Édition du lundi 27 mai 2024 |
Budget
Emmanuel Macron accuse les collectivités d'être responsables de la dérive des comptes publics
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C'est une petite phrase du chef de l'État, dans une interview à l'hebdomadaire L'Express, qui a fortement irrité les associations d'élus. Emmanuel Macron rend en effet les collectivités seules responsables de la « dérive » des dépenses publiques. Ce qui relève, pour le moins, d'une certaine audace.Â
Emmanuel Macron est à la Une de L’Express cette semaine, dans le cadre d’une longue interview intitulée « On garde la cap car notre stratégie est la bonne. » Toute la première partie de cette interview est consacrée à la question du déficit public, qui s’est établi à 5,5 % du PIB l’an dernier, bien au-delà des prévisions déjà pessimistes du gouvernement.
« Pas de dérapage des finances de l’État »
Dans un long plaidoyer pro domo, le chef de l’État balaye les critiques en jugeant que la stratégie du gouvernement, « une politique d’offre destinée à remuscler notre appareil productif », est la bonne. Pour Emmanuel Macron, c’est la crise des Gilets jaunes, puis le covid-19 et le « quoi qu’il en coûte », la guerre en Ukraine et la crise énergétique, qui ont rebattu les cartes alors que le déficit était « maîtrisé ». « Nous avons accumulé une dette covid, puis une dette de protection face à la guerre en Ukraine et à l’inflation. Cette politique (…) était nécessaire ».
Au chapitre des réussites de son gouvernement, Emmanuel Macron souligne « un bilan inédit » sur le plan fiscal, avec « 60 milliards d’impôts en moins, 30 sur les ménages et 30 sur les entreprises ».
Reste que le trou des finances publiques continue de se creuser (173 milliards d’euros en 2023, soit 21 milliards de plus que l’année précédente). Le chef de l’État a une explication simple : les recettes fiscales ont diminué du fait du ralentissement de l’activité économique. Et il ajoute : « Hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités territoriales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État ».
Les collectivités locales sont donc, pour le locataire de l’Élysée, seules responsables du dérapage budgétaire de 2023.
Contre-vérité
Ces déclarations du chef de l’État, notamment sur le fait qu’il « n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État », ont dû en faire sursauter plus d’un, tant du côté de la Cour des comptes que de celui de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui chacun ont alerté l’État, bien au contraire, sur la dérive de ses dépenses. On peut rappeler, par exemple, les déclarations sévères de Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors d’une audition par le Parlement au mois d’avril. « Quand j’étais venu présenter le rapport sur le budget de l’État, j’avais parlé de 2023 comme d’une année blanche. […] En réalité, c’était une année noire qui s’est révélée pour les finances publiques de l’État. […] Sur les dépenses, il y a un constat clair et décevant : nous n’avons pas profité du reflux des dépenses exceptionnelles de crise et de relance pour diminuer les dépenses de l’État et réduire le déficit. » Pierre Moscovici chiffrait alors, pour 2023, les « nouvelles mesures » à 15 milliards d’euros, auxquelles il fallait ajouter « 14,5 milliards de dépenses ordinaires » et « 6 milliards de masse salariale », du fait de l’augmentation du point d’indice et de l’embauche par l’État de presque 9 000 équivalents temps plein.
« Déclaration provocatrice »
Les principales associations d’élus n’ont pas tardé non plus à répondre à ces propos : l’AMF, Régions de France et Départements de France ont publié conjointement, vendredi soir, un communiqué au ton particulièrement agacé : « Non, M. le président de la République, les collectivités locales ne sont pas responsables de la dérive des finances publiques ! ».
Les trois associations qualifient les déclarations d’Emmanuel Macron de « déloyales » et tiennent à remettre les points sur les i, en rappelant que la hausse – bien réelle – des dépenses des collectivités ne relève pas d’un choix des élus mais d’un facteur exogène – l’inflation et la hausse des taux d’intérêts – et de choix… de l’État, comme « le transfert de charges de l’État vers les collectivités » ou la décision de celui-ci d’augmenter le point d’indice ou « les allocations sociales versées par les départements et les CCAS ».
