Édition du mercredi 9 octobre 2024

Finances locales
Les élus et leurs associations vent debout contre la ponction programmée sur les finances locales
Individuellement ou collectivement, les responsables d'associations d'élus et les élus eux-mêmes ont vivement réagi à l'annonce, hier, d'une ponction de 5 milliards d'euros sur les finances des collectivités territoriales. Florilège. 

Avec sa formule « Nous n’accepterons aucune des mesures proposées », André Laignel, président du CLF et numéro deux de l’AMF, a donné le ton. Depuis hier après après-midi, communiqués de presse, tweets et déclarations se succèdent, et les choses sont claires : le gouvernement fait l’unanimité contre lui. 

Mesures « triplement inacceptables »

Interrogé ce matin sur Franceinfo, le président de l’AMF, David Lisnard, a refusé le terme « d’économies » demandées aux collectivités : « Ce ne sont pas des mesures d’économies mais des prélèvements supplémentaires de l’État », qui « une fois de plus demande aux autres d’assumer ses propres turpitudes ». Parlant de « rafistolage d’un système à bout de souffle », le maire de Cannes a rappelé que les gouvernements successifs n’ont cessé de confier des responsabilités, des compétences et des charges supplémentaires aux collectivités, et de l’autre main les ponctionnent. « Le gouvernement prévoit de créer un ‘’fonds de précaution’’ [dans les plus grandes collectivités] de 2 %. Chez moi à Cannes, 2 % cela voudra dire 10 millions d’euros en moins. Et on nous demande de faire plus de crèches ? ». Le président de l’AMF a une fois de plus rappelé que les dépenses cumulées de tous les niveaux de collectivités et des EPCI, en France, représente 11 % du PIB, contre une moyenne « de 19 % en Europe ». 

Plutôt que la ponction prévue, le maire de Cannes demande que les contraintes coûteuses et parfois « débiles » imposées aux collectivités soient levées. « J’ai vu la ministre Catherine Vautrin hier, je lui ai fait des propositions dans ce sens », a expliqué David Lisnard, qui a évoqué, parmi les contraintes qui pourraient être levées, la charge de l’amortissement de la voirie « qui coûtera 500 millions » ou le décret sur la régulation thermique des bâtiments, au printemps dernier (1,5 milliard d’euros à la charge des collectivités). 

Bien d’autres élus ont réagi depuis hier, comme Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l’AMF, toujours sur X : « Le gouvernement se trompe. Il pénalise les acteurs des services publics du quotidien, les plus efficaces. Ce faisant, il pénalise tous les Français, et d’abord les plus fragiles. Et il ralentit la transition écologique. Les maires de France ne peuvent pas l’accepter. » 

Dans un communiqué publié sur X, l’association Villes de France parle d’un projet « triplement inacceptable ». D’abord par « l’ampleur de l’effort demandé », qui « ne pourra conduire (qu’)à une forte réduction de l’investissement local ». Deuxièmement, Villes de France estime que deux des mesures envisagées « consistent à revenir sur des engagements pris formellement par l’État » (gel de la compensation de la suppression de la CVAE et baisse du FCTVA) : « C’est changer les règles du jeu en plein match ! ».  Enfin, l’association qui fédère les villes moyennes – s’indigne que « le prélèvement direct de 3 milliards d’euros » pèse uniquement sur « 450 collectivités dont les villes (…) moyennes ». « Ce mécanisme n’est pas juste et ne peut être accepté ! ».

Quant à l'Association des petites villes de France (APVF), elle refuse elle aussi que « les efforts nécessaires au redressement des comptes de la nation » se fassent « au prix de l'investissement des collectivités ». Ainsi, les mesures annoncées « remettraient en cause les plans de financement des collectivités pour l’année 2025 ». Quant au fonds de précaution prévu par le gouvernement, s'il ne touchera pas directement les petites villes, il « les impactera indirectement, dans un effet boule de neige, en frappant leurs partenaires naturels que sont les départements et les intercommunalités ». 

