Édition du vendredi 19 juillet 2024 |
Assemblée nationale
Assemblée nationale : retour à la case départ
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Au terme de trois tours de scrutin, c'est l'ancienne présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui a été réélue, à une très courte majorité. Ce résultat pourrait être l'amorce d'une coalition entre les macronistes et Les Républicains. Il y aura par ailleurs onze groupes politiques au Palais-Bourbon.
Il aura donc fallu, comme on pouvait s’y attendre, trois tours de scrutin pour élire la présidente de l’Assemblée nationale, à la majorité relative.
Six candidats au départ
Le premier tour s’est joué entre six candidats, représentants le Nouveau Front populaire, le groupe Ensemble pour la république (macronistes), le Rassemblement national, les Républicains, Horizons et le groupe Liot. C’est logiquement le candidat du NFP, le communiste André Chassaigne, qui est arrivé en tête du premier tour – la coalition NFP, qui regroupe quatre partis, étant la plus nombreuse en sièges. Ce premier tour a donc simplement servi à compter les voix de chaque parti ou coalition, ce qui n’est pas inutile pour tenter d’imaginer les rapports de force futurs : 200 pour le Nouveau Front populaire, 142 pour le RN et ses alliés ex-LR, 124 pour le parti présidentiel allié au MoDem, 48 pour Les Républicains, 38 pour Horizons et 18 pour le groupe Liot.
On peut cependant noter que dès ce premier tour, des déplacements de voix ont déjà eu lieu. On connaît en effet, ce matin, la composition exacte des groupes politiques, qui a été publiée au Journal officiel. Ainsi le candidat Charles de Courson, pour le groupe Liot, a recueilli 18 voix… alors que son groupe compte 21 membres. Trois de ces membres ont donc voté pour un autre candidat ou se sont abstenus. À l’inverse, la candidate du groupe Horizons, Naïma Moutchou, a recueilli 7 voix de plus (38) que son groupe compte de membres (31). Le NFP a également réussi à ratisser un peu plus large que ses troupes, avec 200 voix, puisque l’ensemble des quatre partis qui composent cette coalition ne compte que 195 sièges. Yaël Braun-Pivet, elle, a recueilli une dizaine de voix de moins que le nombre de sièges Ensemble et MoDem.
Il n’y a qu’à l’extrême droite que la discipline de vote a été absolue : les 142 voix recueillies correspondent exactement au nombre de sièges du RN (126) et des ciottistes (16).
Dès la fin du premier tour, la candidate Horizons s’est retirée, ainsi que le candidat LR Philippe Juvin, laissant alors entrevoir un accord avec les macronistes que le report des voix, aux tours suivants, n’a fait que confirmer.
Report des voix LR
Vers 19 h, le résultat du deuxième tour (qui se jouait toujours à la majorité absolue des suffrages exprimés) est tombé. Forte du report des voix LR et Horizons, c’est Yaël Braun-Pivet qui a cette fois viré en tête, avec 210 voix contre 202 pour son concurrent de gauche. Il semble (même si le vote à bulletins secrets ne permet pas d’en être certain), que le report de voix de LR et Horizons vers Ensemble a été parfait : les 210 voix recueillies correspondent très exactement aux voix recueillies au premier tour par ces trois partis.
Les voix du groupe Liot se sont dispersées ou à gauche, ou au centre, lors du second tour, puisque Charles de Courson, avec 12 voix, en a perdu 6. Le RN a gagné une voix au deuxième tour.
Après le deuxième tour, Charles de Courson s’est retiré, ne laissant en lice que les candidats NFP, Ensemble et RN – on notera que le RN, contrairement à ce qu’il avait fait en 2022, ne s’est pas retiré, même s’il n’avait aucune chance de remporter ce scrutin.
« Message entendu » contre « victoire volée »
Enfin, le résultat final a été proclamé vers 20 h 40, à l’issue d’un troisième tour qui, lui, se jouait à la majorité relative des suffrages exprimés. Yaël Braun-Pivet l’a emporté d’une courte tête sur André Chassaigne, par 220 voix contre 207, le candidat RN conservant le même nombre de voix (141).
La candidate du parti présidentiel a donc gagné dix voix entre le deuxième et le troisième tour, probablement venues du groupe Liot.
