Édition du mercredi 25 septembre 2024

Assurances
Assurances des collectivités : les maires veulent avancer
Alain Chrétien, maire de Vesoul , et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama et maire honoraire, ont rendu officiellement public, lors d'une conférence de presse, leur rapport sur les assurances des collectivités. Rédigé au printemps, le document n'a pu être remis au gouvernement avant la dissolution.

[Article initialement paru sur le site de Maires de France.]

« Il s’agit de remettre le sujet sur le haut de la pile ! ». Alain Chrétien, maire de Vesoul (Haute-Saône), et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama et maire honoraire, les deux coauteurs du rapport L’assurabilité des biens des collectivités locales et de leurs groupements, veulent maintenir la pression sur ce sujet brûlant. « Toutes les semaines, l’AMF reçoit encore des appels de maires furieux contre leur assureur », a indiqué Alain Chrétien, lors de la conférence de presse de présentation officielle du document, hier, dans les locaux de l’AMF. « La date de cette conférence de presse tombe bien. Nous avons à nouveau des interlocuteurs au gouvernement », s’est félicité le maire de Vesoul, qui est aussi vice-président de l’AMF.

Les deux corapporteurs souhaitent rencontrer très prochainement les ministres chargés de l’économie (Antoine Armand), et des collectivités territoriales (Catherine Vautrin et Françoise Gatel, deux anciennes élues locales membres actives de l’AMF). Le rapport avait été commandé par les ministres sortants Bruno Le Maire (Économie) et Dominique Faure (Collectivités) à la fin de l’année dernière pour faire un état des lieux du marché et dégager des pistes d’amélioration. S’il était prêt en avril, le document n’a cependant pu être remis officiellement au gouvernement, celui-ci ayant repoussé l’échéance jusqu’au 26 juin. La dissolution de l’Assemblée nationale a allongé le report la présentation.

Risque d'effondrement du système

Or il y a « urgence » à traiter ce dossier pour l’AMF. « Nous assurons des services publics. Si nous ne pouvons plus assurer les bâtiments de nos écoles, de nos gymnases…, nous avons un risque pénal », a rappelé Alain Chrétien. Qui plus est : « si nous ne faisons rien, à la prochaine crise sociale – ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie avec ses 2 milliards d’euros de dégâts le montre – ou climatique, le système des assurances des collectivités va s’effondrer », prévient le maire de Vesoul, conscient que « des mesures d’urgence ne suffiront pas à résoudre un problème structurel. Il faudra plusieurs mois, voire plusieurs années » pour remettre en état ce marché déstabilisé par une guerre des prix entre les assureurs dans les années 2010, la multiplication des événements climatiques et les émeutes de l’été 2023.

Les rapporteurs proposent de revoir la pratique des marchés publics, dans un premier temps « à réglementation constante », en incitant les communes à recourir davantage à des marchés négociés. Le guide pratique de passation des marchés publics d’assurances, mis à disposition par la direction des affaires juridiques de Bercy, est en cours de réécriture depuis cet été. « Ce document incite pour le moment à passer des appels d’offres », précise Jean-Yves Dagès, alors qu’il « faudrait simplifier les procédures » et permettre aux collectivités d’utiliser davantage les marchés négociés ou les marchés à procédure adaptée, « de façon à ce que les entreprises puissent suggérer à la collectivité des adaptations ». Les communes (seules celles de plus de 5 000 habitants rencontrent réellement des difficultés pour s’assurer) peuvent aussi s’entourer « d’expertise interne ou externe, comme les courtiers et les aides à maîtrise d’ouvrage, pour les aider à monter leurs procédures », suggère Alain Chrétien.

Acculturation au risque

Il y a par ailleurs un besoin pour les collectivités de « s’acculturer au risque », explique Alain Chrétien. Elles sont aujourd’hui peu nombreuses à connaître en détail leur patrimoine. « Les élus doivent mener un véritable travail de recensement et prioriser les risques. Il y en a davantage pour un gymnase qui se situe près d’un cours d’eau. Elles peuvent nommer pour cela par exemple un gestionnaire de risques, se tourner vers des associations comme l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae) ou former les agents via le CNFPT à la gestion des risques ». Le maire de Vesoul aimerait également que les référentiels techniques soient harmonisés pour « parler la même langue que les assureurs » qui réclament parfois des certifications, habituelles dans le monde des entreprises mais inconnues des collectivités.

