Édition du mardi 10 septembre 2024 |
Finances
Dépenses des collectivités et déficit public : les députés remettent en cause les chiffres de Bruno Le Maire
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Auditionné hier par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le ministre démissionnaire de l'Économie a, une nouvelle fois, fait le lien entre le niveau d'endettement des collectivités locales et celui de la France. Le rapporteur du budget a notamment dit « ne pas comprendre » les données fournies par ce dernier.
« Je ne souhaite faire de procès à personne. » Après avoir mis en cause les collectivités dans la dégradation du déficit public du pays, le ministre démissionnaire de l’Économie, Bruno Le Maire, a tenté d’apaiser les relations avec les élus locaux lors de son audition, hier, par la commission des finances de l’Assemblée nationale, auprès de laquelle il est venu défendre une « dernière fois » sa politique budgétaire.
Estimant que la France pouvait encore tenir ses objectifs de déficit public malgré des menaces importantes de dérapages, l’ancien député de l’Eure a, toutefois, rapidement pointé, une nouvelle fois, une « difficulté » et un « risque » sur les comptes publics de 2024 (parmi deux autres) : les « dépenses dynamiques » des collectivités (en plus de recettes fiscales de l'État « moins élevées que prévu » et le « choix » fait par le précédent gouvernement de ne pas présenter de loi de finances rectificative).
« Alerte » sur les dépenses des collectivités
S’il assume que « ce n’est pas une critique » il a, dans la foulée, affirmé que lorsque « le niveau d’endettement des collectivités locales augmente, cela pèse sur le niveau d’endettement global de la France ». Outre l'annulation d'une partie des 16,5 milliards d’euros de crédits gelés depuis quelques mois et la taxation plus forte des compagnies d’énergie et des rachats d’actions, il préconise ainsi de « réunir rapidement le Haut Conseil des finances publiques locales (HCFP) [qui a été créé l’an passé par Bruno Le Maire] pour examiner avec les représentants des collectivités, dans le dialogue, pas dans la contrainte, ce qui peut être fait pour éviter que ce qui est annoncé en début d’année se poursuive d’ici la fin d’année 2024 ». Et cela, « sans affecter, en particulier, les petites communes ou les départements qui peuvent être en grande difficulté ».
Sur « la base des données disponibles à fin juillet 2024 » et « si l’on poursuit la dynamique observée par les dépenses des collectivités », le ministre chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, également présent lors de l’audition, a estimé que leur « déficit » - « concept » qu’il a tenu à défendre - pourrait atteindre « un niveau historique de - 20 milliards d'euros ».
Cet « aléa qui affecte la situation des finances publiques » s’expliquerait par « l’accélération des dépenses de fonctionnement des collectivités de plus de 7 % » en juillet - et non 4 % comme attendu - et celle des dépenses d’investissement « de plus de 15 % », alors la trajectoire budgétaire prévoyait une accélération de 8 %.
Au global, « la prévision de croissance des collectivités devrait être augmenté de plus de 16 milliards d’euros par rapport à la trajectoire initiale », a justifié celui qui est également député de Gironde (Ensemble pour la République), en notant, lui aussi, que « cela viendra, mécaniquement, creuser le solde projeté pour les collectivités et le déficit public en général ».
Les données de Bercy mises en doute
Un chiffre qui a déjà été présenté par le gouvernement démissionnaire à l'occasion de la transmission de la note du Trésor aux parlementaires, la semaine dernière, et qui a été vivement critiqué par les collectivités qui ont jugé cette donnée de Bercy « fallacieuse ».
Celle-ci a, également, fait tiquer à la fois le président de la Commission des finances de l’Assemblée, Éric Coquerel (LFI), et le rapporteur général du budget, Charles de Courson (Liot) qui « n’arrive pas à comprendre » ce chiffre de 16 milliards d’euros de dérapage.
Sur la base du document public relatant la « situation comptable mensuelle des collectivités » et publié chaque mois par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), l'élu de la Marne a rappelé qu’à fin juillet, l’épargne brute et l’épargne nette des collectivités « baissent uniquement de 1,2 milliard » et « de 1,4 milliard » d’euros, respectivement.
