Édition du jeudi 26 septembre 2024

Budget
Déficit : encore et à nouveau, le gouvernement rejette la faute sur les collectivités
Les deux nouveaux ministres chargés de l'économie et du budget ont été auditionnés hier par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Ils ont à nouveau brandis des chiffres sur les dépenses des collectivités et annoncé – sans prononcer le mot – un budget de rigueur. 

En quelques jours, les mots ont changé : alors que jusqu’à présent, Bercy indiquait que les déficit public risquait de friser les 6 % du PIB en 2024, Laurent Saint-Martin, ministre chargé du Budget et des Comptes publics, a déclaré hier devant les députés de la commission des finances que le déficit public va probablement « dépasser » les 6 %. 

Mais où sont les « 16 milliards » ?

Si le ministre a pointé « des recettes fiscales moins importantes que prévu », pour expliquer en partie ce grave dérapage du déficit, il a ensuite, sans plus tarder, repris le discours de ses prédécesseurs Bruno Le Maire et Thomas Cazenave : « Les dépenses des collectivités territoriales ont été plus élevées que la trajectoire ne le prévoyait, de l’ordre de 16 milliards d’euros. Dont acte. » Une nouvelle preuve que le gouvernement Barnier est dans la parfaite continuité du gouvernement Attal, les mêmes arguments ressortent, quatre jours à peine après sa nomination : les collectivités locales sont responsables, ou du moins co-responsables, de la dérive des comptes publics. 

Le rapporteur du budget, Charles de Courson, s’en est ému pendant l’audition, demandant au ministre de donner enfin des chiffres précis et documentés. Un peu plus tard, le député macroniste du Gers Jean-René Cazeneuve, a été un peu plus précis que les ministres : « Je voudrais revenir sur le malentendu de cet état sur le rôle des collectivités territoriales dans le déficit. Ce ne sont pas les collectivités qui sont responsables du déficit. (…) Mais elles ont une part importante de responsabilité dans l’écart en 2024 entre ce qui était prévu et le déficit constaté ». 

Mais quel est cet « écart » ? D’où vient le chiffre de « 16 milliards » brandi depuis juillet par Bercy ? 

En fait, il semble que le gouvernement se soit appuyé sur les comptes provisoires des administrations publiques locales (Apul) au 31 juillet pour établir ce chiffre. Rappelons que les Apul vont au-delà des seules collectivités locales. Il avait établi que la hausse des dépenses de fonctionnement des Apul, en 2024, ne devait pas dépasser les 1,8 % et que celle des dépenses d'investissements devraient se limiter à 7 %. Or au 31 juillet, ces deux chiffres s'établiraient autour de 6 % pour le premier et plus de 10 % pour le second. Le gouvernement en a tiré, par extrapolation, le chiffre d'un dépassement de 16 milliards. 

Il faut noter que le fait d'extrapoler sur l'ensemble de l'année, de façon linéaire, des chiffres du mois de juillet, n'a pas grand sens, explique l'AMF. En outre, contrairement au budget de l’État, il faut encore rappeler que les budgets des collectivités locales ne sont jamais en déséquilibre, et ne le seront pas plus en 2024.

Mais pour le gouvernement, cela a un intérêt : il a prévu une ponction de 16 milliards d'euros sur le budget de l'État 2024. Comme par hasard, c'est le même chiffre que le « dérapage » des collectivités. Les ponctions sur le budget de l'État sont donc de la faute des collectivités... CQFD !

Laurent Saint-Martin a fait une étrange comparaison hier : « L’État a été présent aux côtés des collectivités pendant la crise pandémique. Aujourd’hui, nous avons besoin des collectivités. » Comme s’il s’agissait pour ces dernières de rendre à l’État l’aide que celui-ci leur avait apporté pendant la crise covid. 

Le ministre a annoncé qu’il allait « recevoir dans les prochains jours les élus locaux pour discuter de la trajectoire financière des collectivités pour 2025 ». 

