Édition du mercredi 10 avril 2024

Finances locales
Baisse des dépenses : les associations d'élus disent « non » au gouvernement
L'État a confirmé, le 9 avril, sa volonté de mettre à contribution les collectivités pour réduire le déficit en leur imposant de limiter leurs dépenses de fonctionnement. Les associations d'élus rejettent cette perspective et demandent à l'exécutif une remise à plat de leurs relations financières préservant leurs moyens et leur autonomie. 

Lors du Haut conseil des finances publiques locales qui s’est tenu hier, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, a confirmé aux représentants de l’AMF, de Départements de France, de Régions de France et du Comité des finances locales (CFL) la volonté du gouvernement de limiter les dépenses de fonctionnement des collectivités à - 0,5 % par rapport à l’inflation en 2024. Cet objectif figure dans la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et le gouvernement l’intègrera dans le programme de stabilité (PSTAB) 2024-2027 qu’il présentera la semaine prochaine. En tablant sur une inflation à 2,4 % en 2024, l’État demande aux collectivités une moindre évolution de leurs dépenses dont la progression ne devrait pas excéder 1,9 % (-0,5 %/inflation), soit une réduction évaluée par l’exécutif à 2,5 milliards d’euros. 

Cette proposition n’est pas surprenante tant le ministre avait été clair sur ses intentions, début mars, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, en rappelant que les dépenses publiques se répartissent en trois grandes parts : « 50 % de dépense sociale, 30 % de dépenses de l’État, 20 % de dépenses des collectivités locales ». Et en indiquant dans la foulée que « tout le monde doit participer au rétablissement des finances publiques » – sous-entendu, les collectivités aussi – dans un contexte où, après les 10 milliards d’euros supprimés par décret, en février, le gouvernement envisage une nouvelle ponction de 20 milliards d’euros en 2025 sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale. 

« Dialogue de sourds »

Le ministère de l’Économie n’a pas dévoilé comment il compte faire respecter l’objectif assigné aux collectivités. Il pourrait s’appuyer sur les recommandations de la Cour des comptes à laquelle il a commandé, début mars, un rapport spécifique sur les dépenses des collectivités, qu’elle lui remettra en juin. Le gouvernement a d’ores et déjà prévu une nouvelle réunion du Haut conseil dans quelques semaines.

« Le ministre peut décider ce qu’il veut, je lui ai dit que je refusais cette injonction faite aux collectivités de restreindre leurs dépenses », a indiqué André Laignel, président du CFL, au sortir de la réunion du Haut conseil. Le maire d’Issoudun (36) a confirmé que le gouvernement n’avait, à ce stade, fixé « ni calendrier, ni méthode, ni précisé s’il contraindrait ou pas les collectivités » à réduire leurs dépenses. « Nous sommes censés nous revoir dans deux mois mais si c’est de nouveau pour nous dire de dépenser moins, ce n’est pas la peine car il s’agit d’un dialogue de sourds ! J’ai rappelé au ministre de l’Économie que le bloc local a déjà largement participé à la réduction du déficit de l’État avec, depuis 2010, une ponction de 71 milliards d’euros de sa part sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) ».    

L’AMF et le CFL pour une revue des dépenses et… des recettes

André Laignel rappelle que « l’endettement de la France n’est pas imputable aux collectivités locales » et souligne qu’une baisse des dépenses des collectivités aurait un impact sur leur rôle d’amortisseur social, en matière d’investissement et d’offre de services publics. Les élus pointent aussi la hausse des dépenses que l’État impose aux collectivités, qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement liées aux revalorisations salariales des agents et des dépenses d’investissements (transition écologique notamment) qui génèrent mécaniquement des dépenses de fonctionnement.   

L’AMF, comme le CFL, conteste une revue des dépenses des collectivités qui aurait pour seul objectif leur réduction et dénonce « l’inefficacité des contraintes sur les budgets locaux pour réduire le déficit », dans un communiqué diffusé le 9 avril. Pour objectiver les échanges avec l’État, elle lui propose de procéder à plusieurs revues de dépenses imposées aux collectivités, au premier rang desquelles une « revue des dépenses sur le coût des normes pesant sur les budgets locaux » et « une revue des dépenses des collectivités sur des politiques publiques prioritaires, telles que la transition écologique ou le logement ». 