« Alors, même en extrapolant sur l’année, on est peut-être autour de 3 milliards d’euros. Ce qu’envisageait d’ailleurs à l’époque la direction du Trésor puisque, dans sa note, [elle évoque] 3,4 milliards d’euros. Ce qui paraît parfaitement réaliste », a-t-il fait remarquer.
D’autant qu’il ne « voit pas le problème de s'endetter pour investir. Au regard de nos engagements européens, ce qui importe, ce n’est pas le niveau de la dépense mais le solde », a-t-il défendu, estimant que le « grand dérapage » est plutôt à regarder du côté « de la chute extrêmement brutale des recettes » de l’Etat.
Même analyse du côté d’Eric Coquerel qui a jugé que « le déficit qui s’accroit en France depuis des années n’est pas dû à la hausse des dépenses publiques, mais à la baisse des recettes », citant notamment « la baisse de l’impôt sur les sociétés et les cadeaux fiscaux au capital ».
Le modèle social français, le vrai « risque »
S’il n’a pas fait la lumière sur les chiffres que « n’arrivent pas à comprendre » les députés, Bruno Le Maire, a, cependant, expliqué que « les notes des budgets économiques d’été » ont « systématiquement surévalué les risques de déficit par rapport à ce qui a été réalisé » et étaient « à prendre avec beaucoup de prudence ».
Et le ministre de l’Économie de rappeler que les dépenses des collectivités locales « c’est 20 % de la dépense publique, l’Etat c’est 30 %, la Sécurité sociale c’est 50 % ». « Donc, notre modèle social, c’est ça qui risque de faire vraiment déraper nos comptes publics dans les années à venir », a finalement assuré le ministre dans un revirement inattendu.
Les « interrogations fondamentales » devront donc porter, selon lui, sur « le modèle social français » et les « abus constatés depuis plusieurs années », a-t-il déclaré. En citant le patron de la Cnam, Bruno Le Maire a ainsi pointé du doigt « les indemnités journalières et les petits arrêts maladie [qui] ont explosé ces derniers mois : 5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur les indemnités journalières en dix ans. Ça veut dire que, sur les dix prochaines années, c’est 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires à cause des arrêts maladie ».
Des arrêts maladie sur lesquels Bruno Le Maire se questionnait déjà, en mars dernier… Et notamment sur la « légitimité » du nombre de jours d’absence des personnels des collectivités locales (plus élevé qu’ailleurs), qu’il semblait ne trouver ni « juste » ni « raisonnable ».
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Nouvelle-Calédonie
Pendant ce temps, la Nouvelle-Calédonie s'enfonce dans le chaos
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Éclipsée par la dissolution de l'Assemblée nationale, l'interminable feuilleton de la désignation d'un Premier ministre et les Jeux olympiques, la Nouvelle-Calédonie est sortie des radars de l'actualité. Pourtant, sur place, la situation paraît plus chaotique que jamais, entre effondrement économique et aggravation des tensions politiques.Â
« Situation cataclysmique », pour Sonia Backès. « Effondrement total de notre territoire », selon Jean-Marc Burette. Entre la présidente loyaliste de la région sud, ancienne ministre, et le syndicaliste, secrétaire général de l’Union des syndicats ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (Usoenc), il y a au moins un point commun : le constat d’une situation dramatique, socialement, économiquement et politiquement, seize semaines après le début des émeutes insurrectionnelles qui ont fait 11 morts et des dégâts dont l’addition se chiffrera en milliards d’euros.
« Émeutes de la faim »
Cela n’a occupé que quelques entrefilets dans la presse, mais vendredi dernier, le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé une nouvelle prolongation des mesures de restriction des libertés publiques (couvre-feu et interdiction des rassemblements, manifestations et cortèges), au moins jusqu’àu 16 septembre. Ces restrictions sont en vigueur sans discontinuité depuis que le 13 mai dernier, de violentes émeutes ont éclaté sur le « Caillou » pour protester contre la réforme du corps électoral décidée par Emmanuel Macron (lire Maire info du 14 mai).
Depuis, si la situation n’est plus directement insurrectionnelle, le feu continue de couver sur la braise, et les incidents sont quotidiens : barrages installés et aussitôt démontés par les forces de l’ordre, parfois au prix de violents affrontements, dégradations… Cet été, cinq églises ont été incendiées dans l’archipel. Si les auteurs n’ont pas été retrouvés, les enquêteurs estiment que ces incendies pourraient être le fait de groupes indépendantistes mettant en avant le rôle de la religion catholique dans la colonisation de l’île.
