Édition du mardi 17 septembre 2024

Élections
Le Cevipof met en lumière la forte poussée du vote pour l'extrême droite chez les fonctionnaires
Une étude du Cevipof analyse les résultats des élections européennes et législatives et tire une conclusion claire : traditionnellement ancrés à gauche, les électeurs des trois fonctions publiques sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le Rassemblement national. 

L’étude du chercheur au CNRS Luc Rouban, pour le Cevipof, porte ses conclusions dans son titre : Le vote des fonctionnaires aux élections de 2024 ou la fin de la gauche d’État. Le chercheur s’est appuyé sur les résultats de la vaste enquête électorale menée conjointement par le Cevipof, la Fondation Jean-Jaurès, l’Institut Montaigne, le journal Le Monde et Ipsos auprès de quelque 11 200 électeurs. Cet échantillon a été divisé par catégorie d’emploi : salariés du privé et fonctionnaires, avec une distinction entre les trois versants de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière). Au sein de certains versants, notamment pour la fonction publique de l’État, l’enquête distingue, par exemple, enseignants et policiers, qui ne votent pas du tout de la même façon. 

Triplement des scores du RN chez les fonctionnaires en sept ans

Cette approche permet de comparer l’évolution des votes selon que les électeurs appartiennent au privé ou au public, et confirme que la vague de vote pour le Rassemblement national ne s’est nullement arrêtée aux portes de la fonction publique, y compris dans les corps les plus ancrés à gauche, comme les enseignants. 

Les chiffres sont éloquents : en sept ans, c’est-à-dire depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, le score des candidats d’extrême droite aux législatives est passé, dans la fonction publique territoriale, de 10 à 32 % (de 12 à 30 % dans la fonction publique de l’État, et de 17 à 35 % dans l’hospitalière). Ces chiffres sont très semblables à ce que l’on constate dans le privé (passage de 15 à 38 % sur la même période). Comme l’écrit Luc Rouban, « sur le long terme, et malgré des soubresauts conjoncturels, le vote de gauche a sensiblement diminué au profit du centre et de la droite et, au sein des droites, le vote en faveur du Front national puis du Rassemblement national n’a cessé de s’affirmer ». Alors que l’ancrage à gauche était « la caractéristique socioprofessionnelle des fonctionnaires la plus ancienne et la plus partagée (…), historiquement avérée par de nombreux travaux » – le corps des employés de la fonction publique est longtemps resté le plus important réservoir de voix du Parti socialiste, notamment – le curseur s’est à présent fortement déplacé. Le vote à gauche n’a, évidemment, pas disparu de la fonction publique, loin s’est faut, mais il a fortement diminué.

Élections européennes

La première partie de l’étude analyse les résultats des élections européennes du 9 juin 2024. Ce scrutin a confirmé une tendance déjà constatée en 2022 : « Le vote des fonctionnaires se différencie de moins en moins de celui des salariés du secteur privé. » Les employés de la fonction publique ont voté à 39 % pour l’extrême droite aux européennes (RN et Reconquête), ceux du privé à 40 %. Dans les deux cas, on constate une différence importante entre le vote des cadres et celui des employés. Dans la fonction publique, 29 % des cadres ont voté pour l’extrême droite, soit 10 points de moins que les employés. 

À gauche, les européennes ont été marquées par une division qui ne s’est pas retrouvée aux législatives : les partis qui composeront plus tard le Nouveau front populaire s’étaient présentés séparés (LFI, PCF, Les Écologistes et Parti socialiste-Place publique). L’auteur de l’étude note que le phénomène constaté à droite (radicalisation avec un déplacement vers l’extrême) ne se produit pas à gauche, au contraire : les partis les plus radicaux (extrême gauche et LFI) ont perdu du poids au profit du PS, qui se présentait sur une ligne « sociale-libérale ». L’auteur note que la gauche radicale, qui avait recueilli 30 % des voix en 2022, est tombée à 12 % aux européennes. 