Comme le président du CFL, l’AMF demande aussi à l’État de procéder à une revue des recettes des collectivités qui lui permettrait de retracer l’évolution de ses concours financiers (DGF, notamment), les compensations versées aux collectivités à la suite de la suppression d’impôts locaux, celles liées aux dégrèvements qu’il impose et le niveau d’engagement réel des dotations d’investissement (DSIL, DETR…). L’occasion de souligner le manque à gagner des collectivités dans ces différents secteurs et le fait que la suppression des ressources locales par l’exécutif aggrave le déficit du budget de l’État contraint… de les compenser. « Les finances des collectivités ont déjà été ponctionnées par l’État, via des baisses de dotations ou une compensation partielle de ressources locales supprimées. Cette contribution ne s’est pas traduite par une réduction du déficit ou des prélèvements obligatoires dont s’acquittent les contribuables. En revanche, la compensation des ressources locales supprimées par l’exécutif pèse lourdement sur le budget de l’État, à hauteur de 52 milliards d’euros par an », souligne-t-elle. 

Préserver l’autonomie financière et fiscale des collectivités

L’AMF estime que ces deux revues (dépenses imposées aux collectivités et évolutions de leurs recettes) permettraient de remettre à plat les relations financières entre l’État et les collectivités, de redéfinir les ressources propres de ces dernières et d’imaginer la mise en place d’une fiscalité dont les communes et les EPCI auraient la pleine maîtrise. Le président de l'association, David Lisnard, « appelle l’exécutif à changer d’approche pour redresser les finances publiques et à privilégier la responsabilité, donc la liberté locale. Ce changement doit passer par l’autonomie financière et fiscale des collectivités ». 

De son côté, Départements de France rejette aussi l’objectif de réduction des dépenses des collectivités et exhorte le gouvernement à « tenir compte de la spécificité des départements niveau de collectivité le plus exposé à la conjoncture et qui joue le rôle d’amortisseur social en finançant à plus de 60 % de leurs budgets des dépenses d’intervention sociale ». Comme l’AMF, l’association demande notamment « une pause normative de trois ans et un allégement des normes existantes ». 

Régions de France rappelle pour sa part « le bilan de bonne gestion publique qui caractérise les comptes publics des collectivités locales : équilibre des comptes locaux, stabilité de la dette locale et régionale entre 8 % et 9 % du PIB national depuis les années 1980. Cette bonne gestion a été maintenue alors même qu’elles ont subi les effets du coût de nouvelles normes et de décisions de création de charges supplémentaires par les gouvernements successifs ». L’association souligne le « rôle puissant [des régions] en accompagnement des politiques nationales d’investissement, d’aménagement durable et de soutien à l’économie et à l’emploi ». Elle estime donc que « la préservation de leur capacité financière à investir constitue un fort enjeu pour l’économie locale autant que pour le succès des politiques nationales et européennes ». 

Le gouvernement aura donc fort à faire pour convaincre les collectivités de diminuer leurs dépenses. Il devrait néanmoins proposer aux associations d’élus un calendrier de travail sur lequel ils échangeront à l’occasion de la prochaine réunion du Haut conseil des finances publiques locales, prévue dans quelques semaines.




Logement
Ce que contient la loi sur la rénovation de l'habitat dégradé, publiée ce matin 
La loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, adoptée en commission mixte paritaire le 25 mars dernier, a été publiée ce matin au Journal officiel. Ce texte très attendu par les maires va notamment permettre d'intervenir sur un immeuble en amont d'une dégradation définitive.

La dégradation de copropriétés est un problème qui peut prendre des proportions catastrophiques dans certaines communes. Elle peut avoir des causes multiples – vieillissement des bâtiments, incapacité financière des occupants à faire les travaux nécessaires, impossibilité de trouver un accord au sein de la copropriété… – et les maires sont souvent démunis pour y faire face, faute d’outils juridiques. Résultat : les procédures sont lourdes, longues – parfois jusqu’à 20 ans –, et il n’y a parfois pas d’autre solution, au vu des dégâts, que d’exproprier les habitants et détruire les habitations. C’est pour tenter de résoudre une partie de ces problèmes que ce texte a été élaboré.