Au-delà des affrontements sporadiques, la situation économique et sociale de l’archipel est dramatique. Le PIB de la Nouvelle-Calédonie s’est effondré de 24 %. Lorsque l’on connaît les angoisses qui étreignent les économistes lorsque la croissance d’un pays comme la France tombe sous les 1 ou 2 %, on mesure ce que ce chiffre a d’effrayant. Selon la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), 900 entreprises néo-calédoniennes ont fermé leurs portes depuis le début de la crise et 24 000 emplois ont été détruits. Selon le dirigeant de l’union syndicale Usoenc, Jean-Marc Burette, « un salarié sur deux a perdu son emploi, le système de santé se voit mis à mal avec le départ de dizaines de soignants, les dispensaires ferment, aucun transport public terrestre ne circule ».
Catastrophe supplémentaire, même si elle est davantage liée à une crise économique sectorielle qu’à la situation politique : samedi 31 août, l’immense usine de traitement du nickel KNS, dans le nord de la Grande île, a fermé ses portes, mettant à la rue ses quelque 1200 ouvriers. Cette usine était le principal moteur économique d’un archipel dont la principale ressource est l’exploitation du nickel. Sa fermeture fait craindre aux autorités locales une crise sociale « majeure ».
Une crainte que partage y compris le Medef local, dont la responsable, Mimsy Daly, a indiqué fin août que « le pire est à venir ». « Le domaine de la santé est en faillite, les aides sociales s’arrêtent les unes après les autres », a-t-elle précisé. Même inquiétude chez le syndicaliste Jean-Marc Burette, qui explique que « le gouvernement calédonien et les collectivités territoriales n’ont aucune marge de manœuvre financière », ce qui induit « de grosses inquiétudes pour les salaires des agents publics ». Alors que la hausse des prix atteint des niveaux record dans l’archipel, le syndicaliste estime que « si l’on n'agit pas rapidement, les gens auront faim ». Encore plus direct, le responsable du parti Calédonie ensemble affirme : « Le sujet, c’est d’éviter les émeutes de la faim à la fin de 2024. »
David Lisnard, président de l’AMF a pu échanger cet été sur la situation avec Pascal Vittori, maire de Boulouparis, président de l'Association française des maires de Nouvelle-Calédonie. Avec son collègue, Florentin Dedane, maire de Pouébo et président de l'association des maires de Nouvelle-Calédonie (AMNC), ils ont alerté l’AMF du risque d’effondrement du budget des communes 2025, leurs principales ressources de fonctionnement venant des recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie.
Ils demandent de l’aide à l’AMF, pour un examen dans le cadre du PLF 2025 d’une augmentation exceptionnelle de la DGF pour compenser tout ou partie des pertes de recette des subventions de fonctionnement versée par la Nouvelle-Calédonie.
L’AMF expertise actuellement cette question pour apporter son soutien aux maires de l’archipel, et Maire info reviendra sur les conclusions de l’association dès qu’elles seront disponibles.
Radicalisation
Cette situation appelle en effet une réaction extrêmement puissante de l’État… qui est dans l’impossibilité de la donner, faute de gouvernement. Certes, tout au long de l’été, Bercy a publié un certain nombre de décrets pour proroger des aides d’urgence décidées au début de la crise. Un peu plus de 270 millions d’euros ont été débloqués (sous forme de prêts ou d’avances remboursables), permettant aux provinces locales et aux communes de maintenir la tête hors de l’eau et de payer le chômage partiel. Une vingtaine de millions d’euros a été avancée aux entreprises locales. Mais on est très loin des besoins : indépendamment même des sommes nécessaires à la reconstruction – estimées entre 1 et 2 milliards d’euros, a minima – le gouvernement local estime que plus de 700 millions d’euros doivent être débloqués immédiatement pour faire face aux besoins.
Les autorités locales, tout comme le monde de l’entreprise et les syndicats, estiment donc plus qu’urgent qu’une mission interministérielle s’empare du sujet et le prenne à bras-le-corps – alors qu’au contraire, depuis la démission du gouvernement, elles estiment « ne plus avoir d’interlocuteur ».