Les plafonds « maintenus »

Plus généralement, Laurent Saint-Martin a fait une autre annonce d’importance, hier : « Les plafonds adressés aux ministères pour 2024 seront maintenus. » On parle ici des fameuses lettres-plafonds obtenues à grand-peine par la commission des finances (lire Maire info du 20 septembre) et qui listaient, pour chaque ministère, les baisses de crédits envisagées. Pour ce qui concerne directement les collectivités, on y trouvait pêle-mêle une poursuite du gel de la DGF (soit une baisse, en euros constants), une chute du Fonds vert, une baisse drastique des crédits d'intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires… 

C’est donc bien – sans grande surprise –  sur cette base que le nouveau gouvernement va construire son projet de budget. Qui sera, à coup sûr, un projet de rigueur, même si le mot n’a pas été prononcé. Mais les ministres ont parlé « d’un budget de vérité et d’effort », et se disent prêts à faire « des choix courageux », ce qui est la formule consacrée pour dire qu’ils vont prendre des mesures impopulaires. 

Antoine Armand, le ministre de l’Économie, a par ailleurs remis à plus tard la question d’une éventuelle augmentation des impôts pour les entreprises ou les Français les plus fortunés : « Il doit d’abord et avant tout y avoir un effort sur les dépenses publiques. (…) Ce n’est qu’en fournissant d’abord un effort sur les dépenses publiques que nous pourrons ensuite ouvrir le débat sur l’augmentation des recettes. » 

L’examen de la partie recettes du projet de loi de finances ayant lieu avant celle des dépenses, cela laisse à penser que la question d’une éventuelle contribution des entreprises pourrait être remise à l’an prochain. 




Finances locales
Finances locales : les capacités d'autofinancement en baisse dans toutes les collectivités
La Banque postale a publié hier une note annuelle sur les finances locales. Elle révèle une dégradation marquée de la situation financière des collectivités, avec un effet ciseau de plus en plus préoccupant : les dépenses progressent plus vite que les recettes. Pour des raisons, bien souvent, tenant plus à des décisions de l'État qu'à celles des élus.

Alors qu’en 2023, la trésorerie du bloc communal s’était « sensiblement améliorée », contrairement à celle des départements qui avait brutalement chuté, l’année 2024 va « réconcilier l’ensemble des acteurs locaux », ironise La Banque postale, qui verront tous leur capacité d’autofinancement reculer, de 8,7 % tous niveaux confondus. 

Effet ciseau

L’effet ciseau qu’évoque La Banque postale se reflète dans un chiffre simple : tous niveaux de collectivités confondus, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 4,4 % quand les recettes n’augmentaient que de 2,3 %. Cette différence oblige les collectivités à puiser dans leur épargne pour honorer leurs dépenses. Résultat, l’épargne nette des collectivités est en baisse de 15,8 % entre 2023 et 2024 (- 4 milliards d’euros environ). 

Pour ce qui concerne le bloc communal, l’effet ciseau s’établit à 1,7 %, avec des dépenses de fonctionnement en hausse de 4,8 % contre 3,1 % pour les recettes. Pour les communes seules, cet effet est plus marqué encore (+ 2 ,5 % pour les recettes, + 4,4 % pour les dépenses de fonctionnement). 

Comment expliquer cette hausse des dépenses de fonctionnement ? Plusieurs facteurs, explique La Banque postale, sont exogènes, c’est-à-dire indépendants de la volonté des élus. C’est le cas, par exemple, de la charge des intérêts de la dette, en hausse de presque 18 % du fait de la hausse des taux d’intérêt. Par ailleurs, les collectivités « sont toujours impactées par la crise inflationniste », même si l’inflation a ralenti, et davantage que les ménages « en raison de la structure de leur panier de dépenses ». 

