Édition du vendredi 4 octobre 2024 |
Gouvernement
Michel Barnier « assume d'être impopulaire » au nom de « la responsabilité »
|
Longuement interrogé hier soir sur France 2, le Premier ministre a détaillé certaines mesures qui figureront dans le projet de budget pour 2025, assumant le fait que ce budget sera « très dur ».
Chaque Français, « du bébé d’un mois à la personne âgée », payera l’an prochain l’équivalent de 750 euros au titre des intérêts de la dette de la France. C’est par ce chiffre que le Premier ministre, Michel Barnier, a débuté son interview hier sur France 2, rappelant que les seuls intérêts de la dette française s’élèvent maintenant chaque année à quelque 60 milliards d’euros. Michel Barnier s’est donc fixé pour objectif principal de faire diminuer la dette en faisant diminuer le déficit, et il assumera pour cela « le risque d’être impopulaire ». Car si le budget qu’il prépare est « très dur », le Premier ministre est convaincu qu’en cas de crise financière, comme celle qui a frappé l’Italie ou la Grèce, les conséquences seront bien plus dures encore, en particulier « pour les plus faibles ».
60 milliards d’économies
« Responsabilité » et « vérité » sont les deux mots qui sont revenus le plus souvent dans cet entretien. Certes, Michel Barnier a réfuté les termes « d’austérité » et de « rigueur » pour qualifier sa politique, mais c’est pourtant incontestablement de cela qu’il s’agit. Il a confirmé que 60 milliards d’euros seraient économisés l’année prochaine (20 milliards de recettes nouvelles et 40 milliards de dépenses en moins), ce qui représente un serrage de vis jamais vu depuis le « tournant de la rigueur » de 1982-1983 sous François Mitterrand. Michel Barnier a d’ailleurs admis hier soir que « c’est plus que ce qu’on a jamais fait ».
Côté recettes nouvelles, Michel Barnier a confirmé les propos tenus par son ministre de l’Économie Antoine Armand, le matin même : seuls les ménages ayant un revenu fiscal de plus de 500 000 euros par an seront concernés par un nouvel impôt qui sera « exceptionnel et temporaire », et durera « un an, peut-être deux ». Quant aux entreprises, l’écrasante majorité d’entre elles ne seront pas concernées par une nouvelle contribution, puisque celle-ci ne concernera que celles qui font « plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires » – le Premier ministre a estimé leur nombre à 300. Il semble toutefois que le gouvernement se prépare tout de même à changer les règles en matière d’aides aux entreprises, notamment sur les allégements de charges patronales, qui représentent aujourd’hui « 80 milliards d’euros » et sont trop souvent « des trappes à bas salaires ». Michel Barnier souhaite également « recibler les aides à l’apprentissage ».
Au-delà de ces prélèvements nouveaux, restent les économies. Michel Barnier n’a guère donné des détails supplémentaires par rapport aux informations que Maire info a détaillées hier : on sait déjà que sur les 40 milliards d’économies prévues, l’État prendra 20 milliards à sa charge et les « grandes agences » 1 milliard. « On va fusionner des services publics », a indiqué le Premier ministre, « on va regrouper des administrations et des agences qui font doublon », et « probablement ne pas remplacer tous les fonctionnaires qui partent à la retraite ». Il faudra, là encore, attendre la présentation du projet de budget et la discussion parlementaire – puisque certaines mesures du gouvernement seront ajoutées par amendement, a-t-il été annoncé hier – pour connaître le détail.
À ces 21 milliards, il faut en ajouter 8 autres qui seront économisés grâce au décalage de 6 mois de l’indexation des retraites sur l’inflation. Il restera donc autour de 10 milliards à économiser pour la Sécurité sociale et les collectivités locales. Comment ? là encore, on l’ignore. Le Premier ministre a simplement indiqué qu’il fallait s’inspirer des idées venues de certaines collectivités « qui ont appris à faire mieux avec moins ». Interrogé sur la proposition de la Cour des comptes de supprimer 100 000 postes dans la fonction publique territoriale (lire Maire info d’hier), Michel Barnier a botté en touche, sans dire clairement s’il considérait ou rejetait cette idée. Il a simplement répété qu’il refusait de « montrer les gens du doigt » (en l’occurrence les collectivités) et que sa méthode consistait à « faire avec et non contre ». « ‘’Avec’’, c’est le mot que vous devez retenir » de cet entretien, a-t-il indiqué.