La question des copropriétés dégradées ne touche pas, loin s’en faut, uniquement les quartiers politique de la ville : il existe, selon l’Anah, 115 000 copropriétés en difficulté sur les 750 000 existant en France, et une consultation menée par le Sénat montre que 58 % des maires comptent une ou plusieurs copropriété dégradée sur le territoire de leur commune. 

Le projet de loi a été élaboré sur la base des travaux de Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, maires de Saint-Denis et de Mulhouse, qui ont rendu en octobre dernier un rapport sur « les outils d’habitat et d’urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne ». Une grande partie de leurs 24 propositions a été reprise dans le projet de loi. 

Mesures phares

Au bout de son parcours parlementaire, le texte comporte une soixantaine d’articles (contre 17 à l’origine). Deux mesures parmi les plus importantes figuraient dans le texte initial et ont été conservées – et enrichies – dans la version finale. 

La première consiste à permettre la souscription d’un prêt collectif, à l’échelle de la copropriété. C’est l’article 4 de la loi qui codifie cette nouvelle possibilité : l’assemblée générale des copropriétaires peut désormais voter la souscription d’un emprunt « au nom du syndicat des copropriétaires » pour le financement des travaux d’une copropriété dégradée. Tout copropriétaire peut refuser de participer à cet emprunt, mais il doit, dans ce cas, « verser la totalité de la quote-part du prix des travaux lui revenant dans un délai de six mois ». Les modalités précises de ce dispositif seront décidées par décret.

La deuxième mesure phare de ce texte se trouve à l’article 9. Il s’agit d’une nouvelle procédure d’expropriation touchant les immeubles dégradés « à titre remédiable ». Il s’agit de permettre à la collectivité d’intervenir avant que la situation devienne « irrémédiable », c’est-à-dire ne pouvant se conclure que par la démolition de l’immeuble. 

Désormais, la nouvelle procédure codifiée aux nouveaux articles L512-1 à L512-6 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit qu’une expropriation peut être poursuivie au profit de l’État, d’une collectivité ou du concessionnaire d’une opération d’aménagement si deux conditions cumulatives sont remplies : l’immeuble visé doit avoir fait l’objet « d'au moins deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité » ; et les mesures de remise en état doit « s’imposer pour prévenir la poursuite de la dégradation » de l’immeuble, comment devra en attester un rapport de la commune, de l’intercommunalité ou des services de l’État. 

Si le bâtiment est habité et que les travaux à mener nécessitent une interdiction temporaire d’habiter, le relogement des habitants est obligatoire. Si, toutefois, les occupants refusent le relogement qui leur est proposé, ils peuvent être expulsés sans indemnité. 

La loi fixe également les conditions du calcul de l’indemnité d’expropriation.

Bail à réhabilitation

La loi prévoit le lancement de deux expérimentations. 

La première, d’une durée de dix ans, concerne les immeubles en état de carence. Il s’agit de permettre à un opérateur, après autorisation de la commune ou de l’EPCI, de conclure un accord avec le syndicat de copropriétaires en vue d’acquérir tout ou partie du terrain ou des bâtiments pour procéder à leur rénovation. 

Une autre expérimentation, de cinq ans celle-ci, sera menée pour permettre aux préfets d’autoriser les propriétaires soumis à une obligation de travaux dans le cadre d'arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité à conclure un « bail à réhabilitation ». Dans ce cas, le bail à réhabilitation « vient remplacer l’obligation de travaux faite au propriétaire ». Rappelons que le bail à réhabilitation est une procédure par laquelle un « preneur » (qui peut être une collectivité territoriale) récupère un bien pour un temps déterminé et s’engage à réaliser des travaux de remise en état, avec possibilité ensuite de le louer à des locataires. 

L’article 13 de la nouvelle loi permet aux maires de faire réaliser d’office des mesures de mise en conformité d’office d’un logement, aux frais de l’intéressé, voire de procéder à la démolition du bien si nécessaire. 

Relogement et « diagnostics structurels »

Autre nouveauté : le Sénat a introduit la possibilité pour les communes ou EPCI compétents de prononcer, en lieu et place des préfets, les amendes relatives au permis de louer. Le produit de ces amendes reviendra à la collectivité concernée. Ces dispositions constituent désormais l’article 23 de la loi. 

