de droit, aux communes de choisir elles-mêmes leur nombre de conseillers municipaux, dans une fourchette prévue par la loi. Avec l’idée suivante : puisque la loi permet d’élire 7 conseillers municipaux et de déclarer le conseil municipal complet à 5, pourquoi ne pas permettre aux communes concernées de délibérer elles-mêmes sur un nombre de conseillers compris entre 5 et 7 ? Selon les auteurs de ces amendements, il suffirait alors d’inscrire dans le CGCT le fait que les communes de moins de 100 habitants ont un conseil municipal « de 5 à 7 conseillers », celles de 100 à 499 « de 9 à 11 », etc.
Outre le gouvernement, beaucoup de sénateurs se sont opposés à cette idée. D’abord au nom de la Constitution – estimant que ce serait une rupture avec le principe constitutionnel d’égalité. Ensuite, comme l’a expliqué avec clarté Françoise Gatel, parce qu’il y a une grande différence entre l’actuelle « exemption d’incomplétude » et le fait de « laisser à chaque conseil municipal la liberté de changer de taille au gré des élections ». « On ne décide pas de l’incomplétude d’un conseil municipal avant même qu’il soit élu : il est obligatoire de remplir des conditions de nombre préétablies et si ce n'est pas le cas, il existe une tolérance », a asséné la ministre, qui a rappelé au passage que cette proposition n’émanait « d’aucune demande » de l’AMF ou de l’AMRF.
Ces amendements ont été rejetés.
Le texte finalement rejeté
Au final, avant la mise aux voix du texte, de nombreuses voix se sont exprimées dans le sens d’un rejet. Anne Chain-Larché, sénatrice LR de la Seine-et-Marne, a exprimé le point de vue de beaucoup de ses collègues en qualifiant ce texte de « cautère sur une jambe de bois » : « Le problème tient non pas au nombre d'élus, mais à l'opprobre général qui est malheureusement jeté sur le travail de ces derniers ; il tient au non-respect qu'ils essuient de la part de certains administrés, voire aux agressions qu'ils subissent ; il tient au fait qu'ils ne disposent pas d'une autonomie financière suffisante pour réaliser les innombrables travaux qu'ils doivent mener ; il tient à la difficulté de concilier leur mandat avec leur vie professionnelle ou personnelle. Le Sénat doit apporter des solutions à ces problèmes, qui n'ont rien à voir avec le nombre d'élus. »
D’autres ont déclaré qu’ils auraient voté le texte tel qu’il avait été rédigé au départ, mais qu’ils ne voteraient pas le texte de la commission étendu aux communes jusqu’à 3 500 habitants.
D’autres ont exprimé l’avis strictement inverse, disant qu’ils n’auraient pas voté le texte pour les seules communes de moins de 500 habitants mais qu’ils l’approuvaient après modification, et notant que le texte ainsi modifié « tient compte des demandes de l’AMF et de l’AMRF ». En partie du moins : l’AMF demandait également des dérogations sur les communes nouvelles, ou des règles permettant le maintien du nombre d’adjoints malgré la réduction des effectifs, que le gouvernement aurait pu introduire par amendement. Celui-ci ne l’a pas souhaité.
Finalement, l’indécision sur ce texte a été telle que le vote à main levée n’a pas permis de distinguer les pour et les contre. Il a fallu un vote « assis et levé » pour qu’une très courte majorité se dégage, pour le rejet de ce texte, qui termine donc déjà son parcours parlementaire.
Mais nul doute que le débat sur ces questions, lui, n’est pas terminé.
|
Outre-mer
Couvre-feu et interdiction de manifester en Martinique après les violences
|
La Martinique pansait ses plaies jeudi après une nuit de chaos marquée par des pillages, des incendies et des violences qui ont fait 26 blessés chez les policiers et gendarmes. L'AMF appelle « au calme et au dialogue ».
Depuis septembre, l’île antillaise est marquée par un mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les Outre-mer, qui a dégénéré en violences urbaines. Jeudi après-midi, plus d’une cinquantaine de personnes ont envahi la piste de l’aéroport de Fort-de-France dans la commune du Lamentin (centre), a indiqué une source policière à l’AFP.
