Édition du mardi 24 septembre 2024

Gouvernement
Catherine Vautrin promet « une attention particulière aux moyens d'agir » des élus
Les traditionnelles passations de pouvoir se sont succédé pendant toute la journée d'hier dans les ministères, avant un premier Conseil des ministres en fin de journée. L'occasion pour plusieurs ministres, de commencer à dévoiler leur feuille de route.

À ceux qui s’interrogent sur la question de savoir si le nouveau gouvernement agira en rupture ou en continuité avec les précédents, la journée d’hier a apporté quelques réponses : les passations de pouvoir entre anciens et nouveaux ministres, dans la grande majorité des cas, se sont passées dans une ambiance de franche camaraderie et de congratulations mutuelles, remerciements pour le travail « extraordinaire accompli » et promesses de « poursuivre sur la même voie » et « reprendre le flambeau ». Cela a été particulièrement vrai lors de la passation de pouvoir à Bercy, dimanche, les deux nouveaux ministres ne tarissant pas d'éloges pour l'héritage laissé par Bruno Le Maire, comme si le déficit de l'Etat ne frisait pas les 6 % du PIB. Le tout laissant davantage l’impression d’un remaniement ministériel que d’une équipe souhaitant rompre avec la politique de la précédente. C’est finalement, peut-être, le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui a été le plus rugueux avec son prédécesseur, Gérald Darmanin, en martelant que son action s’orientera autour de trois axes, « rétablir l’ordre, rétablir l’ordre et rétablir l’ordre ». Sous-entendant que si l’ordre doit être « rétabli », c’est que son prédécesseur n’a pas été capable de le maintenir. 

Bilan de l’action de Christophe Béchu

Parmi les nombreuses cérémonies d’hier, l’une des plus notables, pour les élus locaux, a été celle qui a eu lieu dans la cour de l’Hôtel de Roquelaure, siège de l’ancien ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de Christophe Béchu – qui, aussitôt après la cérémonie, a filé à Angers où il s’est fait réélire maire de la ville hier soir lors d’une session extraordinaire du conseil municipal. 

Cette passation de pouvoir a été la plus pléthorique de toutes. D’un côté, l’ancienne équipe de l’énorme ministère de Christophe Béchu , qui avait sous sa tutelle pas moins de cinq ministres délégués et secrétaires d’État (Dominique Faure, Guillaume Kasbarian, Sabrina Agresti-Roubache et Hervé Berville) ; de l’autre, les trois ministres qui se partageront désormais son portefeuille : Catherine Vautrin au Partenariat avec les territoires et à la Décentralisation, Agnès Pannier-Runacher à la Transition écologique, à l’Érgie, au Climat  et à la Prévention des risques, et Valérie Létard au Logement et à la Rénovation urbaine. Étaient également présents, sans prendre la parole, les trois ministres délégués de Catherine Vautrin, Françoise Gatel (Ruralité, Commerce et Artisanat), François Durovray (Transports) et Fabrice Loher (Mer et Pêche), déjà surnommés « l’équipe des 3 F » par la ministre. 

Christophe Béchu, dans son discours, a rappelé qu’il était arrivé au ministère « comme maire, avec la conviction que dans ce domaine, il ne faut pas opposer le national et le local ». Il a dressé un bilan positif de ses deux ans passés au ministère, rappelant les nombreuses mesures qui ont été mises en œuvre sous sa direction : « La planification écologique, des émissions des gaz à effet serre qui ont baissé de 10 % en deux ans, le Fonds vert, le leasing électrique pour les voitures, les bases de l’affichage environnemental et de l’indice de durabilité… ». De toutes ces mesures, c’est certainement le Fonds vert que retiendront le plus les maires, pour une fois qu’un dispositif relativement simple et facile d’accès avait été mis en œuvre pour eux. Christophe Béchu, bon camarade, n’a pas jugé utile de pointer le fait que dans le projet de budget pour 2025, Bercy avait décidé de rogner fortement le Fonds vert en le passant de 2,5 à un milliard d’euros. Et encore, il semble que l’on ait échappé au pire : il semble en effet qu’à l’origine, Bercy avait même réduit le Fonds vert à zéro, et qu’il ait fallu que des conseillers ministériels se battent âprement pour préserver finalement un milliard d’euros. 