Par ailleurs, l’article 24 a trait au relogement des personnes évincées de leur logement pour cause d’opération de lutte contre l’habitat indigne ou dégradé. Ces personnes, sous réserve de leur accord, peuvent être relogées, pour un temps, dans des « constructions temporaires et démontables ». Celles-ci seront dispensées de toute formalité d’urbanisme « pour la durée de l'opération » d’aménagement. Ces constructions temporaires devront remplir « des conditions minimales de confort et d’habitabilité » qui seront fixées par décret. Leur implantation sera soumise à l’accord du maire, étant connues les dates de début et de fin d’implantation. 

L’article 27 donne un nouveau pouvoir important aux maires : celui de pouvoir définir des secteurs de la commune dans lesquels tous les immeubles d’habitation de plus de 15 ans, et ensuite une fois tous les 10 ans, devront subir « un diagnostic structurel », afin notamment « d’évaluer les risques qu’ils présentent pour la sécurité des occupants ». Les secteurs concernés devront être annexés au PLU, aux documents d’urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale. 

Les conditions d’application de cet article seront définies par décret. 

Marchands de sommeil

Ce texte a été également l’occasion d’introduire de nouvelles mesures de lutte contre les marchands de sommeil. Les sanctions pénales contre ceux-ci sont aggravées (7 ans de prison et 200 000 euros d’amende, voire 10 ans et 300 000 euros quand les faits sont commis contre des mineurs).  L’interdiction, pour un marchand de sommeil, d’acquérir un logement autre que sa résidence principale est portée de 10 à 15 ans. Par ailleurs (article 32), les collectivités territoriales peuvent désormais se voir remettre à titre gratuit les propriétés confisquées aux marchands de sommeil, pour en faire des logements. 

L’article 33 est relatif aux colocations à baux multiples. Les parlementaires ont relevé que les facilités introduites par la loi Elan en la matière « ont permis à certains marchands de sommeil de procéder à des divisions informelles d'appartements afin d'y entasser des ménages ». Le nouveau texte renforce le pouvoir des maires de refuser, cas par cas, un permis de louer, en cas de doute sur ce type de pratiques. 

Notons également que les maires ou les préfets (ou leurs représentants) peuvent désormais assister aux assemblées générales des immeubles sous arrêté de sécurité ou de salubrité (article 37), et devront se voir transmettre obligatoirement les procès-verbaux de ces assemblées. 

Scissions de copropriétés

Enfin, la dernière partie du texte vise à « accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés et les opérations d’aménagement stratégique ». 

L’article 43, très important, permet aux préfets ou aux maires et présidents d’EPCI compétents de demander la division de copropriétés, lorsque celles-ci sont incluses dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat. Il arrive en effet, notamment dans les grandes villes, que l’existence de « copropriétés géantes » empêche la réalisation de travaux de réhabilitation. Il est donc nécessaire, dans ce cas, de scinder les syndics pour atteindre une taille raisonnable permettant les travaux. L’article 43 précise que si le syndic refuse la scission, l’autorité peut saisir le juge, afin que celui-ci « constate que cette abstention compromet la poursuite de l’opération programmée (…) et la conservation de l’immeuble dans son périmètre ». 

La scission peut également être demandée dans le cadre d’opération de requalification des copropriétés dégradées lorsque celles-ci sont compromises « en raison de graves difficultés d'entretien ou d'administration résultant notamment de défaillances récurrentes des copropriétaires ou de complexités juridiques ou techniques ». La loi prévoit les conditions dans lesquelles un expert peut être mandaté pour faire des « préconisations », le dispositif pouvant aller jusqu’à une obligation prononcée par le juge de suivre celles-ci (par exemple la constitution d’un ou plusieurs syndicats secondaires ou la scission du syndicat).

On peut enfin  relever l’article 50 du texte, qui comporte plusieurs mesures d’accélération des procédures. Pour les opérations d’intérêt national (OIN) ou grandes opérations d’urbanisme (GOU), le texte autorise, dans certains cas exceptionnels, la prise de possession d’un bien par décret. Pour ces mêmes opérations, il sera possible, sous condition, de remplacer l’enquête publique par une participation du public par voie électronique. 