Quant aux dépenses de personnel, leur hausse est en grande partie due à « des décisions gouvernementales » : hausse du point d’indice, hausse du taux forfaitaire de remboursement des transports collectifs, attribution de 5 points d’indice supplémentaires à tous les agents au 1er janvier 2024… 

Parallèlement, la dynamique des recettes ralentit. Si les taxes prélevées directement par les collectivités restent relativement dynamiques (à l’exception des DMTO qui, crise immobilière oblige, sont en très net recul, pour la deuxième année consécutive), il n’en va pas de même pour les parts de TVA reversées par l’État aux collectivités. Rappelons que la politique des gouvernements successifs, depuis des années, consiste à remplacer les impôts locaux, décidés et prélevés par les collectivités elles-mêmes, par des « fractions de TVA » reversées par l’État. C’est par exemple ce dispositif qui a remplacé la taxe d’habitation. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes, comme le souligne l’AMF depuis des années : par définition, le produit de la TVA est volatil, soumis aux aléas de la consommation et de l’inflation. Démonstration en est faite cette année : alors que le gouvernement comptait sur un produit de la TVA en hausse de 4,5 % dans la loi de finances pour 2024, cette hausse ne sera, finalement, que de 1,3 %.  

Investissements : obligation de puiser dans la trésorerie

Quant aux dépenses d’investissements, elles restent « dynamiques », avec une hausse de 7 % (8,6 % pour le seul bloc communal ce qui, note La Banque postale, est normal à ce moment du cycle électoral, quatre ans après lles élections municipales). L’une des raisons qui entre en ligne de compte dans la hausse des investissements est « l’émergence de la problématique environnement », qui contraint les collectivités à de lourds investissements notamment en matière d’eau et de déchets. 

Comment sont financés ces investissements ? Pour un tiers, par des recettes d’investissement (FCTVA, Dsil, Fonds vert…). La Banque postale note que pour ce qui concerne ce dernier, le fameux décret du 21 février 2024, qui a procédé à des coupes claires dans tous les budgets de l’État, a fortement fait diminuer l’apport que celui-ci représentait : « Initialement prévus à 1,125 milliard d’euros, [les crédits du Fonds vert]  ont été revus à 695 millions d’euros ». 

Un autre tiers des investissements ont été financés par le recours à l’endettement, en hausse notable cette année (presque 18 % toutes strates confondues, + 10 % pour les communes). Il est à noter que les départements, du fait de la situation financière critique, ont eu beaucoup plus largement recours à l’emprunt pour financer leurs investissements (+ 50 %). 

On ne peut cependant en aucune façon parler d’une explosion de l’endettement des collectivités. À cet égard, l’un des graphiques publiés par La Banque postale est plus parlant que n’importe quel discours : il montre l’évolution de l’endettement de l’État comparé à celui des collectivités. On y constate une très remarquable stabilité de la dette des collectivités, qui oscille entre 7 et 8 % du PIB depuis 1982, tandis que dans le même temps celle de l’État est passée de 30 à 110 % du PIB. Ce qui rend toujours plus difficile à entendre, pour les élus locaux, les accusations de mauvaise gestion proférées par Bercy. 

Reste que le peu de dynamisme des recettes a conduit, cette année, les collectivités à puiser davantage dans leur trésorerie que les années précédentes. Selon La Banque Postale, environ 8 milliards d’euros seront prélevés cette année sur le fonds de roulement des collectivités, dont près de la moitié (3,7 milliards) par les seuls départements. Les communes vont ponctionner cette année 2,2 milliards d’euros dans leur fonds de roulement, et les EPCI 500 millions d’euros. 

Résultat : la trésorerie des collectivités va revenir, en fin d’année, à peu près à son niveau de 2020. Cependant au 31 août 2024, les dépenses d’investissement augmentent de 10,1 % pour le bloc communal : cette hausse, si elle se maintient, permettrait une croissance cumulée (cumul des années 2020 à 2024) de l’investissement supérieure à l’inflation alors que ce n’était pas le cas sur la période 2020-2023. Ce qui n'a rien d'une mauvaise nouvelle pour l’AMF, où l'on commente, ce matin, ces chiffres en expliquant que « l’enjeu est de ne pas gâcher cette fragile embellie par de nouvelles mesures de restrictions des ressources locales ».