De façon très représentative de cette « continuité » que nous évoquions plus haut, Christophe Béchu a évoqué l’action à venir des nouveaux ministres … en la prenant à son compte : « Beaucoup reste à faire. Nous allons continuer à retisser un lien sur la ruralité… ». 

L’ancien ministre a également évoqué le sujet de la crise de l’immobilier, en rejetant une partie de celle-ci, de façon assez étonnante, sur les élus locaux : « L’augmentation du coût des chantiers et des matériaux est venue rencontrer, parfois, une frilosité à délivrer des permis de construire. »

Catherine Vautrin promet d’écouter « chaque élu »

Catherine Vautrin, en prenant la parole, s’est tout de suite présentée comme élue locale (ancienne présidente de la métropole de Reims) et ancienne présidente de l’Anru. Elle a émaillé tout son discours – sans annonce particulière par ailleurs – de références et d’hommages aux élus, aux collectivités locales « sans lesquelles la République n’existerait pas ». « Élue municipale (…), je rejoins ce ministère aux contours complexe, dont le fil directeur est dans son titre » – le « partenariat avec les territoires ». « J’ai la claire conscience qu’il faudra écouter, dialoguer avant d’agir. Je sais les difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux dans leur engagement, je sais aussi leur droiture et leur souci d’une gestion toujours exemplaire. » Sur ce dernier point, les maires n’ont donc plus qu’à espérer que leur nouvelle ministre convaincra ses collègues de Bercy que leur gestion est « exemplaire » et non « outrageusement dépensière ». La ministre a promis « respect et humilité », et s’est engagée, aux côtés de Françoise Gatel, à « écouter chacun et chacune de ces élus, (dans) des échanges toujours francs, bienveillants, avec une attention toute particulière à leurs capacités et leurs moyens d’agir ». 

Rendre l’écologie « populaire »

La ministre qui sera désormais chargée de tout le dossier écologie, Agnès Pannier-Runacher, a ensuite pris la parole. Était-ce une réponse (en service commandé ?) à tous ceux qui estiment que ce gouvernement est trop uniformément à droite ? La ministre a largement insisté dans sa prise de parole sur le fait qu’elle demeure une « femme de gauche » – elle arborait d’ailleurs un pin’s arc-en-ciel, aux couleurs du mouvement LGBT, sans rapport particulier avec ses fonctions, au moment où beaucoup de commentateurs notent que plusieurs ministres du nouveau gouvernement ont été d’ardents opposants au mariage pour tous. 

Agnès Pannier-Runacher a défendu la perspective d’une « « écologie populaire et non punitive et restrictive de liberté », et s’est dite déterminée à convaincre que « l’écologie n’est pas un sujet de riches ». Au contraire, l’écologie est selon elle un sujet « social », pour qu’elle permet de répondre aux inquiétudes très concrètes des Français, par exemple sur la vulnérabilité de leur logement aux risques climatiques, à « ce qu’ils ont dans leur assiette, à la qualité de l’eau qu’ils boivent ». Elle a promis de placer la rénovation des logements au cœur de son action, et a annoncé qu’elle allait rapidement « rencontrer les élus locaux de toutes les sensibilités pour bâtir un agenda ». Déclaration quelque peu surprenante, dans la mesure où les élus – la ministre devrait le savoir – n’ont pas l’habitude d’être rencontrés par « sensibilité » mais par strate de collectivité, à travers des associations transpartisanes. 

Logement : enfin une ministre de plein exercice

Enfin, Valérie Létard a pris le micro, non sans émotion à l’idée de se trouver à l’endroit même où Jean-Louis Borloo, son mentor, « a inventé le Grenelle de l’environnement ». Il est à noter que de tous les intervenants – Christophe Béchu compris –, la nouvelle ministre du Logement et de la Rénovation urbaine a été la seule à évoquer le sujet pourtant majeur du ZAN, rappelant les débats auxquels elle a largement participé, en tant que sénatrice, pour « finir par trouver des solutions ». 