Par ailleurs, les votes populaires, dans le public comme dans le privé, se sont de plus en plus nettement détournés du macronisme, pour aller ou vers le RN ou vers le PS, aux européennes, ce qui est très probablement une conséquence, en particulier, de la réforme des retraites. 

Élections législatives

La dissolution surprise et le choix opéré par la gauche de s’unir pour le premier tour des législatives de juin et juillet a stoppé cette « dynamique » en faveur de la gauche modérée, note Luc Rouban : le NFP a obtenu 32 % des suffrages au premier tour, soit nettement moins que les 38 % obtenus par l’ensemble des partis de gauche, séparés, aux européennes – et ce malgré une participation beaucoup plus importante. La dynamique de l’union de la gauche n’a donc pas réellement fonctionné. Il est possible qu’un certain nombre d’électeurs de la gauche modérée ont choisi de ne pas voter pour une coalition conduite par LFI, et se sont reportés sur les candidats macronistes. 

Là encore, les scores sont assez similaires entre employés du public (26 % ont voté NFP, et 31 % dans la seule fonction publique territoriale) et du privé (24 %). Le corps enseignant reste la catégorie la plus ancrée à gauche, avec 40 % de votes pour le NFP. À l’inverse, les policiers et les militaires n’ont voté qu’à 7 % pour la coalition de gauche… et à 60 % pour l’extrême droite (RN, Reconquête et listes « ciottistes »). 

Chez les employés de la fonction publique, au premier tour des législatives, le vote pour l’extrême droite a un peu diminué par rapport aux européennes (35 contre 39 %), mais reste à des niveaux historiquement hauts. 

Le second tour marque, selon l’auteur de l’étude, « le triomphe de la droite » : derrière une victoire de la gauche (en nombre de sièges) en trompe-l’œil, c’est bien le Rassemblement national qui a réalisé le plus grand nombre de voix, ne devant son échec à remporter une majorité absolue qu’à des accords de désistement entre la gauche et les macronistes. 

Lors de ce second tour, le RN a réalisé des scores historiquement hauts dans la fonction publique, symbolisée par le fait que « même » les enseignants lui ont donné 20 % des voix, ce qui eût semblé parfaitement inimaginable il y a seulement quelques années (pour mémoire, moins de 5 % des enseignants avaient voté RN en 2017). 

Les employés des trois fonctions publiques ont voté à 41 % pour des candidats d’extrême droite au second tour (39 % pour la seule FPT), contre 22 % pour le NFP (25 % dans la FPT). Ces chiffres illustrent de façon saisissante le basculement politique qui s’est produit ces dernières années. 

Chez les policiers et militaires, le vote RN a atteint les 67 % au second tour. 

Luc Rouban écrit, en conclusion de son étude : « L’ampleur des transformations politiques qui se sont réalisées en un peu plus d’une décennie vient (…) confirmer le déclin du statut social de fonctionnaire (…). L’importance du vote RN comme de l’ensemble des votes de droite parmi les fonctionnaires signifie que la gauche d’État qui servait de ressource et de point d’appui aux partis politiques de gauche des années 1980 a largement disparu, y compris au sein du monde enseignant. (…) La réorientation du vote des fonctionnaires vers les droites, et notamment vers le RN, constitue l’expression sur le terrain politique d’un affaiblissement de leur statut social mais aussi de l’appareil d’État tout entier. » 




Grand âge
Ehpad : les maires bretons passent à la seconde étape et attaquent l'État en justice
Après avoir tenté une médiation, 16 communes bretonnes viennent de déposer des requêtes contre l'État, pour manquement au financement de leurs Ehpad. Les départements bretons se rallient à leur action. Une quarantaine d'autres dossiers pourraient suivre.

Les élus bretons réunis au sein du collectif (en cours de devenir association) des « Maires et territoires en résistance pour le grand âge » avaient promis qu’ils ne « lâcheraient rien ». Ils ont donc travaillé « tout l’été » avec leurs cabinets conseils sur la problématique des Ehpad.