Télécharger la note de conjoncture de La Banque postale.


 




Logement
Budget 2025 : bailleurs sociaux, constructeurs et promoteurs réclament sept mesures d'urgence pour enrayer la crise du logement
Supprimer la ponction qui frappe les bailleurs, dégeler les crédits à la rénovation, rétablir le PTZ et l'ancien Pinel. C'est ce que réclame l'Alliance pour le logement, réunie ce matin au congrès HLM qui a vu la politique de l'offre de l'ancien gouvernement être largement rejetée.

Sept mesures pour sortir de la crise. Réunis dans une Alliance pour le logement, les constructeurs, promoteurs ou encore bailleurs sociaux ont présenté, ce matin, lors d’une conférence de presse au congrès HLM, leurs « solutions » pour sortir du « gouffre » au bord duquel le secteur se trouve actuellement. 

Alors que les demandeurs de logement social n’ont jamais été aussi élevés, que la construction est en berne et que les faillites et les licenciements se multiplient, ils réclament « un électrochoc » pour sauver un secteur qui « va mal » et qui est sur le point de « passer sous la ligne de flottaison ».

Des mesures à intégrer dans le PLF 2025

D'autant que « lorsqu’un pan du secteur commence à aller mal, c’est tout le secteur qui est touché. Et c’est ce qu’il se passe aujourd’hui », a rappelé la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse.

Les membres de l’Alliance proposent donc plusieurs mesures à intégrer rapidement dans le projet de budget pour 2025. Pour les bailleurs sociaux, ils demandent d’abord la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS) afin de relancer la construction de HLM ainsi que le dégel des 1,2 milliard d’euros de crédits d’aide à la rénovation qui ont été « violemment rabotés » cet été par l’ancien gouvernement.

Ils souhaitent également le rétablissement d’un prêt à taux zéro (PTZ) universel « partout et pour toutes les formes urbaines », la prorogation du dispositif fiscal Pinel « dans sa version 2022 » (alors que celui-ci doit s’arrêter en fin d’année), mais également le maintien de MaPrimeRénov’ « dans ces conditions actuelles ».

Pour le reste, ils veulent l’adaptation de la réglementation sur la vente des logements énergivores ainsi qu’un « glissement des étapes à venir de la RE 2020 », la nouvelle réglementation énergétique et environnementale de l'ensemble de la construction neuve.

Bien qu’ils aient renouvelé unanimement toute la « confiance » qu’ils portent à la nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard, et noté la « prise de conscience totale du nouveau gouvernement », le contexte budgétaire et « l’état des finances ne laisse pas de grandes marges de manoeuvres », a convenu Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

Alors même que les ministres de l’Economie et du Budget ont annoncé, hier, qu’ils tablaient essentiellement sur des baisses de dépenses pour l’an prochain, Emmanuelle Cosse a estimé qu’il « fallait arrêter de rentrer dans une justification (sur le coût de ces sept mesures pour les finances publiques) qui est imposée par des libéraux qui sont en train de saccager une économie qui était extrêmement utile au pays ». Au-delà de la suppression des emplois, les défaillances et les faillites des entreprises, « la crise de logement coûte entre 0,5 et 1 point de PIB aux finances publiques chaque année », a-t-elle rappelé.

Car l’activité de la construction et du logement rapporte aux recettes de l’Etat. « Chaque PTZ représente un gain net pour l’Etat de 22 000 euros, sans compter les 20 % de TVA dans chaque logement neuf, les 6 % d’impôts lors de l’achat de biens anciens… », a expliqué Boris Vienne, le représentant des notaires (UNNE).