La situation semble d’autant plus chaotique que les divisions politiques, sur l’île, n’ont fait que se creuser et que l’heure n’est pas à la réconciliation, très loin de là. Les deux camps, loyalistes et indépendantistes, se sont radicalisés depuis les émeutes.
Un exemple parmi d’autres, dans le camp loyaliste : la présidente de la province sud, Sonia Backès, a annoncé en juillet la suppression de l’aide médicale qui permet à 26 000 familles pauvres (essentiellement kanak) de pouvoir se soigner gratuitement. Avec ce commentaire, dans un communiqué (inspiré d’une formule de Gabriel Attal) : « Tu casses, tu payes. » Une mesure vécue comme une punition collective par les familles concernées.
Côté indépendantistes, un des marqueurs de la radicalisation est le choix fait le 31 août par le FLNKS (Front national de libération kanak et socialiste) d’élire à sa présidence, par contumace en quelque sorte, Christian Teint, le leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), actuellement incarcéré en métropole. Une désignation symbolique, mais qui marque le choix d’une ligne dure, contre l’avis des composantes les plus modérées du FLNKS.
La crise ne fait que s’approfondir. Il faut espérer que le nouveau gouvernement mettra ce dossier au premier rang de ses préoccupations, pour éviter les « émeutes de la faim » redoutées sur place ou « les graves troubles à l’ordre public qui seraient susceptibles de se reproduire dans les semaines à venir », selon le Haut-commissaire de la République.
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Transports
TER : une fiabilité qui se dégrade
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Dans une étude rendue publique ce matin, l'UFC-Que choisir dénonce d'importants problèmes de fiabilité de l'offre TER et ses « mauvaises performances en comparaison de nos voisins européens ». Une situation due, notamment à sous-investissement chronique de l'État sur le réseau ferroviaire, selon la Fédération nationale des associations d'usagers des transports.Â
La fiabilité de TER (c’est-à-dire leur capacité à « avoir circulé et être arrivés à l’heure ») recule. C’est le constat dressé par l’association UFC-Que choisir dans une étude d’une trentaine de pages publiée ce matin, et qui conclut à la nécessité d’un « sursaut ».
L’association s’est appuyée à la fois sur les données publiées par l’Autorité de régulation des transports (ex-Arafer) et sur les remontées des usagers qu’elle reçoit – « plus de 1100 témoignages reçus » en un an, qui font état « des rames bondées, de la capacité insuffisante en heures de pointe, (…) de la récurrence des retards ».
11,2 % de TER annulés ou en retard
Depuis plus de vingt ans que les TER ont été décentralisés et confiés aux régions, en 2002, l’offre a fortement augmenté : les régions ont en effet toutes consenti d’énormes efforts financiers pour investir, notamment dans de nouvelles rames. L’augmentation de l’offre a entraîné une forte hausse de la fréquentation : « les voyageurs sont au rendez-vous lorsque le réseau s’étend, lorsque la fréquence augmente ou lorsque les trains sont modernisés », écrit l’UFC. Mais à l’heure où le changement climatique impose une réduction de la place de la voiture, la fréquentation stagne. Bien qu’il existe des marges de progression importante en matière de remplissage des trains (le taux d’occupation moyen des TER n’est que de 31,5 %), la qualité de service reste « le principal point noir » qui agit « comme un frein à l’adoption de ce mode de transport », selon l’association de consommateurs.
Principal problème : le déficit de ponctualité et le nombre d’annulations de trains. « En 2023 en moyenne, 9,6 % des TER ont été déprogrammés ou annulés », la plupart du temps du fait « d’une défaillance de l’entreprise ferroviaire », plus rarement pour des causes externes, météorologiques notamment.
Quant aux retards, ils restent bien trop nombreux : 11,2 % des TER sont arrivés en retard en 2023 (soit deux points de plus que sur la période 2019-2022). Le retard moyen est de presque 5 minutes, ce qui peut sembler peu sur un trajet longue distance, mais est, en réalité, considérable sur de courts trajets de 15 ou 20 minutes. Le taux de fiabilité des TER (trains ayant circulé et étant arrivés à l’heure) n’a été, en 2023, que de 80,3 % (chiffre en dégradation par rapport aux années précédentes) : « En moyenne, un abonné au TER qui prend le train deux fois par jour en semaine subira près de deux annulations ou retards par semaine, soit près de dix par mois. »
Disparités régionales
Si ces résultats ne sont pas catastrophiques, ils sont néanmoins inférieurs, voire très inférieurs à ce qui est constaté dans les autres pays européens : il faut comparer les 11,2 % de TER en retard en France aux 4,3 % de l’Autriche ou aux 7 % de la Suisse. Seule la Suède a un taux de retard nettement supérieur à celui de la France, en raison de conditions climatiques beaucoup plus difficiles à gérer.
Reste néanmoins que les résultats, en France, sont très différents d’une région à l’autre, ce qui donne à penser que le problème n’est pas seulement lié à des déficiences de l’opérateur ferroviaire (la SNCF dans l’écrasante majorité des cas), mais également à des différences de gestion des autorités organisatrices régionales. Alors qu’en Bretagne, le taux de TER arrivés à l’heure approche les 90 % (88, 4%), il tombe autour de 75 % en Occitanie et en Paca, régions dans lesquelles presque un train sur quatre est annulé, déprogrammé ou en retard.
De plus, l’UFC souligne que le manque de données précises et fiables publiées tant par l’autorité de régulation que par les opérateurs et les régions ne permettent pas d’aller suffisamment loin dans l’analyse. Des taux régionaux de ponctualité qui peuvent s’avérer corrects masquent en réalité des disparités considérables, au sein de la même région. Exemple : en Nouvelle-Aquitaine, la ligne Limoges-Brive ne connaît que 3,3 % d’annulations ou de retards, tandis que la ligne Bayonne-Tarbes grimpe à 23,4 %.
Quant aux remontées des usagers, elles mettent en lumière, outre les problèmes d’annulation et de retard, un manque d’information aux voyageurs subissant un service perturbé (retards annoncés « très en deçà de la réalité », annulation annoncées « deux minutes avant le départ »…).
Malus
Comment les régions peuvent-elles agir pour améliorer la situation ? Pour l’UFC, un levier intéressant est à trouver dans les sanctions financières vis-à-vis des opérateurs de transport. Il est en effet possible de moduler la subvention d’exploitation versée aux transporteurs sur des critères de qualité de service (rappelons que ces subventions d’exploitation, versées par les régions, représentent 75 % des coûts d’exploitation des lignes TER). L’UFC estime qu’il faudrait porter la modulation en fonction du service rendu à 3 % de la subvention d’exploitation versée aux transporteurs – et demande même que ce malus soit inscrit dans la loi.
Il apparaît toutefois que les propres chiffres donnés dans l’étude de l’UFC ne démontrent pas de façon éclatante l’efficacité de cette solution. SI l’on compare les régions Bretagne et Paca, c’est-à-dire la région où les TER sont les plus et les moins fiables, il apparaît que le malus maximal applicable en Bretagne est pourtant bien inférieur à celui pratiqué en Paca (250 000 euros par an contre 900 000). Et la région qui applique la part de malus la plus haute en pourcentage de la subvention régionale (9,3 %) est la Nouvelle-Aquitaine, pourtant dans le peloton de queue en matière de fiabilité.
Reste qu’on ne peut que partager le jugement de l’UFC qui estime que les régions devraient « se montrer plus exigeantes en matière de qualité de service ».
Sous-investissement chronique
Mais le problème fondamental reste le manque d’investissement dans les infrastructures elles-mêmes. Depuis des années, des associations comme la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) dénoncent le déséquilibre grandissant entre les investissements consentis par l’État sur le réseau grande vitesse et sur les « petites lignes ». Un avis corroboré par la Cour des comptes, dont les chambres régionales ont maintes fois dénoncé le sous-investissement chronique de l’État dans la maintenance des lignes locales ; ou encore par le Sénat, qui a récemment encore vertement critiqué le manque d’ambition du contrat de performance signé entre SNCF Réseau et l’État.
Le gouvernement sortant a dit son intention de changer de braquet, l’an dernier, en promettant à partir de 2027 un milliard d’euros de plus pour la régénération des voies et 500 millions de plus pour la signalisation. Ces choix seront-ils confirmés par le prochain gouvernement ? Et, en ces temps de disette budgétaire et d’économies à tous les étages – l’État cherche 100 milliards d’euros à économiser sur trois ans – les promesses seront-elles tenues, ou les TER resteront-ils le parent pauvre du réseau, au risque de rejeter toujours plus d’usagers vers la voiture individuelle ? Réponse, on l’espère, dans le projet débat budgétaire.