S’exprimant au perchoir dès la proclamation de sa victoire, visiblement émue, la nouvelle présidente de l’Assemblée nationale a affirmé vouloir « entendre le message » des électeurs, qui demandent : « Occupez-vous de nous ! ». Elle a estimé que l’Assemblée, dans sa division, est « représentative des Français », et affirmé qu’il serait nécessaire de trouver des « compromis ». « Je m’engage à travailler avec chacun d’entre vous », a conclu la présidente, en faisant applaudir chaque candidat.
Pour la gauche et le RN, ce résultat représente, en lui-même, une contradiction politique majeure : le camp macroniste, qui a été très clairement rejeté par les électeurs tant lors des européennes que des législatives anticipées, a réussi, en quelque sorte, à effacer les résultats de celles-ci, et se retrouve à diriger de nouveau l’Assemblée nationale comme si de rien n’était, alors qu’il a été battu aux législatives. Ce que la gauche, tout comme le Rassemblement national, ont exprimé dans les mêmes termes après le scrutin, estimant que leur victoire a été « volée » par les macronistes.
Un autre problème, d’ordre juridique celui-ci, a été posé dès l’issue du scrutin : celui du vote des ministres actuellement en exercice, bien que démissionnaires. Ils sont au nombre de 17, alors que la victoire de Yaël Braun-Pivet n’a été acquise qu’à 13 voix près. Autrement dit, si les ministres n’avaient pas pris part au vote, c’est André Chassaigne qui aurait pu être élu. En théorie, la séparation des pouvoirs impose que des ministres ne puissent ni siéger, ni voter à l’Assemblée nationale ou au Sénat. L’argument selon lequel ces ministres sont démissionnaires et « chargés des affaires courantes » est-il suffisant ? Le Conseil constitutionnel, il y a une quarantaine d'années, s'était déclaré incompent pour trancher cette question. Le Conseil d’État acceptera-t-il de se prononcer sur ce point ? La gauche a en tout cas annoncé que des recours seraient intentés.
Sept groupes dans l’opposition… pour l’instant
La journée d’aujourd’hui sera marquée par la nomination ou l’élection du Bureau de l’Assemblée (vice-présidents, questeurs et secrétaires). Une première réunion aura lieu à 10 h entre les présidents des onze groupes, pour tenter de se mettre d’accord par consensus. Si ce n’est pas le cas, chaque groupe désignera des candidats pour chaque poste, et les 577 députés voteront à nouveau.
La nomination par consensus risque de s’avérer difficile, dans la mesure plusieurs groupes ont d’ores et déjà annoncé qu’ils s’opposeraient à la nomination au Bureau de députés RN ou LFI – ou des deux.
Lors de ces nominations, ainsi qu’au moment de la constitution des commissions, il se posera la question de qui sont les groupes d’opposition. Rappelons en effet qu’un poste de questeur, ainsi que celui de président de la commission des finances, est réservé à un député d’opposition.
Le texte paru ce matin au Journal officiel donne quelques réponses, dans les « déclarations politiques » publiées par chacun des 11 groupes. Le groupe RN se déclare clairement « d’opposition » : « Cette opposition vaut pour le gouvernement démissionnaire en charge des affaires courantes mais aussi pour tout gouvernement qui pourrait émaner d'accords entre les autres groupes politiques de l'Assemblée. » Le groupe allié du RN, composé des députés « ciottistes » et baptisé « À droite », est sur la même ligne.
À gauche, c’est un peu plus compliqué, dans la mesure où celle-ci n’a pas encore désespéré se voir confier les clés de Matignon. Les différents groupes qui composent le NFP (LFI, PS, écologistes et communistes) écrivent chacun dans leur déclaration que le président de la République « doit nommer un Premier ministre désigné par le Nouveau Front populaire ». « Tant qu’il ne l’aura pas fait », leurs groupes se constitueront en groupes d’opposition.
Reste la question des Républicains. Dans la mesure où ils ont annoncé tout à fait clairement leur intention de briguer la présidence de la commission des finances, on se doutait qu’ils se définiraient comme groupe d’opposition. Leur déclaration politique le confirme : « Convaincus que les combinaisons d'appareils et les coalitions contre-nature ne relèvent pas de l'esprit de la Ve République », les députés LR se constituent en « groupe d’opposition responsable, toujours force de propositions et déterminé à voter les lois qui iront dans le sens de l'intérêt de la France ». Les Républicains ont donc, le même jour, affirmé qu’ils sont un groupe d’opposition et voté unanimement pour Yaël Braun-Pivet, assurant son élection au perchoir. Annie Genevard, l’une des porte-parole des LR, s’en est expliquée ce matin sur Europe 1, en déclarant que son groupe ne pouvait pas « faire élire un communiste à la tête de l’Assemblée nationale ».