« Des slogans avec rien derrière »

La politique de « choc de l’offre » de l’ancien gouvernement a d’ailleurs été largement critiquée lors d’un débat dédié qui s’est tenu au congrès des HLM qui se clôture aujourd’hui en présence la ministre du Logement.

Dans un contexte où la production de logements - notamment sociaux - connaît une baisse massive et continue, les outils mis en œuvre pour créer ce « choc de l’offre » en ont laissé plus d’un perplexes.

En premier lieu, la présidente de l’USH, qui y voit surtout une « incantation de la modernité ». « C’est un slogan qui tient lieu de politique du logement et devait nous permettre de résorber le mal-logement en France tout en fluidifiant les parcours résidentiels. (Personne n’est) surpris d’apprendre que cela n’a pas bien fonctionné… », a taclé l’ancienne ministre du Logement de François Hollande, en ouverture du congrès HLM.

Car, dès 2017, cette méthode a été mise en place. Le ministre de la Cohésion des territoires de l’époque, Jacques Mézard, et son secrétaire d’Etat au Logement, Julien Denormandie, à l’origine de la réduction de loyer de solidarité (RLS), avaient déjà défendu la politique du choc de l’offre, avec le succès que l’on connaît (lire Maire info 25 juillet 2017). Le mantra répété (« De l’offre, de l’offre et encore de l’offre ») au tout au long du printemps (lire Maire info du 14 mars) par l’ancien ministre du Logement (désormais à la Fonction publique), Guillaume Kasbarian, devait également permettre de remédier à la crise du logement…

« Depuis 2017, on nous donne des slogans, mais il n’y a rien derrière alors que l’on est capable de trouver des mesures pour relancer l’activité économique », a maugréé la présidente de l’USH, à l’occasion de la table ronde sur le « choc de l'offre ». 

Sans demande, les promoteurs se retirent du marché

Du côté de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), son président a surtout réclamé une « relance de la demande », tout comme la Fédération française du bâtiment (FFB) le fait depuis plusieurs mois. « Tant qu’il n’y aura pas de relance de la demande, on ne s’attaquera pas à l’offre », a ainsi assuré Pascal Boulanger. 

Car , actuellement, les promoteurs « se retirent du marché », constate-t-il. « Sur un trimestre, ils ont retiré 23 % de logements de l’offre. Donc, on n’est pas du tout dans le choc de l’offre… », a souligné le président de la FPI, en pointant un paradoxe : « Par rapport à une année normale, on n’a pas assez d’offres, mais par rapport à ce qu’on vit, on en a beaucoup trop. Comme on n’a pas de demandes, le peu d’offres que l’on a, c’est déjà de trop ».

Résultat, il ne peut qu’observer l’apparition de « PSE chez les majors, de faillites chez les petits promoteurs » et une « perte de compétence » puisque les employés de la profession « changent de métier ». Et « le jour où ça va repartir, on n’aura plus de compétences ».

« En 2024, nous avons perdu 30 000 salariés et nous prévoyons d’en perdre le double “pur bâtiment”, donc davantage dans toute la filière (...) ainsi que 10 à 12 000 entreprises du bâtiment quasiment sacrifiées à la fin de l’année et il est déjà pratiquement trop tard pour 2025. Si rien n’est fait dans le PLF 2025 ce sont 150 000 salariés qu’on aura perdus dans le bâtiment. Donc, c’est 300 000 salariés dans toute la filière », a déploré ce matin le président de la FFB, Olivier Salleron.

L'intermédiaire, une réponse « complémentaire »

Du côté du développement des logements intermédiaires, autre mesure poussée par l’ancien ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, ce n’est pas non plus la solution miracle pour relancer la production de HLM.

« Ca a vraiment été la blague racontée ces derniers mois », a ironisé Emmanuelle Cosse, mais « ce n’est pas du tout le cas » car « il y a des territoires où l’on ne fera jamais de logements intermédiaires ». Même si « le logement intermédiaire est utile, dans certains territoires où la demande est présente ». 