Poursuivant la démarche engagée au printemps (lire Maire info du 3 mai et du 21 mai), ces maires se mobilisent pour exiger de l’État qu’il donne les moyens de traiter dignement les personnes hospitalisées en Ehpad. Si la mobilisation continue, c’est que le constat sur la situation des Ehpad n’a pas évolué, en tout cas pas dans le bon sens. « Cela craque de partout », résume Jean-Louis Even, maire de La Rauche-Jaudy (Côtes-d’Armor). 

Les conseils départementaux solidaires

L’été a été profitable au moins sur un point : le ralliement des quatre conseils départementaux bretons, qui désormais les soutiennent dans la démarche judiciaire. « Nous avons pu échanger avec eux, ils nous ont fait part de leurs difficultés, ils ont les mêmes que nous », explique Jean-Louis Even.

« Nous sommes arrivés au bout d’un système. Malgré tous nos efforts, les actions mises en place pour soutenir les Ehpad ne suffisent plus », acquiesce la vice-présidente des Côtes-d’Armor, chargée de l’Autonomie, Véronique Cadudal. Les conseils départementaux se sont engagés à se porter observateurs dans cette procédure, et produire un « relevé de conclusion » en justice, en soutien. Ils ne sont pas assignés en justice.

L’État poursuivi au tribunal

Ce qui n’est pas le cas de l’État et de l’Agence régionale de santé de Bretagne. La tentative de médiation n’a rien donné. « C’est simple, zéro retour », résume le maire de Plouah, Xavier Compain. Après le dépôt de leurs demandes d'indemnités préalables (DIP), mi-juillet, les élus ont attendu les deux mois légaux un accord ou au moins une réponse. 

À défaut, les 16 maires viennent donc de déposer, vendredi 13 septembre, les premières requêtes introductives d’instance auprès du tribunal administratif de Rennes. Celles-ci s’appuient sur les lois, codes et règlements (notamment le Code de l’action sociale et des familles) pour tenter de démontrer trois préjudices : financier (qui peut aller jusqu’à plusieurs millions d’euros par établissement), de gestion (car « cela devient impossible de travailler sereinement quand on ne connait qu'à la fin d’année les crédits non reconductibles donnés par l’ARS ») et enfin d’image. Les maires doivent en effet endurer « les reproches » de la population sur l’état des Ehpad.

Prochaine étape : « Le juge va contacter l’ARS et l’État qui sont cités en partie adverse », explique Jean-Louis Even. 

« Les territoires en résistance » se développent

La mobilisation, elle, continue. « Ne lâchons rien ! », lance le maire de Bruz (Ille-et-Vilaine), Philippe Salmon. Une vingtaine de demandes d’indemnités préalables sont prêtes à être à leur tour déposées. 

Le collectif continue à recruter, et lance même un appel à tous les maires intéressés, « au-delà des communes ayant des Ehpad en gestion via leurs CCAS et au-delà de la Bretagne ». Déjà, des communes de l’Hérault, de Gironde, comme des fédérations et réseaux telles que la FEHAP, la Fnadepa, l’Unccas ou l’Uniopss les ont rejoints. 

Proches du terrain et de leurs administrés les plus âgés, ces maires ne sont pas loin de l’écœurement face aux situations vécues par les personnes âgées dépendantes. « Nous ne voulons pas être les fossoyeurs (1), avec des établissements où, parce qu’il manque du personnel, des personnes ne sont pas changées, ni levées, les volets non ouverts », s’emporte Jean-Louis Even.  

Ils le répètent, maires comme présidents ou vice-présidents de conseil départemental, « nous refusons de laisser le marché lucratif mettre la main sur nos établissements », ce qui conduirait à ce que les Ehpad ne soient plus destinés « qu’aux plus fortunés ». « L’État doit l’égalité territoriale sur la dépendance », reprend le maire de Plouah. Les élus réclament une loi Grand âge, pour porter « une vision à 30 ans ». Ils appellent le prochain gouvernement à en faire sa priorité. Un appel doublé d’une lettre co-signée de plus d’une trentaine de parlementaires bretons pour être reçus par le Premier ministre. 