Et maintenant ?
Une fois cette séquence d’installation de la nouvelle Assemblée nationale terminée, demain, il restera à attendre la réaction du président de la République – celui-ci souhaitait voir comment allaient s’organiser les grands équilibres à l’Assemblée nationale avant de choisir son Premier ministre. À moins qu’Emmanuel Macron décide de laisser passer les Jeux olympiques et paralympiques et de ne faire son choix qu’à la rentrée, laissant entretemps le gouvernement sortant gérer les affaires courantes.
En attendant, au terme de deux scrutins perdus pour le pouvoir en place, Emmanuel Macron reste à l’Élysée, Gabriel Attal à Matignon et Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale. Comme si rien ne s’était passé, pour l'instant.
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Petite enfance
De nouvelles incitations financières de la Cnaf pour aider les maires à maintenir et créer des crèches
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Les maires devront attendre la fin juillet pour en avoir tous les détails, mais la nouvelle est là : la prestation de service unique pour les gestionnaires de crèches va être corrigée. C'est la dernière pièce d'un train de mesures destinées à soutenir les maires dans la gestion et la création de places en crèche. Â
La réforme de la prestation de service unique (PSU) était attendue depuis des années. Le conseil d’administration de la Cnaf l’a validée la semaine dernière, même si elle n’entrera en application qu’en janvier 2025. L’enjeu est clair : lever un des freins à la création de places en crèche et atténuer les effets, pénalisants pour les gestionnaires, de la tarification à l’heure. .
La précédente réforme, qui date de 2014, avait été pensée pour limiter les écarts entre les heures facturées aux familles et les heures réellement utilisées – ce que l’on appelle, dans le jargon, le taux de facturation. La Cnaf assure que ces efforts ont réellement payé puisque cet écart s’est réduit de trois points, en faveur des familles. Mais pas toujours des gestionnaires, parfois même lourdement pénalisés passé un certain seuil – comme l’a régulièrement dénoncé l’AMF. C’est cet effet de seuil que la nouvelle réforme doit « gommer », explique Guillaume Roussier, responsable du pôle petite enfance de la Cnaf. Le nouveau calcul va permettre de « faire évoluer de façon progressive et non brutale la PSU, sans effet de seuil », assure-t-il. Avec quelques heures en moins ou en plus, les gestionnaires pouvaient subir des variations de dizaines de milliers d’euros en fin d’année dans les subventions reçues. Cela ne sera plus le cas.
Créer de meilleures conditions
Cette mesure s’ajoute à un ensemble de revalorisations et bonus fléchés sur le bloc communal, « l’allié historique » de la Cnaf sur la petite enfance – mais un allié qui s’essouffle depuis plusieurs années. La Cnaf change donc de braquet. « Avant, les moyens étaient surtout placés sur les nouvelles places, désormais, l’accent est majoritairement mis sur le maintien des places existantes », reconnait Guillaume Roussier.
En effet, sans les communes, l’objectif de 35 000 places supplémentaires à l’horizon 2027 (fixé par la convention d’objectifs et de gestion 2023-2027) sera impossible à atteindre.
« Il n’y a pas de temps à perdre, ni besoin d’attendre l’entrée en vigueur de la loi pour le plein emploi au 1er janvier 2025 » (c’est-à-dire la reconnaissance des communes comme autorités organisatrices du service public de la petite enfance), souligne Guillaume Roussier.
Pour mieux convaincre, la Cnaf a déployé un ensemble de mesures déjà ou bientôt en application. Celles-ci ont été présentées au groupe de travail petite enfance de l’AMF.