« L'ambiguïté aujourd’hui, c’est que l’on nous pousse, nous bailleurs sociaux, à faire du logement intermédiaire non pas pour répondre à une utilité, mais parce que l’on a totalement dégradé nos capacités à avoir un programme qui fonctionne économiquement. Et donc, on nous dit : “puisque vous avez moins d’argent, faites de l’intermédiaire, ça ira mieux”. Mais ce n’est pas ça le sujet », a expliqué la présidente de l’USH.

Seulement le logement intermédiaire permet d’impulser la construction de logement social. « Le logement intermédiaire est une réponse complémentaire au logement social », a souligné Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat.

« Nous avons racheté 17 000 logements aux promoteurs immobiliers pour faire 12 000 logements intermédiaires et 5 000 sociaux. C’est ce qui a permis de faire sortir les programmes et aux chantiers de démarrer », a rappelé celle qui réclame la stabilité des règles et du zonage du logement social mais aussi la « sanctuarisation » du fonds friche dans la loi de finances et « une réflexion » sur le pouvoir des maires concernant l’attribution des logements sociaux.

Le constat est d’ailleurs le même du côté du directeur général de Lyon Métropole Habitat, Vincent Cristia, qui observe « une disparition progressive des investisseurs dans les programmes immobiliers collectifs, (la présence de logements intermédiaires devenant) une condition sine qua non de sortie des programmes ». « On est contraint de regarder » car l’intermédiaire permet de déclencher les programmes HLM.

Reste à savoir si le nouveau gouvernement prévoit de prolonger cette politique où s’il compte en changer.
 




Catastrophes
Inondations : un rapport du Sénat plaide pour un meilleur accompagnement des communes
Une vingtaine de recommandations a été formulée dans un rapport d'information du Sénat pour repenser la politique publique de lutte contre les inondations allant de la prévention, à la gestion de crise jusqu'à l'indemnisation des sinistrés.

De mi-octobre à mi-novembre 2023, le record de cumul mensuel de pluie national, atteint en 1988, a été battu et « ces précipitations intenses et prolongées ont généré des crues exceptionnelles. » Au total, 53 % des départements ont été touchés par des inondations entre novembre 2023 et juin 2024. L’étendue des dégâts dans le Nord et le Pas-de-Calais après des inondations impressionnantes fin 2023 a poussé le Sénat à s’emparer du sujet. 

Ainsi, la commission des finances et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont mené une mission de contrôle conjointe sur les violentes inondations survenues en France en 2023 et au début de l’année 2024. 

Après 37 auditions, 3 déplacements et une consultation en ligne qui a permis de recueillir les témoignages de 1 135 élus du bloc communal, la mission a présenté hier une série de recommandations pour « assurer une plus grande résilience de nos territoires face à ces catastrophes, dans un contexte de changement climatique ».

Problème de répartition de la charge de la prévention entre les collectivités

Dans un contexte où 66 % des Français résidant dans une zone exposée aux inondations ne s’y sentent pas exposés, les rapporteurs encouragent « les campagnes d’information nationales et locales ». Ils recommandent également de mettre l’accent sur les actions de formation destinées aux élus locaux et aux fonctionnaires. 

La simplification de la gestion des cours d’eau – biais principal pour réduire la gravité des crues – apparaît aussi indispensable. « Selon les témoignages recueillis, ce maquis réglementaire conduit certains élus locaux à l’inaction, par crainte de commettre une infraction à la police de l’eau et de faire l’objet de poursuites judiciaires ». 

« Les intercommunalités qui doivent réaliser les travaux les plus importants notamment dans les zones de montagne ne sont souvent pas celles qui perçoivent le plus de recettes de la taxe Gemapi, explique Jean-François Rapin. Les petites communes exposées aux inondations ont donc le sentiment justifié de subir une double peine. » Face à ce constat, la mission préconise la mise en place d’un fonds de péréquation de la taxe Gemapi à l’échelle du bassin versant pour permettre une solidarité entre l’amont et l’aval. 