Mobilisations le 24 septembre pour une loi Grand âge

Un même cri d’alerte a été lancé par les assises nationales des Ehpad, réunies en fin de semaine dernière, et par l’association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). « Mettre immédiatement à l’agenda parlementaire la loi Grand âge autonomie pourrait stopper la spirale désastreuse des déficits des établissements et services, des conditions de travail toujours plus accidentogènes et d’un niveau d’accompagnement très en deçà des aspirations des personnes âgées, de leurs proches comme de l’ensemble de nos concitoyens », plaide cette dernière. Un crédo qui sera repris lors de la journée de mobilisation nationale du 24 septembre prochain « Les vieux méritent mieux ! » au côté de 15 autres organisations du secteur dont la Fnadepa, à l’origine de cette manifestation lancée il y a trois ans.

Lire aussi le dossier de Maires de France n° 424, juin 2024, Personnes âgées. Les élus confrontés au casse-tête de l’hébergement. 

(1)    Référence au titre du livre du journaliste Victor Castanet, paru en 2022, qui dénonçait les mauvais traitements subis par des personnes hébergées dans les Ehpad du groupe Orpéa notamment. 




Santé publique
Les médecins urgentistes face à la « dégradation inexorable » de leurs services
Les services d'urgences connaissent une « dégradation inexorable » de leur fonctionnement, selon le principal syndicat de médecins urgentistes qui propose notamment de revoir l'organisation territoriale de ces services.

« Pour la troisième année consécutive, de nombreux services » ont subi cet été « des difficultés majeures de fonctionnement, en lien avec le manque d'effectif soignant », a indiqué Samu Urgences de France dans sa troisième enquête annuelle sur le fonctionnement estival des urgences. « Le fonctionnement en mode dégradé est devenu habituel », avec « moins de médecins présents pour accueillir un nombre de patients toujours plus important, moins de médecins dans les Smur (ambulances avec médecin pour les urgences vitales), moins de lits pour hospitaliser les patients à partir des services d'urgence », déplore le syndicat.

Le diagnostic est en contradiction avec celui fait pendant l'été par le ministre de la Santé démissionnaire Frédéric Valletoux, selon qui les choses allaient cet été « un peu mieux que l'an dernier », avec des tensions qui n'étaient « pas aussi fortes ». Il est plus proche en revanche de celui fait par la Fédération hospitalière de France (FHF) qui regroupe les hôpitaux publics. Pour celui-ci, le fonctionnement estival des urgences s'était dégradé pour 39 % des établissements, 15 % décelant au contraire une amélioration.  

Selon les chiffres de Samu Urgences de France, 61 % des services d'urgences répondants ont dû fermer au moins une ligne médicale (équipe de soins) pendant l'été, contre 57 % l'an dernier. Côté Smur (structures mobiles d'urgence et de réanimation), Samu Urgences de France a comptabilisé 174 fermetures de lignes, contre 166 l'an dernier. 

Dans une dizaine de cas, « le secteur couvert a été laissé sans aucune réponse Smur pour répondre à l'urgence vitale », a précisé Samu Urgences de France. Pour le syndicat, le système hospitalier doit prendre conscience du problème en affichant chaque jour un « indicateur lit brancard » de chaque service d'urgences, c'est-à-dire le nombre de patients attendant un lit d'hospitalisation, au prix d'un risque accru pour leur santé.

Antennes de médecine d'urgence

Et face à la rareté des médecins urgentistes, il est nécessaire également de « réviser le maillage territorial » des urgences, estime le syndicat, pour qui « il n'est plus viable de maintenir tous les services d'urgences » actuels. Certains services existant aujourd'hui pourraient évoluer en « antenne de médecine d'urgence » (12 heures par jour d'ouverture seulement), et d'autres pourraient être « regroupés », « pour consolider les équipes sur des sites facilement accessibles à la population », indique-t-il. 

