Édition du vendredi 21 juin 2024

Aménagement numérique du territoire
Fermeture du réseau cuivre en 2025 : comment les communes se préparent à dire adieu à l'ADSL
L'ADSL va définitivement disparaître en France d'ici 2030. Première étape : 162 communes vont être concernées par la fermeture définitive du réseau cuivre le 31 janvier 2025. Dans cette période de transition où la fibre optique doit prendre le relais, les élus de ces communes s'impliquent pour ne laisser personne au bord de la route.

La fin du réseau cuivre se profile à l’horizon 2030. C’est un chantier colossal conduit par l’opérateur historique Orange qui va faire du réseau FTTH (Fiber to the home) la « nouvelle infrastructure de référence ». Cette bascule de l’ADSL vers la fibre va se faire en plusieurs phases.

Des premières expérimentations se sont terminées le 31 mars 2023 avec l’arrêt définitif des services sur réseau cuivre dans 7 communes : Lévis-Saint-Nom (78), Voisins-le-Bretonneux (78), Provin (59), Issancourt-et-Rumel (08), Vrigne-aux-Bois (08), Vivier-au-Court (08) et Gernelle (08). 

Le plan de fermeture du cuivre d’Orange fonctionne « selon une logique de lots annuels de communes ». Le premier lot a été annoncé en décembre 2022 et concerne 162 communes. Pour ces communes, le réseau cuivre historique, qui fournit le téléphone, internet et la télévision, n’existera plus au 31 janvier 2025 et sera remplacé par la fibre optique.

Mais cette transition ne se fait pas toute seule. Les élus de ces communes ont dû se saisir de ce dossier dont l’enjeu est de taille, notamment pour qu’aucun administré ne se retrouve sans solution à la date butoir. 

Déploiement de la fibre : le temps presse 

La position de l’Arcep, le gendarme des télécoms, est claire sur ce point : « Pour que la fermeture du réseau cuivre soit une réussite, il faut aussi que les réseaux fibre soient déployés » et que donc chaque commune atteigne un taux de déploiement de 100 %, c’est-à-dire que tous les locaux identifiés puissent être raccordés à la fibre. 

À quelques mois maintenant de cette fermeture, les communes ne sont pas loin d’atteindre cet objectif mais des disparités existent. 

Pour la commune d’Aizenay (85), « la partie déploiement fibre n’est plus une question » selon Fabrice Praud, collaborateur de cabinet de la ville qui rapporte que le taux de déploiement atteint aujourd’hui 98,91 %. Du côté de Vendée numérique (réseau d'initiative publique qui déploie la fibre dans le département), on confirme bien que « le taux de 100 % d’adresses éligibles sera atteint bien avant l’échéance du 31 janvier 2025 sur les communes du Poiré-sur-Vie et d’Aizenay » – communes du lot 1.

Cependant, il faut souligner que la ville d’Aizenay (10 146 hab) « avait été choisie en 2023 – avec Le Poiré-sur-Vie - en raison de l’avancée du déploiement de la fibre optique sur son territoire (plus de 95 % de taux de déploiement) et de sa dynamique commerciale », comme le pointe Fabrice Praud. Toutes les communes du lot 1 n’ont pas forcément cet avantage.

À Darazac (19), le taux de couverture est à « plus de 80 % » selon l’Arcep mais « même si ça s’est amélioré, on n’est pas à 100 % », rapporte Joël Beynel, le maire de la commune. Dans la commune de Fontaine-au-Bois (59) qui fait aussi partie du lot 1, le taux de couverture est également aujourd’hui « à plus de 80 % » selon l’Arcep. Jusqu’à l’année dernière encore, la mairie elle-même et l’école n’étaient pas fibrées. 

Communication : un travail de terrain quotidien 

La bascule du cuivre vers la fibre ne peut se faire sans le travail des élus sur place, et c’est ce que démontre cette phase du lot 1. À Darazac (142 hab), « l’information a bien été passée à nos administrés sur le sujet et aux propriétaires de maisons car on a aussi des résidences secondaires sur la commune », indique le maire. La mairie a notamment insisté sur la fameuse date arrêtée pour la disparition du cuivre. 

Corinne Moreau, conseillère municipale en charge du dossier fibre dans la commune de Fontaine-au-Bois (695 hab), explique que la mairie a mené de nombreuses actions de communication : « On a fait énormément de communication par mail, mais aussi plusieurs fois dans le bulletin municipal. On en parle aussi régulièrement par exemple lors des repas des ainés. » Car comme elle l’indique, le plus compliqué est de sensibiliser les publics les plus éloignés d’internet, notamment les personnes isolées et/ou âgées. Problème : au niveau de la commune aucune information n’est transmise sur « qui a la fibre et qui ne l’a pas encore », et comme il ne faut oublier personne, la solution reste souvent le porte-à-porte : « C’est difficile de suivre car on a un chiffre global et toute la difficulté est d’aller à la pêche aux retardataires. »

Ce regret sur le manque d’informations transmises aux collectivités est partagé en Vendée : « Vendée numérique et les services du département ont demandé à pouvoir avoir accès aux fichiers de l’opérateur Orange pour pouvoir cibler les déploiements », indique Fabrice Praud. Les communes ne sont en effet pas à la manoeuvre en ce qui concerne le déploiement de la fibre, mais il ne fait aucun doute qu'en cas de problèmes, ce sont elles qui vont devoir gérer. 

La commune d’Aizenay (85) a notamment mis en place avec Vendée numérique des permanences en mairie, ce qui a permis d’accueillir 120 personnes au total. « La ville mène aussi des actions pour sensibiliser les acteurs sociaux et les associations locales à travers un questionnaire sur les conseils pratiques sur la fin du réseau cuivre à Aizenay », explique Fabrice Praud ajoutant que si la partie technique fonctionne bien, le « plus difficile c’est l’information aux personnes. »

Effort de pédagogie 

« La plus grosse difficulté est de faire comprendre aux gens que fibre ne veut pas dire uniquement internet, témoigne Corinne Moreau. Souvent, les personnes âgées me répondent "je n’ai pas besoin d’internet donc je ne veux pas la fibre" ». « On a aussi beaucoup de personnes âgées dans la commune et c’est compliqué de leur expliquer que demain ils n’auront plus de téléphone », raconte le maire de Darazac. 

Pour rappel, le réseau cuivre historique, fournit le téléphone, internet et la télévision. Concrètement, une fois le cuivre fermé, si la personne utilise un service de téléphonie fixe et/ou d’internet ADSL connectés via une prise en T, plus rien ne fonctionnera chez elle. La solution est donc de migrer vers la fibre. 

Les élus doivent donc redoubler d’imagination et de patience. « Sur le bulletin municipal j’ai publié une photo d’une prise téléphonique classique avec une croix dessus pour expliquer que cette dernière n’allait plus fonctionner sans la fibre », témoigne l’élue du Nord. 

Une implication qui doit rester à l'appréciation des maires 

Les associations d’élus plaident depuis plusieurs années pour la mise en place d’une « communication institutionnelle neutre » et d’une « structure nationale » pour encadrer cette bascule vers la fibre, sur le même modèle que le passage à la TNT. Si le gouvernement a lancé l’année dernière la plateforme treshautdebit.gouv.fr (une rubrique est dédiée aux élus locaux) force est de constater que cela reste insuffisant.

Les associations d’élus demandent depuis plus d’un an la mise en place d’une instance tripartite neutre, État, associations de collectivités locales et opérateurs pour accompagner les usagers et les élus dans cette bascule du cuivre vers la fibre (campagne d'information nationale, numéro vert…). « Ce système n’a pas été réalisé », a regretté Michel Sauvade, co-président de la commission Numérique de l'association des maires de France (AMF), qui déplore par conséquent que la question de la communication aux administrés « reste entière ». Il alerte : « le maire n’a pas à prendre à sa charge la communication des opérateurs ». 

Il est important de souligner en effet que la communication en direction des habitants doit être laissée à l’appréciation du maire. L'AMF rappelle régulièrement à Orange et au gouvernement qu'il n’appartient pas aux communes de prendre en charge les coûts occasionnés par cette communication (éditions des flyers, des plaquettes d’information, des affiches…).  

En plus des retardataires, des irréductibles 

Les premiers retours de ces communes du lot 1 qui s’apprête à couper définitivement les ponts avec le vieux réseau ADSL mettent en lumière une population dont on ne parle pas souvent lorsqu’on parle du 100 % fibre. 

Les opérateurs et politiques parlent de la fibre en taux de déploiement, c’est-à-dire en termes de locaux raccordables. Mais le taux de déploiement est différent du taux de commercialisation qui correspond aux nombres d’abonnements fibre effectivement souscrits. 

À Darazac, le maire recense actuellement « 66 % d’installations de boitiers fibre » dans la commune. Dans la ville d’Aizenay, le taux de commercialisation est à 77,77 % alors qu’il était autour de 60 % en 2022 : « On augmente environ de deux points par trimestre », précise Fabrice Praud qui indique qu’ils vont désormais devoir aller toucher les personnes qui n’ont pas internet mais qui ont de la téléphonie fixe.

Dans les faits, tout le monde n’aura pas la fibre. « Le déploiement de la fibre suit son cours mais on ne peut pas obliger les habitants à prendre un abonnement à la fibre », pointe le maire de Darazac. Les propriétaires de résidences secondaires par exemple ne souhaitent pas forcément avoir la fibre. « Certaines personnes âgées n’ont plus qu’un mobile et ne souhaitent pas avoir internet », rapporte Corinne Moreau. C’est (parfois) une question de choix. Pour les maisons isolées géographiquement par exemple qui nécessitent des travaux conséquents en raison de raccordements complexes, des solutions basées sur la 4G sont souvent choisies à la place de la fibre, car moins coûteuse. 

Dans toutes ces communes, quel que soit le choix des habitants, les élus ont veillé à ce que les administrés puissent prendre leurs dispositions suffisamment tôt. L’éligibilité d’un logement à la fibre n’est pas une évidence et il faut en être conscient : « Nous avons eu le cas d’une maison pas du tout isolée, entourée de deux maisons déjà fibrées, qui elle, n’était pas éligible à la fibre. » Ainsi, l’élue du Nord rappelle qu’il ne « faut pas s’y prendre à la dernière minute » car l’obtention d’un rendez-vous peut prendre plusieurs mois. 

Ce que redoutent les élus ce sont les sursauts de dernière minute. « Des réactions négatives peuvent arriver quand les gens n’auront plus de cuivre », envisage Joël Beynel. « Il ne faut pas que tout le monde s’y prenne au dernier moment » au risque de rallonger les délais d’attente et de laisser certains foyers « sur le bord de la route », sans internet et sans téléphone. 

Avant la fermeture du cuivre, les élus l’ont bien compris : mieux vaut prévenir que guérir. Si les élus se chargent aujourd’hui, avec leurs moyens, de la partie « prévention », on se demande qui prendra en charge la partie « guérison » en cas de problèmes… 




Élections
Le Conseil constitutionnel valide la date des élections législatives
Les Sages ont rendu hier leur avis sur les douze requêtes présentées par divers partis et associations et remettant en cause la date des élections législatives. Toutes ces requêtes sont rejetées.

Une très légère incertitude planait sur l’organisation des élections législatives, les 30 juin et 7 juillet prochains : en effet, une douzaine de requêtes ont été déposées devant le Conseil constitutionnel, remettant en question le caractère constitutionnel du décret du 9 juin convoquant les électeurs pour ce scrutin (lire Maire info du 19 juin). 

Ces requêtes touchaient à plusieurs sujets, mais c’était principalement le délai entre le décret et le scrutin qui était remis en cause, des requérants jugeant que le délai minimal fixé par la Constitution entre la dissolution et le premier tour (20 jours) n’était pas pleinement respecté, dans la mesure où le décret a été publié le 10 juin et que le premier tour aura lieu le 29 juin outre-mer.

Les Sages ont d’emblée balayé cet argument : « Le président de la République a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale par un décret du 9 juin qui a pris effet le jour même », écrivent-ils. Il y a bien 20 jours entre le 9 et le 29 juin, et l’article 12 de la Constitution est donc bien respecté. 

Délais trop courts

Plusieurs requérants ont également fait valoir que les délais laissés aux candidats pour déposer leur dossier de candidature ont été trop courts, ce qui nuirait « à la sincérité du scrutin ». Là encore, les Sages n’ont pas vu de problème particulier : prévoir que les candidatures seraient reçues « à partir du 12 juin jusqu’au 16 juin à 18 heures » ne méconnaît « aucune exigence constitutionnelle ». 

Autre angle d’attaque : certains ont estimé que la date d’ouverture de la campagne (lundi 17 juin, une semaine après la dissolution), était « incompatible avec les délais dans lesquels le tribunal administratif doit se prononcer sur la régularité ou le refus d'enregistrement d'une déclaration de candidature ». Argument jugé « inopérant » par les Sages, puisque la fixation de cette date est « sans incidence sur le contrôle des déclarations de candidature ». 

Listes électorales

La question des inscriptions sur les listes électorales a été abordée par certains requérants, qui ont contesté l’article 4 du décret. Celui-ci dispose que les élections auront lieu sur la base de la liste électorale arrêtée au 9 juin 2024 ce qui, selon un requérant, risque de « priver de nombreuses personnes de la possibilité de participer au scrutin ». 

Le Conseil constitutionnel rappelle que selon le Code électoral, les inscriptions doivent être closes le sixième vendredi précédant le scrutin. Le fait d’avoir fixé une date plus tardive (le jour de la dissolution, soit trois semaines et non six avant le scrutin) n’est pas irrégulier, expliquent les Sages, puisque cette date répond aux exigences de l’article 12 de la Constitution. Et la Constitution prévaut sur la loi, dans la hiérarchie des normes. 

Il est donc normal que le gouvernement ait procédé à des adaptations de « certaines modalités particulières d'organisation du scrutin au regard de la date fixée pour le premier tour des élections (…), afin de tenir compte des contraintes matérielles que représente l'établissement des listes électorales pour les communes et de la nécessité d'en disposer au plus tôt pour assurer le bon déroulement des opérations de vote. »

Par ailleurs, les Sages rappellent que « les électeurs qui estiment avoir été omis de la liste électorale de leur commune en raison d'une erreur purement matérielle ou avoir été irrégulièrement radiés peuvent saisir le tribunal judiciaire, qui a compétence pour statuer jusqu'au jour du scrutin ». 

Procurations

Une autre requête concerne les procurations. Le décret indique en effet que comme pour les élections européennes, il sera possible aux législatives de faire une demande de procuration entièrement dématérialisée, grâce au dispositif France identité. Les requérants jugent que cette dématérialisation « supprimerait la possibilité d’une vérification du caractère personnel de ces demandes et entraînerait un risque de fraude ». Argument, là encore, rejeté par le Conseil constitutionnel, qui rappelle que la téléprocédure suppose d’avoir préalablement attesté de son identité à l’aide « d’un moyen d’identification certifié » (en l’espèce, un passage en mairie pour contrôle des empreintes digitales). 

Conclusion des Sages : les griefs présentés par les douze requérants sont écartés, et l’ensemble de ces requêtes « doivent être rejetées ».

Le scrutin se tiendra bien les 30 juin et 7 juillet. Les Sages n’ont même pas eu à s’interroger sur l’opportunité de décaler d’une semaine le scrutin, ce qui aurait posé des problèmes pratiques insurmontables au regard de l’approche de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques, puisque pour eux, aucune disposition du décret du 9 juin n’est inconstitutionnelle. 

Accéder à la décision du Conseil constitutionnel.




Finances locales
Finances locales : l'AFL voit apparaître « l'émergence de deux blocs » divergents au sein du monde local
Si le bloc communal résiste et « conforte sa situation financière » depuis quelques années, le bloc « départements/régions » voit ses équilibres budgétaires se dégrader, selon l'Agence France locale.

« Face aux incertitudes, un monde local qui se scinde ? » C’est la question que se pose l'Agence France locale (AFL) dans la nouvelle édition de son baromètre annuel consacré à la santé financière des collectivités en 2023. Et la réponse semble affirmative, à en croire la seule banque française détenue par les collectivités et qui leur est dédiée.

Deux blocs

Si « la tendance générale à l’amélioration, observée depuis plusieurs années, s’est poursuivie » l’an passé, celle-ci « ne masque plus les grandes inquiétudes qu’inspirent l’évolution de certains territoires ou de certains types de collectivités », constate-t-elle. L’année 2023 a ainsi été « très rude pour l’ensemble du bloc départemental ».

L’AFL observe ainsi depuis quelques années « l’émergence progressive de deux blocs au sein du monde local : d’une part le bloc communal qui résiste, voire conforte sa situation financière, et d’autre part le bloc "départements/régions" dont les équilibres budgétaires évoluent de manière beaucoup plus erratique et tendent à se dégrader ».

Ces trajectoires divergentes reflètent à la fois « la succession de crises depuis 2020 (contexte inflationniste, hausse des taux, crise de l’immobilier…) » ainsi que « la conséquence de décisions politiques (nationalisation de la fiscalité locale, accroissement de la dépendance du panier fiscal à la conjoncture économique, asymétrie entre recettes et dépenses des départements…) », explique la banque des collectivités qui note que la dégradation de la conjoncture a eu « un fort impact sur les budgets locaux ». 

« Sévère dégradation » pour les départements

Afin de mesurer leur santé financière des collectivités, chaque année, l’AFL attribue une note aux collectivités allant de 1 à 7 (de la meilleure note à la plus dégradée) qui repose sur la solvabilité, le poids de l’endettement et les marges de manœuvre budgétaires.

En 2023, les collectivités ont ainsi vu cette note financière légèrement progresser, celle-ci ayant été portée à 2,79 (contre 2,82, l'année précédente), et est ainsi « la meilleure » note depuis 2014. Une progression qui cache, toutefois, « une grande diversité de situations », l'analyse montrant « des dynamiques inédites par rapport aux années précédentes, dans tous les segments du monde local ».

En métropole, les collectivités des régions situées dans la partie nord du pays sont ainsi globalement dans une « meilleure » situation financière que celles du sud, alors que les collectivités d’outre-mer voient la leur « globalement dégradée par rapport à leurs homologues de métropole ».

Premier enseignement : alors qu’ils étaient la catégorie de collectivité la mieux notée depuis deux ans, les départements ont connu une « sévère dégradation » de leur note en 2023 faisant désormais d’eux la catégorie la moins bien notée (3,5 sur 7), dans un contexte de « dégradation budgétaire inédite depuis dix ans ». « Depuis que le baromètre mesure la santé financière des collectivités, la seule dégradation aussi importante avait été celle des régions qui avaient subi de plein fouet le choc de la crise de 2020 », note la banque.

D’ailleurs, hormis lors de cette année pandémique, c’est en 2023 que les régions subissent leur « moins bonne note des six derniers exercices » avec « une évolution similaire » à celle des départements, mais moins prononcée.

La meilleure note aux petites communes

A l’inverse, le bloc communal confirme, lui, sa « tendance à l’amélioration » sur les dernières années portée notamment par la santé financière « solide » des communes qui font « montre d’une grande résilience » (avec une note de 2,73). Une tendance qui a été « seulement entamée en 2021 » pour les EPCI (qui reçoivent la note de 3,08). « Ces derniers ne sont désormais plus le type de collectivités à la situation la plus faible et font mieux que les régions et les départements », observe ainsi l’AFL. 

Dans le détail, ce sont toujours les communes de moins de 500 habitants qui obtiennent, année après année, la meilleure note financière (2,49) grâce notamment à leur « faible niveau d’endettement et de charges de centralité moindres ». Une note qui reste, toutefois, quasi stable par rapport à l’année 2022.

Une stagnation qui fait exception puisque, en 2023, l’amélioration est globale. Contrairement à l’année précédente où « l’on constatait de fortes disparités entre les différents échelons communaux ».

A l’opposé du spectre, on retrouve les communes de 20 000 à 100 000 habitants qui reçoivent la moins bonne note communale (3,61), juste devant les plus grandes villes.

Cependant, l’AFL constate que « plus les communes sont peuplées, plus leur situation financière s’est améliorée » en 2023, à l’exception des communes comptant entre 5 000 et 10 000 habitants qui nuancent légèrement cet ordre des choses. 

Une évolution des recettes différente

A noter, par ailleurs, la « très légère détérioration » de la situation financière des syndicats qui se distingue surtout par « une très grande stabilité d’une année à l’autre, au cours des six exercices étudiés ».

Pour quelles raisons les deux blocs (communal et départements/régions) connaissent des trajectoires financières divergentes ?

Selon l’AFL, c’est « l’évolution des recettes selon les types de collectivités » qui explique cette situation. Le bloc communal a ainsi bénéficié de recettes plus dynamiques que les départements et les régions du fait de « la revalorisation des bases du foncier bâti » et d’un « effet inflation qui a renchéri les recettes associées à la réversion de TVA ». 

De leur côté, les départements « ne bénéficient plus des recettes liées à la CVAE et à la TFPB, et ont été pénalisé par le ralentissement du marché immobilier, et donc à la baisse du montant de DMTO perçu ». 

Résultat, « ces dynamiques se traduisent, pour le bloc communal, par une nette amélioration de l’épargne brute, alors même que celle des départements - et dans une moindre mesure celle des régions - baisse fortement ». En outre, « le taux d’endettement du bloc communal diminue, celui des départements reste stable et celui des régions s’accroît ».

Consulter le baromètre.
 




Départements
La situation financière des départements reste préoccupante, selon l'Odas
Les dépenses sociales et médicosociales des départements ont augmenté de 5,2 %, selon l'Observatoire national du développement et de l'action sociale (Odas). Cette augmentation inédite met en difficulté les départements qui doivent faire face aux effets de l'inflation et à la réduction des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

43,6 milliards d'euros : c’est le montant de la dépense nette d’action sociale départementale pour l’année 2023. C’est ce que montre une étude dévoilée cette semaine par l'Observatoire national du développement et de l'action sociale (Odas). 

Les principaux résultats de cette enquête annuelle qui « analyse l’évolution des dépenses sociales et médico-sociales des départements » pointent une très forte augmentation de ces dépenses. Alors qu’en 2021 la hausse des dépenses enregistrée était de 0,4 % et qu’en 2022 elle était de 2,7 %, l’année 2023 bat tous les records avec une augmentation de 5,2 %, « soit une dépense supplémentaire par rapport à l’année précédente de 2,15 milliards d’euros ». 

Selon l’Odas, « l’évolution des dépenses s’explique à la fois par le nombre de bénéficiaires et par le coût de la prise en charge. Que ce soit sous la forme d’allocations ou de paiement des établissements et services, la majorité de l’augmentation des dépenses a pour causes principales les augmentations salariales et, dans une moindre mesure, l’inflation. »

9,76 milliards d’euros pour la protection de l’enfance 

L’action sociale et médico-sociale étant une compétence importante des départements, une large partie de leurs budgets est consacrée aux politiques sociales (protection de l’enfance, personnes âgées dépendantes, personnes en situation de handicap, insertion, personnel).

L’Odas propose une analyse des évolutions par secteurs qui met en lumière en 2023 « l’importance de l’augmentation de la dépense de protection de l’enfance ». En effet, la protection de l'enfance ou aide sociale à l'enfance (ASE) enregistre une dépense en hausse de 10,2 %, « deux fois supérieure à celle de l’ensemble des dépenses d’action sociale (+ 5,2 %). Elle atteint désormais 9,76 milliards d’euros contre 8,86 en 2022, année où l’évolution était déjà de + 6,9 % par rapport à 2021. »

Comment expliquer cette hausse ? L'augmentation du coût du placement qui s’explique notamment par des revalorisations salariales des personnels des départements et des ESSMS et des assistant(e)s familiaux joue un rôle. Mais c’est surtout la hausse du nombre d'enfants pris en charge qui fait pencher la balance. Au total, le nombre de jeunes hébergés a augmenté de 10 700 (+ 5,3 %) en un an pour s'établir à 212 100 fin 2023, selon l’AFP. Cette augmentation « traduit vraisemblablement une fragilité croissante des situations familiales y compris au niveau psychique, l'isolement des parents et la dégradation des liens sociaux », selon l'Odas.

Pour le soutien aux personnes handicapées, les dépenses ont aussi bondi. La dépense nette s’élève à 9,29 milliards d’euros (en augmentation de 6,7 % en dépense nette par rapport à 2022 et 5,9 % en charge nette après compensation par la CNSA). « L’hébergement et l’accueil de jour représentent 62 %, la prestation de compensation du handicap (PCH) représente 32 % et les autres dépenses 6 %. »

Pour le reste, « la dépense nette de soutien aux personnes âgées dépendantes évolue de façon modérée : 230 millions d’euros soit + 3 % » et la dépense nette d’insertion des départements (RSA) est en progression de 250 millions d’euros, soit + 2,4 %. « Elle atteint 10,85 milliards d’euros fin 2023 » et ce malgré « une baisse du nombre de bénéficiaires du RSA pour la troisième année consécutive ». Concernant les dépenses liées au coût salarial des départements, l’Odas pointe une augmentation de plus de 6 % des dépenses, pour un budget total de 4,47 milliards. Cela s’explique notamment par les revalorisations du point d’indice notamment mais aussi par la revalorisation de salaires dans certains départements. 

Des dépenses qui augmentent, des recettes en baisse 

Plus de missions d’un côté dans le champ social et moins de recettes de l’autre avec la crise du logement et la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) : la situation financière des départements est de plus en plus compliquée. 

Comme l’expliquait François Durovray, président du département de l’Essonne, à Maire info à l’occasion du dernier congrès des maires, « l’Etat a confié [aux départements] de nouvelles missions dans le domaine social et pour l’ensemble des départements cela représente plusieurs milliards de dépenses supplémentaires. Face à ces dépenses, on a besoin de recettes. Le problème c’est qu’en 2023 nos avons perdu l’équivalent de la hausse de six années. La baisse des droits de mutation produit un effet de masse énorme avec des dépenses qui continuent à croitre et des recettes qui s’effondrent brutalement. C’est un effet ciseaux auquel on ne sait pas faire face. Il faut que l’État vienne au soutien des départements. »

Malheureusement, la tendance ne risque pas de s’inverser de sitôt. Selon l’Odas, « les perspectives pour 2024 sont particulièrement préoccupantes » car « les dépenses seront tirées à la hausse par l’aide sociale à l’enfance et la prestation de compensation du handicap (PCH), tout comme la reprise de l’augmentation des charges liées à l’insertion ». 

Qualifiant la situation de « crise structurelle », les auteurs de cette enquête annuelle estiment que « la seule voie est la reconstruction et l’entretien des solidarités de proximité. Une perspective atteignable par la mobilisation conjointe des services de l’État, des départements, des communes, des acteurs locaux et des habitants, sans omettre la nécessité de changer de regard sur les personnes accompagnées, en ne les réduisant pas à leurs difficultés et en s’appuyant davantage sur leurs potentialités. »

Consulter la synthèse de l’étude. 
 




Santé publique
Retour de la régulation dans les centres de santé :  quelles conséquences pour les collectivités ?
Un décret « visant à améliorer l'encadrement des centres de santé » a été publié ce matin, en application de la loi Khattabi du 19 mai 2023. Il s'agit de revenir sur la dérégulation de ce secteur, qui a eu des conséquences parfois catastrophiques pour certains patients.  

Depuis plusieurs années, des officines privées de soins dentaires ou ophtalmologiques se développent partout, jusque dans les petites communes. C’est la conséquence de la dérégulation du secteur, qui a commencé en 2009 avec la suppression de l’agrément obligatoire avant l’ouverture de centres de santé, suppression contenue dans la loi Bachelot dite Hôpital patients santé et territoires (HPST). Au nom de la lutte contre la désertification médicale, il est devenu possible d’ouvrir un tel centre sans l’agrément des autorités de santé. Mais la loi Bachelot fixait tout de même une limite importante : une telle ouverture n’était autorisée que pour les établissements à but non lucratif. 

Cette digue a sauté en 2018, quand la ministre de la Santé Agnès Buzyn prend une ordonnance ouvrant le secteur aux établissements privés à but lucratif… et toujours sans agrément obligatoire. Résultat : une explosion des ouvertures de centres dont certains étaient bien loin de remplir les exigences minimales de professionnalisme, avec à la clé un certain nombre de scandales – surtraitements, surfacturations, voire mutilation de patients dans des centres dentaires… Agnès Buzyn dira par la suite, dans l’émission Compléments d’enquête, avoir regretté sa décision : « Je n’ai pas imaginé qu’il y aurait de telles dérives », avouera-t-elle, ni que « certains qui ne sont même pas médecins ouvrent des centres de santé »…

La loi Khattabi

Face aux dérives et aux scandales, la majorité a présenté en 2022 une proposition de loi pour remettre en place une forme de régulation : la proposition de loi de Fadila Khattabi et Aurore Bergé, adoptée au printemps 2023, rétablit l’obligation d’agrément avant ouverture d’un centre de santé ayant une activité dentaire, ophtalmologique ou gynécologique, au vu de « la concentration des dérives dans ce type de centres », et impose aux centres existant avant l’adoption de la loi de déposer une demande d’agrément. 

Cette loi impose un certain nombre de mesures de bon sens – dont le plus surprenant est surtout qu’elles n’aient pas été en vigueur plus tôt – comme l’obligation pour le gestionnaire de transmettre à l’ARS une copie des diplômes et du contrat de travail des praticiens exerçant dans le centre ! 

La loi a instauré un certain nombre de mesures de contrôle, notamment sur les conflits d’intérêt, et durcit les conditions pouvant mener à la fermeture d’un centre. 

Enfin, elle impose la création, dans les centres dentaires et ophtalmologiques, d’un « comité médical », « responsable de la politique d'amélioration continue de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins », et impliquant le personnel et les usagers. 

Pas d’accompagnement financier pour les communes et intercommunalités

Le décret paru ce matin au Journal officiel détaille les modalités d’application de cette loi, en particulier sur le contenu des dossiers d’agrément et les mesures de contrôle. Il définit également les détails opérationnels du fonctionnement des comités médicaux, qui devront se réunir quatre fois par an. Il est précisé qu’il revient au gestionnaire du centre de santé de « fournir au comité les moyens logistiques nécessaires à la conduite de ses missions ». 

Les collectivités locales sont naturellement concernées par ces mesures, parce qu’au-delà des centres à but lucratif plus ou moins sérieux, un tiers des 2 500 centres de santé du pays est géré directement par une commune ou une intercommunalité. Il reviendra donc à ces communes et intercommunalités de « fournir les moyens logistiques » permettant le fonctionnement des comités médicaux. 

Lors de l’examen de ce décret par le Conseil national d’évaluation des normes, début juin, l’AMF a exprimé certaines « réserves ». Elle a notamment demandé au ministère quelle serait la responsabilité du gestionnaire (par une exemple une commune) si aucun agent du centre de santé ne souhaite s’investir dans le comité. Les représentants du ministère de la Santé ont répondu qu’il revient bien au gestionnaire de « créer un cadre propice à l’engagement des agents du centre dans cette activité ». Une réponse qui n’a guère rassuré l’AMF. 

Par ailleurs, l’association a demandé si un accompagnement financier était prévu pour aider les communes et intercommunalités à fournir les moyens logistiques des comités médicaux. La réponse est non. 

Dans ces conditions, les représentants des élus ont donné un avis favorable au décret, mais « avec réserves »
 







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