Loin d’être responsables du déficit public (il faut rappeler, encore une fois, que les collectivités n’ont pas le droit de voter un budget qui ne soit pas à l’équilibre et que, contrairement à l’État, elles ne peuvent emprunter pour financer leurs dépenses de fonctionnement), les collectivités, affirment les trois associations, « contribuent depuis des années à améliorer les comptes publics, tandis que l’État connaît un dérapage structurel de ses dépenses ». La dette des collectivités, rappellent-elle également, a « légèrement baissé en 30 ans », passant de 9 % du PIB en 1995 à 8,9 % en 2023, quand dans le même temps, celle de l’État « s’est envolée », passant de 40,1 à 89,7 % du PIB.
Les trois associations concluent leur communiqué avec des mots durs : « Cette déclaration provocatrice porte une nouvelle atteinte à la confiance pourtant nécessaire entre l’exécutif et les élus locaux. Il s’agit manifestement d’une tentative de détournement de l’opinion publique par le président de la République, pour occulter la lourde responsabilité de l’exécutif sur la dégradation des comptes publics du pays. »
Rappelons que les élus sont toujours dans l’attente des mesures annoncées en début d’année par le gouvernement pour faire contribuer les collectivités à « la réduction des dépenses publiques ». Les déclarations du chef de l’État ne laissent rien présager de bon.
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Emploi
Assurance-chômage : les conditions d'indemnisation seront particulièrement durcies
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Le Premier ministre a dévoilé les détails de la réforme de l'assurance-chômage qui entrera en vigueur au 1er décembre. Si l'objectif de l'exécutif est de créer « toujours plus d'emplois », les syndicats dénoncent une réforme purement « budgétaire » qui pourrait avoir de graves conséquences sur les chômeurs.
Éligibilité aux droits rendue plus difficile, durée d’indemnisation réduite et durcissement des règles pour les seniors. Dans un contexte de baisse du chômage enrayée depuis un an et d’explosion du déficit budgétaire de l’État, le Premier ministre a confirmé que l’exécutif allait redonner un nouveau tour de vis au système de l’assurance-chômage.
Dans un entretien accordé hier à La Tribune du dimanche, Gabriel Attal a ainsi détaillé ses mesures en assurant que « si nous ne réformons pas aujourd’hui, nous risquons de caler sur la route du plein-emploi ». Selon lui, cette réforme sera « le carburant qui […] permettra de créer toujours plus d’emploi dans notre pays ».
Durée d'indemnisation réduite
Alors que le gouvernement compte toujours ramener le taux de chômage à 5 % en 2027, celui-ci s’est établi à 7,5 % au premier trimestre 2024, selon les derniers chiffres de l’Insee, après avoir atteint, en début 2023, son niveau le plus bas depuis 1982, à 7,1 % de la population active.
Si l’entrée en vigueur de la réforme aura lieu « le 1er décembre », celle-ci ne passera pas par le Parlement puisque Gabriel Attal a précisé que ses dispositions seront mises en œuvre dans le cadre d’un « décret » qui sera publié « le 1er juillet ».
Sans réelle surprise, le Premier ministre a choisi de réduire à la fois la durée d’indemnisation des allocataires tout en durcissant leur accès aux droits.
Pour pouvoir y accéder à partir du 1er décembre, « il faudra travailler huit mois sur les 20 derniers mois » alors que « jusqu’ici, il fallait avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois pour percevoir une indemnisation », a-t-il indiqué. On peut également rappeler que jusqu’à la réforme de 2019, il fallait avoir travaillé quatre mois sur les 28 derniers mois.
Les conséquences sont importantes puisque la durée maximale d'indemnisation sera réduite de 18 à 15 mois pour les moins de 57 ans « dans les conditions actuelles », a-t-il expliqué. Pour cela, le taux de chômage devra continuer à évoluer dans une fourchette comprise entre 6,5 % à 9 % de la population active. Là aussi, les règles sont renforcées puisque si le taux de chômage tombe en dessous de 6,5 %, la durée maximale d’indemnisation sera encore réduite pour atteindre les 12 mois.