Investissement « sacrifié » pour les régions

Du côté des régions, on redoute « une mise en péril des politiques régionales » et d’un investissement qui risque d’être « sacrifié ». Le projet du gouvernement va représenter « une diminution drastique des recettes » des régions, écrit Régions de France dans un communiqué, « une baisse historique ». L’association rappelle que les régions ont subi une baisse de leur épargne brute de 400 millions d’euros en 2023, du fait notamment de la crise de l’énergie, et que leur capacité d’endettement a été « consommée ». Elles n’ont donc plus de marges de manœuvre pour investir : « Les choix du gouvernement auront donc un impact direct pour le développement économique et l’emploi, les transports, la transition écologique, la formation professionnelle. C’est-à-dire le quotidien de nos concitoyens. » 

Pour Carole Delga, président de l’association : « Les régions ne peuvent être la solution à un État trop dépensier et inefficace. (…) La ponction de près d’un milliard d’euros sur les budgets des régions aura de lourdes conséquences sur les investissements générateurs de dynamique économique, de solidarités territoriales et de développement durable. »

Les départements « asphyxiés »

L’inquiétude est plus vive encore du côté des départements. Dans un communiqué de presse, Départements de France (DF) s’indigne de voir le gouvernement « amalgamer des réalités très différentes » sous le terme de « collectivités locales » : « Passer indistinctement tout le monde au rabot ne peut conduire qu’à la catastrophe ». 

DF constate qu’un certain nombre de départements, les plus fragiles, seront exemptés de la ponction prévue par le gouvernement. Mais l’association note : « Si les départements actuellement en grande difficulté ne sont pas aidés et que les autres se voient amputés d’une partie de leurs recettes », ce seront « les deux tiers » des départements, demain, qui « ne pourront plus assumer les charges qui pèsent sur eux en matière de cohésion ». François Sauvadet, président de DF, rappelle que les départements « suppléent déjà les carences de l’État à hauteur de 17 milliards d’euros », sur les dépenses sociales. « Plutôt que de nous asphyxier, si l’argent manque à ce point, le gouvernement et le Parlement doivent nous dire, clairement, et devant les Français, quelle politique nous devons abandonner ! ». Manifestement excédée, l’association fustige les décisions de Bercy où « sévissent ceux qui se sont toujours trompés sur tout ». « Refuser d’entendre ce message, persister dans la diminution des moyens d’équilibres territoriaux mis en œuvre par les départements, au nom d’une participation totémique au redressement des comptes publics, c’est provoquer la colère de la France rurale et périurbaine, dont le département est le dernier bouclier », prévient DF. 

D’autres coups de rabot ?

Le budget sera présenté officiellement en Conseil des ministres demain. Quelles autres mauvaises surprises attendent les collectivités ? On le saura à ce moment. Car au-delà des mesures annoncées hier au CFL, qui ne concernent que le strict volet dit des « relations avec les collectivités territoriales », bien d’autres ponction prévues par le gouvernement sur le budget de l’État auront des répercussions directes sur les collectivités : pour ne prendre qu’un exemple, la réduction drastique envisagée sur les crédits d’intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires aura une incidence directe sur des programmes comme Action cœur de ville ou Petites villes de demain. Et au-delà, quelles seront les conséquences d’un coup de rabot sur les crédits consacrés au logement, à la politique de la ville, à la culture, au sport, au numérique… ?

Des temps difficiles semblent se préparer, sauf à espérer que la discussion du budget, au Parlement, puisse permettre d’aboutir à desserrer un peu le « garrot », pour reprendre une expression chère au président du Comité des finances locales. 




Budget de l'état
Budget 2025 : comment le gouvernement entend ponctionner 6,5 milliards d'euros sur les collectivités
Outre la baisse de 1,5 milliard d'euros des crédits du Fonds vert, l'exécutif prévoit un plan demandant aux collectivités un « effort » de 5 milliards d'euros en 2025. Un prélèvement « sans précédent », selon le président du CFL qui pointe les risques sur l'investissement.

Les collectivités vont finalement devoir contribuer grandement au redressement des finances publiques en 2025. C’est ce qu’a décidé le gouvernement afin de ramener le déficit à 5 % du PIB dès l’an prochain alors que la situation budgétaire du pays dérape. Un « hold-up », a déploré, hier midi, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel après les décisions prises par le gouvernement pour l’année 2025.

Quelques heures plus tôt, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, et le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, présentaient aux membres du CFL un plan demandant aux collectivités un effort « d'économies » (ce terme est contesté par l'AMF, lire article ci-contre) de 5 milliards d'euros en 2025, sur les 40 milliards prévus au global.

De quoi saisir les élus puisque rien, ou presque, n’avait filtré jusque-là des intentions de l’exécutif. Outre la réduction de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert (qui avait déjà été éventée), ce plan se décompose en trois mesures : la création d’un « fonds de précaution » qui impacterait les plus grosses collectivités, « un rabotage » de la TVA et « l’amputation » du FCTVA.

Un « fonds de précaution » de 3 milliards d’euros

Le dispositif principal prévu est donc ce « fonds de précaution » qui « taxera les collectivités à hauteur de 3 milliards d’euros » et serait imposé à celles « qui ont un budget de fonctionnement supérieur à 40 millions d’euros ». Une mesure qui portera sur « un peu plus de 400 » d’entre elles, mais qui prendrait toutefois en compte « la situation financière des collectivités », a détaillé André Laignel. 

Ce système « d'auto-assurance » permettrait ainsi la mise en réserve du fonds afin d’en restituer l’épargne plus tard, mais ses modalités restent encore inconnues. Il reste donc pour l’heure encore particulièrement flou. 

« Ce sera un prélèvement mais on ne sait pas exactement comment il sera effectué », a expliqué André Laignel qui dénonce « une spoliation de 3 milliards d’euros a priori (...) sans qu’on sache ni comment ni quand ce sera restitué ».

Ce serait même « pire que [les contrats de] Cahors », selon lui, puisque le prélèvement se ferait immédiatement. À la différence des contrats de Cahors, pour lesquels la ponction n’avait lieu que si les engagements n’étaient pas tenus.

À ses yeux, il n’y a d’ailleurs « plus aucune raison de croire en la parole de l’État » : « On nous dit que c’est un prélèvement provisoire, mais, dans ce domaine, le provisoire dure souvent longtemps… »

Alors qu’un certain nombre de départements serait d’ores et déjà « hors d’état de répondre » à cet effort, au regard des difficultés financières qu’ils rencontrent aujourd’hui, entre vingt et trente d’entre eux en serait exonérés. 

Une première liste de ces départements qui seraient exemptés de contribuer à ce fonds a d’ailleurs été diffusée hier. Parmi eux, on retrouve l'Aisne, les Ardennes, l'Ariège, l'Aude, l'Aveyron, la Creuse, la Corse, le Gard, la Guadeloupe, la Guyane, l'Hérault, la Lozère, la Martinique, Mayotte, la Nièvre, le Nord, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-orientales, la Réunion et la Seine-Saint-Denis.

« Rabotage » de la TVA et du FCTVA

Deuxième mesure annoncée par les membres du gouvernement, dans le cadre de cet effort de 5 milliards d’euros : le plafonnement de l’évolution annuelle des recettes de TVA distribuées aux collectivités afin de compenser notamment la suppression de la CVAE. Il constituerait « un rabotage » de 1,2 milliard d’euros sur le montant de TVA qui devait être versé aux collectivités.

« D’habitude, l’État met plusieurs années avant de toucher à ce qui est censé compenser des suppressions. Là, on attend pas, c’est dès la deuxième année qu’on le fait », a déploré le président du CFL.

Enfin, le troisième étage du plan de l’exécutif prévoit l’amputation du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) – qui permet de compenser la TVA acquittée par les collectivités – de 800 millions d’euros. « C’est un hold-up ! », s’est emporté le maire d’Issoudun, en rappelant que « le problème, c’est que les élus ont déjà fait leurs plans de financement en intégrant le remboursement de la TVA ».

« Non seulement, on nous supprime ces crédits, mais en plus c’est nous qui, à travers la TVA, allons financer l’État », s’est agacé celui qui est aussi premier vice-président délégué de l’AMF. 