En revanche, il faut maintenir un maillage d'équipe Smur suffisant pour que sur tout le territoire, les urgences vitales puissent être traitées à temps, estime-t-il. Ce été, la presse régionale a régulièrement rapporté des cas d'engorgements de service d'urgence, d'attente excessive, et de fermeture de services. La situation est particulièrement tendue par exemple en Mayenne, ou les urgences du centre hospitalier de Laval – le chef-lieu de ce département rural de 305 000 habitant – n'arrivent pas à recruter suffisamment d'urgentistes pour parvenir à fonctionner normalement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

La direction de l'hôpital a proposé que la régulation médicale du Samu de la Mayenne pendant la nuit soit parfois assurée par département voisin du Maine-et-Loire, pour libérer du temps des urgentistes locaux. La mesure a suscité une levée de bouclier sur place. Samu Urgences de France est chargé d'une médiation pour tenter de trouver une solution, a-t-il indiqué.

Le problème de l'engorgement estival n'est toutefois pas lié qu'au manque de médecins urgentistes, souligne le syndicat. Selon son étude, les services d'urgences ont aussi de plus en plus de mal à trouver des lits en aval pour hospitaliser leurs patients. Selon ses chiffres, 23 % des établissement étudiés ont fermé plus de lits de réanimation que d'habitude cet été, et 65 % des établissements ont fermé plus de lits en médecine ou chirurgie que les étés précédents.




Handicap
École inclusive : une « réussite » qui ne permet pas de « couvrir l'ensemble des besoins de manière équitable »
Si le nombre d'élèves en situation de handicap dans le système scolaire ordinaire a triplé depuis 2006, la Cour des comptes constate de « nombreuses fragilités ». Elle pointe le manque de formations des enseignants et des AESH, ainsi que les « parcours discontinus » des élèves.

Si le système scolaire a largement intégré les élèves en situation de handicap depuis une vingtaine d’années, de « nombreuses fragilités » subsistent, relève la Cour des comptes dans un rapport publié hier. 

Celui-ci analyse ainsi la politique mise en œuvre par l’Éducation nationale depuis 2005 et la loi qui impose comme un droit la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire.

Des effectifs qui ont triplé depuis 2006

Sur le plan « quantitatif », la Cour estime que ce tournant a été une « réussite indéniable » et que « le système scolaire a su se transformer ». En près de 20 ans, les effectifs d’élèves en situation de handicap en milieu scolaire ont ainsi triplé, passant de « 155 361 élèves à la rentrée 2006 à 436 085 en 2022 ». 

En constante augmentation dans les différents types d’établissements, les élèves en situation de handicap sont les plus nombreux, en proportion, dans les lycées professionnels puisqu’ils représentaient près de 5 % des effectifs en 2021 (dernière année présentée par la Cour). Dans les collèges, ils constituaient 4,4 % des effectifs, 3,2 % en école primaire et moins de 1 % en lycées généraux et technologiques.

Néanmoins, sur le plan qualitatif, expliquent les magistrats financiers, les transformations engagées par le système scolaire s’avèrent « hétérogènes selon les territoires et, dans bien des cas, incomplètes ou inabouties ». Résultat, de « nombreuses fragilités subsistent » et « le parcours des élèves et de leurs familles reste complexe ».

L'accessibilité en question

L’ensemble des besoins des élèves n'est ainsi globalement pas couvert de manière « efficace et équitable », selon la Cour.

D’abord, l’une des principales « faiblesses » mise en avant par la Cour provient de « la coexistence » du secteur éducatif et du secteur médico-social « dont la coordination et les interactions ne sont pas satisfaisantes ». Il y a donc « des difficultés [qui] subsistent pour assurer le parcours scolaire des élèves en situation de handicap tout en tenant compte de leurs besoins médico-sociaux des élèves ». 

Le manque de places dans des instituts médico-sociaux « conduit, en raison de l’obligation de scolarisation, les établissements scolaires à accueillir des élèves présentant des troubles face auxquels les intervenants éducatifs se sentent démunis », observe la Cour.

Sur le plan de l’accessibilité aux bâtiments scolaires et aux équipements sportifs et culturels – de la responsabilité des collectivités – , la haute juridiction estime qu'il y a « souvent un manque de planification concertée, nécessaire pour répondre aux besoins ».