Le sujet des émeutes à traiter

Le chantier le plus épineux, pour Alain Chrétien, sera sans doute de travailler sur le risque émeutes qu’il faut désormais prendre en compte, mais « il est hors de question de faire payer les citoyens ! » Le premier point sera de définir précisément, lors de discussions avec les assureurs, ce qui est pris en compte dans ce risque. « Il faut qu’il soit suffisamment restrictif pour ne pas être activé tout le temps, pointe le maire de Vesoul. Pour nous, il s’agit clairement des émeutes de 2005, de 2023, et de 2024 en Nouvelle-Calédonie ». Une fois défini, ce risque doit être « mutualisé », selon les auteurs du rapport, peut-être via le fonds du Garaet (Gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme. Mais celui-ci manque de transparence, pour Alain Chrétien qui suggère la mise en place « d’une mission d’information pour plus de transparence et voir de quelle manière il serait utilisable ».

Les propositions sont sur la table. « Elles rejoignent celles du sénateur Jean-François Husson » qui a produit lui aussi un rapport sur les assurances en mars dernier. Désormais, « l’affaire doit se jouer au niveau politique » pose le maire de Vesoul qui demande une rencontre officielle avec le gouvernement, France assureurs (la fédération des sociétés d’assurances), Jean-François Husson et l’AMF. « Nous voulons bien faire des efforts, mais il faut que les assureurs jouent le jeu. Nous sommes prêts au rapport de force car nous assurons la continuité du service public », revendique Alain Chrétien.

Le rapport Chrétien-Dagès à télécharger.




Logement
Crise du logement : fustigeant l'inaction de l'État, le monde HLM réclame des « mesures concrètes »
Face à la profonde crise immobilière qui frappe le pays, l'Union sociale pour l'habitat réclame au nouveau gouvernement la fin de la ponction de l'État sur les bailleurs sociaux, à l'occasion de son congrès qui se tient à Montpellier.

« Depuis des mois, nous réclamons le retour de la puissance publique pour éviter la crise. Depuis des mois, l’État se dérobe. Il constate la crise mais s’en arrête là. » Particulièrement exaspérée, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Emmanuelle Cosse, a fait part, hier, de sa « colère », en ouverture de la 84e édition du congrès HLM, qui se déroule à Montpellier jusqu’à demain.

Alors que le pays traverse une crise majeure, elle a donc réclamé des « mesures concrètes » et rapides.

Le « laisser-faire », une « doctrine de fainéants »

Les attentes du secteur envers le gouvernement Barnier sont, en effet, considérables et l’ancienne ministre du Logement de François Hollande a, une nouvelle fois, pointé les « atermoiements institutionnels » qui « pèsent déjà lourd sur les résultats 2024 et assombrissent les objectifs 2025 ».

Alors que « toute la chaîne du logement est en crise », « rien n’a été fait pour soutenir le secteur, bien au contraire », a-t-elle déploré, pointant « la réduction du PTZ, la suppression de l’APL accession, la hausse des coûts normatifs, l’envolée du prix des matériaux, sans compter cette scandaleuse mesure que reste la RLS… », une ponction de 1,3 milliard d’euros sur les recettes des bailleurs HLM. 

D’autant que le principal problème reste entier : la hausse des demandes de logements sociaux conjuguée à la baisse de la construction. Et la situation se dégrade encore avec désormais plus de 2,7 millions de demandeurs de logements sociaux, en hausse de 100 000 par rapport à la fin d’année 2023.

S'ajoute à cela le défi de la rénovation énergétique du parc social qui va entraîner des travaux d'ampleur particulièrement coûteux. Or les aides à la rénovation du parc social ont été « gelées » cet été par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, alors qu’une enveloppe de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, avait été promise par l'ancien ministre du Logement Patrice Vergriete… lors du congrès HLM de 2023. 

« Le laisser-faire est une doctrine de fainéants ou de grands privilégiés », a ainsi tancé Emmanuelle Cosse, en faisant clairement savoir qu’elle attendait au tournant, avec tous les acteurs du logement, la nouvelle ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, Valérie Létard, qui a pris ses fonctions lundi et dont la venue est annoncée demain pour la séance de clôture du congrès.