Valérie Létard s’est chaudement félicitée du fait que « pour la première fois depuis 2017 », le logement bénéficie d’un ministère de plein exercice, ce qui est « un signal » que ce dossier est « au cœur des préoccupations du Premier ministre ». Elle s’est dite décidée à aborder le dossier du logement sous un triple volet – social, environnemental et économique. Social, parce qu’aujourd’hui « le logement représente jusqu’à 50 % du pouvoir d’achat » des ménages modestes ; économique, parce que la crise de l’immobilier appelle à trouver des solution urgentes ; et environnemental, parce que la réhabilitation thermique des logements prend du retard. 

Elle s’est également engagée à prendre immédiatement à bras le corps la question de l’hébergement d’urgence. 

« Débureaucratiser » la fonction publique

Parmi les autres ministres qui ont pris leurs fonctions hier, on peut retenir les mots de Guillaume Kasbarian, nouveau « et un peu inattendu) ministre de la Fonction publique. Comme la nouvelle ministre de l’Éducation nationale l’avait fait peu avant, le nouveau ministre a tenté de pallier son inexpérience du sujet en énumérant les membres de sa famille ayant travaillé dans la fonction publique. Mais il s’est gardé de donner ses orientations, et notamment de dire s’il allait mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur, qui avait heurté de front les syndicats de la fonction publique et évoquant la rémunération au mérite ou la suppression des catégories. 

Guillaume Kasbarian a simplement annoncé qu’il avait l’intention de « simplifier la vie des Français » en « débureaucratisant à tous les étages ». Il a également évoqué « le labyrinthe bureaucratique » que serait devenue l’administration et la nécessité, pour celle-ci, de « rendre des comptes », au nom de la Constitution qui « donne le droit à la société de demander compte à tout agent public de son administration ». Des déclarations qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’ont pas été ressenties par les organisations syndicales comme une marque de confiance à l’égard des agents publics. 

Il est à noter que dans son discours, Guillaume Kasbarian n’a pas fait mention une seule fois des employeurs territoriaux. 




Gouvernement
Gouvernement : une nouvelle équipe aux manettes pour gérer la santé et le social 
Michel Barnier a choisi de mettre en place une nouvelle architecture pour gérer le secteur santé et social au sein de son gouvernement. Présentation des protagonistes. 

Dans le gouvernement de Gabriel Attal, il avait été choisi de confier à Catherine Vautrin un super-ministère regroupant le travail, la santé et les solidarités. Catherine Vautrin était aidée de trois ministres délégués ou secrétaires d’État, pour la santé et la prévention, les personnes âgées et les personnes handicapées, et enfin l’enfance, la jeunesse et les familles. 

Ce super-ministère, comme toujours, présentait le risque de trop de dilution et de voir certains sujets moins bien traités que d’autre.

Retour des ministres de plein exercice

Michel Barnier a rebattu les cartes pour privilégier une organisation plus classique, où la santé et le travail, notamment, sont décorrélés. L’ancien ministère de Catherine Vautrin a été découpé en trois : il y a à présent une ministre de la Santé et de l’Accès aux soins (Geneviève Darrieussecq), un ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes (Paul Christophe) et une ministre du Travail et de l’Emploi (Astrid Panosyan-Bouvet). À quoi il faut ajouter une ministre déléguée chargée de la Famille et de la petite enfance (Agnès Canayer) et une secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes (Salima Saa). 

Les associations n’ont pas manqué de remarquer avec un certain désarroi que le dossier du handicap a totalement disparu de ce casting, ce qui est plus que surprenant au sortir des Jeux paralympiques qui ont tant fait pour donner une nouvelle image, plus inclusive, du handicap. 

Santé et solidarités : deux ministres expérimentés

Geneviève Darrieussecq (MoDem), qui écope de la Santé, est médecin de profession. C’est une des figures les plus constantes du paysage ministériel de ces dernières années, puisqu’elle a été ministre sans discontinuer de 2017 à juillet 2023. Ancienne maire de Mont-de-Marsan – où elle exerçait à l’hôpital de la ville –, elle a été présidente de la Fédération hospitalière de France de la région Nouvelle-Aquitaine.