Gestion de crise : manque d’équipements et d’accompagnement 

La mission appelle surtout à renforcer les moyens des pouvoirs publics face à la crise. Dans les Hauts-de-France, notamment, « le manque d’équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a révélé l’impératif d’un renforcement capacitaire » et un redéploiement des effectifs de sapeurs-pompiers. 

Concernant les maires, les auteurs du rapport constatent que « la qualité des plans communaux de sauvegarde (PCS) qui organisent, sous l’autorité du maire, la préparation et la réponse lors de situations de crise, et celle des plans intercommunaux de sauvegarde (PICS), qui organisent la mutualisation entre communes, ont influé sur le niveau de réponse à la crise ». Ainsi, ils préconisent « un accompagnement renforcé des communes dans leur démarche d’élaboration des PCS et une systématisation des PICS dans les territoires où une telle démarche est adaptée. »

Pour adopter « une vision élargie de la gestion de crise », le Sénat souhaite que les collectivités puissent être soutenues « dans les semaines et mois qui suivent la catastrophe » et notamment financièrement. « Une avance de trésorerie au profit des collectivités territoriales ayant subi des inondations doit être instituée. Il ne s’agit pas de s’en tenir à mobiliser une branche d’un autre prêt, ou à un dispositif confidentiel, mais bien de créer un nouveau prêt ad hoc, accompagné d’une campagne de communication ».

Processus indemnitaire des sinistrés : des délais trop longs 

Enfin, les rapporteurs ont pu constater « que les habitants sinistrés, chefs d’entreprises et élus locaux regrettent que les indemnités d’assurances arrivent trop tardivement, et craignent à terme d’être ostracisés par les assureurs ». « Le processus indemnitaire des sinistrés peut prendre des mois voire des années pour les cas les plus complexes ». C’est au niveau de la durée de l’expertise que le bât blesse. Sur le sujet, « des discussions sont en cours entre l’administration et les représentants des experts sur ce sujet » ont indiqué hier les rapporteurs. 

Par ailleurs, de plus en plus de sinistrés rencontrent des difficultés pour « renégocier leurs contrats d’assurance, la réalisation du sinistre les ayant en effet placés dans une position délicate vis-à-vis de leur assureur : ces assurés savent qu’au regard de leur exposition aux risques, trouver un nouveau contrat d’assurance, s’ils rompaient le contrat actuel, serait plus complexe ». C’est pourquoi la mission propose que le Bureau central de tarification (BCT) puisse imposer à la compagnie d’assurance la souscription du contrat demandé, ce qui est actuellement en dehors de sa compétence. 

Consulter l'Essentiel du rapport.




Société
Financement des Ehpad : le Sénat tire la sonnette d'alarme
Dans un rapport publié mercredi, la commission des affaires sociales de la Haute assemblée pointe la situation financière « fortement dégradée » des établissements et la réponse insuffisante de l'État. Elle demande une remise à plat de leur financement, d'autant plus nécessaire qu'ils doivent relever de nombreux défis.

[Article initialement paru sur le site Maires de France]

Dans un rapport présenté le 25 septembre, Chantal Deseyne (LR, Eure-et-Loir), Solanges Nadille (RDPI, Guadeloupe) et Anne Souyris (Groupe écologistes, Paris), rapporteures de la commission des affaires sociales du Sénat, tirent la sonnette d’alarme sur la situation financière « fortement dégradée » des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), « depuis trois ans », et formulent plusieurs propositions pour y remédier. « Entre 2020 et 2023, la part des Ehpad déficitaires est (…) passée de 27 % à 66% », souligne le rapport. « La moitié des Ehpad publics autonomes, rattachés à une collectivité territoriale et privés non lucratifs présentent un taux de résultat inférieur à - 1,75 % ; ce taux de résultat médian était de + 1,39 % en 2020 ». Une situation qui n’épargne pas les établissements privés lucratifs qui, « s’ils ont davantage de marges de manœuvre pour ajuster leurs recettes, (…) ont également subit une chute de leur taux de résultat net, qui a pratiquement été divisé par deux entre 2017 et 2023 », notent les sénateurs. 