La mise en œuvre complète de cette loi importante mais complexe suppose maintenant l’élaboration d’une vingtaine de décrets d’application. L'AMF s'est félicitée de l'adoption de la plupart des mesures que comporte cette loi, qu'elle porte de longue date. Elle a regretté, en revanche, l'absence de mesures de financement – toutes les mesures nouvelles étant à financement constant. 




Fonction publique
Réforme de la fonction publique : Stanislas Guerini prend le risque de braquer d'emblée les organisations syndicales
Alors que le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a lancé hier les concertations sur la réforme de la fonction publique, il a confié au journal Le Parisien vouloir lever « le tabou du licenciement dans la fonction publique ».

En septembre dernier, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini a annoncé vouloir mener une réforme de la fonction publique, évoquant des « blocages » ou encore des « archaïsmes » à lever et défendant une « fonction publique qui reconnait les droits et les devoirs » de ses agents. 

Huit mois plus tard, une consultation des syndicats et employeurs de la fonction publique vient d’être lancée sur ce projet de loi pour l'efficacité de la fonction publique. Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, était présente. 

Pour rappel, le projet de loi vise à « mieux récompenser le mérite des agents, encourager et faciliter la mobilité dans la fonction publique » et à « mettre les compétences au cœur des parcours ». La question de la rémunération devrait être au cœur du projet de loi, tout comme « la facilitation du passage du terrain à l’administration centrale, d’un versant à l’autre », la simplification des échanges entre le privé et le public, et l’amélioration de la formation continue.

Mais dès la première rencontre avec les acteurs de la fonction publique hier matin, le débat s’est annoncé complexe avec, d’un côté, un ministre qui veut frapper fort avec cette réforme et de l’autre des syndicats qui dénoncent le manque de concertation du gouvernement sur certains points essentiels de ce projet de loi – qui devrait être présenté au Conseil des ministre à l’automne prochain. 

« Le statut ne peut pas être le statu quo »

Le ministre avait prévenu en septembre : « Le statut ne peut pas être le statu quo ». Cette phrase prend aujourd’hui tout son sens. 

Le ministre a présenté hier un document de cadrage aux acteurs concernés, restant, selon les informations du Parisien, « assez allusif » et posant ainsi le débat : « Les employeurs et managers sont-ils suffisamment outillés pour prendre en compte l’insuffisance professionnelle dans le déroulé de la carrière, directement appréciée sur le fondement de l’évaluation professionnelle ? quelle possibilité d’une réponse graduée ? » 

Notons d’abord que cette façon de présenter les choses vise davantage à pointer les agents qui seraient coupables « d’insuffisance professionnelle » plutôt qu’à trouver des moyens pour permettre aux agents d’exercer leurs fonctions dans de meilleures conditions ; ou encore plutôt qu’à chercher des moyens de récompenser les agents considérés comme « méritants ». Si la manière d’ouvrir ce débat peut apparaître provocatrice aux organisations syndicales, la méthode employée par le ministre l’est tout autant, puisqu’il a dévoilé de nouvelles mesures dans Le Parisien d’aujourd’hui, sans les évoquer au préalable au cours de la concertation. D'autant qu'il ne s'agit pas de mesurettes : le ministre parle de lever « le tabou du licenciement dans la fonction publique » et d’une révision de l'organisation par catégories des fonctionnaires. 

Vers une révision du statut ? 

« Le statut de la fonction publique ce n’est pas le statu quo, ce n’est pas l’égalitarisme. Il faut le faire évoluer, le moderniser », a indiqué Stanislas Guerini à la presse. La réforme souhaitée par l’exécutif semble vouloir modifier en partie le statut des agents de la fonction publique. Les catégories de la fonction publique (A, B et C) sont considérées comme étant « définies par le seul niveau théorique de diplôme et de recrutement, quel que soit le métier exercé », peut-on lire dans le document de cadrage du ministère, et le système, du point de vue du gouvernement, est en « décalage croissant avec la réalité des niveaux et des contenus de qualifications nécessaires pour l’exercice des métiers ». 

Mais c'est encore davantage l’annonce du ministre, hier soir dans Le Parisien, sur la volonté de mieux sanctionner les insuffisances au travail en facilitant les licenciements qui a fait bondir les syndicats. Concrètement, le gouvernement souhaite porter dans ce projet de loi « une disposition visant à donner une assise juridique plus solide pour distinguer des agents, reconnaître l’engagement ou mentionner une insuffisance professionnelle allant du rappel à l’ordre au licenciement », selon les sources citées par le Parisien

Interrogé ce matin au micro de France inter, le ministre explique que « le licenciement pour insuffisance professionnelle dans la fonction publique est un outil très mal défini et extrêmement peu appliqué. Le statut de la fonction publique, c'est la garantie de l'emploi. Je ne veux pas le remettre en cause. L'année dernière il y a eu 13 licenciements pour insuffisance professionnelle et 222 révocations pour faute. Je pense qu'il faut être très décalé pour considérer que quand vous avez un collectif de cent personnes, qu'il y a une personne qui ne fait pas bien son travail, cela n'est pas démotivant pour les 99 autres ». 

Dans le document de présentation de la consultation, le ministre propose aussi, pour « consolider les leviers permettant les départs conventionnels », de pérenniser le dispositif de rupture conventionnelle créé par la loi de transformation de la fonction publique, à titre expérimental pour les années 2020 à 2025, pour les fonctionnaires appartenant aux trois versants de la fonction publique. Selon les chiffres du ministère, pour la Fonction publique de l’État, entre 2020 et 2022, 5 300 agents ont bénéficié de ce dispositif qui a permis des reconversions professionnelles hors de l’administration.

Incompréhension et inquiétude des syndicats 

« Il ne nous a absolument rien dit ! Nous l'avons appris dans la presse », a déclaré ce matin au micro de France info Natacha Pommet, secrétaire générale de la CGT Fonction publique. C'est une méthode que l'on dénonce depuis plusieurs mois, face à ce ministre qui préfère la presse aux relations sociales avec les organisations syndicales. On jette l'opprobre en faisant croire que les 5,5 millions de fonctionnaires souffrent d'insuffisance professionnelle »

Le ministre veut visiblement durcir la législation sans préciser comment. Rappelons que le Code général de la fonction publique prévoit déjà le licenciement pour insuffisance professionnelle des titulaires et stagiaires. Dans ce cadre, l’employeur doit démontrer l’insuffisance professionnelle de l’agent et établir un rapport. Cette insuffisance professionnelle « s’apprécie dans l’activité quotidienne et ne peut reposer sur des défaillances occasionnelles », peut-on lire dans une fiche de la CFDT Fonctions publiques.

Ainsi, certains syndicats craignent que cette disposition vise davantage les licenciements pour inaptitude à la suite d'une maladie ou un accident que les licenciements pour faute comme il peut y avoir dans le secteur privé.

Il faut aussi souligner que, selon le Code général de la fonction publique, l’agent ne peut être évincé au motif qu’il remplit mal ses fonctions, dès lors que ces fonctions ne correspondent pas à son grade. « En conséquence, le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un adjoint administratif territorial employé en qualité de secrétaire de mairie dans une commune de plus de 2 000 habitants, alors qu’un tel poste, aux termes du décret de référence, ne peut être occupé par un agent d’un tel grade, que dans les communes de moins de 2 000 habitants, sera annulé », peut-on lire dans la fiche de la CFDT. La suppression des catégories A, B et C permettrait ainsi d’écarter ce cas de figure par exemple. 

Les syndicats et employeurs redoutent aussi que cette concertation démarrée hier ne soit en réalité qu’une négociation de façade et que la partie soit jouée d’avance. La synthèse finale est attendue pour la fin du mois de juin et trois réunions doivent encore intervenir avant cette échéance. Ce matin, le ministre a promis des réunions en format bilatéral avec les syndicats en plus des rendez-vous déjà prévus.




Transports
Transports : les sénateurs veulent restreindre le droit de grève sur certaines périodes
La majorité sénatoriale souhaite « sanctuariser » les périodes de grands départs, d'élections ainsi que les heures de pointe. L'opposition de gauche estime que ce texte est « inconstitutionnel » et « une atteinte » au droit de grève.

Les sénateurs ont adopté, hier, en première lecture, une proposition de loi visant à restreindre le droit de grève dans les transports durant certaines périodes jugées sensibles, telles que les vacances scolaires, les jours fériés ou lors des élections.

Porté par le chef de file des sénateurs centristes Hervé Marseille, ce texte particulièrement clivant a été soutenu par la droite et le centre, mais vilipendé par la gauche, alors que le camp présidentiel s’est abstenu.

« Atteinte directe » au droit de grève

Face à ce qu’il considère comme des « excès », Hervé Marseille a estimé qu’il fallait « rétablir un équilibre entre droit de grève et continuité du service ». Une réponse aux dernières mobilisations des contrôleurs de la SNCF qui avaient perturbé le départ en vacances de milliers d’usagers, en décembre 2022 et en février dernier. 

« Paralyser tout un pays pour défendre des privilèges catégoriels n’est pas une situation équilibrée », a critiqué Hervé Marseille assurant, selon lui, que « nos concitoyens n'en peuvent plus ».

Déplorant le fait que « notre pays totalise le plus de jours de grève dans le monde », le rapporteur Philippe Tabarot (LR) a, toutefois, tenu à préciser que ce texte n’a pas vocation à « remettre en cause » ce droit constitutionnel. « Nous disons oui au droit de grève mais non au blocage absolu de tout un pays. Nous disons oui au droit de grève, mais avec des limites proportionnées », a-t-il expliqué.

S’il a dit « entendre l’exaspération de nos compatriotes », le ministre des Transports, Patrice Vergriete, s'est opposé à la proposition de loi, estimant qu’elle « soulève des interrogations lourdes sur le terrain du droit et de l’opportunité », celui-ci ne souhaitant pas « monter les Français les uns contre les autres ». 

« La majorité sénatoriale tente de se réapproprier le droit aux vacances au nom de l'intérêt général », a fustigé le sénateur socialiste Olivier Jacquin jugeant ce texte « inconstitutionnel », quand le député écologiste Guillaume Gontard a dénoncé, à son tour, « l’inconstitutionnalité » d’un texte qui est « une atteinte directe au droit de grève », « un droit qui a façonné l’histoire de notre pays ».

Suspension jusqu’à 30 jours par an 

S’inspirant d’un mécanisme qui existe en Italie depuis une trentaine d’années, le texte adopté prévoit ainsi des périodes de suspension du droit de grève dans le secteur des transports afin de « concilier les aléas consécutifs à son exercice et le bon déroulement des périodes de grands départs ».

Les sénateurs ont donc autorisé le gouvernement a privé, après une concertation d’au moins 30 jours avec les organisations syndicales représentatives, de droit de grève les « personnels des services publics de transport […] indispensable » jusqu’à 30 jours par an et durant des périodes de sept jours d’affilée maximum. 

Contrairement à ce que les sénateurs avaient prévu initialement, cette suspension du droit de grève ne pourra se faire sur des journées entières, mais uniquement aux heures de pointe : « Entre 6 h 30 et 9 h 30 et entre 17 heures et 20 heures ».

Seuls les transports terrestres et maritimes (pour « la desserte des îles françaises ») sont concernés, à « l’exception des services de transport international de voyageurs ». Le secteur aérien a, lui, été sorti du dispositif, lors de l'examen en commission.

Si les périodes de suspension du droit de grève devraient être fixées, chaque année par décret, au moins 90 jours avant que la première période concernée ne débute, les sénateurs ont limité cette possibilité « qu’à certains moments de l’année ». Dans le détail, celles-ci iraient « de la veille et jusqu’au lendemain des jours fériés » et « des jours des élections nationales et locales », durant « les vacances scolaires » et « pendant les événements d’importance majeure sur le territoire français ».

Une exception notable a, toutefois, été introduite : pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le décret pourra être publié « au moins 30 jours avant le début de la première période de suspension » et la durée de la période de concertation préalable pourra être réduite à 15 jours.

Réquisitions et fin des « grèves de 59 minutes »

Largement amendé en commission, le texte prévoit dorénavant d'allonger le délai de déclaration des grévistes de 48 à 72 heures (et leur décision de renoncer à participer à la grève de 24 à 48 heures) et de garantir un « niveau minimal de service » aux heures de pointe avec réquisitions après « trois jours de suite » de perturbations.

En outre, un dispositif de « caducité » de certains préavis est mis en place afin de lutter contre les « préavis dormants » qui ont été déposés plusieurs mois plus tôt. 

Une mesure permettrait également aux entreprises de transports d’imposer aux salariés indispensables de faire grève « exclusivement au début de l’une de leurs prises de service et jusqu’au terme dudit service ». L’objectif est ainsi de lutter contre les « grèves de 59 minutes » qui seraient grandement désorganisatrices.  

Enfin, un dispositif permettrait d’assurer « l’effectivité du service minimal défini par l’AOM, et ce notamment aux heures de pointe, afin de soutenir les mobilités du quotidien ».

La proposition de loi doit, désormais, être mise à l'ordre du jour de l'Assemblée.

Consulter le texte adopté.
 




Agriculture
Un décret pour encadrer le développement de l'agrivoltaïsme
Un décret encadrant le développement de l'agrivoltaïsme a été publié mardi au Journal officiel après de longues négociations entre l'administration, les énergéticiens et le monde agricole pour faire cohabiter production de nourriture et d'énergie solaire.

Ce décret, qui devait initialement être publié samedi, prévoit notamment que les baisses de rendement induites par la production d'électricité à partir de panneaux photovoltaïques implantés sur des terres agricoles ne puissent excéder 10 % par rapport à « la moyenne du rendement » observé sur une parcelle témoin.

Des contrôles, dont les modalités seront précisées par arrêté dans les prochaines semaines, seront effectués et les sanctions en cas de non-respect pourront aller « jusqu'au démantèlement de l'installation en question avec remise en état de la parcelle », a précisé le gouvernement dans un communiqué. 

La loi d'accélération des énergies renouvelables, adoptée en février 2023, prévoit qu'un projet d'agrivoltaïsme garantisse une production agricole significative et un revenu durable, et qu'il apporte au moins l'un des services suivants : amélioration du potentiel agronomique, adaptation au changement climatique, protection contre les aléas ou amélioration du bien-être animal (via l'ombre des installations, par exemple). Il s'agit de « compléter la production agricole par de la production d'énergie solaire » et « pas de remplacer » la production agricole par de la production d'énergie solaire, a dit le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, cité dans le communiqué.

Le décret fixe à 40 % la surface maximale du terrain agricole couverte de panneaux, sauf pour les projets ayant fait leurs preuves. Ce texte encadre d'une part l'agrivoltaïsme, qui désigne des installations associées à des pratiques agricoles (culture ou élevage), et d'autre part le développement de projets photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, naturels ou forestiers, qui ne sera possible que dans des zones incultes ou non-cultivées récemment, selon le gouvernement.

La Confédération paysanne, opposée à la notion d' « agrivoltaïsme », jugée « marketing », et à l'installation de « tonnes de métal » sur des terres vouées à la production de nourriture, a fait savoir qu'elle déposerait « un recours contre ce décret, afin de contraindre le gouvernement à revoir sa copie ». Selon ce syndicat agricole, le texte est dénué de « garde-fous (...) pour préserver les paysans et le foncier de l'appétit des énergéticiens ».

« Enfin », ce texte permet « de prendre en compte les besoins et les attentes des agriculteurs et de donner un cap aux acteurs de la filière solaire », a réagi de son côté le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui évoque un travail ces derniers mois en « relation étroite » avec le monde agricole. « Nous tenons à rappeler le faible impact sur les terres agricoles des projets agrivoltaïques, avec un besoin de moins de 1% de la surface agricole utile pour atteindre les objectifs » de la France, a souligné Daniel Bour, du président du syndicat du solaire Enerplan, selon qui « l'agrivoltaïsme est une opportunité fantastique pour l’agriculture française et pour la production électrique renouvelable solaire ».

En revanche, le décret n'aborde pas la question du partage des revenus engendrés par la production d'énergie, entre le propriétaire foncier, l'agriculteur qui exploite le champ et le porteur de projet agrivoltaïque. « Il faut que tout le monde s'y retrouve », a indiqué le cabinet de la ministre déléguée à l'Agriculture Agnès Pannier-Runacher, concédant que « si ça devient trop intéressant pour le propriétaire foncier, ça peut nuire à l'agriculture ». De « nouvelles initiatives législatives » sur ce point doivent être présentées à l'été, selon la même source. Un premier bilan est prévu dans un an.
 







Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés