Édition du jeudi 3 octobre 2024

Finances locales
Suppression de 100 000 emplois dans la territoriale : la proposition de la Cour des comptes choque les associations d'élus
Les magistrats estiment que cette mesure permettrait de réaliser une économie de 4,1 milliards d'euros par an à partir de 2030. Ils proposent également de modérer sévèrement les recettes des collectivités. Les associations d'élus sont vent debout.

Suppression de 100 000 postes, modération des recettes, fléchage accru des transferts de l’État vers des investissements verts… Le remède proposé, hier, par la Cour des comptes pour réduire le déficit public risque d’être digéré difficilement par les collectivités. Si elles ne s’étranglent pas d’emblée.

Alors que le nouveau Premier ministre a fait de la réduction des dépenses publiques l’une de ses priorités pour 2025 en en faisant « partager l’effort » aux collectivités, la haute juridiction de la rue Cambon vient de déposer sur son bureau un ensemble de pistes d'économies qui leur sont destinées et sur lesquelles il pourrait s'appuyer.

La trajectoire « dérape de plus en plus »

C’est ce que souhaitait, en tout cas, l’ancien gouvernement qui a chargé les magistrats financiers de réaliser ce travail qui doit permettre aux collectivités de contribuer à « l’indispensable redressement des finances publiques ». Une contribution « justifiée », selon la Cour qui reprend à son compte les critiques de l’ancien et du nouveau ministres de l'Économie, Bruno Le Maire et Antoine Armand, sur la trajectoire budgétaire des collectivités. 

Celle-ci « dérape de plus en plus », affirme-t-elle. Résultat, elle estime que « le déficit global des collectivités va fortement s’accroître » cette année, et que l’objectif d’un excédent de plus de 17 milliards d’euros fixés aux collectivités par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) devient « de plus en plus hypothétique ». L’objectif intermédiaire d’un « déficit modéré » en 2024 ne sera d’ailleurs « pas atteint ».

En cause, des dépenses « particulièrement dynamiques », d’un côté, et de l’autre, des recettes de TVA qui progressent plus lentement que prévu, ainsi que « plus prononcée qu’anticipé » des DMTO du fait du retournement du marché immobilier. Fin août, ceux-ci avaient diminué de 20,2 % par rapport à la même période de 2023, année qui avait déjà vu une chute importante.

Une contribution « fortement compromise »

Les magistrats financiers pointent également des dépenses de fonctionnement des collectivités, en hausse de 5,4 % au cours des huit premiers mois de l’année, quand celles d’investissement ont progressé de plus de 13 %. La haute juridiction l’explique par « la persistance des effets directs et indirects de l’inflation », la hausse des rémunérations et du nombre de bénéficiaires des aides sociales, ainsi que par le cycle électoral qui pousse les communes et les intercommunalités, en particulier, à « réaliser leurs projets avant les élections de 2026 ».

À noter que si le bloc communal conserverait, cette année, une « situation financière solide », il faut s’attendre à « un nouveau repli » de la situation des régions. Mais, on le sait déjà, si la situation globale des collectivités se dégrade c’est surtout « en raison de celle principalement des départements » qui subit les conséquences du plongeon des recettes tirées des taxes sur les transactions immobilières. Et les départements devraient donc connaître « une nouvelle dégradation » cette année.

Reste que, « si cette tendance se poursuit », la contribution des collectivités au redressement des finances publiques s’avère « fortement compromise », constatent donc les magistrats financiers.

Suppression de personnels : le bloc communal ciblé

Pour y remédier, il faudra donc faire des coupes claires, assure la Cour qui fait une série de propositions pudiquement appelées « d’optimisation ». L’une d'elles est particulièrement explosive : ramener, d’ici 2030, les effectifs de la fonction publique territoriale à « leur niveau du début des années 2010 ».

Car, selon la Cour, « les dépenses de personnel, qui représentent un quart des dépenses des collectivités, connaissent une croissance soutenue, majoritairement portée par le bloc communal ». Et ce, « malgré l'absence de nouveaux transferts de compétences ». 

Les magistrats pointent ainsi le rôle des intercommunalités et déplorent que leur développement n’ait « pas été compensé par une baisse équivalente des effectifs des communes » puisque les effectifs du bloc communal ont « crû de 0,6 % par an en moyenne ».

Concrètement, la proposition de la Cour reviendrait à amputer de 100 000 emplois en six ans le nombre d’emplois dans les collectivités, qui en compte un peu moins de 2 millions. Une réduction progressive de 5,5 % des emplois qui permettrait de réaliser une « économie importante » de « 4,1 milliards d’euros par an à partir de 2030 ». Pour cela, elle préconise « le non remplacement d’une part minoritaire des départs en retraite ».

Tout en suggérant de « mieux associer les collectivités aux décisions relatives à la fonction publique territoriale », les magistrats financiers préconisent aussi « une plus large application de la durée légale du travail » – qui pourrait permettre de dégager 1,3 milliard d’euros d’économies par an – et défendent une réduction de l’absentéisme, qui était chère également à Bruno Le Maire.

La Cour « se trompe d'approche »

« C’est tellement gros que c’est grotesque. Cela n’a strictement aucun sens ! », a cinglé hier le président du Comité des finances locales, André Laignel, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, en mettant l’accent sur le fait que la population a augmenté (de deux millions de personnes) depuis le début des années 2010. 

« Enfin… 100 000 emplois ! On va supprimer quoi ? Ceux qui veillent à l’entretien de nos rues, de nos espaces verts (...), nos assistantes dans les écoles maternelles, nos animateurs sportifs… ? », s'est-il un peu plus tard agacé sur RTL, ne voyant pas comment les services publics de proximité pourraient fonctionner sans un tel nombre d’agents.

Dans un communiqué publié hier, l'AMF dénonce une erreur « d'approche » de la part de la Cour des comptes, rappelant, d'une part, qu'il n'y a pas eu d'augmentation « significative » des dépenses de personnel dans les communes et intercommunalités ces dernières années, et qu'il est « faux de soutenir que les communes et intercommunalités n’assument aucune compétence nouvelle : il y a eu de nombreux transferts de charges de l’Etat vers les collectivités qui n’ont fait l’objet d’aucune compensation ». L'association rappelle qu'à ces transferts « s’ajoutent les procédures bureaucratiques incessantes demandées aux collectivités, et les contraintes normatives toujours plus nombreuses, qui consomment les ressources financières locales et mobilisent inutilement les personnels ».

Dans sa réponse envoyée à la Cour des comptes, l'AMF avait également rappelé que « pour s'adapter aux nouveaux enjeux de politiques publiques, certains services doivent augmenter leur technicité et recruter des personnels plus qualifiés et mieux rémunérés », comme c’est le cas pour le « financement de la transition énergétique ».

En fin de matinée, aujourd'hui, David Lisnard, président de l'AMF, a publié une série de messages sur X dénonçant les préconisations de la Cour des comptes. « Qu’ils soient à Bercy ou ailleurs, écrit le maire de Cannes, les technocrates sont les mêmes. Ils persistent dans leurs erreurs, leur fausse rigueur intellectuelle, leur conformisme, qui conduisent en même temps à détruire les finances du pays et les services au public. 
Ils pleurent ce qu’ils ont causé.
» 

Modération des recettes

La Cour propose, par ailleurs, de généraliser les pratiques d’achats les plus optimales, notamment « la massification des achats et la mutualisation des circuits d’achats entre collectivités », qui pourraient permettre d’importantes économies estimées à 5 milliards d’euros par an.

Les concours financiers de l’État à l’investissement devraient être attribués de manière plus sélective et davantage ciblées sur les investissements « verts » ou « essentiels », argue également la Cour. 

Moins volubile sur l'encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités que dans son rapport du mois de juin, elle propose, néanmoins, pour parvenir à leur ralentissement, de mettre en place une « modération accrue de leurs recettes ». Pour cela, elle souhaite, par exemple, mettre fin à l’indexation automatique sur l’inflation des valeurs locatives cadastrales des taxes foncières, tout en « écrêtant la hausse des recettes de TVA et de taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour en réaffecter une partie à l’État » et « en affectant une partie de la hausse des recettes de TVA à des fonds de résilience nationaux par catégorie de collectivités, dotés d’une gouvernance partenariale avec l’État ».

« La brutalité de ces propositions conduirait à un affaiblissement inédit de la capacité d'agir du bloc communal dans l'exercice et le financement de leurs compétences », critique l’AMF dans sa réponse, alors que la présidente de France urbaine Johanna Rolland refuse de « souscrire à une proposition consistant à induire (...) un  effet de ciseau dans le budget des collectivités ».

« Nous ne pesons en aucun cas sur les comptes nationaux. La France est en très mauvais état, mais cela ne peut pas faire le lien avec les collectivités qui elles sont correctement gérées », a souligné, pour sa part, André Laignel, en rappelant que les collectivités ont « passé (leur) temps à faire des efforts. Nos collectivités sont bien gérées et c’est faire injure à l’ensemble des élus de France que de dire le contraire. C’est l’État qui essaie de se défausser de sa gestion totalement calamiteuse ».

Consulter le rapport.

Consulter la réponse de l'AMF et des autres associations d'élus.




Budget
Le gouvernement prévoit 60 milliards d'euros d'économies en 2025, et un « lissage » des dépenses des collectivités
Les premiers éléments chiffrés du projet de loi de finances pour 2025 commencent à être diffusés par Bercy, maintenant que le Premier ministre a présenté les grands axes de son projet politique. Le gouvernement s'apprête à présenter un budget qu'on ne peut qualifier autrement que de rigueur. 

Au début de l’année, les ministres chargés de l’économie et du budget prévenaient qu’il allait falloir réaliser 10, 15, voire 20 milliards d’économies sur le prochain budget, ce qui était déjà apparu, alors, comme un très sérieux tour de vis sur les finances publiques. On était pourtant, alors, loin du compte, puisque c’est un coup de rabot trois fois supérieur que s’apprête à faire le gouvernement Barnier.  

Dépenses en baisse de 40 milliards d’euros

Le dérapage des comptes publiques sera en effet plus grave que Bercy ne l’escomptait en janvier : selon les dernières estimations, il devrait s’élever cette année à 6,1 % du PIB. Michel Barnier, dans son discours de politique générale, a fixé le cap : réduction de ce déficit à 5 % du PIB dès 2025, et un retour à 3 % en 2029. 

Dès l’année prochaine, il est donc prévu de réaliser une économie de 60 milliards d’euros, selon les informations que l’entourage des ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin ont commencé à diffuser hier. Pour mesurer à quel point ce chiffre est faramineux, il faut rappeler que le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, avait récemment qualifié le projet de Bruno Le Maire d’économiser 100 milliards sur trois ans de « politiquement, économiquement et socialement intenable ». Désormais, on ne parle plus de 100 milliards sur trois ans, mais de 60 milliards sur une seule année !

Cette économie, selon les projets de Bercy, se fera aux deux tiers sur la dépense et pour un tiers sur des recettes nouvelles. Soit 40 milliards de réduction des dépenses et 20 milliards de nouvelles recettes, qui viendront d’une « contribution » demandée aux très grandes entreprises et aux ménages « les plus fortunés », qui seuls seront concernés par des impôts nouveaux, de façon exceptionnelle et transitoire, insistent l’entourage des ministres. 

Il faut préciser ici que les « plus fortunés » ne seront pas, en réalité, les seuls mis à contribution, puisque les retraités, quel que soit leur niveau de revenu, vont tous être touchés par une mesure d’économie : l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation, qui a lieu normalement le 1er janvier, va être décalée de 6 mois pour n’intervenir que le 1er juillet. Ce qui permettra une économie de quelque 8 milliards d’euros au gouvernement. Jusqu’au 1er juillet prochain, les retraités toucheront donc une pension de retraite ne tenant pas compte de l’inflation de l’année 2024, ce qui induira une baisse nette de leur pouvoir d’achat. L’argument brandi par le gouvernement selon lequel les retraités sont « la catégorie sociale la plus riche du pays » fera certainement grincer des dents, quelques jours à peine après la parution du rapport des Petits frères des pauvres sur la situation dramatique de quelque deux millions de retraités pauvres. 

Bercy n’a donné aucun détail, hier, sur l’effort qui sera demandé aux « grandes entreprises » ni sur le niveau de revenus faisant entrer dans la catégorie des « plus fortunés », expliquant que les détails seraient donnés au moment de la présentation du projet de loi de finances lui-même. Ce matin cependant, sur France 2, Laurent Saint-Martin a levé un coin du voile sur cette question, annonçant que les ménages qui seraient mis à contribution seront réellement les plus riches, puisque le nouvel impôt devrait toucher « les ménages sans enfant qui touchent des revenus d’à peu près 500 000 euros par an », soit « 0,3 % des ménages ». 

Un effort au-delà des lettres plafond

Côté baisse des dépenses, au-delà de la mesure concernant les retraités, ce sont là encore des grandes lignes qui ont été dévoilées hier sans précisions chiffrées ni cadrage par ministère. Seule certitude : toutes les administrations publiques seront mises à contribution, et le gouvernement a décidé d’aller au-delà des « lettres plafond » diffusées en août par le gouvernement démissionnaire. Il faut donc s’attendre à des mesures d’économies encore plus brutales dans la plupart des ministères – rappelons que les lettres plafond prévoyaient déjà, par exemple, une diminution de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert ou une saignée sur les crédits d’intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. 

Dans les lettres-plafonds, le gouvernement précédent prévoyait une économie de l’ordre de 15 milliards d’euros. Le nouveau prévoit d’augmenter ce chiffre de 5 milliards d’euros, pour arriver à une économie de 20 milliards sur l’ensemble des ministères. Il est à noter que ces 5 milliards supplémentaires ne figureront pas dans le projet de loi de finances qui sera présenté la semaine prochaine, a expliqué hier l’entourage des ministres, pour des raisons matérielles : le temps a manqué à Bercy pour intégrer ces mesures dans le document. Ces 5 milliards supplémentaires seront donc ajoutés par amendement, pendant le débat parlementaire. 

Un milliard d’euros d’économies sera par ailleurs demandé aux grands opérateurs de l’État. En ajoutant les 8 milliards d’économie générés par la mesure sur les retraites, on arrive à une trentaine de milliards. Il en restera donc 10 pour arriver aux 40 milliards prévus. Ils seraient obtenus par une « maîtrise » des dépenses de l’Assurance maladie et de celles des collectivités. 

« Lissage » pour les dépenses des collectivités

En présentant ces premiers éléments hier, l’entourage des ministres s’est montré particulièrement prudent sur les finances locales, ne souhaitant visiblement pas rallumer des conflits avec les associations d’élus et répétant que les collectivités gèrent sérieusement leurs finances. II a toutefois été indiqué qu’un « lissage » serait demandé, sous forme d’une « modération des dépenses » des collectivités pour participer à « l’effort national ». Aucun détail n’a été donné, car les ministres veulent réserver la primeur de leurs annonces aux associations d’élus, qui devraient être reçues dans les prochains jours. Selon l’entourage des ministres, il n’y aura pas de mesures « punitives », ce qui semble exclure un mécanisme du type « contrat de Cahors », où les grandes collectivités avaient été sommées de maintenir la progression de leur dépenses en dessous d’un taux fixé par le gouvernement, sous peine de sanctions financières. Mais les collectivités seront bien appelées à participer au fait de « collectivement tenir la cible de déficit ». 

Il va donc falloir attendre la publication du projet de loi de finances pour en savoir plus, voire le débat parlementaire lui-même, puisque certaines mesures ne seront présentées par le gouvernement qu’en cours de débat. Si l’on peut espérer que les dotations aux collectivités ne seront pas amputées, cela ne veut pas dire que celles-ci ne seront pas sévèrement touchées par la cure d’austérité, par le biais de la diminution de nombreuses dépenses d’intervention de l’État. 

Sans compter qu’il y a ce que souhaite le gouvernement, et il y a ce qui ressortira des amendements ajoutés par les parlementaires eux-mêmes, qui pourraient encore alourdir la facture. Hier, par exemple, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a plaidé pour des économies plus importantes encore que ce que prévoit le gouvernement – tablant sur 50 milliards d’économies plus que 40 milliards, afin de réduire la part réservée aux hausses d’impôts. Parmi les mesures proposées : « La baisse du nombre et du coût des opérateurs de l’État », dont le groupe LR questionne « l’utilité ». 

Le débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances commencera le lundi 21 octobre. Les débats promettent d’être particulièrement âpres. 




Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Calédonie : le nouveau gouvernement prend ses distances avec la politique du précédent
À l'occasion de la première séance de questions au gouvernement, hier, le gouvernement a été interpellé sur la situation dramatique de la Nouvelle-Calédonie, qui ne se relève pas des conséquences de émeutes de mai-juin dernier.  Michel Barnier et François-Noël Buffet ont apporté de premières réponses, et marqué une volonté de rupture avec la politique du gouvernement Attal. 

La situation en Nouvelle-Calédonie a été par deux fois évoquée lors la première séance de questions au gouvernement, hier après-midi à l’Assemblée nationale, plusieurs députés ayant tenu à faire en sorte que cette question ne soit pas occultée par les débats en cours sur le budget et les finances publiques. Mais les échanges de questions et de réponses sur la Nouvelle-Calédonie ont pris des allures de règlement de compte entre le nouveau gouvernement et l’ancien, au point qu’une bonne partie des députés macronistes, emmenés par l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ont démonstrativement quitté l’Hémicycle après l’intervention de Michel Barnier. 

Rappelons que la veille, lors de son discours de politique générale, le Premier ministre, Michel Barnier, avait annoncé l’abandon, pour le moment du moins, du projet de loi constitutionnel de dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, qui avait mis le feu aux poudres en mai dernier : ce projet, adopté par les deux chambres, « ne sera pas soumis au Congrès », a affirmé le Premier ministre, et les élections provinciales seront reportées « jusqu’à fin 2025 ». Ces élections devaient initialement se tenir avant le 15 décembre prochain, mais le Conseil d’État a autorisé un éventuel report, au plus tard en novembre 2025. Michel Barnier a annoncé que le Parlement allait rapidement se voir soumettre un projet de loi organique pour acter ce report. 

Dans son discours, le Premier ministre a également fait part de sa volonté de d’impliquer « personnellement » sur ce sujet de la Nouvelle-Calédonie – rappelons que le ministre chargé des Outre-mer, François-Noël Buffet, a été placé directement sous l’autorité du Premier ministre et non, comme il est d’usage, sous celle du ministre de l’Intérieur. Une « délégation interministérielle » consacrée à la Nouvelle-Calédonie va être créée, a annoncé en outre le Premier ministre. « Une nouvelle période doit maintenant s’ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d'un consensus politique sur son avenir institutionnel. » 

Prise de distance

Ces déclarations marquent une certaine prise de distance de Michel Barnier par rapport à la politique menée par le gouvernement précédent, qui avait envoyé des signes clairs de soutien au camp loyaliste et adopté une attitude jugée « provocatrice » par les indépendantistes. Notamment, l’entrée au gouvernement de Sonia Backès, présidente de la région Sud et farouche loyaliste, avait été très mal vécue par les indépendantistes même les plus modérés. Toute comme avait été mal vécu le fait de nommer le député calédonien indépendantiste Nicolas Metzdorf rapporteur du projet de loi sur le dégel du corps électoral. Après le discours de politique générale, Nicolas Metzdorf a qualifié ses propos, devant la presse, de « barniaiseries ».

Il n’y a donc rien d’anodin à ce que le groupe macroniste à l’Assemblée nationale ait choisi ce même Nicolas Metzdorf pour poser la première question au gouvernement sur la Nouvelle-Calédonie : cela ne peut apparaître que comme une marque de défiance vis-à-vis des prises de position de Michel Barnier. Le député a fait ce qui était attendu de lui, avec une question particulièrement hostile,sur un ton provoquant. Il a expliqué qu’en annonçant l’abandon du projet de loi sur le dégel du corps électoral, Michel Barnier avait « humilié les Calédoniens », effaçant au passage les Kanaks qui sont pourtant, eux aussi, « Calédoniens ». Nicolas Metzdorf a également reproché au Premier ministre de « ne pas avoir eu un mot » sur « les aides économiques nécessaires à la relance au maintien des emplois ». 

Le Premier ministre a choisi de ne pas répondre à cette question, qui pourtant s’adressait à lui, et a laissé le micro à son ministre François-Noël Buffet. Celui-ci a recadré le député en déclarant que le gouvernement était attentif à la situation de « tous les Calédoniens, tous les Calédoniens sans exception ». Il a confirmé qu’une aide économique « immédiate » serait apportée à la Nouvelle-Calédonie, mais qu’il allait s’engager « une démarche beaucoup plus profonde » sur « l’avenir de la Nouvelle-Calédonie en tant que telle et au projet qu’il faut définir la concernant ». 

« Retrouver l’apaisement »

Un peu plus tard, le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou – fils du leader du FLNKS assassiné en 1989 –a lui aussi pris la parole pour interpeller le gouvernement.  Sans surprise, il a salué les annonces de Michel Barnier faites la veille, qui selon lui « amorcent certainement une démarche constructive ». Et d’enfoncer le clou : « J’espère que ces annonces sonnent également le glas d’une méthode appliquée par vos prédécesseurs (…). Cette méthode suscitait des risques de déstabilisation de la poursuite du processus de décolonisation et de paix que nous menons ensemble depuis trente ans. » Cette fois, c’est bien le Premier ministre lui-même qui a répondu, ce qui est en soi un choix politique. Michel Barnier a confirmé un changement de pied par rapport à l’équipe gouvernementale de Gabriel Attal (qui a d’ailleurs également quitté l’Hémicycle à ce moment), insistant sur sa volonté de « retrouver l’apaisement », de « consulter tous les élus », de travailler « dans le respect de toutes les communautés et de toutes les forces politiques ». On est loin des déclarations de Gérald Darmanin qualifiant les membres de la CCAT, en juin, de « terroristes ». Celui-ci a semble-t-il bien compris le message, en quittant alors l’hémicycle, manifestement ulcéré, en compagnie des anciens ministres Marie Lebec, et Roland Lescure et d’une bonne partie des députés de son groupe. 

Quant à Nicolas Metzdorf, lui aussi membre du groupe macroniste, il a annnoncé qu'il voterait la motion de censure que la gauche s'apprête à déposer. 

Au-delà de la question calédonienne, les relations paraissent déjà de plus en plus tendues entre le Premier ministre et le parti présidentiel, pourtant fortement représenté au gouvernement, ce qui promet des situations compliquées. Témoin, les échanges d’amabilités entre le nouveau Premier ministre et l’ancien, Gabriel Attal. Après que ce dernier eut clairement critiqué les hausses d’impôts pour les plus riches annoncées  par Michel Barnier, celui-ci lui a répondu, patelin : « Si le résultat des élections n’a pas été au rendez-vous, c’est qu’il y a des raisons, et il faut les comprendre. (…) Je serai très attentif à vos propositions d’économies supplémentaires… pour faire face au déficit que j’ai trouvé en arrivant. » 




Conseils municipaux
Les propositions du Sénat pour « une meilleure efficacité du fonctionnement des conseils municipaux »
La délégation du Sénat aux collectivités territoriales publie ce jour un rapport d'information sur l'efficacité du fonctionnement des conseils municipaux. Les sénateurs recommandent notamment de réduire le nombre de conseillers municipaux dans certaines communes et d'étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.

La proposition de loi déposée par Françoise Gatel au Sénat, « portant création d’un statut de l’élu local » avait été adoptée à l’unanimité en mars dernier. Dans la continuité de ces travaux, la délégation du Sénat aux collectivités territoriales a lancé une mission sur l’efficacité du fonctionnement des conseils municipaux. 

Dans un contexte où « la crise de l’engagement local » – qui se traduit par la « baisse du nombre de candidats aux élections » et par une « hausse du nombre de démissions en cours de mandat » – perdure, malgré « les améliorations apportées par la loi dite Engagement et proximité » de 2019, « la mission s’est fixée pour objectif d’évaluer la pertinence du nombre actuel de conseillers municipaux ». 

Ainsi, Françoise Gatel, ancienne présidente de la délégation aux collectivités territoriales au Sénat et désormais ministre déléguée chargée de la Ruralité, du Commerce et de l’Artisanat, Nadine Bellurot, sénatrice de l’Indre, Éric Kerrouche, sénateur des Landes et Didier Rambaud, sénateur de l’Isère ont dévoilé ce jour leur rapport dans lequel est aussi envisagé l’extension du scrutin de liste aux petites communes. 

Conseillers municipaux 

Dans ce rapport d’une cinquantaine de pages, les rapporteurs rappellent que la principale réponse à apporter pour faire face à cette crise de l’engagement reste « la mise en place d’un véritable statut de l’élu local ». Pour le Sénat, c’est « un prérequis et une priorité absolue ». En l’état, le Premier ministre n’a aucunement fait mention de cette problématique du « statut de l’élu » dans son discours de politique générale. Or « pour que les dispositions adoptées puissent entrer pleinement en vigueur lors du prochain mandat municipal, en 2026, il faut qu’un texte soit adopté un an avant, c’est-à-dire en mars ou en juin prochain, selon la date qui sera retenue pour les élections municipales. (lire Maire info du 13 septembre) » La question sera à suivre de près.

Au-delà de cette réforme statutaire, les sénateurs préconisent de « réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de 100 à 3 499 habitants » soit pour environ 80 % des communes.

Dans un contexte de crise budgétaire, les sénateurs insistent sur le fait que « cette réduction ne répond pas à un quelconque objectif financier » : il faut rappeler que « l’indemnité versée aux élus locaux ne concerne qu’une minorité d’entre eux : ainsi, sur 500 000 élus locaux, 190 000 bénéficient d’une indemnité de fonction. Autrement dit, les deux tiers des élus sont actuellement totalement bénévoles. »

L’intérêt de cette réduction, en plus d’apporter plus de souplesse dans ce contexte particulier, est qu’elle emporterait une conséquence positive sur les règles du quorum : « En effet, l’article L. 2121-17 du CGCT prévoit que le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. Force est de constater que cette règle (…) suscite parfois des difficultés pratiques. Ces dernières devraient largement s’estomper avec la réduction proposée de l’effectif légal du conseil municipal. » 

Le rapport recommande cependant de ne pas réduire le nombre d’adjoints. « En effet, une telle évolution réduirait les marges de manœuvre des maires dans la gestion de la municipalité et diminuerait le montant de l’enveloppe indemnitaire globale ». 

Mais la mission est en désaccord avec une recommandation du rapport d’Éric Woerth (lire Maire info du) qui « propose de réduire de 20 % le nombre de conseillers municipaux dans les communes de plus de 100 habitants, y compris donc dans celles de plus de 3 500 habitants. » Les sénateurs précisent que cette réduction ne doit pas s’appliquer « au-delà », c’est-à-dire aux communes de plus de 3 500 habitants. Selon les rapporteurs, une telle baisse « tarirait le vivier des personnes sur lesquelles les maires ont besoin de s’appuyer pour assurer une gestion municipale efficace, tout au long du mandat, dans un contexte marqué par la complexification de la conduite des politiques publiques locales » et aboutirait éventuellement à réduire le nombre des élus chargés d’animer l’opposition municipale.

Scrutin de liste

Les auditions menées par les sénateurs ont souligné que l’Association des maires de France (AMF) ainsi que celle des maires ruraux de France (AMRF) souhaitent le changement de mode de scrutin pour les communes de moins de 1 000 habitants. C’est ce que recommande également la mission.

Cette extension participerait, selon les sénateurs, à « répondre aux exigences de parité ». Par ailleurs « elle étendrait à toutes les communes les règles de parité pour les fonctions d’adjoint au maire » et « conduirait à renforcer la parité au sein des EPCI et donc au sein de leur bureau ».

D’autre part, « certains pointent un risque constitutionnel concernant la généralisation du scrutin de liste, au motif qu’elle pourrait être regardée par le Conseil constitutionnel comme une atteinte aux expressions pluralistes des opinions, garanties par l’article 4 de la Constitution. » Cette crainte est infondée, selon les sénateurs, qui expliquent notamment que « l’extension du scrutin de liste, en simplifiant les règles électorales, concourt à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi » et que « cette uniformisation rétablirait également une forme d’égalité devant le suffrage, égalité qui a valeur constitutionnelle. »

Enfin, concernant la question du remplacement d’un adjoint, les rapporteurs estiment nécessaire d’assouplir cette règle pour les communes de moins de 500 habitants. « Actuellement, dans les communes de plus de 1 000 habitants, en cas de vacance d’un ou plusieurs adjoints, ceux-ci sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder », peut-on lire dans le rapport. La mission propose « de ne pas appliquer cette règle, inutilement contraignante, aux communes de moins de 500 habitants, et ce afin de faciliter le remplacement d’un adjoint en cas de vacance du siège. »

Au prochain congrès de l'AMF, mardi 26 novembre, un forum consacré aux conditions d'exercice du mandat permettra de débattre de ces questions. 




Justice
Dieselgate : plusieurs collectivités se joignent aux procédures françaises
Plus de 70 000 nouveaux véhicules et un préjudice potentiel de quelques centaines de millions d'euros : des entreprises et des collectivités locales rejoignent les procédures françaises ouvertes contre des constructeurs automobiles dans le scandale du Dieselgate.

Deux avocats, Marc Barennes et Romain Boulet, ont annoncé à l’AFP leur intention de déposer une constitution de partie civile jeudi après-midi au pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris pour plus de 700 sociétés et plus de 130 groupes et administrations.

Parmi les structures ayant décidé d’une action figurent, selon les avocats, une demi-douzaine d’entreprises (notamment dans la construction ou les télécoms) souhaitant réclamer l’indemnisation de plus de 5 000 véhicules. Et plusieurs collectivités locales, dont « une dizaine de départements » (Loire-Atlantique, Alpes-de-Haute-Provence, etc.), ou encore de villes (dont La Rochelle et Béthune), interviennent aussi.

Dans un premier temps, chaque nouvel entrant dans les informations judiciaires liées au Dieselgate entend se constituer pour un ou deux véhicules concernés, mais les avocats indiquent avoir un mandat pour demander une indemnisation pour « plus de 70 000 véhicules ».

Cette démarche « envoie un message très puissant aux constructeurs automobiles mis en examen » dans ce dossier, d’après Me Barennes. Les sociétés et administrations « sont déterminées à obtenir une juste réparation pour les véhicules qu’elles ont payés trop chers au regard de leurs caractéristiques réelles. » « D’autre part, poursuit le conseil, elles entendent se mettre en conformité avec leurs engagements sur la responsabilité sociale et environnementale dans le cas des entreprises, et agir concrètement dans l’intérêt environnemental et de la santé de tous dans le cas des collectivités publiques. »

« Dans le reste de l’UE et aux Etats-Unis, de nombreuses transactions ont déjà été conclues, des indemnisations ont été ordonnées et des sanctions pénales ont même été prononcées contre Volkswagen. Il est temps que justice soit faite également pour les entreprises privées et publiques en France », a ajouté Me Barennes.

Après la révélation aux Etats-Unis en 2015 de ce scandale appelé « Dieselgate », plusieurs informations judiciaires ont été ouvertes à Paris à partir de 2016. Les services de répression des fraudes (DGCCRF) évoquaient dans un rapport en 2017 une « stratégie globale visant à fabriquer des moteurs frauduleux, puis à les commercialiser ».

Faits contestés

Après plusieurs années d’enquête en France, Volkswagen, Renault, Peugeot, Citroën et Fiat-Chrysler ont été mis en examen entre mai et juillet 2021 à Paris pour « tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal ». Les cinq constructeurs sont accusés d’avoir équipé des véhicules diesel avec un logiciel capable de dissimuler des émissions polluantes lors des tests d’homologation. Une fois en circulation, les émissions polluantes pouvaient dépasser jusqu’à 40 fois les normes autorisées. Lors de leur mise en examen, les constructeurs avaient contesté les faits.

Le dossier le plus avancé est celui de Volkswagen: l’enquête est finie et les réquisitions du parquet de Paris sont attendues. Le procès en Allemagne de l’ex-PDG de Volkswagen a été interrompu pour raisons de santé. En France, la société demande l’annulation de ses poursuites, estimant qu’elles se recoupent avec celles outre-Rhin.

À ce stade, selon des éléments des dossiers français dont l’AFP a eu connaissance, environ 1 500 à 2 000 parties civiles seraient constituées, principalement des personnes physiques avec un seul véhicule, plusieurs associations et PME.

L’arrivée nouvelle de cette vague de plaignants pourrait alourdir la somme finale due par les constructeurs en dommages et intérêts en cas de condamnation pénale.  Me Barennes évoque les montants obtenus à l’étranger, entre 1 350 et 6 250 euros en Allemagne pour chacun des 200 000 véhicules Volkswagen indemnisés, jusqu’à 4 440 euros par véhicule aux Pays-Bas.

Il s’agit « d’indicateurs pertinents des montants pouvant être réclamés en France », d’après lui, ce qui pourrait chiffrer l’addition à plusieurs centaines de millions d’euros en cas de condamnations.







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