« Des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux cet après-midi, selon lesquelles 300 ou 350 CRS devaient arriver en Martinique par avion. Cette information totalement fausse est à l’origine de regroupements et de l’envahissement de la piste de l’aéroport », a déploré la préfecture de Martinique sur le réseau social X.
En fin de journée, trois vols avec « à leurs bords 1 117 passagers » ont été déroutés vers la Guadeloupe à la suite de la fermeture de l’aéroport, selon la préfecture de Guadeloupe.
La situation s’était calmée ces dernières semaines mais des incidents ont éclaté lundi entre les CRS et des militants qui menaient une action de blocage au Lamentin. Depuis, des violences urbaines sont à nouveau recensées chaque nuit. Conséquence, le préfet de l’île, Jean-Christophe Bouvier, a signé jeudi deux arrêtés concernant « l’ensemble du territoire de la Martinique ».
Le premier instaure un couvre-feu de 21 h à 5 h, le second a interdit les rassemblements et les manifestations à partir de 18 h jeudi. Les deux arrêtés courent jusqu’à lundi.
Plan blanc
Les établissements scolaires resteront par ailleurs fermés pour le deuxième jour consécutif vendredi, a indiqué le rectorat de Martinique. Le CHU de la Martinique a annoncé jeudi le déclenchement d’un plan blanc au cours duquel des « déprogrammations d’actes opératoires ou de consultations sont organisées ».
« Toutefois, une attention particulière est portée s’agissant des interventions urgentes ou liées à la cancérologie », a ajouté le CHU dans son communiqué, précisant que « les rendez-vous annulés feront l’objet d’une reprogrammation dans les meilleurs délais ». En outre, les pharmacies de l’île ont déclaré le même jour « ne plus être en mesure d’assurer le service d’urgence ».
Douze gendarmes ont été blessés dans la nuit de mercredi à jeudi « dont un par balle », a indiqué à l’AFP une source préfectorale. Une source policière fait elle état de 14 policiers de la CRS 8 légèrement blessés et de six interpellations. Pas moins de 400 véhicules ont été brûlés, selon la même source, un immense parking abritant des voitures neuves importées en Martinique étant notamment parti en fumée.
Une sixième table ronde contre la vie chère est prévue vendredi à 15 h avec les différents acteurs. Les cinq précédentes, réunissant le RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens), mouvement en pointe de la mobilisation, et les acteurs économiques, élus, services de l’État et la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) n’ont pas donné de résultat jugé satisfaisant par les protestataires.
« Île morte »
Mercredi, le principal point de tension avait été la commune du Carbet (nord), où quatre gendarmes ont été légèrement blessés alors qu’ils effectuaient une opération de levée de barrage.
Les protestataires avaient installé ce barrage dans le cadre d’une opération « île morte » lancée par plusieurs organisations militantes et syndicales, dénonçant notamment « les violences exercées par (les policiers de la) CRS 8 » lundi contre des militants anti-vie chère bloquant un important axe routier du Lamentin.
Le mouvement contre la vie chère a été lancé début septembre par le RPPRAC, qui exige un alignement sur l’Hexagone des prix des produits alimentaires, affichés 40% plus chers en Martinique.
L’AMF appelle au calme
Dans un communiqué publié ce matin, l’AMF et l’Association des maires de Martinique (AMM) appellent conjointement « au calme et à la retenue », « face à l’escalade des violences urbaines dans plusieurs communes de l’île ».
L’AMF et l’AMM rappellent « leur soutien indéfectible aux élus locaux et aux habitants de Martinique qui traversent une période difficile. Elles appellent à la poursuite du dialogue État, collectivités, distributeurs et population de manière constructive pour répondre aux revendications légitimes des citoyens sur les prix des produits alimentaires qui doivent être entendues et traitées dans un cadre de respect mutuel.
Les deux associations se refusent à tout « amalgame » entre le mouvement contre la vie chère, d’une part, et les « violences et dégradations », d’autre part. Elles saluent la décision d’instauration du couvre-feu et appellent à la poursuite du travail engagé « avec l’ensemble des associations d’élus d’outre-mer sur la formation des prix à la Martinique et plus généralement en outre-mer ».
|
Numérique
Intelligence artificielle dans les communes : répondre aux besoins des administrés doit être une priorité
|
Comment faut-il appréhender l'IA au niveau des communes ? C'est à partir de cette question que des échanges ont eu lieu hier au Sénat à l'occasion d'une table ronde coorganisée par la délégation à la prospective et la délégation aux collectivités territoriales.
L’intelligence artificielle progresse, évolue et pousse les élus à s’interroger sur la manière dont elle pourrait être intégrée au service de la commune. Une table ronde a été organisée au Sénat hier par la délégation à la prospective et la délégation aux collectivités territoriales sur cette thématique.
Se saisir du sujet de l’intelligence artificielle est indispensable pour les collectivités territoriales pour réfléchir à un usage profitable de ces nouvelles technologies. Les sentiments ambivalents que provoquent certaines innovations montre qu’il faut avant tout mettre en place une méthode avant d’adopter ces outils.
Pour Christine Lavarde, présidente de la délégation à la prospective, l’IA peut apporter des réponses aux collectivités mais il est « nécessaire d’apporter de l’intelligence individuelle pour affiner et emporter l’adhésion d’un territoire ». De son côté, Corinne Féret, vice-présidente de la délégation aux collectivités, se demande comment l’élu local peut se positionner sur ces questions « pour ne pas rester à la traîne ».
L’intelligence artificielle au service des territoires
Jean Gabriel Ganascia, chercheur en intelligence artificielle, définit l’intelligence artificielle comme « une discipline scientifique qui a pour but de simuler les capacités cognitives et qu’on introduit à l’intérieur de différents dispositifs de technologie (comme un ordinateur ou un portable par exemple). Elle a évolué depuis une dizaine d’années avec ce qu’on appelle les réseaux de neurones profonds. »
Ces dernières années, de nombreux rapports tendent à montrer que l’IA peut « rendre des services aux collectivités ». Pour ce chercheur, les collectivités peuvent se servir de l’IA comme outil interne : que cela soit pour de l’aide à la rédaction de courriers ou de rapports, pour avoir des idées ou encore pour faire un résumé de documents très longs auxquels les maires sont souvent confrontés. L’IA peut aussi faire l’objet d’un usage en externe : maintenir le contact avec les administrés, avec un chatbot (robot conversationnel) par exemple, évaluer l’efficacité d’un dispositif ou mettre en place des solutions de gestion dite de « Smart cities » pour agir dans plusieurs champs : santé, qualité de l’air, logement, gestion des déchets, etc.
Rappelons que l’année dernière, Valérie Nouvel, vice-présidente Transition et Adaptation au changement climatique du département de la Manche, a remis un rapport de mission au gouvernement détaillant quelques exemples intéressants d’appropriation de l’IA au service des territoires.
De l’importance de consulter les citoyens
« Les élus ont surtout une responsabilité démocratique autour de ces enjeux », a expliqué hier Pierre Jannin, conseiller municipal délégué à l’innovation et au numérique de Rennes. Faisant le parallèle avec l’arrivée de la 5G, il rappelle qu’il existe des craintes autour de l’IA. Catherine Dufour, auteure de science-fiction, abonde dans son sens : « La méfiance des citoyens existe et elle est parfois justifiée », citant l’exemple de la Chine utilisant les drones pour surveiller les populations musulmanes ouïghours. En France, Pierre Jannin la rappelle, la vidéo surveillance algorithmisée qui fait l’objet d’une expérimentation depuis les Jeux olympiques et paralympiques présente aussi des soucis éthiques.
C’est dans ce cadre qu’il est indispensable de « consulter les citoyens, non pas pour des soucis d’acceptabilité mais pour bien définir leurs attentes », explique Pierre Jannin. A Rennes par exemple, un Conseil citoyen du numérique responsable (CCNR) a été créé en 2021. C’est une instance consultative constitué d’une trentaine de citoyens pour accompagner la ville dans la conduite des politiques numériques. En février dernier, il a rendu un avis relatif aux impacts de l'intelligence artificielle dans la vie des administrés. Le conseiller municipal insiste : « Les territoires ont leur mot à dire concernant l’IA et c’est en faisant des actions locales de ce type que l’appropriation pourra se faire ».