Des bonus reconfigurés pour les territoires
Le « bonus attractivité » compense – en partie – les revalorisations salariales accordées aux personnels en crèche. En contrepartie de + 100 euros par mois et par agent, l’employeur territorial peut bénéficier de ce bonus de 475 euros par an et par place en crèche. La mesure est applicable dès ce mois de juillet, sitôt que la collectivité a délibéré. La pénurie de personnel est, en effet, le problème numéro un auxquels les crèches font face : la Cnaf a estimé à 10 000 le nombre de postes vacants en 2022 (l’enquête sera actualisée fin 2024). Les travaux du comité filière petite enfance ont encouragé les employeurs à améliorer le socle social commun en faveur des professionnels de la petite enfance. Si cette aide aux employeurs publics est quasiment deux fois moins élevée que celle que perçoivent les employeurs privés, c’est parce que l’exigence est plus forte à l’égard de ces derniers, qui doivent rattraper la rémunération de leurs employés d’au moins 150 euros.
Le « bonus trajectoire de développement » sera accessible dès 2025. Il majorera le financement de la Caf au bénéfice de toutes les crèches cofinancées par la commune lorsque le nombre total de places qu’elle cofinance augmente. Ce bonus (d’un minimum de 100 euros par place et par an) sera versé sur l’ensemble des places ouvertes (et non les seules nouvelles places). Une forme de prime au dynamisme.
Certaines mesures s’appliquent sans que les communes aient à les demander. C’est le cas du « bonus territoire CTG ». Il sera revalorisé de 10 % en 2025, puis de 8,1 % en 2026 et autant en 2027 (ce qui compensera le fait que la PSU ne sera, elle, plus revalorisée). Comme son nom l’indique, il est réservé aux territoires signataires d’une convention territoriale globale avec la Caf, ce qui concerne 86 % des places en crèche.
Pour les RPE – relais petite enfance – la prestation de service a été revalorisée de 8,56 % en 2024. Un geste pour « reconnaitre le caractère déterminant de ce service », au cœur du prochain service public de la petite enfance. Les aides à l’investissement, avaient, elles, été déjà majorées de 20 % en 2023.
L’enveloppe du fonds publics et territoires, pour soutenir des projets spécifiques – accueil de jeunes enfants en situation de handicap, crèche itinérante en milieu rural – va être doublée d’ici 2027. Et elle pourra couvrir davantage de projets, par exemple l’ouverture d’une crèche sur des horaires atypiques, cite Guillaume Roussier.
S’ajoutent enfin des nouveautés dans les aides à l’investissement. Les aides du fonds de modernisation des établissements (auquel sont désormais éligibles les maisons d’assistantes maternelles) ont été majorées (jusqu’à 6 800 euros par place rénovée) et leurs critères élargis : l’achat de matériel ergonomique ou l’aménagement d’une salle de pause pour améliorer les conditions de travail sont maintenant éligibles.
Les aides à la création de maison d’assistantes maternelles sont, elles, accessibles sur l’ensemble du territoire, et non plus les seuls sous dotés.
Toutes ces mesures sont disponibles en détail auprès de chaque Caf, ainsi que les lettres circulaires sur le site de la Cnaf.
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Fonction publique territoriale
L'AMF souhaite une refonte complète de la protection sociale des agents territoriaux
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Lors du Bureau de l'AMF, le 16 juillet dernier, les élus ont adopté à l'unanimité un « Manifeste pour la reconnaissance d'un système de protection sociale à l'ensemble de la FPT cohérent, pertinent et spécifique ». L'association dit « ne pas se satisfaire » des solutions proposées par le gouvernement.Â
Dans son rapport publié en début de semaine sur les comptes publics (lire Maire info du 16 juillet), la Cour des comptes relève que le déficit de la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) « continue de se creuser pour atteindre 2,4 milliards d’euros en 2023 ». On se souvient que pour tenter de renflouer ce déficit chronique de la caisse, le gouvernement a choisi, au moment de la réforme des retraites, d’augmenter d’un point les cotisations des employeurs territoriaux, ce qui a coûté à ceux-ci plus de 400 millions d’euros par an.
Pendant le débat sur cette réforme, les employeurs territoriaux, relayés par certains parlementaires, ont tenté de s’opposer à cette hausse et demandé une « remise à plat » du système. Ils ont fait valoir que la réforme des retraites constituait une « double peine » pour eux, puisqu’ils allaient devoir, d’une part, payer plus de cotisations, mais en plus payer les frais de l’allongement de l’âge du départ à la retraite des agents, qui générera fatalement des charges pour les employeurs (maladie, handicap des travailleurs les plus âgés). Ce débat avait été l’occasion pour les associations d’élus de rappeler un certain nombre de maux dont souffre le système : par exemple, la compensation versée par la CNRACL aux autres régimes de retraite, ou encore la part croissante des emplois contractuels – qui ne cotisent pas à la CNRACL mais au régime général et à l'Ircantec – dans la fonction publique territoriale.