Cette ministre jusqu’à présent plutôt discrète va être confrontée à des dossiers extrêmement sensibles et complexes : chargée de l’accès aux soins, elle hérite de la question des déserts médicaux, qui est au premier rang des préoccupations des habitants comme des maires. Et dans une période de disette budgétaire, où il est à redouter des économies massives sur le budget de la Sécurité sociale. Elle sera également comptable des promesses faites par le précédent gouvernement aux médecins libéraux, et devra gérer le conflit entre hôpitaux publics et privés sur les tarifs hospitaliers et à la récente fronde des laboratoires médicaux, qui étaient en grève ces jours derniers.

Quant à Paul Christophe (Horizons), ministre dont le portefeuille inclut les solidarités, l’autonomie et l’égalité femmes-hommes, c’est lui aussi un ancien maire (de Zuycoote, dans le Nord, pendant près de dix ans). Il a également été conseiller départemental et député. Paul Christophe connaît également de près le monde des collectivités d’un point de vue professionnel, puisqu’il a exercé comme directeur général des services dans la commune de Téteghem. Il ne manque pas d’expérience sur le sujet qui va l’occuper au ministère, ayant été un membre actif de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale (et même brièvement son président depuis les nouvelles élections). Il a été directement l’auteur de plusieurs propositions de loi dans ce champ, dont celle (adoptée) « visant à renforcer la protection des familles d’enfants touchés par une affection de longue durée ». 

Face aux protestations sur la disparition de l’intitulé du handicap dans son portefeuille ministériel, Paul Christophe a assuré hier qu’il a « toujours eu à cœur de défendre les droits fondamentaux des personnes handicapées et une société plus inclusive. Ce n’est pas demain que cela va changer. » 

Le dossier brûlant du service public de la petite enfance pour Agnès Canayer

Agnès Canayer a été chargée d’un ministère délégué de la Famille et de la Petite enfance. Chacun aura noté le changement de terme : les précédents gouvernements avaient des portefeuilles dédiés « aux familles », au pluriel, notamment depuis l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Ce n’est évidemment pas un hasard si le gouvernement Barnier revient sur cette évolution, préférant privilégier une expression marquant une vision plus traditionnelle de la famille.

La sénatrice LR de la Seine-Maritime a été adjointe au maire du Havre. Au Sénat, cette bonne connaisseuse des collectivités était vice-présidente de la délégation aux collectivité territoriales et à la décentralisation – elle s’est notamment beaucoup impliquée dans le dossier des communes nouvelles. 

Agnès Canayer hérite d’un portefeuille difficile, notamment sur le sujet de la petite enfance, au moment où se met en place le SPPE (service public de la petite enfance), sujet sur lequel elle sera extrêmement attendue par les maires. Elle sera également chargée de trouver une solution à la crise du recrutement dans ce secteur, où l’on estime qu’il manque quelque 10 000 professionnelles. Sa nomination, hasard du calendrier, intervient quelques jours à peine après la parution d’un livre sur les dérives des crèches privées, problématique qu’il lui échoira donc de déminer. 

Enfin, Salima Saa (LR), peu connue du grand public, a été placée comme secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Cette ancienne cadre supérieure des groupes Véolia et Transdev présente la particularité, rare dans ce gouvernement, de n’avoir jamais été élue. Elle a revanche été brièvement préfète de la Corrèze entre 2020 et 2022, période pendant laquelle est a été très appréciée par les élus. Salima Saa a également été présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances entre 2011 et 2012. 




Forêts
La Cour des comptes alerte sur la fragilité des finances allouées à la gestion des forêts publiques
La Cour des Comptes a publié la semaine dernière un rapport intitulé « L'Office national des forêts (ONF) et le défi de la transition écologique ». Alors que les forêts publiques sont fragilisées par le changement climatique, les magistrats indiquent que l'ONF « ne pourra pas répondre seul » à ces enjeux.

1,7 million d’hectares de forêts domaniales et 2,9 millions d’hectares appartenant à d’autres propriétaires forestiers publics, notamment des collectivités territoriales : voilà le nombre d’hectares pour lesquels l’Office national des forêts (ONF) est chargé de la gestion durable de ces forêts publiques. 

