Édition du vendredi 20 septembre 2024

Budget de l'état
Fonds vert amputé, DGF « constante », FCTVA en hausse... : ce qu'avait prévu le gouvernement démissionnaire dans son budget 2025
Après la publication de plusieurs documents, le budget provisoire préparé par l'ancien exécutif se dévoile. La participation des collectivités territoriales au redressement des comptes publics y est « accentuée », constate Charles de Courson.

Un Fonds vert en chute libre, une DGF et des dotations d’investissement « stabilisées » et un FCTVA qui progresse. C’est ce que l’on peut retenir pour les collectivités de deux documents budgétaires concoctés par le gouvernement démissionnaire et qui viennent d’être dévoilés.

C’est le cas notamment de la synthèse des crédits que l’ancien exécutif prévoyait d’attribuer à chaque ministère et que les parlementaires ont finalement obtenue, hier… « avec deux mois de retard ».

« Le budget Attal comme budget de départ »

Particulièrement pressants, le rapporteur du budget, Charles de Courson (Liot), et le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel (LFI), n’ont, toutefois, toujours pas réussi à récupérer les « lettres-plafonds » validées le 20 août dernier par l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal. Et ce, malgré leurs réclamations incessantes depuis le mois de juillet.

Ce document, dans lequel il « manque d’indications importantes notamment sur la répartition des budgets alloués à chaque ministère », permet cependant aux députés de « commencer [leur] travail », s’est réjouit Éric Coquerel, dans un communiqué publié sur X

Considérant que ce document était « le premier acte politique du gouvernement Barnier », il constate que ce pré-rapport ne « se démarque en rien » des « lettres-plafonds arrêtés par le précédent gouvernement », bien qu’il puisse « encore évoluer dans la version définitive » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. 

Cependant, « au regard des délais », le président de la commission des finances de l’Assemblée « doute que [les chiffres présentés] soient radicalement transformés » et estime que « le nouveau gouvernement fait du budget Attal son budget de départ », critiquant déjà « un budget qui portera la marque du président de la République et de sa politique de l’offre et d’austérité ».

Dans ce contexte, le document de synthèse des crédits par ministère fournit de premières indications sur la manière dont vont être traitées les collectivités en 2025, notamment sur les coupes budgétaires qu’elles pourraient subir. 

Le Fonds vert tombe à 1 milliard d’euros

Et comme annoncé depuis un certain temps, l’amputation particulièrement inquiétante du Fonds vert semble ainsi se confirmer avec une baisse de ses crédits de « 1,5 milliard d’euros », constate Éric Coquerel. 

Une diminution bien prévue dans la lettre-plafond envoyée, le 20 août, par l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, au ministre démissionnaire de la Transition écologique, Christophe Béchu. Et dévoilée il y a deux jours par Médiapart (avec la lettre plafond du ministère de l’Agriculture).

Celui qui est désormais le chef de file des députés macronistes indiquait que le « fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires » – le nom officiel du Fonds vert – passerait, en effet, de près de 2,5 milliards d’euros en 2024 à 1 milliards d’euros en 2025, en autorisations d’engagement (lesquelles peuvent être étalées sur plusieurs années). 

Et le Premier ministre de l’époque d'assurer que « les moyens prévus permettent le financement intégral des engagements pris en 2023 et 2024, sans modification des cahiers des charges pour les projets déjà engagés sur cette période ». 

Alors que ce fonds pourrait se réduire comme peau de chagrin et n’avoir jamais été aussi bas (il était doté de 1,5 milliard d’euros, lors de son lancement en 2022), Christophe Béchu s’était opposé, fin août, à cette décision, jugeant que « les orientations évoquées ne permettraient pas de garantir un financement efficace de la transition écologique ».

Une décision qui interviendrait au moment même où les collectivités vont devoir « plus que doubler » leurs investissements climatiques actuels si elles veulent tenir les objectifs affichés à l’horizon 2030. Une équation qui deviendrait de plus en plus impossible à résoudre, comme l'ont souligné les maires hier lors du Congrès de l'APVF (lire article ci-contre).