Le logement est « au coeur des priorités » de l’exécutif

Fait notable, toutefois, la nomination de l'ancienne vice-présidente centriste du Sénat au sein du gouvernement Barnier a été plutôt bien accueillie par les associations du secteur. « Valérie est une femme politique de grande qualité, experte du logement et de la rénovation urbaine », s’est notamment réjouie la présidente de l’USH, indiquant, toutefois, « ignorer encore ses marges de manœuvre ».

Le fait qu’elle soit à la tête d’un ministère de plein exercice a également été salué et perçu comme « un signe très fort » après des années « d’invisibilisation du logement ». « On donne une force à la parole de Valérie Létard (qui) ne parlera pas en étant subordonnée à quelqu’un d’autre », s’est félicitée Emmanuelle Cosse.

Si ses premières déclarations de la nouvelle ministre n'ont pas donné d’indications sur sa feuille de route, celle-ci a voulu rassurer le secteur, lundi, lors de son discours de passation de pouvoir : « Il faut dire au monde du logement l'attention particulière qu'on (lui) porte », celle-ci assurant que « le Premier ministre considère que le logement est au coeur des priorités et des préoccupations ».

Et comme elle l’a reconnu elle-même, « si la crise du logement ne trouve pas d'aboutissement à court-terme, (...) nous aurons des difficultés à sortir de la crise ».

Fin de la RLS, dégel des crédits rénovation…

Pas de quoi rassurer les acteurs du logement social au regard des désaveux passés ainsi que des premières dissonances et tensions qui agitent, depuis hier, les membres de l’exécutif.

Dans ce contexte, ils mettent déjà la pression sur Valérie Létard en lui demandant d’agir rapidement et d’annoncer des « mesures concrètes » dès le budget pour l’année 2025, afin de relancer la production et la rénovation de logements sociaux.

Tout le secteur s’accorde, toutefois, sur le fait qu’il n’y a pas de recette miracle. Il n'y aura pas de « solution unique », ont ainsi répété au fil des débats de la journée d’hier les différents acteurs présents au congrès. Si leurs remèdes divergent parfois, ils estiment tous que la solution ne pourra venir que de la mise en place d’une multitude de mesures.

De manière relativement unanime, ils réclament d’abord la fin de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui prive chaque année les bailleurs sociaux de recettes importantes, mais aussi le dégel de l'enveloppe dédiée à la rénovation. 

La baisse du taux du livret A est également « un enjeu vital », selon Emmanuel Cosse, quand d’autres préconisent la réduction des temps de procédures, le développement plus dynamique du bail réel solidaire (BRS), le retour d’une aide aux maires bâtisseurs ou encore de faire des métropoles des « autorités organisatrices du logement ».

Autre sujet défendu par les promoteurs cette fois : le prolongement du Pinel +, qui permet une réduction d'impôt sur le prix d'achat d'un logement mis en location, mais qui doit s’arrêter en fin d’année. « Il ne faut surtout pas le supprimer et le remettre dans son ancienne version pendant un, deux ou trois ans », a expliqué Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui se félicite d'avoir d’ores et déjà été entendu par Valérie Létard. Elle « va monter au créneau » pour défendre cette position, a-t-il assuré.

« Il faut défendre le logement social et la loi SRU n'a pas besoin de coups de boutoir », a répété, de son côté, le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse. À ses yeux, « la question du logement est centrale car c’est la dignité de la personne, c’est le pouvoir d’achat… Cette question traverse l’ensemble des pays européens. Et quand les gouvernements et les pouvoirs locaux ne la relèvent pas, ils sont balayés, souvent par des forces populistes ».




Fonction publique
Le bloc communal, moteur de l'emploi territorial
Le 13e Panorama de l'emploi territorial réalisé par les centres de gestion montre que les communes, les établissements communaux et les intercommunalités demeurent les principaux pourvoyeurs d'emploi au sein de la territoriale.

Dévoilé le 16 septembre, le 13e « Panorama de l'emploi territorial » propose un regard inédit sur les agents des collectivités et les employeurs publics locaux. Agrégeant les bilans de quelque 95 centres de gestion, ce document réalisé par la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et l'Association nationale des directeurs et directeurs adjoints des centres de gestion (ANDCDG) met en exergue les différents paramètres de l’emploi au sein de la fonction publique territoriale (FPT). Effectifs, concours et offres d’emploi, égalité professionnelle femmes-hommes ou retraites…, cette publication révèle tout à la fois le dynamisme et les difficultés de la sphère territoriale. 