Au total, l’ONF gère « 25 % de la surface forestière de métropole et met sur le marché 40 % des volumes de bois produits en France, ce qui en fait un acteur majeur de la filière forêt-bois ». L’établissement est doté d’un budget de plus de 900 millions d’euros et « d’un effectif de 8 043 agents fin 2023 ». 

Un rapport de la Cour des comptes publié jeudi dernier met en perspective le défi de la transition écologique et le fonctionnement de l’ONF. La priorité selon les magistrats : prioriser certains « objectifs assignés à l’établissement dans son futur contrat d’objectifs » et adapter « ses moyens humains et financiers ».

« Des forêts publiques fragiles » 

Première constatation : « Les besoins en travaux de reconstitution des forêts sinistrées par les dépérissements induits par le changement climatique sont massifs et croissants. » L’effort de reboisement est donc de plus en plus important. Au total, « 25 000 hectares de forêts domaniales et autant de forêt des collectivités ont été détruits entre 2018 et 2021 ».

De l’autre côté, « la baisse de la production biologique des forêts réduit la ressource en bois mobilisable pour les propriétaires forestiers et complique la planification des récoltes ». Concrètement, « les volumes de bois désignés et proposés à la vente par l’ONF ont ainsi globalement diminué de 19 % en forêt domaniale et de 4 % dans les autres forêts publiques en sept ans ». 

Pour la Cour des comptes, « ces tendances appellent à une évolution de la gestion forestière ainsi qu’à une restauration de l’équilibre forêt-gibier dans les massifs les plus exposés ». SI certains efforts ont été menés ces dernières années, le rapport dénonce une prise en compte des capacités de stockage et d’émission de carbone par les forêts dans la gestion forestière mise en œuvre par l’ONF encore « balbutiante, faute notamment de connaissances scientifiques suffisantes et, par conséquent, d’outils opérationnels à la disposition des forestiers. »

« Modèle économique à repenser » 

En partant du principe que le modèle historique, voulant que « le bois paie la forêt », ne puisse plus tenir à l’avenir, les magistrats insistent sur la nécessité de repenser le modèle économique de l’ONF. D’un côté, « l’État, en sa qualité de propriétaire des forêts domaniales, pourrait devoir renforcer son soutien à l’ONF pour lui permettre d’assurer le renouvellement de ces massifs conformément au principe pluriséculaire de gestion durable qui s’y applique ». De l’autre, pour le renouvellement des autres forêts publiques, l’effort financier est « estimé à 120 millions d’euros par an, à la charge de leurs propriétaires, avec l’appui de l’État dans le cadre de France 2030. » 

La Cour des comptes estime que les capacités financières actuelles de l’ONF ne lui permettront pas de répondre « seul aux enjeux de la transition écologique, notamment ceux liés au changement climatique. À défaut de nouvelles sources de financement (paiements des services environnementaux par exemple) et compte tenu du statu quo actuel sur la contribution des collectivités au financement du régime forestier, l’ONF restera tributaire des subventions de l’État pour poursuivre sa mission de gestion durable des forêts publiques », sans compter la dégradation des finances publiques actuelle. 

La Cour recommande donc de préciser les critères d’application du régime forestier et d’en évaluer les conséquences financières ainsi que de définir clairement, « dans le prochain contrat pluriannuel entre l’État et l’office national des forêts, des objectifs hiérarchisés et préciser les moyens associés ». 




Patrimoine
Centre des monuments nationaux : une fréquentation à son apogée mais des dépenses considérables
Vincent Éblé, sénateur de Seine-et-Marne et Didier Rambaud, sénateur de l'Isère, ont présenté leur rapport de contrôle budgétaire sur le Centre des monuments nationaux (CMN) à la commission des finances du Sénat. Les recettes sont certes en augmentation, mais les dépenses le sont tout autant.

Les récents succès en matière de fréquentation ne compensent pas la hausse des dépenses du CMN. Ce sont les conclusions du rapport du sénateur Vincent Éblé et du sénateur Didier Rambaud, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Culture, sur le Centre des monuments nationaux.

« Le Centre gère un ensemble de 110 monuments, qui se caractérisent surtout par leur grande diversité et par leur répartition sur l’ensemble du territoire national, a détaillé mercredi dernier Didier Rambaud au Palais du Luxembourg. On compte ainsi dans le parc du CMN des sites connus internationalement, en particulier à Paris : Arc de Triomphe, Panthéon ou Sainte-Chapelle, pour ne citer qu’eux. S’y ajoutent d’autres lieux symboliques pour le patrimoine français, comme la cité de Carcassonne ou le Mont-Saint-Michel. Le CMN gère également de nombreux monuments de petite taille, parfois nettement moins connus, allant de sites préhistoriques jusqu’à la villa Savoye, construite à Poissy par Le Corbusier. » 

Le fonctionnement du CMN est « dans l’ensemble positif » mais les sénateurs tirent la sonnette d’alarme sur le fait que la croissance des dépenses puisse « fragiliser le principe fondateur du CMN, à savoir la solidarité financière entre les sites du réseau. »

Croissance continue de la fréquentation des monuments 

Le satisfecit réside avant tout du côté de la fréquentation des monuments du CMN. En effet, la fréquentation a « atteint des niveaux inédits en 2023 avec plus de 11,6 millions de visiteurs, contre seulement 9,2 millions dix ans plus tôt. Le trou d’air consécutif à la crise sanitaire a été de courte durée : dès 2023, la fréquentation a été supérieure de 13 % à celle observée en 2019. »

Cette hausse de la fréquentation va de pair avec une hausse des ressources. « Entre 2014 et 2023, les ressources du CMN ont augmenté de 157 %, soit un total de 220 millions d’euros et 135 millions d’euros supplémentaires en dix ans », peut-on lire dans le rapport. Les recettes de billetterie ont augmenté de 55 % en dix ans, en sachant que se sont elles qui lui permettent de « s’autofinancer à hauteur de 50 % du total de son budget ». Par ailleurs, « les financements apportés annuellement par l’État représentent toutefois en 2023 un peu plus de la moitié des recettes du CMN, contre seulement 17 % en 2014. La subvention pour charges de service public (SCSP) s’élève en 2024 à près de 45 millions d’euros. »

Des dépenses qui ont plus que doublé en dix ans

Le problème principal relevé dans le rapport est que ces recettes, qui sont certes « très dynamiques », « peinent à suivre l’évolution des dépenses, elles aussi en forte hausse ». Les dépenses du CMN ont en effet augmenté de 130 % entre 2014 et 2023, passant de 116 à près de 270 millions d’euros. En cause, notamment, plusieurs grands chantiers comme la rénovation de l’hôtel de la Marine à Paris ou encore le grand chantier de la Cité de la langue française à Villers-Cotterêts.

Cette augmentation fulgurante des dépenses fait apparaître « un risque d’éviction des financements liés à l’entretien courant, les moyens étant concentrés sur les opérations les plus importantes, explique le sénateur Vincent Éblé. Les enjeux pour la conservation sont pourtant élevés : le Centre estime à 270 millions d’euros les besoins pour l’entretien des monuments en situation de péril ou de mauvais état. Le risque le plus important est que la hausse des dépenses fragilise le principe fondateur du CMN, à savoir la solidarité financière entre les sites du réseau. De fait, les recettes sont versées dans une caisse commune, laquelle est ensuite répartie selon les besoins du parc. »

La commission recommande donc, pour « ne pas ébranler le modèle de péréquation » de consolider les récents succès en matière de fréquentation. « La stabilisation du parc de monuments devrait permettre de réorienter une partie des dépenses vers l’investissement courant et l’animation culturelle. Celle-ci contribue à fidéliser un public local et à améliorer la visibilité du Centre, encore trop peu connu du grand public. »

Une stratégie locale à consolider 

Un court passage dans le rapport fait référence à la communication à l’échelle locale, qui ne serait pas assez soutenue. Lors de la présentation du rapport, Antoine Lefèvre, sénateur de l’Aisne, indique que « les liaisons avec les acteurs du territoire manquent de force, en particulier avec les collectivités. » Il présente un exemple : « L’Aisne est concernée par le château des sires de Coucy, en gestion commune avec le château de Pierrefonds, et par la Cité internationale de la langue française. Concernant les craintes exprimées sur les coûts et sur le budget de fonctionnement de cet équipement, il faut travailler localement à augmenter la capacité d’hébergement, presque nulle sur place. Il y a des réserves sur le site pour développer un projet utile au renforcement de la fréquentation. »