Vision « transverse »
Ces question, parmi d’autres, sont à la base de la réflexion qu’a lancé l’AMF avec les gestionnaires des caisses et organsimes (CNRACL, Ircantec et FIPHFP), estimant que l’approche « mécanique et arithmétique » choisie par le gouvernement (hausse des cotisations) ne saurait suffire. L’AMF souhaite donc « lancer une approche plus globale de ce qui constitue aujourd'hui la protection sociale de la Fonction publique territoriale et ne se satisfait pas d'un traitement éparpillé au gré des difficultés de certaines de ses composantes ».
Murielle Fabre, maire de Lampertheim et secrétaire générale de l’AMF, conduit ces réflexions au nom de l’association. Elle explique à Maire info qu’au-delà de la seule réflexion de départ sur la CNRACL, la mission de réflexion « a été amenée à avoir une vision plus transverse, à évoquer les questions d’usure, de protection sociale ». « Jusqu’à présent, il n’a été répondu aux difficultés que par des pansements, avec une vision en silo. Pour nous, il faut tout remettre à plat, simplifier, planifier, rendre les choses plus lisibles, redéfinir les missions de chacun et prévoir des financements idoines ».
Usure professionnelle
Ce groupe de travail a permis de mettre autour de la table « un cercle d’élus spécialistes » et les responsables des caisses. Elle a abouti à identifier un certain nombre de pistes de réflexion, qui mettent en avant la nécessité d’une approche globale, au vu « des nombreuses interactions significatives et indissociables entre retraites, invalidité, maladies, prévention et handicap ». Ces pistes, résumées dans un « manifeste », ont été validées par la commission FPT de l’AMF puis par le Bureau de l’association.
La question de la protection sociale ne se pose pas du tout de la même dans la fonction publique territoriale que dans les autres secteurs : en effet, ce sont les employeurs territoriaux qui gèrent la sécurité sociale de leurs agents, contrairement au privé par exemple. Les employeurs, par ailleurs, sont confrontés à des problématiques spécifiques : vieillissement des effectifs, secteurs et métiers en tension, augmentation des départs pour invalidité. « La question de l’usure professionnelle dans la FPT, par exemple, n’a pas du tout été prise en compte par le gouvernement au moment de la réforme des retraites, souligne Murielle Fabre, alors que ce versant emploie un nombre bien plus important d’agents de catégorie C que les autres, avec une part importante d’emplois pénibles ». La question de la prévention de l’usure professionnelle va donc se poser de façon pressante, mais ne doit pas l’être de façon « isolée, en silo », poursuit Murielle Fabre. Il est donc nécessaire d’avoir « une vision transversale et un pilotage commun, coordonné et cohérent », détaille l’AMF.
Un nouvel organisme de gouvernance ?
Le groupe de travail estime donc en premier lieu qu’il est indispensable de lutter contre « l’éclatement » de la protection sociale dans la FPT et d’y reconnaître « un système social commun pour les 1,9 million d’agents et les 44 000 employeurs », organisé autour d’un volet maladie et d’un volet vieillesse.
Ce système devrait, selon l’AMF, être doté d’une gouvernance claire – gouvernance qui n’existe pas aujourd’hui –, « une sorte d’organisme de gestion paritaire, qui pourrait être adossé au Comité des finances locales », détaille Murielle Fabre. Avec les organisations syndicales ? « C’est une vraie question, reconnaît la secrétaire générale de l’AMF, à laquelle il faudra apporter une réponse. Mais j’estime que plus nous irons vers une vision collaborative, mieux ce sera. »
Ce « comité des politiques sociales territoriales » pourrait avoir à la fois, poursuit le Manifeste, une mission « de décision et de contrôle », un rôle consultatif pour « tous les textes réglementaires ayant des conséquences financières », être « une instance de concertation et de propositions ».
Le groupe de travail fait d’autres propositions : mettre fin aux « entités sociales juxtaposées et brouillant les cartes », prendre en compte le risque professionnel dans le cadre d’un « plan santé dans la FPT », fiabiliser les finances du système par « un équilibre solidaire entre agents, employeurs et État ».
Ces conclusions, adoptées par l’AMF, vont maintenant être débattues, « à la rentrée », au sein de la Coordination des employeurs territoriaux, explique Murielle Fabre. « L’AMF se veut plus que jamais une force de proposition, et nous allons maintenant soumettre ces propositions aux autres associations d’élus, pour voir si elles partagent nos conclusions, et réfléchir ensemble jusqu’où nous pouvons aller. »
La secrétaire générale de l’AMF est consciente de l’ampleur de la tâche. « Ce que nous voulons, c’est une vraie remise à plat. Ce n’est pas facile de renverser les choses, il faut du courage ! Mais nous voulons poser des bases de réflexion. » Le précédent de la PSC (protection sociale complémentaire) permet de nourrir quelques espoirs : ce sont les travaux de l’AMF et de France urbaine sur ce sujet, repris par la Coordination des employeurs territoriaux, qui ont donné naissance à l’ordonnance du 17 février 2021.
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Logement
Crise du logement : la refonte de la fiscalité locative réclamée dans un rapport
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Au-delà des meublés de tourisme de type Airbnb, la députée Ensemble Annaïg Le Meur propose de mettre fin aux différences de traitement fiscal entre locations nues et locations meublées. « Il est urgent de stopper la dérive actuelle », assure-t-elle.
La pression s’accentue sur les propriétaires de meublés de tourisme. Après la récente décision du Conseil d’État de supprimer la très avantageuse niche fiscale « Airbnb » (contre la volonté du gouvernement qui avait autorisé les contribuables à ne pas tenir compte de la loi), c’est au tour de la députée fraîchement réélue du Finistère, Annaïg Le Meur (Ensemble pour la République, ex-Renaissance), de resserrer l’étreinte.
Dans un rapport très attendu commandé par Matignon (daté du mois de mai, mais qui n’avait pas été rendu public jusqu’à présent), l’élue confirme la nécessité de mettre fin à cet avantage fiscal accusé d’aggraver et d’entretenir la pénurie de logements un peu partout dans le pays, et particulièrement dans les zones touristiques. Mais elle va bien plus loin en mettant sur la table une série de pistes visant à réformer la fiscalité locative.
Meublés de tourisme : la proposition de loi bientôt mise au vote
Ce n’est pas une surprise puisque celle-ci a déjà été à l’initiative d’une proposition de loi transpartisane sur le sujet avec son homologue socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) – lui aussi réélu – qui visait à favoriser la location de longue durée.
Adoptée en première lecture au Sénat et à l’Assemblée, celle-ci prévoyait d’accorder certains pouvoirs étendus aux maires et de revenir, déjà, sur cette fameuse niche fiscale « Airbnb ». Mais alors que la commission mixte paritaire (CMP) venait d’être convoquée pour finaliser le texte, son parcours parlementaire a été stoppé net après la dissolution décrétée par le chef de l’État et son avenir restait jusque-là incertain.
Les choses devraient, cependant, s’accélérer puisque Annaïg Le Meur vient de laisser entendre qu’il pourrait rapidement être mis au vote. Interrogée hier par Les Échos, celle-ci a, en effet, assuré que les parlementaires sont « prêts à reprendre l'examen du texte, que ce soit à l'initiative du prochain gouvernement ou à l'occasion d'une niche parlementaire ».
Un régime fiscal « inéquitable »
Pointant, dans son rapport, les différences de traitement fiscal entre locations nues et locations meublées, Annaïg Le Meur déplore un cadre fiscal actuel « à la fois excessivement complexe et déséquilibré », celui-ci « favorisant largement certains types de location par rapport à d’autres ».
On a ainsi, d’un côté, les revenus de la location nue qui sont imposés à l’impôt sur le revenu en tant que revenus fonciers, et, de l’autre, ceux de la location meublée qui sont imposés en tant que bénéfices industriels et commerciaux (Bic). Une « distinction historique » qui « avantage fortement » ces derniers, qu’ils soient de courte ou de longue durée.
Résultat, le nombre de contribuables déclarant des revenus issus de la location meublée a ainsi augmenté de 52,4 % en cinq ans, alors qu’il a baissé de 0,2 % pour la location nue, « illustrant l’attrait de la niche fiscale pour la location meublée non professionnelle ».
L’avantage qu’elle confère est, en effet, considérable puisque, dans le même temps, « 68 % des contribuables en régime Bic réel [locations meublées] ne sont pas imposés sur leurs revenus locatifs, contre seulement 14 % de ceux imposés en régime foncier », c’est-à-dire ceux qui possèdent des locations nues.
D’autant que ce cadre fiscal particulièrement avantageux pour la location meublée représente une « dépense fiscale coûteuse pour les finances publiques », estimée en 2016 de « 330 à 380 millions d’euros », et dont « les deux tiers résultent de la règle de l’amortissement ». Une fourchette jugée désormais « basse » par Annaïg Le Meur.
Pourtant, celle-ci estime que « la fiscalité n’a pas à encourager tel type de location par rapport à tel autre », mais, au contraire, qu’il y a « un objectif de politique publique à encourager la location de longue durée ». Une dichotomie de régime fiscal entre location nue et meublée qu’elle considère « comme sans justification, ni économique ni juridique, et comme inéquitable, avec une urgence croissante à agir ».
Difficultés à se loger : une tendance « partout »
Après avoir étudié les marchés de plusieurs villes et d’agglomérations qui connaissent des situations différentes, le constat qu’elle fait est implacable : « La tendance est la même partout. (...) On arrive de plus en plus souvent à des situations où les habitants comme les salariés des entreprises locales ne trouvent pas d’offre locative privée accessible pour se loger, alors que se développent les locations de meublés, notamment de courte durée », déplore l’élue bretonne.
Dans cette situation, elle affirme que « le statu quo n’est plus possible et qu’il est urgent de stopper la dérive actuelle du marché locatif qui empêche un nombre croissant de nos concitoyens d’accéder à un logement ».
Devant ce constat, elle propose trois scénarios principaux (et deux variantes) qui constituent « des réformes fiscales d’ampleur variable ». Mais pour chacun d’eux, tous les revenus locatifs sont réunis dans une seule catégorie, celle des revenus fonciers (seuls les revenus du locatif meublé professionnel (LMP) restant imposés comme bénéfices industriels et commerciaux (Bic), mais avec des critères réévalués).
L’amortissement fait également les frais de ces propositions, sauf dans un seul cas de figure. Car, aux yeux de la rapporteure, « la suppression de la déductibilité des amortissements pour les loueurs de meublés non professionnels au régime réel [lui] paraît impératif », celle-ci suggérant, toutefois, « d’étaler le préjudice subi par les propriétaires concernés ».
L’impact sur les finances publiques serait, là aussi, très variable, allant d’un gain budgétaire minimal de 25 millions d’euros jusqu’à 380 millions d’euros.
Le « Denormandie » au moins jusqu’en 2030
En complément de ces trois scénarios, elle propose « d’améliorer la rentabilité du dispositif du Loc’Avantages » (notamment en augmentant le taux de réduction d’impôt pour chacun des niveaux de loyer du dispositif et en relevant le plafond de l’avantage fiscal) afin de « développer une offre locative privée accessible aux locataires dont les revenus sont réduits ».
De la même manière et afin de promouvoir la rénovation énergétique des logements en centre-ville, elle propose que le dispositif Denormandie soit « relancé, avec des modifications de rentabilité similaires à celles proposées pour le Loc’Avantages, ainsi qu’une pérennisation du régime, au moins jusqu’à 2030, pour plus de stabilité, et un élargissement du périmètre géographique des biens concernés ».
« Le dispositif Denormandie pourrait donc être étendu au sein de certaines communes situées au sein des zones A,1 bis et B1 : tout en restant réservé aux villes labellisées Cœur de ville ou signataires d’une convention ORT, on inciterait les communes situées [dans ces zones] à en signer une. Le dispositif Denormandie pourrait ainsi permettre la rénovation du bâti existant en aboutissant à la résorption de l’habitat indigne dans ces zones A, A bis et B1 », détaille la députée.
À noter qu’elle se dit « favorable à donner aux collectivités, par la fiscalité locale (THRS, THLV, taxe de séjour), les moyens de réguler plus ou moins fortement les distorsions entre les logements résidentiels et touristiques ».
Consulter le rapport.
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Éducation
Éducation nationale : un taux d'absentéisme en baisse, mais à quel prix ?
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Au sein de l'Éducation nationale, qui représente environ 16 % des agents de la fonction publique, le jour de carence imposé depuis 2018 a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences. Un résultat qu'il faut considérer avec précaution, selon l'Insee.
C’est un sujet que l’on retrouve quasiment annuellement dans le débat politique en France : le délai sans versement de salaire ni indemnité de la Sécurité sociale imposé aux salariés et notamment aux agents de la fonction publique.
« En France, plusieurs réformes ont successivement supprimé (1er janvier 2012), réintroduit (1er janvier 2014), puis de nouveau supprimé (1er janvier 2018) l’indemnisation du premier jour de congé de maladie ordinaire (CMO) des agents de la fonction publique », peut-on lire dans une étude publiée par l’Insee mesurant les effets, entre 2006 et 2019, du jour de carence sur les arrêts maladie des agents publics travaillant au sein de l’Éducation nationale.
La loi de finances publiée le 31 décembre 2017, qui visait une réduction des dépenses, a donc instauré un jour de carence dans les trois versants de la Fonction publique en cas d’arrêt maladie. Ce délai de carence fixé à un jour a plusieurs fois été remis en question. Dans le cadre du projet loi de finances 2024, les sénateurs avaient adopté un amendement pour porter le délai de carence des fonctionnaires d’État à trois jours, alignant ainsi la durée de l’arrêt maladie non indemnisé sur le régime de base des salariés du privé.
Thomas Cazenave, alors ministre des Comptes publics, avait par ailleurs souligné fin 2023 que la réinstauration d’un jour de carence en 2018 avait été « très efficace » car elle a entraîné une « baisse de plus de 40 % des arrêts d’une journée ».
L’étude de l’Insee parue ce mercredi confirme cette dynamique de réduction de l’absentéisme en soulignant néanmoins l’existence d’un certain nombre d’effets collatéraux.
Réduction des absences
Selon l’Insee, la réintroduction du jour de carence pour les agents de l’Éducation nationale a effectivement « entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences, et de 5 % du nombre cumulé de jours d'absence pour maladie ordinaire ».
Dans le détail, entre 2006 et 2019, « près de 43 % des agents de l'Éducation nationale sont absents pour cause de maladie ordinaire au moins un jour en moyenne au cours d’une année scolaire ». L’auteure de l’étude indique qu’un agent de l’Éducation nationale connaît en moyenne 6,7 jours d'absence pour maladie ordinaire par an.
Par ailleurs, l’étude fait un lien direct entre la diminution forte du nombre d’arrêts et la durée de l'arrêt maladie : « l’effet estimé est de - 44 % pour les épisodes d’un jour, - 26 % pour les épisodes de deux jours, - 25 % pour les épisodes de trois jours. »
Le constat est donc sans appel : la fréquence des absences diminue. Cependant, l’Insee met en lumière quelques exceptions. Premièrement, le recours aux congés de maladie ordinaire est plus élevé dans le réseau d’éducation prioritaire. L’Insee précise que ce résultat est « susceptible de refléter des conditions de travail plus difficiles ». Deuxièmement, la fréquence des absences dépend également du profil de l’agent : les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé tout comme les plus âgés et les agents bénéficiant de contrats plus avantageux (CDI ou temps plein) que certains plus précaires (CDD ou temps partiel).
Dérives
Cette diminution ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. L’Insee souligne que « l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë. » Certes, « la fréquence des absences diminue lorsque le taux de remplacement du salaire décroît », mais ce jour de carence peut avoir des effets négatifs indirects.
L’application du jour de carence peut « encourager les personnes malades à poursuivre leur activité professionnelle ». Cette tendance peut entrainer des conséquences sur l’état de santé de l’agent mais aussi, en cascade, sur les dépenses publiques associées, la productivité du l’agent, la santé des autres agents en cas de maladie contagieuse, etc.
Autre dérive observée par l’Insee : les femmes sont davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence, surtout lorsqu’elles exercent dans le réseau d’éducation prioritaire. Étant la population représentant le nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire le plus élevé, elles sont « donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence ». L’auteure précise que « ces comportements d’absence peuvent refléter des disparités d'état de santé ou d'exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence. »
Si le jour de carence a un effet sur les comportements des agents de l’Éducation nationale, il pourrait aussi avoir des incidences sur les performances scolaires des élèves. « Des données complémentaires seraient nécessaires pour évaluer » cet effet, précise l’Insee.
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Journal Officiel du vendredi 19 juillet 2024
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