Une réponse insuffisante de l’État

Plusieurs raisons expliquent la dégradation des comptes : « un taux d’occupation en berne » imputable à la crise sanitaire (nombreux décès, baisse des admissions…) et au « scandale Orpea » qui a « entrainé une crise de confiance envers les Ehpad ». L’effet ciseaux entre, d’une part, des recettes en baisse à cause, notamment, de « l’évolution insuffisante du tarif hébergement », inférieur à l’inflation, et, d’autre part, des dépenses de fonctionnement en hausse dues à l’inflation et aux revalorisations salariales à la suite du « Ségur de la santé », explique aussi la dégradation des comptes. 

Face à cette situation, la réponse de l’État n’est pas à la hauteur, selon les sénatrices. Le fonds d’urgence pour les établissements et services médico-sociaux (ESMS) en difficulté, doté de 100 millions d’euros en 2023, dont 80 % des crédits ont été alloués à des Ehpad « majoritairement de statut public », s’est révélé « insuffisant ». Une situation qui a conduit un collectif de maires bretons à attaquer l’État en justice (lire Maire info du 17 septembre).

Remettre à plat le système de financement

Le rapport appelle donc le gouvernement à remettre à plat le système de financement des Ehpad. Les sénatrices proposent de revoir les modalités de tarification en instaurant notamment « un plancher de revalorisation annuelle [des tarifs hébergement] indexé sur l’inflation » pour « sécuriser » les ressources des établissements. Elles suggèrent aussi de « créer une deuxième journée de solidarité pour financer la branche autonomie » qui pourrait se traduire par la suppression d’un jour férié, et « permettrait de générer 2,4 milliards d’euros de recettes supplémentaires ». Une proposition que ne partage pas cependant l’une des rapporteures, Anne Souyris : elle estime que cette journée ferait peser l’effort sur les seuls salariés et se déclare plutôt favorable à une hausse de la CSG. 

À court terme, les sénatrices estiment qu’une partie de l’excédent de la branche autonomie, qu’elles évaluent cette année à « 1,2 milliard d’euros », pourrait être affectée aux établissements en difficulté. Elles vont transmettre leurs propositions au gouvernement au moment où celui-ci prépare le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. L’adoption d’une loi de programmation grand âge permettrait aussi, selon elles, de sécuriser le financement des établissements. 

Des enjeux colossaux à relever

Les enjeux à relever sont, en effet, colossaux. Alors que la population âgée dépendante augmentera significativement au cours des 25 prochaines années (+ 16 % d’ici 2030, + 36 % d’ici 2040 et + 46 % d’ici 2050), les Ehpad, qui assurent aujourd’hui « la prise en charge de plus de 600 000 résidents et restent, de loin, la première catégorie de structures accueillant des personnes âgées », seront particulièrement sous tension.

Parallèlement, les rapporteures soulignent la nécessité d’engager un effort de rénovation architecturale et thermique des établissements (notamment pour faire face aux vagues de chaleur). Elles proposent pour ce faire d’ouvrir le Fonds vert à l’ensemble des établissements publics et privés, au moment où l’État ampute les crédits de ce fonds. Elles recommandent de lancer « un plan de rattrapage de l’offre d’Ehpad » en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Pour améliorer les conditions de travail des agents et la prise en charge des résidents, elles proposent de « fixer, dans une loi de programmation, une cible globale de ratio d’encadrement de 8 ETP [équivalent temps plein] pour 10 résidents ». La question du financement de ces mesures reste posée à ce jour. 

Lire le rapport.
 







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