NB : Lors du prochain congrès de l'AMF, un forum sera organisé autour de ces questions, sur le thème du rétablissement « d'un service ferroviaire pour tous ». Il aura lieu le mercredi 20 novembre à 14 heures;
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Cybermalveillance
Cybersécurité : une nouvelle plateforme pour comprendre les enjeux de la directive « NIS 2 »
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Alors que la directive du 14 décembre 2022 dite « NIS 2 » visant à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union européenne doit être transposée en France avant le 17 octobre 2024, une nouvelle plateforme de l'Anssi propose un accompagnement personnalisé sur le sujet.
« Une collectivité sur 10 déclare avoir déjà été victime d’une ou plusieurs attaques au cours des 12 derniers mois, notamment d’hameçonnage à 46 % », selon Cybermalveillance.gouv.fr. C’est dans ce contexte que la directive du 14 décembre 2022 dite « NIS 2 » doit être transposée en France avant le 17 octobre 2024.
Pour mémoire, la première réglementation européenne en matière de cybersécurité a été publiée en 2016 et concernait 300 entités « Opérateurs de services essentiels ». Les communes et les EPCI n’étaient pas concernés jusqu’à maintenant. « La directive NIS 2, qui s’appuie sur les acquis de la directive NIS 1, marque un changement de paradigme », peut-on lire sur le site de l'Anssi. En effet, les administrations publiques seront désormais concernées par la mise en place de nouvelles pratiques en faveur d’une meilleure cybersécurité. Ainsi, certaines mesures seront applicables aux collectivités.
Sur son site, l’Anssi indique qu’elle « communiquera sur la directive NIS 2 tout au long de sa transposition à l’échelle nationale, partageant à l’ensemble des parties prenantes le fruit de ses travaux. » Pour les entreprises et collectivités qui vont être concernées par ces nouvelles règles, un site internet vient d’ouvrir.
Mon Espace NIS 2
La plateforme MonEspaceNIS2 développée par l’Anssi propose des informations sur la directive NIS2. On retrouve notamment sur le site internet un test pour savoir si votre entité est concernée ou non par cette directive. Le test est pour le moment focalisé sur les entreprises privées ou publiques et « sera par la suite disponible pour les administrations publiques ». En effet, rappelons que, pour le moment, les informations sur le cadrage de la directive et son périmètre d’application ne sont pas encore fixées.
Obligations à respecter, démarches à entreprendre, accompagnements proposés par l’Anssi : plusieurs informations très utiles pour les élus sont à découvrir sur le site. Par ailleurs, il est possible de s’inscrire à une newsletter qui propose un suivi détaillé des évolutions du contexte réglementaire et ce que devra faire votre entité pour se protéger des cyber-menaces.
Toujours dans l’attente d’une loi
Selon Franceinfo, à ce jour, seuls 3 pays sur les 27 (la Belgique, la Croatie et la Hongrie) ont publié leur loi de transposition. En effet, rappelons que pour les directives, chaque État membre doit adopter des lois pour adapter dans chaque pays les principes généraux contenus dans le texte européen. Avec la dissolution de l’Assemblée nationale, le processus a été considérablement ralenti.
Certains points particulièrement importants restent à éclaircir – notamment les critères pour distinguer les entités essentielles et celles dites importantes (les essentielles auront davantage d’objectif à remplir).
Le projet de loi soumis au Conseil national d’évaluation des normes au mois de mai 2024 prévoyait une classification pour les communes et les EPCI pour distinguer les entités « essentielles » des « importantes ». Pour cette répartition, les entités « essentielles » comprenaient toutes les métropoles, toutes les communautés urbaines, toutes les communautés d’agglomération et toutes les communes de plus de 30 000 habitants et les « importantes » concernaient toutes les communautés de communes.
Il est possible que lorsque le projet de loi sera étudié par les parlementaires, le seuil des 30 000 habitants évolue. Les associations d’élus formant la Belle Alliance (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, Régions de France, Intercommunalités de France, Avicca, Départements de France, France Urbaine, Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, Interconnectés) ont adressé un courrier à la secrétaire d’État chargée du Numérique, Marina Ferrari, en avril dernier, dans le but de « travailler à une transposition la plus efficace et pérenne possible, donnant les moyens et le temps suffisants à chaque niveau de collectivité, pour respecter le futur référentiel de cybersécurité ».
Il est certain que le retard accumulé va devoir être rattrapé rapidement puisque le 17 octobre prochain, les règles du jeu devront être définitivement fixées.
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Santé publique
Trafic de stupéfiants : l'implication croissante des collectivités pour lutter contre ce fléau
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Dans un contexte où le trafic de drogues augmente de façon préoccupante en France, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a annoncé les lauréats de son appel à projets 2024 à destination des collectivités territoriales.
De nombreux travaux ont été menés cette année concernant le trafic de drogues en France. Une commission d'enquête sénatoriale a notamment été menée sur l'impact du narcotrafic au sein du pays et les mesures à prendre pour y remédier.
Par ailleurs, la commission sécurité et prévention de la délinquance de l’AMF travaille en partenariat avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) qui mène des projets à l’attention des maires. Cette dernière a par exemple réalisé avec l'AMF un guide pratique, Le maire face aux conduites addictives.
Pour l’année 2024, la Mildeca a décidé de faire évoluer son appel à projet en le tournant vers une thématique préoccupante selon les élus : la participation de jeunes aux trafics de stupéfiants. 15 collectivités territoriales ont été sélectionnées pour porter « l’engagement de la Mildeca en faveur de la lutte contre les trafics à hauteur de 2 millions d’euros, financés par le Fonds de concours Drogues, en plus du soutien méthodologique. »
Pour une action adaptée localement et coordonnée
« Les projets retenus concernent les territoires de Villeurbane (69), Albertville (73), Dijon et Chenove (21), Saint-Brieuc (22), Rennes (35), Saint-Jean-de-Braye (45), Metz (57), la Communauté d’agglomération Creil Sud Oise (60), la Communauté de communes du Haut Val-de-Sèvre (79), Le Bouscat (33), les communautés de communes Lubéron-Mont-du-Vaucluse et Ventoux-Comtat-Venaissin (84), Nantes (44) et la Communauté d'agglomération du Centre Littoral de Guyane (973) », peut-on lire dans le communiqué de presse.
Concrètement, une commune ou une intercommunalité doit élaborer « un plan d’action partenarial, décliné en mesures concrètes pour limiter l’attractivité des trafics, prévenir la participation aux trafics, mieux détecter et accompagner les jeunes en phase de basculement. »
Les projets seront mis en place dès cet automne et seront adaptés localement. Renforcer les compétences psychosociales de jeunes, favoriser l’insertion, repenser l’occupation de l’espace public sur les lieux concernés par les points de deal, en lien avec les habitants, les bailleurs sociaux et les partenaires du projet… Plusieurs mesures pourront être déployées en fonction de la commune et de ses besoins.
« Le phénomène de professionnalisation des trafics touche nombre de territoires en proie à la désaffiliation sociale, notamment les quartiers prioritaires de la ville (QPV), mais aussi des territoires périurbains ou des petites villes, indique Nicolas Prisse, président de la Mildeca. La protection de la jeunesse et la lutte contre les nuisances et la délinquance sont au cœur de l’action des élus avec lesquels nous cherchons à construire une réponse publique adaptée et pérenne. »
Une implication des élus qui pourrait être renforcée
Rappelons qu’une proposition de loi a été déposée le 12 juillet dernier sur la lutte contre le narcotrafic par les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain, co-auteurs d’un rapport sur le sujet. La proposition de loi vise notamment à donner la possibilité aux maires de s’impliquer davantage dans la lutte contre le trafic.
Par exemple, l’article 3 du texte dispose que tout établissement à l’égard duquel « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’il s’y commet de façon régulière une ou plusieurs infractions », notamment le blanchiment d’argent, « peut, sur proposition du maire de la commune d’implantation dudit établissement, faire l’objet d’un arrêté de fermeture administrative ».
Les sénateurs proposent aussi la généralisation des Cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross) qui pourraient constituer des groupes de travail auxquels les maires des communes du département pourraient être associés.
Etienne Blanc confiait en juillet dernier à Public Sénat : « Deux options sont possibles. Soit le gouvernement s’en empare et nous mènerons un travail consensuel. Sinon, nous choisirons un ou deux articles pour les reprendre dans notre niche parlementaire (LR) ».
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