Durcissement pour les seniors
Autre annonce visant, cette fois, les seniors : le bénéfice d'une indemnisation plus avantageuse que le droit commun sera désormais réservé aux chômeurs âgés de 57 ans et plus jusqu'à 22,5 mois, contre 27 mois aujourd’hui. Les salariés âgés de 53 et 54 ans, qui peuvent encore actuellement être indemnisés jusqu'à 22,5 mois, n’y auront plus droit.
Étudiant « la proposition des partenaires sociaux de créer un CDI senior », Gabriel Attal a également confirmé la création d’un « bonus emploi senior » qui permettra de compléter pendant un an le salaire d’un senior moins élevé que le précédent. Celui-ci a récusé l’idée que cette mesure inciterait les chefs d’entreprise à payer moins bien les seniors.
3,6 milliards d'euros d’économies
Si le Premier ministre n'a évoqué aucun chiffre hier, l'exécutif avait calculé, la semaine dernière, que les mesures annoncées devraient permettre de dégager 3,6 milliards d'euros d'économies, les derniers chiffres de l’Unedic indiquant que les dépenses trimestrielles d’indemnisation étaient en « hausse de 8 % » fin 2023, à hauteur à 9,1 milliards d’euros.
Le gouvernement prévoit également que 90 000 personnes supplémentaires retrouveront le chemin de l’emploi. Une réforme « de prospérité et d’activité », « pas une réforme d’économies », a, toutefois répondu, le Premier ministre à ses détracteurs.
En effet, celle-ci serait un moyen d’augmenter les recettes sans augmenter les impôts. Avec un « nombre plus important de Français qui travailleront », il y aura « plus de financements pour notre système », a-t-il défendu puisque chaque nouvel emploi génèrera des recettes supplémentaires en cotisations salariales et patronales.
« Réforme populiste »
Reste que la réforme devrait affecter un nombre important d'allocataires, si l'on en croit l’étude d’impact des évolutions du régime qui a été présentée aux administrateurs de l’Unedic (mais qui ne correspondent pas exactement à ce qu’a décidé le gouvernement). Selon des révélations du Monde, celle-ci montre que la réduction de la durée d’affiliation devrait affecter prioritairement les plus jeunes et les personnes en CDD.
Si elle « passait à sept mois, 11 % des allocataires seraient pénalisés (avec une entrée plus tardive dans le régime) », alors que si elle « était relevée à 12 mois, 31 % des personnes seraient touchées », indiquait le document, tandis que le raccourcissement de la « période de référence » à 18 mois aurait conduit à « impacter 32 % des allocataires ».
« Ce n'est pas une politique d'incitation au retour à l'emploi, c'est une politique budgétaire », a réagi auprès de l'AFP Olivier Guivarch, négociateur sur l’assurance chômage de la CFDT, alors que la CGT a qualifié cette réforme de « criminelle ».
« C'est une réforme populiste », a critiqué, de son côté, le secrétaire général des cadres de la CFE-CGC François Hommeril sur RMC, accusant le gouvernement de mentir pour « faire les poches » des salariés en stigmatisant les chômeurs.
« Ça va faire baisser de plus de 15 % les demandeurs d'emploi qui entreront dans l'indemnisation chômage, c'est-à-dire qu'on va laisser dans la précarité et la pauvreté des demandeurs d'emploi précaires déjà », a déploré Michel Beaugas de FO auprès de l’AFP, en promettant d'attaquer devant le Conseil d'État ce qu'il considère comme « le pire durcissement des conditions d'indemnisation qui soit mis en œuvre depuis toujours ».
Interrogé sur Franceinfo, l'économiste Bertrand Martinot, expert associé à l'Institut Montaigne (un groupe de réflexion libéral) y a vu, lui aussi, « un durcissement assez considérable » et a reconnu - bien qu'il soit favorable à la réforme - que ces mesures toucheront particulièrement « les jeunes qui arrivent sur le marché du travail » et « ceux qui enchaînent les CDD » car « la barre des huit mois sera plus difficile à atteindre ».
On peut rappeler que le montant moyen de l’allocation mensuelle nette reçue par les allocataires était de 1 022 euros au 4e trimestre 2023 et que près de la moitié de ceux qui sont pris en charge travaillent déjà une partie du mois, selon les dernières données de l’Unedic.
Le gestionnaire de l’assurance-chômage constate notamment que la part des dépenses d’indemnisation résultant de fins de contrats à durée limitée (CDD, intérim, apprentissage) a diminué depuis 2020, « passant de 40 % à 34 % en 2023 ».
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Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Calédonie : l'état d'urgence sera levé ce soir mais le couvre-feu sera maintenu
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Bien que les tensions soient loin d'être apaisées en Nouvelle-Calédonie, le chef de l'État a décidé de faire un geste en annonçant, la nuit dernière, que l'état d'urgence ne serait pas prolongé. Le couvre-feu restera néanmoins en vigueur.Â
C’est un communiqué de l’Élysée qui l’a annoncé, à minuit dans la nuit de dimanche à lundi : « Pour permettre les réunions des différentes composantes du FLNKS et les déplacements sur les barrages des élus ou responsables en mesure d’appeler à leur levée, le président a décidé pour le moment de ne pas reconduire l’état d’urgence. Celui-ci ne sera pas prorogé et prendra fin lundi à 20 h », soit mardi à 5 h du matin sur place. Il est également annoncé que sept unités de gendarmes mobiles (soit 480 hommes et femmes) seront dépêchés sur place « dans les prochaines heures ».
Le président de la République, dans ce communiqué, rappelle que « la levée des barrages est la condition nécessaire à l’ouverture de négociations concrètes et sérieuses ». Ce qui est encore loin d’être le cas : dans certaines communes comme Bourail, le Mont-Dore ou Rivière-Salée, des barrages sont encore en place. Et la situation sécuritaire dans certains quartiers est telle qu’une chaîne comme Outre-mer la Première indique ce matin que « la traversée de Saint-Louis se fait aux risques et périls des automobilistes ».
Vingt-cinq barrages ont toutefois été levés la nuit durant le week-end, et les alentours du principal hôpital de la grande île ont été « sécurisés ».
Couvre-feu maintenu
En conséquence, la levée de l’état d’urgence ne va pas changer grand-chose au quotidien des habitants de l’archipel, puisque le Haut-commissariat de la République a annoncé, ce matin, que le couvre-feu, lui, serait maintenu sur tout le territoire de 18 h à 6 h. L’interdiction de rassemblement reste en vigueur, tout comme celle de porter des armes et de vendre de l’alcool.
L’aéroport de Nouméa, qu’il était question de rouvrir demain, restera finalement fermé au moins jusqu’à dimanche prochain.
On est encore loin d’un retour à la vie quotidienne normale. La collecte des déchets ne peut toujours pas s’effectuer normalement dans le Grand Nouméa, les habitants étant appelés à apporter leurs déchets dans des points de collecte provisoires. Beaucoup de services d’état civil restent fermés – même si la mairie de Dumbéa, par exemple, a décidé d’ouvrir ce lundi de 8 h à 14 h « uniquement pour déclarer les naissances et les décès ». Le réseau de bus du Grand Nouméa, Tanéo, est toujours à l’arrêt, et les écoles restent fermées.
Référendum national
Sur le plan politique, Emmanuel Macron a créé la surprise en répétant dans Le Parisien, ce week-end, qu’il était ouvert à l’idée de soumettre à référendum le projet de loi constitutionnel sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, disant même qu’il pouvait « aller à tout moment au référendum ». Certes, cette possibilité lui est ouverte par la Constitution : une fois adopté par les deux chambres, un projet de loi de réforme constitutionnelle doit être – au choix du président de la République – ou bien voté à la majorité des trois cinquièmes par le Congrès réunir à Versailles, ou bien validé par un référendum. Mais on parle alors d’un référendum national et non d’une consultation qui aurait lieu sur le seul territoire de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agirait donc de faire décider par les électeurs de métropole de qui a le droit de voter aux élections locales de Nouvelle-Calédonie – ce qui peut paraître assez provocateur et peu à même de restaurer la sérénité du côté des indépendantistes.
Plusieurs porte-parole des mouvements indépendantistes ont fait part de leur stupéfaction après ces déclarations. Un certain nombre de voix ont également rejeté cette idée chez les loyalistes, comme celle de l’ancien député Philippe Gomès, qui a parlé de « non-sens dangereux ».
Face à ces réactions, le chef de l’État a rapidement rétropédalé, hier, lors d’un point presse en marge de sa visite d’État en Allemagne, expliquant qu’il avait simplement voulu « rappeler ce qu’était la Constitution » et que sa déclaration de la veille n’était qu’une « lecture de la Constitution » et non une « intention ».
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Biodiversité
Seulement 43 % des cours d'eau en France sont en bon état écologique, selon WWF
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Selon l'Indice rivières vivantes (IRV) qui mesure l'évolution de l'état de la biodiversité des rivières françaises, le nombre d'individus des populations de poissons et d'oiseaux dans les rivières diminue depuis 2021. Pour WWF, l'État doit notamment encourager financièrement l'acquisition foncière de zones humides par les collectivités.
« L’état écologique de nos rivières est alarmant. » C’est ce qu’indique Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France, dans son éditorial publié en exergue de l’état des lieux de la biodiversité dans les eaux françaises. Elle rappelle que « les cours d’eau remplissent des fonctions écologiques insoupçonnées en servant d’habitat et de couloir de migration aux espèces terrestres et aquatiques, en régulant les crues et la température ou en contribuant à l’épuration des eaux et la recharge des nappes phréatiques ».
Dans ce bilan inédit publié il y a quelques jours par l’ONG WWF, les auteurs soulignent que la France est bien loin d’atteindre l'objectif fixé par la directive-cadre sur l'eau. Cette dernière prévoit d’atteindre un bon état écologique pour 100 % de eaux française à l'horizon 2027 – une ambition qui était initialement fixée à 2015.
Détérioration des ruisseaux ruraux
« Pour la première fois, le WWF France publie l’Indice rivières vivantes (IRV) qui mesure l’évolution de l’état de la biodiversité des rivières françaises » et c’est cette information principale qui inquiète particulièrement l’ONG. Cet indice « permet d’agréger et de synthétiser un ensemble de données disponibles, mais jusque-là jamais utilisé pour calculer une évolution d’ensemble de la biodiversité, mêlant diverses espèces de poissons et d’oiseaux ».
Résultat, depuis 2021, le nombre d’individus des populations de poissons et d’oiseaux observés en rivière a diminué en moyenne de 0,4 %. Si cette régression peut paraître minime, elle cache en réalité des conséquences lourdes. « Le grèbe huppé et la truite des rivières, deux espèces emblématiques des écosystèmes d’eau douce illustrent ce déclin de la vie sauvage dans nos rivières » : leurs populations ont baissé respectivement de 91 % et 44 % en 20 ans.
En outre, « seulement 43,1 % des eaux étaient en bon état écologique en 2019 et seuls 44,7 % présentaient un bon état chimique ». Et les facteurs de dégradation des cours d’eau sont multiples : endiguements, prélèvement excessifs, apports diffus de pesticides/phosphates et nitrates, barrages, rejets de micropolluants ou encore prolifération d’espèces exotiques envahissantes...
Par ailleurs, les auteurs du rapport soulignent que ce sont surtout les petites rivières qui subissent le plus d’agressions, « et plus encore la partie amont des bassins versants ». Concrètement, « l’eau qui coule dans les fleuves est plus propre aujourd’hui » car elle a fait « l’objet d’une grande attention liée aux investissements des collectivités et des industries, notamment en construisant des stations d’épuration et des réseaux d’assainissement, en améliorant des processus industriels ou par le changement de pratiques (ex : diminution des phosphates dans les lessives, des produits chimiques en industries ...) ». Au contraire, « les milliers de kilomètres de petits cours d’eau qui faisaient la biodiversité ordinaire de la France voient leur qualité écologique continuer de se dégrader ».
Des efforts insuffisants
Les dépenses de la politique de l’eau en France sont « importantes ». « Les dépenses annuelles de la politique de l’eau en France sont estimées aux alentours de 25 milliards d’euros par an soit 500 milliards sur 20 ans ». Seulement, force est de constater qu’elles « n’ont pas suffi à contrebalancer l’ensemble des atteintes à l’environnement, bien que les acteurs locaux se mobilisent sur le terrain et tentent avec leurs outils et leurs moyens d’améliorer la situation ».
Selon WWF, « pour améliorer l’état quantitatif et qualitatif de la ressource en eau », deux priorités sont à suivre : préserver les zones humides et renforcer la résilience du cycle de l’eau. L’ONG préconise de « systématiser la protection des zones humides et leur déclinaison dans les documents de planification territoriaux, tels que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou plans d’urbanisme (PLUi), au regard de la faiblesse de leur prise en compte dans ces outils de planification ». Autre recommandation : « L’État doit encourager financièrement l’acquisition foncière de zones humides par les collectivités, ce qui demeure le meilleur moyen de les préserver. Comme lors du Grenelle de l’environnement, l’État doit pouvoir se fixer un objectif d’acquisition (20 000 hectares de zones humides à l’époque) ».
L’ONG demande aussi de « favoriser une agriculture économe en eau, en accompagnant le ralentissement du cycle de l’eau pour favoriser la résistance aux sécheresses et inondations et accroître la résilience des usages de l’eau ». Une recommandation du rapport porte sur la réévaluation de la fiscalité de l'eau pour appliquer le principe pollueur-payeur face aux impacts des pollutions agricoles sur les cours d’eau. L’ONG attend enfin des pouvoirs publics qu’ils « réaffirment l’objectif français de préserver et de restaurer 25 000 km de cours d’eau et leur continuité à l’horizon 2030 ».
Consulter le rapport de WWF.
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Décentralisation
Le Sénat propose de réviser la Constitution pour faciliter la « différenciation »
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Un rapport sénatorial revient une fois encore sur la question de la « différenciation », c'est-à -dire de la possibilité d'adapter les normes en fonction de certaines spécificités locales. Pour les rapporteurs, cette possibilité ne pourra réellement être appliquée qu'après une modification de la Constitution.Â
La loi 3DS du 21 février 2022 avait, entre autres, pour objectif de permettre davantage de différenciation, c’est-à-dire « d’adaptation des normes et des compétences à la diversité des territoires ». Deux ans plus tard, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat publie un rapport pour faire le point sur l’application de cette loi, d’une part, et dessiner des perspectives pour l’avenir, d’autre part.
Maigre bilan de la loi 3DS
Les sénateurs Françoise Gatel et Max Brisson, signataires du rapport, rappellent qu’il n’a pas fallu attendre la loi 3DS pour que des possibilités de différenciation soient permises dans la loi : les lois Littoral (1986) ou Montagne (1985) avaient déjà permis des dérogations au droit commun dans certains territoires spécifiques. Toute la question, dans ce débat, est de trouver un équilibre entre le principe constitutionnel d’égalité et l’existence de conditions objectives différentes d’un territoire à l’autre rendant problématique une application uniforme de la loi. De fait, la différenciation existe à tous les étages de la loi – ne serait-ce qu’avec les seuils de population. Pour ne prendre qu’un exemple, le fait que le mode d’élection d’un conseil municipal ne soit pas le même dans une commune de plus de 1000 habitants et de moins de 1000 habitants est, précisément, une forme de « différenciation ».
Mais le débat va, aujourd’hui, plus loin, puisque la question est de savoir si une différenciation peut s’exercer dans l’exercice des compétences. La loi 3DS, à l’article 2, a permis aux régions et aux départements de « présenter des propositions tendant à modifier ou adapter des dispositions législatives ou réglementaires » concernant leurs compétences, leur organisation ou leur fonctionnement. Ces demandes doivent être transmises au Premier ministre et, lorsqu’elles concernent des dispositions législatives, aux présidents des deux chambres.
Ces dispositions n’ont pas – c’est le moins que l’on puisse dire – rencontré un succès fulgurant. Plus de deux ans après la loi 3DS, indique la mission, seules trois demandes sont remontées au Premier ministre, venant des régions Occitanie et Île-de-France et du département de la Lozère. La région Occitanie, par exemple, a demandé à pouvoir élaborer « un plan régional de santé » ; le département de la Lozère a, entre autres, demandé le transfert à son profit de la maîtrise d’ouvrage des retenues de stockage d’eau.
Les rapporteurs notent que, parfois plus de 18 mois après leur demande, les collectivités concernées n’ont pas reçu la moindre réponse du Premier ministre.
La rareté de ces demandes et le manque de réponse de l’État central conduisent les rapporteurs à formuler plusieurs propositions, au premier rang desquelles la nécessité pour l’État de mieux faire connaître ces dispositions – largement méconnues – aux élus. Ils suggèrent notamment l’élaboration d’un guide à destination des élus, et la mise en place d’une procédure au travers de laquelle l’État pourrait réellement accompagner les collectivité et leur faciliter la tâche. Par ailleurs, les rapporteurs demandent que l’État réponde « obligatoirement » à ces demandes « dans un délai de six mois » maximum et de façon motivée.
Si toutes ces conditions étaient remplies, jugent les rapporteurs, il pourrait être envisageable d’étendre ces dispositions aux communes.
Réforme constitutionnelle
Reste que le bilan de l’application de la loi 3DS, en la matière, est jugé « décevant » par les sénateurs, qui ne s’en étonnent pas : « Comme l'avait alors souligné la commission des lois du Sénat, faute d'avoir mené à bien une révision constitutionnelle nécessaire et consensuelle dans son principe, le projet du gouvernement pêche par son manque d'ambition ». Françoise Gatel et Max Brisson remettent donc sur le métier l’idée d’une révision constitutionnelle permettant « d’autoriser les collectivités territoriales de même catégorie d’exercer des compétences différentes ». Ils recommandent, une nouvelle fois, de réviser l’article 72 de la Constitution dans ce sens, mais « sans créer un droit d’exception qui viendrait mettre à mal les principes d’unité et d’indivisibilité » de la République.
L’idée serait de pouvoir dépasser une difficulté majeure : aujourd’hui, comme l’a tranché le Conseil constitutionnel, une différenciation sur les compétences n’est possible qu’à partir du moment où le législateur « justifie que la (collectivité) concernée sur trouve dans une différence objective de situation par rapport aux autres ». Or, notent les sénateurs, cette notion de « différence objective de situation » est floue et « introuvable » en droit. En faisant évoluer l’article 72 de la Constitution, il deviendrait possible à une collectivité de déroger de droit, « pour un objet limité » et de façon pérenne.
Par ailleurs, les rapporteurs prônent pour un renforcement du « pouvoir réglementaire local » : le Sénat plaide depuis longtemps pour que, dans les matières relevant de leurs compétences, les collectivités puissent disposer d’un pouvoir réglementaire en lieu et place du Premier ministre – qui ne serait chargé de l’application des lois « que s’il y a été expressément habilité par la loi ».
Ces dispositions sont d’ailleurs prévues dans une proposition de loi constitutionnelle, déposée au Sénat le 22 mars dernier et co-signée par les sénateurs Darnaud, Buffet, Gatel et Husson. La première partie de ce texte contient des propositions de réécriture de l’article 72 de la Constitution, sur l’exercice des compétences. La seconde partie vise à inscrire dans la Constitution l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, comme le réclame de longue date l’AMF.
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Journal Officiel du dimanche 26 mai 2024
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Journal Officiel du samedi 25 mai 2024
Premier ministre
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
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