Allocation unique
Sur le terrain social, le Premier ministre a confirmé le lancement d’un vaste chantier de fusion de toutes les allocations dans une « allocation sociale unique », afin de « débureaucratiser la masse des allocations » et de faire en sorte que « ça paye plus de travailler que de ne pas travailler » – reprenant ici une revendication chère à Laurent Wauquiez, le chef de file des députés LR. Il a également évoqué l’éventualité d’une augmentation de l’Allocation adulte handicapé.
Concernant la santé et la lutte contre la désertification médicale, le Premier a simplement répété ce qu’il avait dit dans sa déclaration de politique générale : le lancement d’un programme d’incitation pour « les jeunes médecins français ou étrangers » à aller s’installer dans les territoires carencés, un « statut fiscal » qui permette d’encourager les médecins retraités à « reprendre du service », et l’extension des actes que pourraient effectuer les pharmaciens, infirmiers et kinésithérapeutes.
Réponses la semaine prochaine
Le suspens ne va plus durer longtemps : c’est la semaine prochaine que l’on va enfin connaître le détail des mesures envisagées par le gouvernement. Si le projet de loi de finances sera présenté officiellement jeudi 10 septembre, les collectivités, elles, sauront deux jours avant à quelle sauce elles vont être mangées (ou pas), puisque les ministres de l’Économie et des Comptes publics viendront présenter les mesures relatives à celles-ci devant le Comité des finances locales du mardi 8 septembre.
Quant au débat parlementaire, il commencera à l’Assemblée nationale le lundi 21 septembre. Sans que l’on puisse avoir, à ce jour, la moindre idée de comment il se terminera, le gouvernement ayant bien peu d’alliés… même chez ceux qui sont censés l’être. Témoin, les déclarations de Gérald Darmanin, hier, qualifiant le projet de Michel Barnier « d’inacceptable en l’état ». On en oublierait presque que Gérald Darmanin est élu du même parti que les ministres auteurs de ce projet de budget, Antoine Armand et Laurent Saint-Martin.
|
Ville
Villes de France : les maires demandent « des moyens et de la considération »
|
Réunis en congrès les 2 et 3 octobre, les élus de Villes de France ont affirmé leur refus de tout « affaiblissement » des villes et affirmé leur volonté de « contribuer à la cohésion sociale et territoriale ».
L’association Villes de France, qui regroupe les maires des villes de 10 000 à 100 000 habitants, et dont le président, Gil Avérous, maire de Châteauroux, vient d’être nommé ministre des Sports du nouveau gouvernement, a tenu son congrès à Sélestat (Bas-Rhin), hier et avant-hier.
En clôture de ce congrès, les élus ont adopté une motion combative, que l’on peut résumer à l’une de ses formules : « Les élus doivent reprendre la main ».
« Dialogue réel » plutôt que « décisions sans appel »
Pour les maires des villes moyennes, « affaiblir les villes et agglomérations aggraverait la fracturation du pays ». Dans le communiqué publié à l’issue du congrès, Villes de France demande qu’un nouveau dialogue s’installe entre élus, gouvernement et Parlement, posant comme condition préalable « le rétablissement de la confiance », aujourd’hui « ébranlée par les attaques injustifiées ».
Rappelant que l’augmentation de la dette des collectivités ne représente que 3,5 % de celles des autres administrations publiques, Villes de France récuse toute idée que les collectivités seraient « responsables de la dérive des finances publiques » et affirme que les maires « n’accepteront pas le retour sous d’autres formes et sans contrepartie des contrats de Cahors ». « S’attaquer aux collectivités est d’autant plus scandaleux que nos collectivités ont subi ces derniers mois une forte poussée inflationniste alors même que la suppression de la taxe d’habitation est venue réduire leur liberté d’action en matière fiscale, que nos budgets sont tous votés à l’équilibre et que notre endettement finance exclusivement une partie de nos investissements », rappelle Villes de France.
L’association refuse donc par avance toute « coupe dans les finances des villes », qui auraient pour conséquence « un affaiblissement des services publics rendus à nos concitoyens » et « une réduction de la capacité d’investissement dans la transition écologique ».
L’association demande que « le rôle stratégique des villes moyennes (soit) davantage reconnu et pris en compte dans l’élaboration (des politiques publiques), ce qui passe par un dialogue réel et non par des décisions sans appel ».
« Laisser la main aux maires »
Dans la motion adoptée à l’issue du congrès, les maires des villes moyennes mettent l’accent sur cinq thématiques spécifiques : le logement, la transition écologique, la santé, le commerce et la sécurité.
Sur le logement, Villes de France demande à l’État de « laisser la main aux maires et présidents d’intercommunalité » qui, au cœur d’une profonde crise du logement, sont les plus à même de « trouver des solutions concrètes, pragmatiques et respectueuses (des (…) particularités de chaque territoire ». L’association demande au gouvernement de revoir ses choix en matière de « ponctions sur les bailleurs sociaux » et demande davantage de soutien à l’investissement locatif privé.
De même, sur la transition écologique, les maires demandent « des moyens financiers et réglementaires pour agir ». « Nous ne pouvons plus définir nos priorités en étant ballotés par des plans nationaux en perpétuel évolution ou au gré des appels à projets pour obtenir des financements. Nous souhaitons que l’État fixe un plan national sur le temps long et que celui-ci soit décliné localement en accord avec les territoires, tout en assurant une pérennité et une prévision certaine des financements ».
Villes de France demande également la « re-territorialisation de la compétence santé » et tranche sur un débat qui divise fréquemment les maires, en demandant clairement que des « obligations » soient mises en place « pour éviter l’installation de médecins dans des secteurs sur-densitaires ». Au-delà, les maires des villes moyennes demandent « à être fortement associés à une organisation locale de la santé » réunissant l’hôpital et la médecine de ville ainsi que « tous les acteurs du sanitaire et du social ».
Commerce et sécurité
Villes de France appelle à réfléchir à « une nouvelle stratégie nationale de territorialisation du commerce » et une « politique volontariste et pragmatique de sauvegarde du commerce de proximité ». Ce qui passerait avant tout, selon l’association, par une refonte de la fiscalité du commerce pour remettre à égalité le commerce physique et le commerce en ligne. Elle estime par ailleurs que les maires doivent garder la main sur les choix d’implantation des magasins, et que dans ce sens « de nouveaux outils permettant au maire de valider l’installation de certains magasins, tant en centre-ville qu’en périphérie, sans passer par la préemption des baux commerciaux, doivent être étudiés ».
Sur le sujet de la sécurité enfin, les maires de Villes de France appellent à « une clarification » de la part de l’État : « Il est nécessaire de fixer en quelque sorte la ‘’ligne rouge’’ en précisant clairement le rôle respectif qui est dévolu aux polices municipales et aux forces de l’ordre, et de définir les missions qui leurs sont communes. (…) Nous voulons que soit clarifiés les rôles et doctrines d’emploi de chaque force de sécurité », dans un contexte marqué par la hausse d’une « délinquance de plus en plus violente et la montée en puissance du trafic de stupéfiants ».
Les maires des villes moyennes affirment « leur volonté de contribuer à l’équilibre du pays », mais « attendent, en retour, considération, moyens financiers et juridiques pour agir, ainsi qu’un véritable engagement des pouvoirs publics à avancer avec eux ».
|
Logement
Les CCAS demandent que la priorité soit mise sur le logement
|
Une enquête menée au sein du réseau des centres communaux (et intercommunaux) de l'action sociale révèle notamment que les situations d'urgence frappent des publics nouveaux. Les craintes sont réelles, au moment où le gouvernement s'apprête à drastiquement diminuer les dépenses.Â
Cette enquête sur l’action des CCAS « face à la crise du logement et au sans-abrisme », menée en juin et dévoilée lors de la journée nationale de l’Unccas à Montpellier, jeudi 3 octobre, ajoute le témoignage des élus et techniciens de l’action sociale publique de proximité aux constats documentés de la Fondation Abbé-Pierre, du Secours Catholique, du Secours populaire, ou encore du Samu social. Bien que moins approfondie, l’enquête de l’Unccas aboutit à la même conclusion : l’aggravation de l’urgence sociale.
Ce que révèle l’étude
L’étude rappelle que le logement est un domaine largement investi par les CCAS. Plus de quatre sur dix (42 %) « offrent des aides facultatives spécifiques pour le logement ». Le double, plus de huit sur dix (82 %), « aident les ménages à monter des dossiers de demande de logement social ». Tandis que 43 % « participent aux commissions d’attribution des logements sociaux de bailleurs ». L’enquête rappelle également que « le cadre juridique et pratique » de CCAS/CIAS leur permet d’intervenir largement : location, sous-location, achat de biens, « y compris en viager », gestion de logements communaux, création de logements tremplins pour des jeunes, d’hébergement d’urgence, etc.
Elle montre surtout que cet investissement s’est « intensifié » face « à l’augmentation des demandes de logement social et du sans-abrisme » ces dernières années. Plus d’un tiers des CCAS ont « accéléré la production d’hébergements d’urgence après la crise liée au covid ». Autre fait notable depuis la pandémie : 46 % des CCAS/CIAS ont reçu des demandes de la part de publics jusque-là inconnus de leurs services, dont un bon tiers de personnes en emploi stable (CDI).
Plus de deux tiers des CCAS « ont reçu des demandes de mise à l’abri ». L’enquête cite le chiffre de « 67 personnes candidates pour une place d’hébergement ».
Qu’il s’agisse du logement ou de l’hébergement d’urgence, les demandes viennent en majorité de bénéficiaires des minimas sociaux (69,2 %) et de familles monoparentales (57,3 %), de personnes sans ressources ou au chômage (près de 26 % chacune), mais aussi de retraités (26%).
Petits ou grands CCAS, les mêmes difficultés
Cette enquête donne écho à la réalité de personnes « qui sont au plus près des gens, dans leur quotidien », insiste Audrey Garino, présidente du Conseil national de l’Unccas et adjointe au maire de Marseille. Elle doit nourrir le travail de plaidoyer en faveur d’une politique du logement audacieuse, explique l’élue à Maire info. Avec un premier exercice pratique à venir autour de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2025, sur lesquels les élus comptent peser, en demandant notamment 43 000 places d’hébergement supplémentaires.
« Compte tenu du manque de places d’hébergement, comme de l’absence de parcours de logement, combiné à la hausse des personnes à la rue, qui a doublé en dix ans, c’est une évidence, tous les jours des personnes dorment à la rue, parmi elles 2 000 enfants. Cette réalité décrite par l’enquête, nous y sommes tous confrontés, CCAS de petites ou grandes villes, de tous bords politiques. La situation s’aggrave et cela nous est insupportable », poursuit l’élue.
« Bien que l’hébergement d’urgence ne relève pas de nos compétences, nous nous mobilisons, nous voulons bien être une partie de la réponse, mais nous avons pour cela besoin d’une remobilisation de l’État », défend Audrey Garino, inquiète de la « musique ambiante » autour de la « baisse des dépenses publiques ». « Chacun doit prendre conscience de l’urgence que nous sommes en train de vivre » répète-t-elle.
|
Cybermalveillance
Cybersécurité : la transposition de la directive « NIS 2 », enjeu crucial pour les collectivités
|
La Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) a présenté hier un rapport sur les enjeux de la transposition de la directive « NIS 2 » en France. Alors que la situation politique a mis en pause les travaux sur le sujet, les parlementaires insistent sur la nécessité d'adapter les règles pour les collectivités.
La directive du 14 décembre 2022 dite « NIS 2 » devait être transposée en France avant le 17 octobre 2024. La première réglementation européenne en matière de cybersécurité a été publiée en 2016 et concernait 300 entités « Opérateurs de services essentiels ». Les communes et les EPCI n’étaient pas concernés jusqu’à maintenant. « La directive NIS 2, qui s’appuie sur les acquis de la directive NIS 1, marque un changement de paradigme », peut-on lire sur le site de l'Anssi. Les administrations publiques seront désormais concernées par la mise en place de nouvelles pratiques en faveur d’une meilleure cybersécurité. Ainsi, certaines mesures seront applicables aux collectivités.
Hier, au Sénat, les membres de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) ont présenté un rapport après avoir auditionné une quarantaine d’acteurs concernés dont les associations d’élus. Ils attirent l’attention sur les défis face auxquels les entités, notamment les collectivités, vont se retrouver une fois régies par les dispositions de NIS 2 et formulent des recommandations pour l’étude du projet de loi.
« Aucune visibilité »
A ce jour, seuls 3 pays sur les 27 (la Belgique, la Croatie et la Hongrie) ont publié leur loi de transposition. Rappelons que pour les directives, chaque État membre doit adopter des lois pour adapter dans chaque pays les principes généraux contenus dans le texte européen.
Avec la dissolution de l’Assemblée nationale, le processus a été « perturbé », introduit Damien Michallet, sénateur de l’Isère et président de la CSNP. « Nous n’avons aujourd’hui aucune visibilité sur le texte dont le parcours législatif s’est stoppé net, explique Anne le Henanff, députée du Morbihan et rapporteure. Le travail réalisé par l’Anssi est quelque part à Matignon… ».
Ce silence est inquiétant. « Nous ne sommes pas à l’abri d’une transposition in extenso du texte européen », alerte la rapporteure. Le gouvernement a en effet la possibilité de légiférer par ordonnance sur la question.
Cette voie serait dommageable pour les collectivités. « Il est nécessaire de provoquer des débats au sein des deux chambres notamment pour échelonner dans le temps le délai de mise en œuvre et adapter chaque disposition à la structure que cela soit une collectivité ou une entreprise », insiste la députée du Morbihan.
« Ce rapport vise à faire gagner du temps à la nouvelle ministre, lance Anne le Henanff. Il est au plus près de la réalité et des attentes des acteurs. Quand on n’est pas un élu local, on ne peut pas tout mesurer et ce rapport existe pour contrôler ou réorienter si nécessaire les travaux législatifs sur la directive NIS 2 qui aura forcément des effets de bord sur la société toute entière ».
Quatre recommandations pour les collectivités
Dans son projet d’étude d’impact, l’Anssi estime que 1 489 collectivités territoriales, groupements de collectivités et certains organismes sous leur tutelle devraient être concernés au titre des entités essentielles. 992 communautés de communes métropolitaines et d’outre-mer seront, quant à elles, concernées au titre des entités importantes.
Les collectivités sont donc concernées au premier chef par cette directive « même si elles n’en n’ont pas toujours conscience », précise le président. La rapporteure ajoute que les « collectivités savent s’adapter mais qu’elles ont besoin de savoir comment faire et avec qui. Si c’est descendant de Paris, ça va crisper dans les territoires. Par ailleurs, il faut avoir conscience que certaines collectivités n’ont jamais entendu parler de cybersécurité. Certains échelons sont plus avancés que d’autres mais dans les mairies c’est plus compliqué. »
Une partie du rapport insiste sur « la nécessité d’un accompagnement spécifique des collectivités locales ». La commission recommande d’abord de « faire auditer par l’Anssi le degré de maturité des collectivités qui seront soumises à la directive ». Elle plaide pour qu’un accompagnement « spécifique, technique et financier » soit prévu pour les collectivités n’ayant pas les moyens nécessaires : « La mobilisation de financements de la stratégie nationale d’accélération cyber vers des outils intégrés conformes aux exigences posées par l’Anssi doit être étudiée ».
Les membres de la CSNP s’alignent également sur les demandes des associations d’élus concernant la réalisation d’une étude d’impact plus précise pour qualifier les risques, les menaces et les coûts financiers, administratifs, démocratique des cyberattaques pesant sur les collectivités.
La question des ressources humaines étant « cruciale » pour les collectivités, la commission propose d’inciter les collectivités à faire le choix d’une solution dite SaaS afin de maintenir le meilleur niveau de cybersécurité possible. La solution Software as a service (SaaS) se distingue de ce que la plupart des collectivités font actuellement, c’est-à-dire avoir un logiciel hébergé et maintenu par le propre service informatique de la collectivité. Déléguer à un fournisseur de service serait, selon la commission, une meilleure solution. Encore faut-il en avoir les moyens financiers...
Enfin, la rapporteure insiste sur l’importance de renforcer le rôle des préfets de département dans l’accompagnement à se conformer à ces futures nouvelles obligations. « Tous les préfets n’ont pas cette sensibilité mais il va falloir désigner des personnes en capacité de vérifier cette mise en conformité pour la sécurité intérieure », ajoute la députée.
Calendrier d’application et sanctions
« La directive NIS 2 ne traite pas des délais, c’est un angle mort de ce texte, cependant il est nécessaire que le législateur en tienne compte lors des débats », peut-on lire dans le rapport. La CSNP propose un délai de mise en conformité similaire à celui du RGDP, c’est-à-dire de trois ans. Présents hier lors de la présentation du rapport, Jean-Luc Sallaberry, chef du département numérique à la FNCCR et Marlène Le Dieu de Ville, vice-présidente en charge du numérique d’Intercommunalités de France, avertissent que le délai de trois ans serait trop court pour les collectivités. « Certains partent de zéro », rappelle Marlène Le Dieu de Ville et « une progressivité sur cinq années serait plus adaptée », recommande la FNCCR.
Étant donné que pour le moment la transposition a pris du retard, la CSNP propose d’accorder « une certaine souplesse dans l’appréciation sur infractions aux obligations et les sanctions relatives jusqu’au 31 décembre 2027 ».
En ce qui concerne les collectivités, le rapport abonde dans le sens de l’Anssi « qui ne souhaite pas voir les collectivités être soumises à des sanctions en cas de non-conformité ». Pour inciter les collectivités à mettre ne place ces bonnes pratiques, Anne le Henanff est favorable à ce qu’il puisse y avoir un moyen de valoriser « les bons élèves » en matière de cybersécurité en passant notamment par une certification délivrée par l’Anssi qui indiquerait que la collectivité est en train de se conformer à cette directive ou qu’elle est conforme aux obligations.
On ne sait pas encore si c'est Clara Chappaz, secrétaire d'État à l'Intelligence artificielle et au Numérique, qui sera chargée du dossier. Les décrets d'attribution n'ont, à ce jour, pas encore été publiés.
|
Corse
En Corse, aéroports et ports bloqués sur fond de tensions entre l'État et la Collectivité
|
Une divergence d'appréciation entre la Collectivité de Corse et l'État sur la gestion des ports et aéroports de Corse a suscité jeudi la colère du président du Conseil exécutif de l'île, Gilles Simeoni, entraînant leur blocage par un mouvement social spontané.
Jeudi matin, Alexandre Patrou, secrétaire général aux affaires corses (Sgac) qui représentait le préfet de Corse lors de l'assemblée générale extraordinaire de la chambre de commerce et d'industrie de Corse (CCI), s'est exprimé sur le projet de créer deux syndicats mixtes ouverts (SMO) portuaire et aéroportuaire d'ici la fin de l'année.
Ces SMO devraient, selon les statuts présentés jeudi matin, accorder des concessions à la CCI insulaire afin qu'elle puisse continuer de gérer les ports et aéroports de l'île à partir du 1er janvier 2025. Mais pour Alexandre Patrou, ce montage présenterait « un risque juridique important », ce qui a suscité l'ire du président autonomiste du conseil exécutif de l'île, Gilles Simeoni.
« C'est une déclaration de guerre et je vous le redis, pour moi ce n'est pas négociable, il n'y aura pas de groupes internationaux qui gèreront les ports et les aéroports de Corse », s'est emporté Gilles Simeoni, en dénonçant « la décision que vient d'annoncer aujourd'hui l'État, en catimini, sans nous prévenir et en reniant son engagement et sa parole ».
En réaction, le préfet de Corse, Amaury de Saint-Quentin, a indiqué à l'AFP que l'Etat n'avait « aucune opposition » à la gestion des ports et aéroports corses par des SMO, mais que cette gestion devait avoir lieu en "régie directe" pour éviter « le risque juridique » d'une gestion en « subdélégation à la Chambre de commerce ». Il n'y a « aucune vélléité de la part de l'État » de confier à des groupes privés la gestion des ports et aéroports insulaires, a-t-il insisté.
Conflit financier derrière le conflit technique
Mais, sans attendre ces clarifications, les syndicats de la CCI, emmenés par le syndicat des travailleurs corses (STC), ont aussitôt lancé un mouvement de grève spontané qui a entraîné jeudi après-midi le blocage des quatre aéroports et six ports de l'île et de centaines de voyageurs.
« Tous les ports et aéroports de Corse sont bloqués depuis quelques heures par le STC », a déclaré à l'AFP Laurent Filippi, délégué syndical STC sur le port de Bastia. « Il n'y a plus rien qui décolle, plus rien qui atterrit et plus rien qui sort ou rentre des ports », a ajouté le délégué syndical.
Une source sécuritaire et des sources aéroportuaires ont confirmé à l'AFP ces blocages. A Ajaccio, Adeline Didier, ingénieure commerciale en attente d’un vol pour Nice, a confié à l’AFP son désarroi: « on est arrivé à 16 h 30 et on n’a aucune info parce que, sur l’application, le vol passe de annulé à retardé, à annulé, à retardé. C’est la police qui nous a prévenus que le vol était annulé ».
Pour « prendre en charge les voyageurs sans solutions », la préfecture de Haute-Corse a notamment mis à disposition des passagers bloqués à l'aéroport de Bastia un gymnase jeudi soir. Appelant à soutenir la grève, un collectif de la jeunesse nationaliste « Union de la jeunesse en lutte » a affirmé dans un communiqué jeudi soir: « L'État français ne doit en aucun cas laisser la Corse aux groupes internationaux, pouvant être une pierre à l'extinction de notre pays ».
Mais derrière ce conflit d'apparence technique entre l'État et la collectivité de Corse figure une autre difficulté financière: Gilles Simeoni réclame en effet 50 millions d'euros supplémentaires à l'État pour compenser l'inflation non prise en compte dans la somme allouée par l'État pour assurer la continuité territoriale entre l'île et le continent.
Une demande qui tarde à donner lieu à une réponse du nouveau gouvernement, déjà aux prises avec la situation financière dégradée au niveau national. « La réindexation n'est pas donnée et elle est due, ce n'est pas quémander que de le rappeler », a déclaré vendredi Gilles Simeoni à l'Assemblée de Corse.
« Si cette dotation n'intervient pas, nous serons dans l'impossibilité de maintenir l'exécution des contrats de délégation de service public dans les domaines maritime et aérien », avait mis en garde Gilles Simeoni fin septembre. Cela voudrait dire « des centaines d'emplois directs menacés » chez Air Corsica, Air France, Corsica Linea, La Méridionale et « des milliers d'emplois indirects, des risques de blocage de ports, d'aéroports », avait-il ajouté.
|
Journal Officiel du vendredi 4 octobre 2024
Ministère de l'Intérieur
|