Plus d’un agent territorial sur deux est employé par une commune

Premier enseignement du Panorama de l’emploi territorial, la FPT a globalement stabilisé ses effectifs entre 2020 et 2023, après la légère baisse observée entre 2019 et 2020. Au 31 décembre 2023, les collectivités employaient, en effet, 1 983 003 agents, soit une augmentation de 0,9 % entre 2020 et 2021. Ce sont les communes qui se hissent au premier rang de l’emploi territorial avec 1 011 000 agents, soit 51 % de l’effectif total de la territoriale. À noter que 61 % des emplois communaux sont occupés par des femmes. Le document précise que si les communes de moins de 1 000 habitants ont vu leurs effectifs diminuer de 1 %, celles de 2 000 à 3 499 habitants ont connu une augmentation de 1,9 %. De leur côté, les organismes intercommunaux (EPCI, syndicats intercommunaux…) emploient 370 000 agents (soit 19 % de la FPT), dont 53 % de femmes, tandis que les établissements communaux (CCAS, Caisse des écoles…) comptent 109 000 agents (14 % de la FPT), dont 68 % de femmes.

En dehors du bloc communal, les principaux employeurs de la territoriale sont les départements, avec 280 000 agents (14 % de la FPT), dont 68% de femmes, et les régions avec 97100 agents (4,9 % de la FPT) dont 58 % de femmes.

Le Panorama montre, en outre, que les communes représentent également le premier contingent d’employeurs territoriaux (73 %) très loin devant les syndicats intercommunaux (15 %), les organismes communaux (7 %), les EPCI (3 %), les départements (0,3 %), les Services départementaux d’incendie et de secours (0,3 %) et les régions (0,1 %). 

Offres d’emploi en hausse dans les filières animation, technique et culturelle

Concernant le recrutement, les auteurs du  Panorama de l’emploi territorial  ont passé au crible les 228 262 offres d’emploi publiées par les centres de gestion en 2023. « Ce nombre de publications continue sa progression (94 % depuis 2020), mais la hausse est moins importante que l’an passé », observent-ils en soulignant que 83 % des offres d’emploi publiées en 2023 ont donné lieu à des nominations. « Les offres sur emploi non permanent ont de nouveau augmenté en 2023 (+ 12,7 %) après une légère stagnation en 2022 (+ 4,3 %), mais représentent toujours 12 % des offres totales », ajoutent-ils. 

Ce zoom sur le recrutement montre également que l’augmentation des offres concerne la majorité des filières, en particulier les filières animation (+ 17 %), technique (+ 15,3 %) et culturelle (+ 10,5 %). La durée moyenne de publication d’une offre est de 35 jours, mais elle peut dépasser 40 jours en moyenne dans certaines régions (en Ile-de-France notamment), ce qui est « symptomatique d’un marché de l’emploi particulièrement en tension sur certains métiers ».

Sur ce point, les centres de gestion ont établi un classement des métiers les plus en tension en 2023. Tout en haut de la pyramide figurent les postes de directeur/ directrice général(e), médecin, responsable des services techniques, secrétaire de mairie ou directrice/directeur financier. « Les tensions se concentrent sur des profils qui détiennent des compétences techniques spécifiques », indique le document.

Le focus réalisé sur les concours traduit, par ailleurs, une stabilisation du nombre des concours organisés. En 2022, 29 concours ont été organisés au sein de la territoriale avec 21 494 postes proposés (pour un taux de réussite de 25 %). Dans le même temps, 28 examens professionnels de promotion interne ont eu lieu (avec un taux de réussite de 48 %). 

Le « Panorama de l’emploi territorial » s’attarde enfin sur la question du départ à la retraite des agents, question essentielle dans le contexte des difficultés récurrentes rencontrées par les employeurs territoriaux pour renouveler leurs équipes. En 2022, 56 438 départs en retraite ont été enregistrés, dont 4 649 départs pour invalidité. Sur l’ensemble des départs à la retraite, 48 800 agents relevaient du régime de retraite de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités (+ 19,6 % depuis 2017) et 7 615 du régime Ircantec (1) (+ 12.6 % depuis 2017). Le document indique que 60 % des nouveaux retraités étaient des femmes et que l’âge moyen de départ à la retraite des agents était de 63,1 ans.  

(1)    Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’Etat et des collectivités.

Consulter le 13e Panorama de l’emploi.
 