En effet, le rapport souligne que « les relations entre les monuments et les collectivités restent largement dépendantes des situations locales et du produit de l’histoire, sans que le siège du CMN n’ait mis en place de cadre commun sur ce point pour l’ensemble des monuments. » Les sénateurs identifient donc comme nécessaire de « mettre davantage l’accent sur l’animation du réseau et le déploiement d’actions culturelles au-delà de la seule mise à disposition du patrimoine, tout en mesurant l’effet levier des animations culturelles sur la fréquentation des monuments ». 




Outre-mer
Martinique : le couvre-feu partiel prolongé jusqu'à jeudi
La préfecture de la Martinique a annoncé lundi la prolongation du couvre-feu partiel en place depuis le 18 septembre jusqu'à jeudi et précisé l'étendre au quartier populaire de Sainte-Thérèse, épicentre des violences urbaines sur l'île.

«  Afin d’accompagner le retour au calme et à la tranquillité sur le secteur de Sainte-Thérèse, le préfet a renouvelé l’arrêté de couvre-feu qu’il avait pris la semaine passée en l’étendant » à ce quartier de Fort-de-France, a indiqué la préfecture dans un communiqué.

« Cette interdiction temporaire relative » des déplacements s’appliquera de 21 h 30 à 5 h du matin dans certains quartiers du chef-lieu de la Martinique et de la commune limitrophe du Lamentin, de lundi à jeudi matin.   

Plus tôt dans la journée, la préfecture avait qualifié le week-end écoulé de « calme sur toute la Martinique », après plusieurs jours de violences urbaines, notamment dans le secteur de Sainte-Thérèse. Ces violences ont touché plusieurs communes de l’île dans un contexte de mobilisation contre la vie chère depuis début septembre. Les forces de l’ordre ont été la cible de tirs à balle réelle.

« À la demande du préfet de la Martinique, un important dispositif de sécurité a été déployé samedi et dimanche », précisait la préfecture.

La huitième Compagnie républicaine de sécurité (CRS), une unité d’élite spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines créée en 2021, a été envoyée en Martinique samedi soir. Les « manifestations revendicatives » non déclarées avaient par ailleurs été interdites pendant le week-end dans plusieurs communes de Martinique. Cette mesure n’a pas été renouvelée.  

Le préfet a pris d’autres mesures d’interdictions, dont celle prohibant la vente d’essence aux particuliers, ou l’achat et la vente de produits explosifs. Ces interdictions courent jusqu’au « lundi 30 septembre 2024 à 18 h ». 

Lundi, l’avenue Maurice Bishop – axe principal du quartier Sainte-Thérèse –, théâtre d’affrontements pendant plusieurs jours entre des groupes d’individus et les forces de l’ordre, avait été nettoyé, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les barrages érigés ont été enlevés par plusieurs camions déployés sur cet axe. Plusieurs carcasses de véhicules brûlés étaient en revanche toujours visibles sur le bas-côté de la route, dans ce même secteur lundi après-midi.

Violences urbaines également en Guadeloupe

Par ailleurs, en Guadeloupe, elle aussi touchée par des violences urbaines depuis le 18 septembre, le préfet Xavier Lefort a lui aussi annoncé un couvre-feu, mais réservé aux seuls mineurs, dans sept quartiers, après avoir constaté « des barricades, barrages routiers et incendies de radars ». Cette mesure, en vigueur de 22 h à 05 h, s'applique dans « les secteurs de la Boucan et Bébel à Sainte-Rose ; les quartiers Poucet et Mare-Gaillard au Gosier ; les quartiers Lauricisque et Changy à Pointe-à-Pitre ; le quartier Boisripeaux aux Abymes » depuis hier soir.

Ces violences sont le fait de « bandes de jeunes », souvent mineurs et « cagoulés », qui ont jeté « des pierres et des cocktails Molotov » sur les forces de l’ordre. Mais contrairement à ce qui se déroule en Martinique, ces violences ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un mouvement de protestation contre la vie chère. 







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