Le Fonds vert réduit drastiquement

À ces 5 milliards d’euros, on le sait depuis un certain temps, il faudra également ajouter une réduction de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert, celui-ci passant de 2,5 à 1 milliard d'euros. 

Une décision qui intervient au moment même où les collectivités vont devoir « plus que doubler »  leurs investissements climatiques actuels si elles veulent tenir les objectifs affichés à l’horizon 2030. 

« C’est même plus la peine d’en parler ! Parce que si l’on nous supprime 1,5 milliard d’euros de subvention, cela représente en gros 5 milliards de travaux en moins », a balayé le président du CFL. « Nous sommes, une fois de plus, dans des injonctions contradictoires. On nous demande de faire des efforts considérables en matière transition écologique, mais on nous réduit de 60 % les crédits. »

Enfin, André Laignel a ajouté à la note déjà salée concoctée par l’exécutif « environ 3 milliards d’euros de perte » pour les collectivités dus à l’inflation et à l’absence d’indexation des concours financiers de l’État sur celle-ci.

« Coup de frein » à l’investissement

Au final, ce sont une baisse de « 9,5 milliards d’euros » qui frapperaient les collectivités en 2025. « C’est une ponction sans précédent », a dénoncé André Laignel, ajoutant que « c’est inutile de nous tenir des discours sympathiques sur la confiance à retrouver alors que les actes immédiats sont l’inverse (...) : des manquements additionnés à la parole de l’État qui ne tient pas ses engagements ». 

En outre, cette suppression de quasiment 10 milliards d’euros de ressources en euros constants pourrait mettre « un coup de frein brutal » aux investissements des collectivités. Selon lui, « il y a un cumul récessif : l’État va avoir une politique de récession en matière financière et, en plus, il demande aux collectivités d’être des acteurs de la récession ».

Alors que l’adoption du projet de loi de finances pour 2025 par une majorité des députés est on ne peut plus hypothétique, compte tenu de la composition de la nouvelle Assemblée nationale, le président du CFL « n’ose penser que le Sénat sera favorable à ces ponctions qui mettent en difficulté les collectivités ».

À ses yeux, rien n’est encore figé et « tout peut bouger » étant donné la configuration parlementaire.

Alors que la dette des collectivités ne représente que 208 milliards d'euros sur les 3 228 milliards de la dette publique dans son ensemble, les collectivités n’acceptent donc aucune de ces mesures, non pas « par mauvaise volonté », mais parce que « l’on y a déjà tellement participé de manière massive avec les 71 milliards d’euros de baisse de DGF des dernières années ». « Est-ce que vous avez remarqué une amélioration des comptes de l’État ? Je n'en ai pas l’impression », a soufflé le maire d’Issoudun.

DGF et DETR stables

Du côté des dotations, la DGF resterait stable et serait maintenue à hauteur d’un peu plus de 27 milliards d’euros, comme en 2024 (en entendant les décisions sur les variables d'ajustement). Tout comme les dotations d’investissement : la DETR et la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil) seraient ainsi stabilisées au même niveau que 2024.

Mais, « en euros constants, elles sont en recul », a rapidement nuancé André Laignel, cette stagnation ne compensant pas la hausse des prix portée par l’inflation (qui vient de repasser sous la barre des 2 %, selon l’Insee). Selon les calculs des services de l'AMF, la non-indexation de la DGF sur l'inflation devrait conduire environ une commune sur deux à voir sa DGF diminuer l'année prochaine – contre une sur dix seulement cette année. 

Pour ce qui est des dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR), en revanche, aucune information n’a filtré.

Le projet de budget pour 2025 doit être désormais dévoilé, dans sa globalité, demain en Conseil des ministres, avant son arrivée à l’Assemblée dans laquelle les débats s’annoncent houleux.




Collectivités locales
Gel du paiement des loyers par la gendarmerie : les maires dénoncent une « double peine »
L'alerte portée par l'association des maires des Pyrénées-Orientales, lundi, a forcé le ministère de l'Intérieur a reconnaître hier que 200 millions d'euros de loyers sont actuellement impayés aux communes. La situation devrait être réglée au plus tard en janvier, mais elle a de quoi choquer les élus. 

Edmond Jorda, maire de Sainte-Marie-la-Mer et président de l’association départementale des maires des Pyrénées-Orientales, n’en revient toujours pas : « On a constaté que dans 25 communes du département, les gendarmeries ne payaient pas leur loyer. Dans certains cas, ces impayés concernent l’année entière ! ».  Pour la commune de Cabestany, la dette s’élève à « 266 388 euros » ; à Elne, à plus de 100 000 euros. « On parle de communes qui ont dû dépenser 2 ou 3 millions d’euros pour construire une gendarmerie, en s’endettant pour cela », fulmine le maire de Sainte-Marie-la-Mer. À Elne, par exemple, la commune doit payer plus de 150 000 euros par an au titre du remboursement de l’emprunt qu’elle a contracté pour bâtir la gendarmerie. Autant dire que le trou de 100 000 euros laissé par les impayés la met dans une situation extrêmement difficile. 

« Burlesque »

« C’est la double peine », explique Edmond Jorda. L’État a déjà demandé aux communes de construire elles-mêmes des gendarmeries, manquant de moyens pour le faire lui-même, et alors qu’on est ici dans le cadre d’une mission strictement régalienne. Et a expliqué aux communes qu’elles se rembourseraient sur le montant des loyers. « C’était déjà un déport de la dette de l’État vers les communes, souligne le président de l’association départementale, l’État externalise sa dette vers les collectivités. Mais en ne payant pas les loyers, il obère une deuxième fois la trésorerie des collectivités ! ». 

Et tout cela sans prévenir ni communiquer d’aucune façon. « Si le ministère de l’Intérieur a de telles difficultés de trésorerie, regrette Edmond Jorda, il aurait pu engager en amont un travail sérieux avec l’AMF, il aurait été possible d’identifier les communes les plus fragiles, de prioriser… Mais rien. »

Après l’alerte portée par les maires des Pyrénées-Orientales, les langues se sont déliées, et il est apparu que le même problème se pose dans de nombreux départements, dans l’Yonne, en Normandie… Le président de la communauté de communes de l’Aillantais (Yonne), Mahfoud Aomar, a par exemple appris à la presse avoir reçu, en septembre, un simple mail des Affaires immobilières de la gendarmerie nationale, avec comme objet « Mise en pause des loyers ». Une situation que Mahfoud Aomar juge « burlesque », rappelant non sans ironie que ce sont les gendarmes qui sont normalement chargés de procéder aux expulsions de ceux qui ne payent pas leur loyer. 

L’essence ou les loyers

Le fait que ces informations soient soudain rendues publiques a obligé le ministère de l’Intérieur à sortir du bois… et à révéler à l’AFP qu’il s’agit en réalité d’un choix général de « prioriser pour les semaines à venir les dépenses liées aux activités opérationnelles », comme « le carburant ». Les loyers de septembre, octobre et novembre seront donc « reportés ». Et pourquoi le ministère de l’Intérieur en est-il à devoir choisir entre l’essence et le paiement de ses loyers ? Réponse du ministère : « des dépenses engagées en raison des événements en Nouvelle-Calédonie qui n’avaient pas été anticipées » et « le paiement de dépenses liées à la sécurisation des Jeux olympiques qui n’avaient pas été évaluées à leur juste niveau ». 

Le ministère assure cependant qu’il ne s’agit bien que d’un report, et que les loyers seront réglés après l’ouverture de crédits « en décembre ». « Tout doit rentrer dans l’ordre au début de l’année prochaine ». 

Des informations qui corroborent celles qu’a obtenues le président des maires des Pyrénées-Orientales, à qui « le préfet et le colonel de gendarmerie ont assuré que le rattrapage aurait lieu en décembre ou janvier », éventuellement assorti d’intérêts moratoires lorsque les communes ont dû ouvrir des lignes de trésorerie. Le maire de Sainte-Marie-la-Mer s’étonne tout de même, et le mot est faible, que « des communes qui ont déjà de gros problèmes de trésorerie soient maintenant obligées de gérer aussi ceux de la gendarmerie nationale ». 

Le ministère de l’Intérieur a cependant assuré, hier, que le report ne concernait que « les bailleurs dont la trésorerie est en mesure de supporter ces retards ». Sauf qu’en reconnaissant qu’il est prêt à payer des intérêts moratoires, il reconnaît que les choses ne sont pas tout à fait aussi simples. 

Au moment où, côté gouvernement, est jouée une petite musique lancinante sur « le rôle des collectivités dans le déficit de l’État », cette affaire devrait donner à réfléchir à Bercy sur le rôle de l’État dans le déficit des collectivités. 




Santé publique
Une inquiétante hausse des agressions contre les médecins
L'Observatoire de la sécurité des médecins du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a publié un rapport annuel de la sécurité des médecins pour l'année 2023. Si ce phénomène n'est pas nouveau, il prend de l'ampleur dans un contexte d'aggravation de la désertification médicale.

Une enquête menée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) et basée sur les déclarations d'incidents et d'agressions signalées aux conseils départementaux de l'Ordre, fait état de 1 581 cas en 2023, contre 1 244 en 2022.

Agressions verbales, menaces, violences physiques, bousculades, intrusions dans le cabinet : cette hausse significative des violences exercées à l’encontre des médecins est « particulièrement préoccupant[e] », selon le Cnom, et révèle une augmentation de 27 % des actes de violence envers les médecins. 

Recrudescence de la violence 

Ce sont les médecins généralistes qui sont dans une plus large proportion victimes d’actes malveillants. En 2023, ils sont 64 % à avoir déclaré un incident. En 2022, ils étaient 71 %. 

Concernant le profil des victimes, en 2023 se sont 56 % de médecins femmes qui déclarent avoir connu des violences contre 44 % d’hommes. En mai dernier, le gouvernement avait d’ailleurs annoncé une série de mesures pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde hospitalier et dans tout le secteur de la santé. Un baromètre annuel des violences sexistes et sexuelles pour « mesurer l’ampleur du phénomène et suivre son évolution dans le temps ainsi que l’impact des mesures » de prévention devait être créé. Reste à voir si ces annonces seront suivies par le nouveau gouvernement dont le Premier ministre a fait le choix de la santé mentale comme « grande cause nationale» en 2025. 

Il faut souligner que dans 62 % des cas l’agresseurs est un patient. Dans 73 % des cas, les médecins sont victimes d’agressions verbales et de menaces, dans 8 % des cas le médecin est victime d’une agression physique. Le vandalisme est aussi une pratique courante depuis 2015 (7 % des cas) ainsi que les vols (8 % des déclarations). Les médecins se font dérober des ordonnances, le plus souvent, ou des tampons professionnels, des portefeuilles ou encore leur carte professionnelle. 

Rappelons que les déclarations ne sont pas obligatoires et que par conséquent, ces chiffres sont probablement sous-estimés. 

Milieu urbain et médecine de ville 

L’enquête fait apparaître des différences entre les lieux d’exercice des médecins déclarant avoir été victimes de ce type d’incident. 54 % de ces derniers se passent en milieu urbain et notamment en centre-ville. Le milieu urbain a toujours été celui où les incidents sont les plus nombreux et ce depuis 2003. Cependant, il faut souligner qu’en milieu urbain, il y a aussi davantage de médecins qu’en milieu rural. Selon l’Insee, on compte plus de 18 000 médecins dans la ville de Paris par exemple.

Dans le département de la Creuse, on en compte seulement un peu plus de 260. Ces résultats sont donc à analyser au regard de cette répartition inégale pour éviter de stigmatiser une population urbaine qui serait « plus violente » que les ruraux. 

Les médecins exerçant en ruralité ne sont d’ailleurs pas épargnés par cette montée de la violence. Les incidents déclarés par les médecins ont eu lieu à 24 % dans un milieu rural. Il faut souligner que c’est 6 % de plus qu’en banlieue et que, il y a 20 ans, 15 % des incidents avaient lieu en milieu rural. 

L’enquête s’intéresse enfin au cadre dans lequel s’exerce le plus souvent ces violences. Dans la très grande majorité des cas (72 %), les incidents ont lieu dans le cadre d’un exercice de médecine de ville et un peu pus rarement dans le cadre d’une activité en établissement de soins (22 %). 

Désertification médicale 

Il est intéressant de mettre en perspective cette montée de la violence avec la désertification médicale pour plusieurs raisons.

D’abord, la désertification médicale peut alimenter cette violence à l’encontre des personnels soignants. Interrogé par l’INA, Jean-Jacques Avrane, délégué du CNOM à l’Observatoire national de la sécurité des médecins explique que « ces violences sont certainement dues à la difficulté, aujourd’hui, qu’il y a de trouver un médecin et d'avoir un retour par rapport aux demandes des patients. On ne peut pas le négliger, je pense que ça entre en ligne de compte. Là où ça augmente le plus, c’est en milieu rural. Des fois, il n’y a pas du tout de médecin, ça peut expliquer que quand un patient trouve un médecin y a peut-être une plus grande agressivité ».

Si l’on regarde le nombre de déclarations réalisées par département dénonçant ces violences, on peut percevoir en effet une forte augmentation en corrélation avec le manque de médecin dans le département. L’Aisne par exemple, qui est un département particulièrement sous-doté en médecins généralistes selon la Drees, enregistre une forte augmentation des déclarations de violences. En 2022 il y en avait eu 8, l'an dernier 24, soit le triple. 

Par ailleurs ces violences peuvent renforcer d’autant plus la crise liée au manque de médecins. En effet, l’enquête indique que dans 6 % des cas l’incident a entraîné une interruption du travail du médecin. Même si ce pourcentage peut paraître peu élevé, dans un contexte aussi tendu, cela compte. De plus, ces violences nuisent à l’attractivité du métier alors que 13,5 millions de Français résident toujours dans un désert médical.




Société
La pauvreté coûte près de 120 milliards d'euros par an à l'État, selon un collectif d'associations
« Le coût de la pauvreté pour la puissance publique » s'élève à un peu plus de 118 milliards d'euros par an, selon l'étude publiée mercredi par un collectif d'associations parmi lesquelles Action contre la faim, la fondation Abbé Pierre, Emmaüs, Petits frères des pauvres et le Secours catholique.

La somme est répartie entre 51 milliards de dépenses directes, principalement dans les prestations sociales, 39 milliards de « surcoûts » dans la santé, l'éducation ou la justice notamment et 28 milliards de pertes de recettes fiscales, selon l'étude présentée par le collectif Alerte, qui réunit 34 associations.

En 2022, 9,1 millions de personnes se trouvaient en situation de pauvreté monétaire, c'est-à-dire qu'elles disposaient de revenus mensuels inférieurs au seuil de pauvreté, soit 1 216 euros pour une personne seule, selon l'Institut national de la statistique. Ce nombre représente 14,4 % de la population métropolitaine. 

L'étude « montre qu'il y a un impact économique positif » à lutter contre la pauvreté, a estimé le président du collectif, Noam Leandri, qui souligne qu'en plein débat politique sur la résorption de la dette, « si on ne touche pas les responsables politiques au coeur, il faut qu'on les touche au porte-monnaie ». 

L'étude, réalisée par le cabinet de conseil Oliver Wyman, avance « qu’un investissement public additionnel de l’ordre de 8 milliards d’euros par an en moyenne sur 10 ans, outre son impact direct sur la résorption de la pauvreté, pourrait créer en retour un effet vertueux pour les finances publiques ». 

Ces investissements seraient à répartir entre l'accompagnement des ménages, le retour à l'emploi et les problèmes de logement. 
Cette publication intervient alors qu'est attendue jeudi la présentation par le gouvernement de son projet de budget 2025 visant à réduire le déficit public. Pour y parvenir, il compte réduire les dépenses publiques de plus de 40 milliards d'euros et engranger de nouvelles recettes fiscales à hauteur d'environ 20 milliards d'euros. 
 






Journal Officiel du mercredi 9 octobre 2024

Ministère de la Santé et de l'Accès aux soins
Arrêté du 1er octobre 2024 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques agréées à l'usage des collectivités et divers services publics

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