Stabilisation de la DGF et de la DETR 

Pour Charles de Courson, ce rapport provisoire obtenu hier prévoit donc « d’accentuer la participation des collectivités territoriales au redressement des comptes publics » alors que la DGF y reste « constante », a-t-il souligné, dans un communiqué également publié sur X

Une dotation globale de fonctionnement qui serait ainsi « maintenue » à hauteur d’un peu plus de 27,2 milliards d’euros, comme en 2024, expliquait également, en août dernier, Gabriel Attal dans la lettre-plafond envoyée à Christophe Béchu. 

Sur ce point, le Comité des finances locales (CFL) ne manquera certainement pas de rappeler, comme l’an passé, que cette stagnation ne compensera pas la hausse des prix et représentera, in fine, une « perte » compte tenu de l’inflation (qui vient de repasser sous la barre des 2 %, selon l’Insee).

Pour ce qui est des dotations d’investissement, la DETR, la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV) seraient « stabilisée au haut niveau de 2024 », assurait l’ancien Premier ministre.

Si le périmètre d’éligibilité du FCTVA devrait être « maintenu », son montant pourrait intégrer une « hausse tendancielle » de 540 millions d’euros en 2025 « résultant de la dynamique d’évolution des dépenses d’investissement des collectivités », selon la lettre-plafond.

Fonction publique et Outre-mer en baisse

A noter que la subvention versée à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourrait être « optimis[ée] », ce qui impliquerait la « rationalisation de ses effectifs ».

Sans compter que les crédits alloués aux « paysages, eau et biodiversité » seraient réduits de 578 millions à 441,3 millions d'euros, tandis que ceux consacrés aux « énergies, climat et après-mines » chuteraient de 5,8 milliards à 3,40 milliards d’euros.

Toujours selon la lettre-plafond, ce sont tout « au plus un milliard » d'euros qui seraient consacrés aux aides au verdissement des véhicules (contre 1,5 milliard en 2024) afin de « reconduire le leasing social ».

Plus globalement, Gabriel Attal a proposé le maintien des dépenses totales « au même niveau » qu’en 2024 (à hauteur de 492 milliards d'euros), selon l’analyse d’Eric Coquerel, qui estime que cela équivaut, en fait, à « une baisse de 10 milliards d'euros » puisque l'inflation n’a pas été intégrée. 

Dans le détail, ce document confirme que ce sont les budgets de la Défense (+ 7 %) et de la Sécurité (+ 3 %) qui progresseraient le plus si le budget final devait rester celui des lettres-plafonds de Gabriel Attal.

Au contraire, la Fonction publique perdrait 27 %, l'Aide publique au développement 19 %, le Travail et l'emploi 7 %. Sans compter des « baisses importantes pour le secteur de la santé (- 38,4 %) », selon le président de la commission des finances de l’Assemblée qui a également pointé « l’une des plus grosses baisses » dont serait victime, en l’état, le budget des Outre-mer (- 9,2 %). Ce serait « une grosse saignée dans une situation d'inégalités et de difficultés sans précédent », alors que la Martinique et la Nouvelle Calédonie sont frappées par deux graves crises actuellement.

Consulter la lettre-plafond envoyée au ministère de la Transition écologique.
 




Gouvernement
Gouvernement : l'épilogue approche, les équilibres se précisent
Deux mois et demi après le second tour des élections législatives et quinze jours après la nomination de Michel Barnier à Matignon, un gouvernement devrait enfin être annoncé d'ici dimanche. Seule certitude : les macronistes s'y tailleront la part du lion. 

Si le casting n’est pas encore entièrement certain, les principaux équilibres politiques du gouvernement Barnier ont été dévoilés hier, après plusieurs jours de psychodrame, de claquements de portes et de vraies-fausses menaces, aussi bien dans le camp d’Emmanuel Macron que dans celui des Républicains. 

Blocages

Une première mouture de gouvernement avait en effet été présentée en milieu de semaine au président de la République, que celui-ci a refusée. Deux raisons à ce véto : premièrement, la place jugée trop importante donnée aux amis politiques de Michel Barnier. Toute la semaine, arguments et contre-arguments ont été brandis dans les deux camps : côté macronistes, on rappelait que les Républicains ont fait 5 % aux élections législatives et n’ont que 47 députés, soit 8 % de l’hémicycle, et que dans ces conditions il n’est pas raisonnable de se montrer trop gourmands en termes de portefeuilles ministériels. En face, les ténors des LR ont trouvé la parade, en expliquant qu’il faut raisonner non à l’échelle de la seule Assemblée nationale mais de tout le Parlement : en comptant le Sénat, les LR revendiquent d’être « le groupe le plus important » du Parlement. 

Le deuxième point de blocage a porté sur le fond : les macronistes, au premier rang desquels l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, désormais chef de file des députés Renaissance, ont exigé de Michel Barnier qu’il clarifie ses positions sur les hausses d’impôts. En effet, ces derniers jours, le nouveau locataire de Matignon a semblé prêt à s’attaquer à ce totem d’Emmanuel Macron – la « stabilité fiscale » –, après avoir pris conscience de la « très grave » situation budgétaire. 

Après le refus du chef de l’État de sa première liste au cours d’un entretien apparemment très orageux, la rumeur a couru d’un possible abandon de Michel Barnier et d’une démission qui aurait été, politiquement, une catastrophe pour le chef de l’État. 

Grands équilibres

Changement de ton hier, où Michel Barnier a convoqué les protagonistes (LR, Renaissance, MoDem, Horizons et UDI) autour de la table pour une « ultime réunion » lors de laquelle tout a été pardonné. Le Premier ministre a rassuré le camp macroniste en assurant qu’il n’y aurait « pas de hausse d’impôt sur les classes moyennes et les Français qui travaillent », a affirmé hier Gabriel Attal. Dans un communiqué de presse diffusé en fin de journée, Michel Barnier a donné quelques éléments sur la feuille de route de son futur gouvernement et ses priorités : « Améliorer le niveau de vie des Français et le fonctionnement des services publics, particulièrement l’école et la santé ; garantir la sécurité, maîtriser l’immigration et faire progresser l’intégration ; encourager nos entreprises et nos agriculteurs et conforter l’attractivité économique de la France ; maîtriser nos finances publiques et réduire la dette écologique. » 

Michel Barnier a également laissé fuiter non pas la composition du gouvernement mais ses équilibres politiques. Le gouvernement comptera 38 portefeuilles – 16 ministres de plein exercice et 22 ministres délégués et secrétaires d’État. 

Pour ce qui concerne ces 16 ministres de plein exercice, les ambitions des Républicains ont été très nettement revues à la baisse, puisqu’ils n’obtiennent que trois portefeuilles. Les macronistes (Renaissance, MoDem et Horizons) obtiennent, eux, dix postes de plein exercice, et l’UDI, un. Reste deux portefeuilles, qui iront, selon l’entourage du Premier ministre, à « un divers droite et un divers gauche ». 

Selon les informations qui ont été diffusées hier à la fois par Renaissance et par les LR, ces derniers compteraient aussi six ministres délégués et secrétaires d’État. Soit en tout neuf ministres sur 38 – un peu moins d’un quart d’un gouvernement, les reste étant très largement accaparé par le camp macroniste. 

Casting encore incertain

Si l’on n’a pas encore de réelle certitude sur le casting, on sait au moins qui n’en fera pas partie : Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, a officiellement annoncé qu’il n’en serait pas, contrairement à ce qu’il avait affirmé ces derniers jours. L’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a expliqué qu’il n’aurait accepté de participer au gouvernement que s’il avait été nommé au ministère de l’Intérieur. Michel Barnier lui a proposé Bercy, ce qu’il a décliné : Laurent Wauquiez, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles pour 2027, ne souhaite visiblement pas occuper un poste qui sera vraisemblablement assimilé, dans les mois à venir, à un « Monsieur Rigueur ». 

Il semble également à peu près certain que c’est le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, qui s’installera au ministère de l’Intérieur. Les deux ministres s’occupant du « domaine réservé » du chef de l’État (armées et affaires étrangères) seraient, en toute logique, des proches d’Emmanuel Macron, Jean-Noël Barrot et Sébastien Lecornu. 

Les autres noms qui circulent ne sont pas encore officiels : il reste à savoir s’ils ont tous été validés par le chef de l’État, hier soir, et s’ils passeront le cap du contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. 

Pour les LR, un certain nombre de noms ont néanmoins été dévoilés par Laurent Wauquiez lui-même, ce qui confère à cette liste un certain sérieux. 

Le député du Bas-Rhin Patrick Hetzel, ancien directeur général de l’enseignement supérieur, a été proposé comme ministre de l’Enseignement supérieur, tandis qu’Annie Genevard, ancienne maire de Morteaux et ancienne présidente de l’Association nationale des élus de la montagne, prendrait le portefeuille de l’Agriculture. 

Pour ce qui concerne les ministères délégués et secrétariats d’État, les LR récupéreraient – toujours selon Laurent Wauquiez – la laïcité, les anciens combattants, la famille, le commerce extérieur et l’outre-mer. Il est à noter qu'une partie des députés Renaissance et MoDem s'offusquent de certains noms qui circulent pour occuper des postes ministériels, comme Laurence Garnier ou Patrick Hetzel, du fait de leur participation passée à la Manif pour tous et leur rejet de la constitutionnalisation de l'IVG. Ce qui pourrait conduire à des blocages de dernière minute. 

Pour ce qui concerne les futurs ministres macronistes, les choses sont moins sûres – en dehors de Sébastien Lecornu et Jean-Noël Barrot – et les noms qui circulent relèvent pour l’instant de rumeurs. On ignore notamment qui tiendra les postes particulièrement clés de l’Économie, de l’Éducation nationale, de la Santé et la Transition écologique. Pas plus qu’on a la moindre idée de qui sera chargé du dossier des collectivités territoriales. 

Réponse, a promis Michel Barnier, « avant dimanche ». Il restera ensuite à savoir, pour reprendre la boutade du président de l’AMF, David Lisnard, lors de la conférence de presse de l’association mardi dernier, si la durée de vie de ce gouvernement sera supérieure à sa période de gestation. 




Polices municipales
Des députés relancent le débat sur un statut d'officier de police judiciaire pour les policiers municipaux
Une vingtaine de députés LR a co-signé et déposé une proposition de loi « élargissant les compétences judiciaires des polices municipales ». Une évolution à laquelle les associations d'élus sont globalement défavorables.

Les policiers municipaux doivent-ils devenir agents ou officiers de police judiciaire ? Le débat n’a pas cessé sur cette question au moins depuis le rapport Fauvergue-Thourot sur le « continuum de sécurité » en 2018 et la loi Sécurité globale de 2021. Elle a encore été au cœur des discussions du Beauvau des polices municipales au printemps dernier, interrompu par la dissolution. Tout récemment encore, dans un entretien à La Gazette des communes, l’ancienne ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, disait sa frustration de ne pas avoir pu avancer sur ce sujet et son espoir que le gouvernement de Michel Barnier mette le dossier à l’agenda. 

« Des policiers à part entière »

Rappelons que le gouvernement avait déjà tenté, dans le cadre de la loi Sécurité globale, de mettre en place une expérimentation de cinq ans « permettant aux policiers municipaux d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle ». Cette disposition avait été clairement censurée par le Conseil constitutionnel, au motif que la loi ne prévoyait pas de placer les agents municipaux sous le contrôle de l’autorité judiciaire, la disposition était contraire à la Constitution, avaient rappelé les Sages, puisque « la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ». Or les policiers municipaux, en l’état actuel des choses, ne sont placés que sous l’autorité du maire. 

C’est précisément à ce point que souhaite s’attaquer la proposition de loi élaborée par le député des Alpes-Maritimes Éric Pauget (ancien adjoint au maire d’Antibes), en compagnie d’autres députés LR anciens maires comme Philippe Juvin, Michèle Tabarot ou Annie Genevard. 

Dans l’exposé des motifs de ce texte, les députés rappellent que la police municipale est devenue « la troisième force de sécurité du pays » et qu’elle s’est peu à peu « professionnalisée » et « institutionnalisée ». Forte de 24 000 agents dans 4 000 collectivités, la police municipale est composée d’agents « spécifiquement formés, assermentés, habilités et parfois même armés, [qui] ne sont plus ces agents municipaux seulement chargés de faire respecter les arrêtés de police administrative du maire ou d’en sanctionner les infractions ». « Aujourd’hui, ils sont devenus des policiers à part entière », affirment les signataires du texte. 

Ceux-ci souhaitent donc aller plus avec la relance d’une expérimentation de la « judiciarisation des pouvoirs des policiers municipaux », réaffirmant néanmoins que la police municipale « n’a pas vocation à remplacer les forces de sécurité intérieures de l’État » et que l’expérimentation, tout comme le choix de créer ou non une police municipale, doit rester à la main des maires. 

« Contourner » la censure

Mais comment « contourner » la censure du Conseil constitutionnel de 2021 (ou plutôt la double censure, puisque les Sages avaient déjà censuré une disposition similaire dix ans plus tôt) ? La réponse des auteurs du texte est claire : les policiers municipaux doivent être, au moins en partie, placés sous l’autorité judiciaire. Pour cela, le texte propose qu’à titre expérimental, les directeurs ou chefs de service de la police municipale deviennent officiers de police judiciaire. Ils seraient alors sous une double tutelle : pour les tâches de police administrative, ils répondraient aux maires ; pour les tâches de police judiciaire, au procureur. « En plaçant directement et effectivement les policiers municipaux sous l’autorité des procureurs durant l’exercice des pouvoirs judiciaires expérimentaux fixés par la loi, ce dispositif permettra (…) de répondre à l’exigence de présenter des garanties équivalentes dans la conduite de la police judiciaire, indispensables pour que la judiciarisation des polices municipales puisse passer les fourches caudines du Conseil constitutionnel », écrivent les députés. 

Ce que contient la proposition de loi

Le texte est composé d’un article unique. Il dispose que l’expérimentation serait d’une durée de cinq ans. La demande d’expérimentation serait présentée par le maire ou le président d’EPCI compétent, après délibération du conseil municipal ou communautaire. Le dispositif ne serait ouvert qu’aux communes ou EPCI employant un directeur ou un chef de service de police municipale et dont le territoire « est couvert par une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État ». 

Les directeurs ou chefs de service devraient répondre à certaines conditions (notamment d’ancienneté, d’expérience et de formation), fixées par décret, pour pouvoir être habilités en tant qu’officiers de police judiciaire (OPJ). L’expérimentation pourrait être stoppée « à tout moment », après délibération. 

Une fois un chef de service ou un directeur habilité à devenir OPJ, les agents de la police municipale placés sous son autorité seraient, de facto, « sous l’autorité et le contrôle d’une autorité judiciaire », pour reprendre les termes des Sages. La proposition de loi liste toute une série de prérogatives nouvelles qui en découlerait pour les policiers municipaux. Ils pourraient ainsi constater des délits et infractions tels que la vente à la sauvette, la conduite sans permis, l’entrave à la circulation, l’usage illicite de drogue, le port d’armes, etc. Cette évolution permettrait également aux nouveaux OPJ de faire procéder « à la saisie des objets ayant servi à la commission des infractions » et aux agents de police municipale de relever l’identité des auteurs de ces délits. 

Les associations d’élus opposées à la réforme

Il reste à savoir si ce texte sera inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale et quand. Et si le nouveau gouvernement qui va voir le jour de façon imminente souhaitera, comme son prédécesseur, aller dans ce sens. 

Nul doute que la proposition, si elle est discutée, va provoquer d’âpres débats. L’AMF, lors du Beauvau des polices municipales, a encore répété son opposition à l’acquisition des compétences de police judiciaire par les policiers municipaux. Murielle Fabre, secrétaire générale de l’association, avait alors notamment pointé que « cela poserait des difficultés au regard de la libre administration des collectivités territoriales [puisque les policiers municipaux seraient alors] de facto sous l’autorité du procureur de la République ».

La même position a été clairement exprimée dans une tribune co-signée en juin dernier par huit maires, dont le président de l’APVF, Christophe Bouillon, et le maire de Sceaux et vice-président de l’AMF Philippe Laurent. Les auteurs disaient refuser que soit « brouillée la distinction entre l’action de l’État et celle des collectivités » et redouter « une reprise en main par l’État des polices municipales ». « La judiciarisation accrue du pouvoir des policiers municipaux reviendrait à les mettre sous l’autorité du parquet, et non plus sous celle des maires. (…) La police municipale doit rester sous l’autorité du maire. Elle dispose d’une légitimité propre, fondée sur la proximité de son action au service de la sécurité, de la sûreté et de la tranquillité publique. »

Consulter la proposition de loi.




Aide sociale
Après les Jeux olympiques et paralympiques, quel avenir pour les personnes sans abri ?
La délégation aux droits des femmes du Sénat a organisé hier une table ronde afin de dresser un premier bilan post-Jeux olympiques et paralympiques des situations des personnes à la rue. L'occasion aussi de faire le point sur le dispositif inédit des sas régionaux.

Dans le cadre de l’élaboration d’un rapport d’information sur la situation des femmes dans la rue, une table ronde a été organisée hier par la délégation aux droits des femmes du Sénat. Le but : dresser un premier bilan de la situation des personnes sans abri après les mesures mises en place pour l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques aussi bien aux abords de Paris que dans les régions de France. 

Si le succès de ces Jeux fait l’unanimité, il ne doit pas cacher les conséquences que ces derniers ont pu entrainer sur les personnes fragiles. En l’état, les acteurs de terrain font le constat d’une « précarisation et marginalisation des populations dans la rue » selon Francesca Morassut, coordinatrice d'Utopia 56 Paris et membre du collectif Le Revers de la médaille avec une inquiétude qui s’accentue sur le manque de logements disponibles pour ces personnes.

Un contexte de plus en plus tendu, notamment pour les femmes 

« Expulsions de lieux de vie informels », « dynamique négative de nettoyage social », « contexte tendu avec des contrôles accrus auprès des lieux de solidarité » : l’organisation des Jeux a chamboulé la vie de nombreux sans-abri. Si 216 places pour les grands marginaux ont été créées à proximité des sites des Jeux, « il n’y a pas eu de création de places autrement » et les orientations se sont davantage faites vers des gymnases pour des solutions temporaires. 

C’est notamment ce que rapporte Emmanuel Bougras, responsable du service analyse des politiques publiques de la Fédération des acteurs de la solidarité. Concernant les expulsions avec concours de la force publique, 21 500 ont été recensées cette année soit une augmentation de 23 % par rapport à l’année dernière, pointe-t-il. «  On craint que les effets de la loi anti-squat augmentent ces chiffres ». 

Parallèlement à cela, les solutions de logement d’urgence se font de plus en plus rares ces dernières années. Rappelons que le nombre de ménages en attente d'un logement social a atteint 2,7 millions au premier semestre 2024. Cette crise du logement entraîne de graves dérives. 

Dans certains territoires, pour tenter de répondre à cette demande toujours en hausse et débloquer l’accès au logement, des critères de priorisation ont été mis en place. « Ils sont hors la loi puisque l’hébergement d’urgence en France est un accueil inconditionnel », rappelle Emmanuel Bougras.

Par exemple, la Fédération des acteurs de la solidarité dénonce par exemple le fait que les préfets de département de la région Ile-de-France aient demandé aux SIAO de mettre en œuvre des critères de priorisation pour décider de l'accès à l'hébergement d'urgence. La même pratique a été observée en Haute-Garonne. 

Une autre dérive est observée par les travailleurs sociaux sur le terrain. De plus en plus de femmes à la rue seule ou avec un enfant se retrouvent complètement démunies et sont hébergées par des tiers. Selon Bénédicte Maraval, assistante sociale référente au Comité pour la santé des exilés, cela ne se passe jamais bien. Elle raconte l’histoire d’une femme forcée par un homme à avoir des rapports sexuels sous peine de la jeter dehors en pleine nuit, avec son fils ayant des problèmes de santé. Elle explique « C’était pas possible, c’était trop dur pour mon fils, j’ai cédé. Il n’y a pas de place au 115. Je veux que mon fils aille à l’école ». L’assistante sociale souligne également que les femmes arrivent en France après des trajets migratoires de plus en plus violents, marquées notamment par de nombreuses violences sexuelles. 

Bilan des sas régionaux 

Selon le gouvernement, c’est un simple hasard de calendrier et les Jeux olympiques n’ont pas pesé dans l’élaboration de cette nouvelle politique publique. Beaucoup en doutent cependant : en 2023, le gouvernement a en effet ouvert dix « sas d'accueil temporaire » en région pour accueillir les migrants franciliens. 

« L’idée, c’est d’avoir une situation d’analyse pendant trois semaines puis d’envoyer les personnes vers une situation plus durable et des orientations adaptées », résume Emmanuel Bougras. Au total, 5 400 personnes ont été orientées vers ces sas, dont 36 % ont été orientés vers des dispositifs nationaux d’accueil pour les demandeurs d’asile, 46 % vers des centres d’hébergement généraliste, 12 % sont partis et 6 % ont pu accéder à un dispositif pérenne ou un logement en trois semaines. 

« On avait demandé à ce que ces sas territoriaux puissent s’inscrire dans une politique locale et donc que les élus locaux soient prévenus, indique Emmanuel Bougras. Malheureusement les collectivités territoriales et les élus n’ont pas été associés, ce qui a pu tendre localement l’ouverture de ces sas. » Ce manque de coopération avec les élus a donné lieu à des situations ubuesques. En Bretagne par exemple, un sas devait être installé dans la commune de Bruz sans concertation avec le maire sur un terrain que ce dernier indiquait être particulièrement pollué par des hydrocarbures et des métaux lourds. Il n’a finalement pas pu être installé à cause de ce manque de concertation. 

D’autres dérives ont pu être observées, comme la concurrence entre les publics localement, due notamment à l’absence de logements supplémentaires. « La priorisation a été faite pour les personnes des sas et d’autres ont été remises à la rue ». Ce point extrêmement négatif souligne le « manque de soutien politique », selon les acteurs, qui dénoncent un « dispositif pour lequel l’État ne s’est pas donné les moyens d’une pleine réussite ». 

Les acteurs attendent désormais la position du nouveau gouvernement sur ces dispositifs de sas régionaux qui devraient normalement être pérennisés. Selon eux, le dispositif pourrait être intéressant « pour organiser la solidarité territoriale » mais il ne serait efficace qu’à condition de créer de nouvelles places d’hébergement dans les régions. Le rapport d’information du Sénat devrait présenter ses recommandations en la matière en octobre prochain. 
 




Transition écologique
Au congrès de l'APVF, les maires redoutent la fonte du Fonds vert
« Les communes l'ont beaucoup utilisé, elles avaient plein de projets pour la transition écologique, mais aujourd'hui le Fonds vert fond comme la banquise », a déploré jeudi Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France (APVF), réunie en congrès.

Lancée en 2022, cette enveloppe exclusivement dédiée aux projets d’accélération de la transition écologique des collectivités, avait vu ses crédits majorés à 2,5 milliards d’euros en 2024, contre 1,5 milliard initialement. 

Rénovation énergétique des écoles, prévention des risques d’inondation et d’incendies de forêts, éclairage urbain plus économe en électricité... Dès son lancement, l’outil avait suscité l’enthousiasme des élus locaux. Mais des documents préparatoires au budget 2025, consultés jeudi par l’AFP, envisagent une forte cure d’amaigrissement, avec une baisse de 1,5 milliard d’euros des crédits.

« Jusqu’à présent, le message adressé aux communes a été de dire ‘’Agissez pour la transition écologique’’, et beaucoup de projets ont été soutenus par le Fonds vert », soupire Christophe Bouillon, maire de  Barentin (Seine-Maritime), qui tente de se rassurer en se disant qu’il n’y a « rien n’est concret tant que la coupe n’est pas passée à la moulinette du Parlement ». « On est sur du temps long, (…),  il n’y a rien de pire pour les collectivités qui ne peuvent pas s’amuser à lancer des projets de rénovation comme on éteint ou on allume la lumière », ajoute-t-il en dénonçant un « coup de frein violent sur la transition écologique ».

Comme beaucoup d’élus de petites villes (2 500 à 25 000 habitants), le premier édile de L’Étang-la-Ville (Yvelines) Daniel Cornalba est engagé dans plusieurs gros projets de rénovation. Il a aujourd’hui le sentiment d’avoir « une épée de Damoclès » au-dessus de la tête. « Typiquement, dans la rénovation de mon site scolaire à 7 millions d’euros, il y a de la géothermie, de la perméabilisation des sols, des plantations d’arbres. C’est éligible au Fonds vert mais je ne sais pas si je vais l’être », illustre-t-il en faisant remarquer que « 7 millions d’euros, ce n’est pas du tout indolore pour une commune de 5 000 habitants ».

« Équation impossible »

Poussées à investir, donc à s’endetter pour affronter les multiples aléas dus à la crise climatique, les collectivités se voient aujourd’hui reprocher par Bercy de jeter de l’argent par les fenêtres. « La loi nous dit que les bâtiments publics doivent être rénovés et isolés à des échéances qui ne sont pas trop lointaines mais l’État nous coupe notre principal robinet d’investissement. L’équation est impossible », s’exaspère Francisque Vigouroux, maire d’Igny, dans l’Essonne, et secrétaire général de l’APVF.

L’annonce est d’autant plus incomprise qu’une étude de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) estimait vendredi à 19 milliards d’euros par an les besoins d’investissement pour le climat des collectivités, contre 8,3 milliards en 2022 (lire Maire info du 13 septembre). 

À Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, le maire LR Igor Semo vient justement de décrocher une « grosse subvention » de 900 000 euros pour rénover un centre sportif, un chantier de 3,8 millions d’euros. « On est passé au bon moment car je ne suis pas certain que mes collègues maires auront le même niveau de subventions demain », observe-t-il. « Une de nos inquiétudes, c’est que les départements, qui nous aident aussi, sont très affaiblis financièrement. Mais comment vont faire les communes si l’État ne veut plus les aider à financer la transition écologique ? », interroge-t-il.

« Il va y avoir un effet négatif à tous les niveaux », abonde Luc Carvounas (PS), maire d’Alfortville (Val-de-Marne). « On nous dit ‘’c’est l’horreur, il n’y a pas d’argent, vous avez trop dépensé’’, mais c’est le résultat de mauvais choix politiques. Rien que la suppression de l’impôt sur la fortune, c’est 5 milliards de volatilisés chaque année », vitupère-t-il.

Avec des bâtiments publics construits dans les années 1960 ou 1970 qui s’avèrent aujourd’hui être de « véritables passoires thermiques », les élus comptent aussi sur les travaux pour faire à terme des économies, rappelle par ailleurs Christophe Rouillon, maire PS de Coulaines (Sarthe).






Journal Officiel du vendredi 20 septembre 2024

Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Arrêté du 16 septembre 2024 fixant les ratios et montants de compensation attribués à chaque autorité organisatrice de la mobilité pour l'année 2023
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Arrêté du 12 septembre 2024 portant attribution de l'aide financière exceptionnelle prévue par l'article 5 du décret n° 2024-717 du 5 juillet 2024

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