Réponse politique
Les inquiétudes autour de l’exploitation de l’IA sont légitimes car des dérives sont possibles. Mais elles doivent être anticipées. Les intervenants de cette table ronde ont été nombreux à faire un parallèle entre l’arrivée du numérique et l’arrivée de l’IA, regrettant que certaines dérives que l’on observe actuellement dans le numérique comme les fakes news ou l’impact sur la santé mentale, aient été des impensés dans le déploiement de cette nouvelle technologie. Les sénateurs veulent en tirer les leçons.
Et pour cela, il faut légiférer. Rappelons que le règlement européen sur l'intelligence artificielle (IA) du 13 juin 2024 est paru au Journal officiel de l'Union européenne le 12 juillet dernier et que le Conseil de l'Europe a adopté le 17 mai 2024 un traité international visant à garantir une IA respectueuse des droits fondamentaux (lire article Vie publique). Selon les intervenants, il serait nécessaire d’aller au-delà de cette règlementation pour l’adapter au cadre national.
Enfin le risque de la « fracture territoriale » a été évoqué de nombreuses fois. Pour Pierre Jannin, il est possible d’avancer « tranquillement » sur le sujet en fonction de la commune. « Il ne faut pas que l’on se retrouve dans une société à deux ou trois vitesses », ajoute l’élu. Amel Gacquerre, sénatrice du Pas-de-Calais, s’interroge à son tour : « Toutes les collectivités n’ont pas les mêmes moyens et les territoires n’avancent pas de la même manière : comment éviter la fracture territoriale ? » Catherine Dufour explique que, pour elle, « l’IA agit comme un accélérateur de la fracture territoriale mais n’est pas la cause. Les causes profondes sont politiques. »
|
Gouvernement
Décrets d'attribution : l'architecture du gouvernement enfin précisée
|
Éléments essentiels pour comprendre l'architecture du gouvernement, les « décrets d'attribution » d'un certain nombre de ministres ont été publiés ce matin.Â
À chaque changement de gouvernement, c’est un moment attendu : au-delà de la nomination des ministres eux-mêmes et de l’intitulé de leur portefeuille, c’est la parution des décrets d’attribution qui permet de connaître le périmètre exact de chaque ministère et ses priorités. Au Journal officiel de ce matin https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/jo/2024/10/11/0242, une vingtaine de ces décrets est parue, correspondant aux attributions des ministres de plein exercice.
« Partenariat avec les territoires »
On en sait donc un peu plus ce matin sur les priorités qui seront celles de Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, qui, rappelons-le, a sous sa tutelle trois ministres délégués ou secrétaires d’État (Françoise Gatel à la Ruralité, au Commerce et à l’Artisanat, François Durovray aux Transports et Fabrice Loher à la Mer et à la Pêche, tous trois anciens ou actuels élus locaux). Le décret d’attribution de Catherine Vautrin est le plus long et le plus touffu de la liste, ce qui donne la mesure de l’ampleur de ses missions.
La rédaction du décret met un accent particulier sur la ruralité : la ministre devra veiller « à ce que chacun des territoires dispose des moyens de surmonter ses fragilités et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités et à l'accompagnement des territoires dans leur développement et à la réduction des inégalités territoriales ; elle est, à ce titre, responsable de la politique de lutte contre les inégalités entre les territoires, notamment au profit des territoires ruraux ». C’est Catherine Vautrin qui sera donc chargée de « préparer et mettre en œuvre la politique du gouvernement à l’égard des collectivités territoriales », d’animer le « dialogue » avec elles et de préparer « les orientations du gouvernement concernant les finances locales ». Elle co-participera, avec le ministre de la Fonction publique, à l’élaboration des orientations du gouvernement concernant la fonction publique territoriale. Elle sera également « associée », par le ministère de l’Intérieur, à « l'élaboration de la législation électorale concernant les collectivités territoriales ».
Changement notable par rapport au précédent gouvernement : la couverture numérique du territoire ne sera plus gérée par un ministre chargé du Numérique, comme c’était le cas avant, mais dans celui de Catherine Vautrin. En effet Clara Chappaz, secrétaire d’État chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, est placée auprès du ministre de l’Enseignement supérieur, ce qui laissait penser qu’elle ne s’occuperait pas de la couverture numérique du territoire. C’est bien le cas : il entre dans les attributions de Catherine Vautrin de « piloter le déploiement des infrastructures numériques (…) et (de mettre) en œuvre la politique d'inclusion numérique visant à garantir l'accès et l'appropriation, par l'ensemble de la population et dans tous les territoires, des usages et services numériques ». La ministre s’occupera donc également de la lutte contre l’illectronisme.
Il est à noter aussi que le ZAN fait son entrée dans le décret d’attribution : la ministre devra « définir les règles en matière de lutte contre l’artificialisation des sols ».
Le décret liste enfin les attributions de la ministre en matière de transports, de mer et de pêche, sans nouveauté notable. Notons que comme c’est le cas depuis plusieurs années, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) reste sous la tutelle de Catherine Vautrin, et non plus sous celle du ministère de l’Intérieur comme cela a été le cas pendant des décennies.
Intérieur
Le décret d’attribution du ministre de l’Intérieur met l’accent dès le début, lui, sur l’immigration. Bruno Retailleau aura pour tâche de « préparer et mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière d'entrée, de séjour et d'exercice d'une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers, de lutte contre l'immigration illégale et la fraude documentaire intéressant les ressortissants étrangers, d'asile et d'accueil et d'accompagnement des populations immigrées ».
Comme une volonté de rassurer ceux qui craignaient, du fait des idées très conservatrices en la matière de Bruno Retailleau, des reculs sur certaines question sociétales, le décret précise en toutes lettres que le ministre est garant de la lutte « contre les discriminations en raison des orientations sexuelles et des identités de genre, ainsi qu'à l'égard des personnes intersexuées ».
Transition écologique
Ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher, contrairement à Christophe Béchu qui avait dans son portefeuille les collectivités territoriales, pourra se concentrer strictement sur les questions liées à l’écologie. Certaines de ses attributions touchent directement aux collectivités néanmoins, puisqu’elle est chargée d’élaborer la politique de l’eau, la protection de la biodiversité, l’économie circulaire (et donc la gestion des déchets), la lutte contre le gaspillage alimentaire, la qualité de l’air, l’aménagement du littoral, les énergies renouvelables… À noter que la ministre est également chargée de la prévention des risques – c’est la première fois que cette question est mentionnée dans l’intitulé même du ministère.
Logement et rénovation urbaine
La question a heurté les associations : la politique de la ville n’apparaît pas dans l’intitulé du ministère confié à Valérie Létard. Elle apparaît bien, en revanche, dans les attributions de celle-ci, puisqu’elle sera chargée « du logement, de la construction, de l'urbanisme, de l'aménagement foncier, de l'hébergement d'urgence, de la politique de la ville et de la rénovation urbaine ». Notons que Valérie Létard aura elle aussi un rôle à jouer en matière de mise en œuvre du ZAN, puisqu’il lui revient d’« élaborer et mettre en œuvre les règles relatives à la planification urbaine, à l'urbanisme opérationnel, à l'occupation du sol ainsi qu'à la lutte contre l'étalement urbain et au renouvellement urbain ».
Au-delà, les attributions de la nouvelle ministre sont classiques : construction, rénovation, réhabilitation des logements, lutte contre l’habitat indigne, efficacité énergétique, règles sur le logement social et les « relations locatives »…
La santé, un décret bien vague
Il n’y a rien de particulièrement notable dans les décrets d’attribution des autres ministres, assez classiques. On peut simplement être surpris de la brièveté et du peu de précision de celui qui décrit les attributions de Geneviève Darrieusecq, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins. Très généraliste, ce décret ne contient pas le mot « désertification médicale » et ne dit rien de la grave crise qui touche l’hôpital en général et les services d’urgence en particulier. Quand d’autres décrets d’attribution se montrent très précis sur les priorités du ou de la ministre, celui-ci ne contient qu’une description assez vague de missions générales. Il reste à espérer que ce ne soit pas le signe que cette question sera mise au second plan.
|
Journal Officiel du vendredi 11 octobre 2024
Ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation
|