« L’évaluation de la Cour fait apparaître l’absence fréquente de programmation qui permettrait, sur la base d’un diagnostic partagé entre l’Éducation nationale et les collectivités territoriales, de planifier les besoins restant à couvrir en termes d’accessibilité bâtimentaire, mais aussi d’aménagement des espaces scolaires en mobiliers adaptés aux élèves en situation de handicap », écrivent ainsi les magistrats.

Comme le souligne très simplement la version « Falc » (facile à lire et à comprendre) du rapport : « Les écoles ont besoin de faire des travaux pour accueillir les élèves handicapés », mais « il manque de l’argent pour faire [ces] travaux ».

Enseignants et AESH « pas suffisamment outillés » 

De leur côté, les enseignants se sentent « souvent démunis pour diversifier leur action pédagogique » en raison de « l’absence de supports pédagogiques adaptés », mais aussi « des effectifs d’élèves par classe qu’ils jugent trop nombreux » ainsi que « les délais généralement trop longs pour disposer des équipements nécessaires ».

Par ailleurs, les magistrats soulignent un « recours massif » aux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), « au détriment des dispositifs d’accessibilité qui restent insuffisamment aboutis ».

Les AESH sont ainsi devenus « le deuxième métier de l’Éducation nationale » après les enseignants, avec 78 816 agents en équivalents temps plein.

Outre un certain « mal-être dans leur pratique quotidienne », les enseignants et les AESH estiment « ne pas être suffisamment outillés et préparés, que ce soit en termes de formation initiale ou continue, pour faire face à des situations qui, selon eux, dépassent parfois leurs compétences et leurs moyens d’action ». Ceux-ci souhaitent ainsi bénéficier « de conseils et d’appuis de spécialistes », mais aussi de meilleures formations.

Des « parcours discontinus »

L’institution de la rue Cambon se dit, en outre, plutôt « réservée » sur la question de « la réussite scolaire et l’insertion sociale et professionnelle des élèves en situation de handicap », et celle de savoir si « le système d’inclusion scolaire français peut être considéré comme efficient et performant ».

Les magistrats rappellent notamment que les familles rencontrées au cours de l’évaluation ont « quasi unanimement » qualifié la scolarisation de leurs enfants de « parcours du combattant », celles-ci devant notamment « reformuler, à plusieurs reprises, des demandes de prise en charge auprès des MDPH ».

À ce jour, « de nombreux élèves en situation de handicap connaissent des parcours discontinus, qui sont source de sentiments de mal-être et d’incertitudes sur leur avenir », constatent les magistrats. 

Les « limites de l’appareil de formation français à donner à tous les jeunes les mêmes chances en termes de trajectoire professionnelle » sont parfaitement illustrées par le taux de chômage des personnes en situation de handicap sur le marché du travail qui reste encore « près de deux fois supérieur à celui des autres actifs » (12 % contre 7 % en 2022). 

Sans compter que, face aux différentes données « lacunaires », « aucun élément ne permet de comparer les effets d'une scolarisation en classe ordinaire » par rapport à celle en établissement spécialisé médico-social. Il n’est ainsi « guère possible de se prononcer sur les performances du modèle français d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap », conclut la Cour, qui détaille, par ailleurs, la situation de cinq départements (Hauts-de-Seine, Lozère, Maine-et-Loire, Nord et Rhône) dans ces « cahiers territoriaux »

Télécharger le rapport.
 




Patrimoine
Patrimoine : 136,8 millions d'euros engagés en 2023 pour les monuments des collectivités
Alors que ce week-end auront lieu les Journées européennes du patrimoine partout en France, le ministère de la Culture publie le bilan de la conservation des monuments historiques pour l'année 2023. Au total, 284,5 millions d'euros ont été engagés par l'État.