Énergie
Certificats d'économies d'énergie : va-t-on vers une hausse des factures des ménages ?
Une étude largement relayée dans la presse pointe le risque d'une augmentation des factures d'énergie des ménages pouvant atteindre « 900 à 1000 euros » par an en 2026. En cause, les certificats d'économie d'énergie (CEE). Même si cette étude est à prendre avec prudence, les CEE sont de plus en plus fréquemment remis en question. 

« Pourquoi la facture énergétique des Français pourrait grimper de 1000 euros par an ? ». « Électricité : vers une explosion des factures d’ici deux ans ». « Pourquoi le prix de l’électricité pourrait être multiplié par 5 d’ici à 2026 ? ». Ces quelques titres piochés dans la presse depuis hier font référence à une étude du cabinet Colombus Consulting, qui étudie les impacts d’une réforme des certificats d’économie d’énergie prévue par le gouvernement. Cette réforme se traduirait par une forte augmentation du niveau d’obligation des CEE, renchérissant leur prix. L’étude en question, parmi de multiples scénarios, envisage en effet, dans le pire d’entre eux, une augmentation moyenne du coût de l’énergie pour les ménages comprises « entre 698 et 912 euros par an » voire, dans certains cas, encore « supérieure ».

Ces chiffres doivent être pris avec prudence, pour plusieurs raisons : d’abord, il ne s’agit que d’un des scénarios étudiés. D’autres scénarios pourraient conduire à des augmentations moindres – même si elles seraient tout aussi insupportables pour les ménages, par ailleurs – comprises entre 350 et 580 euros par an environ.

Deuxièmement, il faut noter que l’étude a été commandée par les fédérations de fournisseurs d’énergie, qui sont opposées à la hausse du niveau d’obligation. Le fait de brandir un chiffre aussi intenable que « 1 000 euros par an » peut s’inscrire dans une forme de lobbying des fournisseurs d’énergie pour pousser le gouvernement à ne pas augmenter le niveau d’obligation. Pour mémoire, les chiffres calculés par l’Ademe sont moins élevés, l’agence tablant sur une hausse de 300 à 400 euros. 

Les CEE, qu’est-ce que c’est ?

Mais pourquoi la hausse du niveau d’obligation devrait-elle se répercuter sur les factures des usagers ? Pour le comprendre, il faut revenir sur le fonctionnement de ce dispositif. 

Les CEE (certificats d’économie d’énergie) ont été créés par la loi du 13 juillet 2005, dans le but de réduire la production de gaz à effet de serre. Les fournisseurs d’énergies carbonées et les vendeurs de carburants, appelés les « obligés », doivent financer directement ou indirectement, des actions d’économie d’énergie. Il s’agit tout simplement d’un mécanisme de compensation : les fournisseurs, en vendant des produits carbonés, contribuent à l’émission de gaz à effet de serre. En contrepartie, ils doivent aider à faire diminuer la consommation des produits qu’ils vendent. 

L’État fixe, pour chaque fournisseur d’énergie, un objectif d’économies d’énergie à atteindre pour une période pluriannuelle, sous peine de sanctions financières. Pour atteindre ces objectifs, les « obligés » peuvent réaliser des opérations d’économies d’énergie par eux-mêmes, ou inciter les consommateurs (qu’il s’agisse de particuliers, d’entreprises ou de collectivités) à faire des travaux (isolation, installation de pompes à chaleurs…) qu’ils soutiennent financièrement. Les certificats d’économie d’énergie peuvent être achetés et vendus sur un marché spécifique. 

Il est à noter que les collectivités locales sont éligibles à ce dispositif, mais sans faire partie des « obligés ». Autrement dit, elles peuvent obtenir des CEE lorsqu’elles réalisent des opérations d’économies d’énergie sur leur patrimoine, et les revendre sur le marché pour financer a posteriori ces opérations. 

Le niveau d’obligation (objectif d’économies d’énergie) fixé aux « obligés » n’a cessé de croître depuis le lancement du dispositif. Pour la période actuelle (2022-2025), il est globalement de 3 100 TWhc (1). Aujourd’hui, pour respecter les obligations européennes de baisse des émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement envisage de l’augmenter pour la prochaine période (2026-2030), et une consultation a été lancée par la Direction générale de l’énergie et du climat sur le niveau de cette augmentation. Parmi les scénarios envisagés, un doublement du niveau d’obligation – hypothèse très mal reçue par le secteur des fournisseurs, qui estiment déjà que les obligations de la période actuelle ne seront pas atteintes. 

Un système largement financé par les ménages

Sur le papier, le système semble vertueux. Dans la réalité, il n’en va pas tout à fait de même, pour une raison simple : les fournisseurs d’énergie n’absorbent pas eux-mêmes le surcoût représenté par les CEE, mais le répercutent sur les clients. Les fournisseurs ne s’en cachent pas : dans l’étude du cabinet Colombus Consulting, on peut lire, page 28 : « L’évolution du prix des CEE (et) l’augmentation des obligations à chaque période implique une augmentation des coûts du dispositif pour les obligés, qui se répercute directement sur la facture énergétique des ménages ». 

La Cour des comptes, dans un rapport qu’elle vient de publier sur le dispositif des CEE, le dit encore plus crûment : « Le mécanisme des CEE semble en première analyse contraindre les fournisseurs d’énergie à financer des économies d’énergie. Mais, en pratique, ceux-ci répercutent tous les coûts nécessaires à l’obtention des certificats (…) dans les prix de vente des énergies. Il en résulte que le coût associé aux CEE est supporté in fine par les ménages et les entreprises du secteur tertiaire. » 

La Cour des comptes estime que chaque ménage finance ainsi le dispositif à hauteur de « 164 euros par an » en moyenne. Sachant qu’il y a environ 30 millions de ménages en France, ceux-ci financent donc les CEE à hauteur de presque 5 milliards d’euros par an… soit 82 % du coût du dispositif pour les fournisseurs !

Conclusion de la Cour des comptes : le mécanisme des CEE revient ni plus ni moins à une « taxe sur les consommations d’énergie ». 

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes se montre très dur vis-à-vis du dispositif. Les économies d’énergies générées par celui-ci, estimées par l’État à 6,5 % de la consommation totale d’énergie en 2020, sont largement « surévaluées », notamment parce que « le volume des certificats délivrés ne correspond pas aux économies d’énergies » réelles. 

Par ailleurs, toujours selon les magistrats de la rue Cambon, le dispositif génère des fraudes massives, qui ne donnent lieu qu’à des sanctions « modestes et tardives ». 

Suppression du dispositif ?

La Cour juge donc que le dispositif « ne peut perdurer sans réforme d’ampleur », estimant même que sa « suppression » pourrait être envisagée – certains pays européens ont d’ailleurs fait ce choix, comme le Danemark. Si cette solution n’est pas retenue, les magistrats demandent au législateur « des réformes structurelles profondes », passant notamment par une plus grande transparence, une « stabilité » réglementaire, une refonte du mode de calcul des économiques d’énergie, une lutte déterminée contre la fraude. 

Il reste à savoir quelles seront les orientations du nouveau gouvernement sur ce sujet. De plus en plus de voix réclament, aujourd’hui, la suppression de ce dispositif – cela a par exemple été le cas, hier, de l’ancienne ministre de la Transition écologique Ségolène Royal. 

Les chiffres envisagés dans l’étude de Colombus Consulting d’une éventuelle augmentation de 1 000 euros des factures d’électricité des ménages sont une possibilité bien réelle. Mais n’est-ce pas un étrange déplacement de responsabilités, qui s’apparente, en l’espèce, à une forme de chantage ? Les fournisseurs disent que si l’État décide de doubler les obligations, les ménages en payeront le prix fort. Mais il serait peut-être plus raisonnable de se demander s’il est normal que les fournisseurs répercutent la presque totalité du coût des CEE sur les ménages, plutôt que de les prendre à leur charge. 

Le sujet du prix de l'énergie va être un point central des mois à venir, non seulement du fait de la question des CEE, mais plus encore parce que le dispositif de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique) va expirer en 2026, et qu'on ignore, à ce jour, par quoi il va être remplacé. 


(1)    Térawattheure cumac, c’est-à-dire CUmulé et et ACtualisé. Le KWh cumac est l’unité de mesure utilisée pour le calcul des primes CEE.
 




Europe
L'AMF fait part de ses attentes aux nouveaux parlementaires européens
Alors que le nouveau parlement européen s'est réuni jeudi dernier lors de sa session plénière à Strasbourg, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) interpelle les parlementaires nouvellement élus sur l'importance de « prendre en compte les intérêts locaux dès la conception des politiques européennes ».

Transports, gestion des déchets, publicité, cybersécurité : l’AMF « souhaite appeler l’attention des parlementaires européens, à considérer les impacts des décisions européennes sur les politiques locales, mais aussi les enjeux auxquels sont confrontés les élus locaux »

Un manifeste à destination des eurodéputés a été élaboré par la commission Europe de l’AMF, présentant les attentes concrètes des élus afin d’intégrer pleinement les communes et leurs EPCI en Europe. Huit requêtes ont été regroupées dans ce document. 

Les attentes et besoins des communes 

Parmi les requêtes exprimées par l’AMF, on retrouve notamment la défense « des intérêts de nos territoires où se joue l’avenir de l’Europe », en donnant « l’assurance d’une Europe attentive à leurs besoins ».

Étant donné que « les communes et leurs groupements n’agissent plus uniquement selon la seule législation française » et que « 70 % des textes européens ont un effet direct pour les communes », l’AMF rappelle qu’il est indispensable d’anticiper les déclinaisons locales des règlements et directives élaborés au niveau européen. 

Concrètement, l’association espère une reconnaissance des politiques locales en Europe. En matière de transport par exemple, l’AMF « insiste sur la nécessité d'apporter un appui aux collectivités pour soutenir les objectifs induits de renouvellement des flottes de transport public et demande en outre de privilégier le mix énergétique pour les véhicules gérés par les communes et intercommunalités (bus de transports en commun, camions à ordures, bennes ou les mélangeurs en béton…). »

L’AMF se positionne également sur d’autres sujets comme celui de l’énergie, rappelant que la spécificité des collectivités locales et de leurs services publics devrait être « prise en compte par l’élargissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité sur l’ensemble de leur périmètre ». 

Les communes ont surtout besoin de moyens pour exécuter les politiques votées à l’échelle de l’Europe. C’est le cas notamment en matière d’adaptation aux changements climatiques et de lutte contre les effets d’îlots de chaleur urbains : « Les communes ont besoin d’investir massivement pour désimperméabiliser, planter de la végétation et remplacer les matériaux accumulant la chaleur par des matériaux perméables et clairs. Il est nécessaire que l’Union européenne les accompagne dans cette transition. » L’AMF rappelle aussi qu’il est « impératif que l’Union européenne investisse dans les infrastructures de la mobilité décarbonée pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique et pour adapter la voirie à de nouveaux usages, tels que les voies dédiées, les pistes cyclables et les aires de covoiturage. »

L’AMF sera également attentive à plusieurs sujets d’actualité comme la poursuite de la révision de la directive « méga-camions » (lire Maire info du 4 juin), la proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols ou encore la mise en œuvre de la directive NIS 2 concernant la cybersécurité (lire Maire info du 10 septembre). 

Politique régionale et politique agricole commune

« La politique régionale et la politique agricole commune sont les deux politiques européennes d’investissement les plus conséquentes dans les territoires, souligne l’AMF. Elles ne pourront être les variables d’ajustement d’un futur compromis budgétaire et voir leur gouvernance recentralisée. »

Rappelons que pour la période 2021-2027, 18,4 milliards d’euros sont alloués à la France pour mettre en œuvre une politique de cohésion économique, sociale et territoriale. À ce titre, « l’AMF plaide pour que les investissements lors de la prochaine programmation intègrent un volet territorial fort. »

L’AMF défend aussi « le renforcement du second pilier de la PAC permettant une politique de développement rural solide et intégrée » et « la poursuite du programme Leader, qui permet le développement d’initiatives communautaires dans le monde rural afin d’inciter et d’aider ses acteurs à dynamiser leur territoire ». 

Enfin, demande historique de l’AMF, le manifeste rappelle aux eurodéputés l’importance d’opérer « un choc de simplification dans la gestion des fonds européens » passant notamment par « la simplification des règles pour l’accès et l’instruction des projets européens » comme par exemple les procédures pour les « petits » projets en termes financiers, notamment dans le cadre du programme Leader. 

L’association demande plus largement une plus grande association des maires et présidents d’EPCI « dans l’élaboration des textes qui les concernent, directement ou indirectement ». « Il est indispensable de faire du principe de subsidiarité la pierre angulaire de toutes les politiques européennes et ainsi donner les moyens à l’échelon local d’intervenir. »







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