En 2021 et 2022, les dépenses engagées par l'État pour la conservation des monuments historiques étaient de 249,6 millions d’euros et 247,1 millions d’euros. L’année 2023 atteint un record puisque 284,5 millions d'euros en autorisations d'engagement ont été octroyés par l’État cette année-là. 

L’effort financier de l’État pour ces dépenses de conservation des monuments historiques est en constante augmentation depuis plusieurs années. En 2016 par exemple, les crédits affectés s’élevaient à 87,7 millions d’euros – soit plus de trois fois moins que l’année dernière. 

Cette hausse s’explique notamment par une prise de conscience sur « la nécessité de renforcer le niveau de sécurité » des monuments et notamment des 87 cathédrales appartenant à l’État depuis l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris en avril 2019, puis celle de Nantes en juillet 2020. Les crédits de l’État alloués à ces grands travaux ont été débloqués dans le cadre du plan de Relance après la crise sanitaire. 

49 % des crédits alloués aux monuments des collectivités 

Rappelons que l’aide de l’État, par l’intermédiaire des directions régionales des affaires culturelles (Drac), passe par plusieurs axes : le soutien aux communes à faibles ressources financières à travers le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP) ; le soutien au patrimoine de proximité en péril ; et la conservation, la restauration et la sécurité des édifices affectés au ministère de la Culture, notamment les 87 cathédrales propriété de l’État.

Au total, en 2023, 136,8 millions d’euros ont été alloués pour des opérations sur immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques appartenant aux collectivités, soit 49 % du total des dépenses engagées par l’État. Pour le reste, la part allouée aux monuments historiques de l’État s’élevait à 104 millions d’euros (37 % du montant total) et celle dédiée aux monuments propriétés de personnes privées était de près de 40 millions d’euros (soit 14 % des crédits). 

Cette répartition est plutôt cohérente sachant que 51 % des monuments historiques français appartiennent à des communes, selon les chiffres du ministère de la Culture.

Restauration du patrimoine religieux 

Parmi les montants engagés par les Drac en 2023 (271 millions d’euros pour les immeubles protégés et 10 millions pour les objets mobiliers protégés), 42 % concernent le patrimoine religieux. Cette part s’élevait à 56 % en 2022. Par ailleurs, 84 % des crédits servent à la restauration, 11 % à l’entretien, 4 % à l’étude et 1 % à la mise en valeur. 

Alors que la région Grand-Est arrive en quatrième position dans le classement des régions dotées du plus d’immeubles protégés au titre des monuments historiques, c’est pourtant elle qui a bénéficié de 14 % de l’ensemble des crédits – devant la Nouvelle-Aquitaine (11 %) et l’Occitanie (9 %). 

Enfin, il est indiqué que Fonds incitatif pour le patrimoine (FIP) a permis d’accompagner plusieurs centaines d’opérations qui sont « pour la grande majorité, des édifices religieux (84 %), appartenant à des communes (94 %) ». Plus spécifiquement, 77 % des projets concernent des communes de moins de 2 000 habitants. 

Il est précisé dans ce bilan que le FIP va poursuivre « sa montée en puissance » en 2024 « face à l’engouement qu’il suscite auprès des communes et des régions ». Cette année en effet, le fonds est doté de 2 millions d’euros de plus que celui de 2023 qui était de 18 millions d’euros. 

Rappelons que la Cour des comptes dans un rapport publié en juin 2022 soulignait les faiblesses de la politique de l'État en faveur du patrimoine monumental. SI l’effort financier est à saluer, selon les magistrats de la rue Cambon, les enjeux restent nombreux et les moyens mis en œuvre dispersés. La Cour soulignait notamment qu’il existe « de fortes disparités entre les régions » et que « les initiatives de stratégie thématique des Drac ne devraient pas dispenser le ministère de travailler à un cadrage stratégique national en matière de protection, aussi bien par grands thèmes que pour définir les tâches prioritaires. » (lire Maire info du 23 juin 2022). 






Journal Officiel du mardi 17 septembre 2024

Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Arrêté du 6 septembre 2024 modifiant le Coup de pouce « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » du dispositif des certificats d'économies d'énergie

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés