Édition du vendredi 5 avril 2024

Normes
Normes : un « changement de mentalité » à opérer
Un an après la signature de la charte sur la simplification des normes pesant sur les collectivités locales par le gouvernement et le Sénat, le bilan chiffré reste maigre. Les évolutions dans les pratiques donnent davantage espoir. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé un projet de loi de simplification, un agenda territorial et une réflexion sur la responsabilisation des décideurs locaux.

Il y a un an, le Sénat et le gouvernement s’engageaient, dans le cadre d’une charte, à donner davantage de visibilité aux collectivités sur les textes législatifs et règlementaires les concernant et à simplifier leur contenu.

Le 4 avril, au Sénat, s’est tenu le « Rendez-vous de la simplification » pour faire un bilan d’étape, après les Etats généraux de la simplification de 2023. Force est de constater que celui-ci reste maigre, malgré toute la bonne volonté des acteurs concernés : délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, gouvernement, Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), Conseil d'État, secrétariat général du gouvernement, Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.

Les chiffres, présentés par Claire Landais, la secrétaire générale du gouvernement (SGG), sont éloquents : le nombre de lois votées a augmenté, le nombre d’articles de chaque texte législatif a été multiplié par deux, voire trois, à l’issue de l’examen parlementaire par rapport au texte présenté initialement, tout comme le nombre de renvois à des textes d’application. Le législateur reste prolifique ! 

Sensibilisation

Le travail de sensibilisation des parlementaires comme des ministères commence toutefois à payer. En 2023, le gouvernement a présenté 235 projets de texte devant le CNEN (contre 325 en 2022) : 82 % concernaient l’environnement, la mobilité, l’urbanisme, le logement, 44 % la fonction publique, 25 % la santé. L’instance de surveillance de l’impact des projets de normes sur les collectivités locales a rendu un avis favorable pour trois-quarts des textes (comme en 2022).

La principale nouveauté porte sur les saisines en urgence et en extrême urgence du CNEN : l’année dernière, cette voie n’a concerné que « 16 % des cas contre le double en 2022 », s’est réjoui le nouveau président du CNEN, Gilles Carrez. Et le coût net global des normes (les coûts moins les gains induits par un texte) a lui aussi diminué passant de 2,5 milliards d’euros à 1,6 milliard d’euros. En 2023, ces coûts proviennent essentiellement de mesures relatives à la masse salariale (hausse du point d’indice, revalorisations, prime pouvoir d’achat). 

Au-delà des chiffres, le secrétariat général du gouvernement dit aussi maintenir la règle du « 2 pour 1 » pour les décrets autonomes (hors périmètre d’application des lois) sur lesquels il peut directement agir : un projet de norme présenté au SGG doit s’accompagner de la proposition de suppression de deux autres. Le SGG suggère aux administrations que les études d’impact contiennent un lien hypertexte vers les avis du CNEN et a développé les formations à la légistique « pour apprendre à écrire le plus simplement possible » et « dégringoler dans la hiérarchie des normes », c’est-à-dire recourir à la norme ayant la plus petite valeur possible.

Délégalisation

Le plus grand espoir provient du recours de plus en plus récurrent à un outil qui existe dans la Constitution depuis 1958 mais peu utilisé jusqu’à maintenant (200 fois, dont 40 fois depuis 2017) : la délégalisation (article 37 alinéa 2). Le Premier ministre, Gabriel Attal, présent lors de ce rendez-vous de la simplification, a demandé au gouvernement que « toute nouvelle norme [soit] concertée, étudiée, et parfaitement nécessaire : bien souvent, la souplesse d’un guide de mise en œuvre est bien plus utile qu’un décret avec ses injonctions » et de « faire un inventaire de ce qui est nécessaire et de ce qui ne l’est pas dans notre droit. Je souhaite [lancer] un vaste chantier de délégalisation ». Une directive que Gilles Carrez appuie !

Dix axes de simplification

Gabriel Attal a également demandé à la ministre chargée des collectivités, Dominique Faure, de préparer « un agenda territorial d’ici deux mois ». Cette dernière, également présente au colloque, a indiqué dans la foulée qu’elle définirait « une méthode et dix axes de simplification » et appelle le gouvernement « à moins travailler en silo. Nous devons nous adresser aux élus de manière unique ». « Nous devons travailler ensemble à un changement de mentalité », a-t-elle invité.

Parmi les pistes de simplification qu’elle a évoquées figurent l’élargissement du guichet unique DETR/DSIL, un travail sur la dotation de solidarité aux collectivités touchées par un événement climatique (DSEC), un guichet unique pour l’ingénierie, la rationalisation des contractualisations Etat/ collectivités. Elle a également évoqué une instruction aux préfets sur les dotations d’investissement qui devront lister tous les projets soutenus par département. Cette liste sera adressée aux parlementaires dans chaque département. Elle compte également faciliter prochainement le pouvoir de dérogation des préfets, et prendre le tournant numérique en recourant à l’intelligence artificielle dans le contrôle de légalité.

Responsabilisation des décideurs locaux

Le Premier ministre a par ailleurs indiqué que le prochain projet de loi de simplification serait présenté dans la foulée de la mission Woerth sur la décentralisation. Le Premier ministre a également décidé de « faire davantage confiance aux élus locaux, aux préfets, aux agents publics sur le terrain. Simplifier, c’est aussi responsabiliser. La simplification nécessite d’accepter une petite part de risque. Ce risque doit être soupesé, mesuré, et modéré. Le travail de simplification des normes s’accompagnera d’une réflexion sur la responsabilité des décideurs et des gestionnaires locaux, que Christian Vigouroux va piloter. »

Outre le gouvernement, chacun des participants à ce rendez-vous de la simplification a suggéré des pistes d’évolution et de travail pour alléger le poids des normes. Antoine Homé, maire de Wittenheim (68) et trésorier général de l’AMF, a appuyé, au nom de l’Association, « le principe général d’un pouvoir local et un pouvoir national qui soit l’exception. Je crois que cette piste de délégation du pouvoir réglementaire est une piste importante comme la différenciation territoriale ».

Les sénateurs travaillent déjà sur le pouvoir réglementaire local et sur la différenciation territoriale. Ils ont d’ailleurs lancé une mission, menée par Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine) et Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques), dans le cadre d’une évaluation plus systématique des lois. Cette mission évaluera la mesure votée dans la loi 3DS sur la différenciation. Ce travail pourrait déboucher sur une proposition de loi pour modifier l’article 72 de la Constitution.




Littoral
Recul du trait de côte : 500 communes identifiées comme particulièrement menacées
Une partie des zones côtières vont devenir « inhabitables » à cause de l'élévation du niveau de la mer provoquée par le réchauffement climatique, a prévenu hier Christophe Béchu. D'ici 2100, 500 000 bâtiments pourraient être menacés, selon une nouvelle étude du Cerema comprenant des cartes des territoires concernés.

« Il y aura des zones qui seront inhabitables (sur) des territoires de plus en plus grands. » Interrogé hier soir, sur TF1, la ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a confirmé que certaines zones du littoral allaient devenir rapidement inhospitalières face au grignotage par l’océan des terres, en amont de la publication ce matin d’une série de cartes des territoires menacés (où l'on peut rechercher pour chaque commune l'ampleur du phénomène).

Des plans « sur mesure» 

Alors que le Haut Conseil pour le climat (HCC) vient d’avertir, dans un courrier envoyé en début de semaine, le Premier ministre sur la « dérive du calendrier » de la lutte contre le changement climatique faisant craindre un « recul de l'ambition », Christophe Béchu a annoncé avoir identifié « 500 communes » particulièrement menacées par le recul du trait de côte. Ces services travaillent ainsi « avec les maires les plus concernés » à des plans « sur mesure ».

Car une chose est sûre, il n'y aura pas de solution unique nationale pour faire face à ce phénomène qui menace 900 km de côtes, soit 20 % du littoral français, et fait disparaître, chaque semaine, « l’équivalent d’un terrain de football ». 

« Dans certains endroits, on peut mettre des dunes, dans d’autres on peut imaginer des digues, mais dans d’autres aussi, il faut dire qu’il y aura des zones qui seront inhabitables et des territoires qui seront de plus en plus grands », a détaillé l’ancien maire d’Angers qui souhaite « montrer la réalité d’un phénomène qui s'accélère ».

Si « des choses sont certaines à court terme », d’autres peuvent être encore « évitées d’ici la fin du siècle », a-t-il expliqué, en indiquant qu’il travaillait « sur la base de ces cartes » publiées ce matin pour trouver des solutions, telles que des « dispositifs d’indemnisation », la « possibilité de relogement à l’arrière de la commune » des personnes frappées par la hausse du niveau des eaux.

Dans tous les cas, un certain nombre de « documents d’urbanisme » devront être « révisés ». Reste qu'à la question de savoir ce qu'il pouvait dire aux personnes dont l'habitation était impactée, il a renvoyé aux édiles : « Le meilleur conseil que je peux donner à ceux qui se sentent concernés c’est d’aller voir [leur] maire parce que c’est auprès de lui qu’on fait ce travail de dentelles », a-t-il ainsi recommandé sur ce sujet de solidarité nationale, en assurant qu’il « y a des endroits où l’on sait que nous n’aurons pas d’autres solutions que de changer la façon de l’habiter ».

Plus globalement, les conséquences du changement climatique qui entraînent toujours plus de fissures dans les maisons, d’inondations dans les terres ou encore d’érosion du trait de côte, font « exploser le coût des catastrophes naturelles ». Or, cela va « nécessiter que l’on rehausse nos niveaux de solidarité, que l’on paie plus cher nos assurances et qu’on s’interroge sur la part qui doit être prise par les assurances et celle prise par la solidarité nationale », a rappelé le ministre de la Transition écologique, qui en fait l’un des enjeux du budget pour 2025.

Il a d’ailleurs reconnu que le « Fonds Barnier », qui permet d’exproprier et d’indemniser les biens menacés, n’est « pas du tout à la hauteur » des dégâts constatés et a souhaité le « transformer en fonds d’adaptation pour être capable de mieux tenir compte de l’ampleur des dégâts et de la facture ».

1 000 bâtiments menacés en 2028

C’est donc dans ce contexte qu’a été publiée, ce matin, une étude du Centre d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) sur le nombre de logements qui pourraient disparaître du fait de l'élévation du niveau de la mer.

Selon ses projections, ce sont entre un peu plus d’un millier de bâtiments en 2028 et un demi-million d'ici à 2100 qui seraient potentiellement touchés par l'érosion côtière. 

D’ici 2028, 1 046 bâtiments pourraient ainsi être menacés du fait des catastrophes climatiques et de la hausse du niveau de la mer, pour un coût évalué à 240 millions d’euros. Tous les types de bâtiments sont concernés, que ce soient aussi bien les résidences principales et secondaires que les restaurants, hôtels et campings.

Parmi les départements qui seraient les plus touchés dans l'immédiat, on retrouve la Corse, les Pyrénées-Atlantiques, le Var, le Calvados, la Seine-Maritime, la Somme, la Martinique et la Guadeloupe, selon TF1 qui a obtenu ces données en exclusivité. A cette échéance, « la position du trait de côte dépendra souvent plus de l’effet de tempêtes [...] que de la tendance du recul chronique », avancent les auteurs du rapport.

A l’horizon 2050, selon un scénario « réaliste » se basant sur une hausse d’un mètre du niveau de la mer et prévoyant le maintien en l'état des 16 000 ouvrages de protection (digues et murs, par exemple), ce sont 5 200 logements - dont près de 2 000 résidences secondaires - et 1 400 bureaux et commerces, 117 campings et 100 bâtiments publics qui pourraient être en sursis. Sans compter l’impact du phénomène sur 15,5 km de routes structurantes. Le Var, la Corse, la Manche, la Guadeloupe et la Vendée seraient particulièrement menacées.

En 2100, les projections dites « défavorables » du Cerema estiment à potentiellement 450 000 logements et près de 55 000 le nombre de bureaux et commerces concernés, mais aussi 1 000 campings et 10 000 bâtiments publics. Près de 1 800 km de routes et 243 km de voies ferrées seraient également menacées dans ce scénario dit « de l'inaction ». Dans ce cadre, les auteurs du rapport programment une « disparition complète des ouvrages de protection » et une « inondation progressive de toutes les zones topographiquement basses du littoral ».

Les coûts exploseraient et passeraient d’environ 1,2 milliard d'euros en 2050 à 86 milliards d'euros à l’orée du prochain siècle. « On ne va pas se mentir, il y a un gros aspect budgétaire », comme l’a confirmé, hier, Christophe Béchu.

Consulter les projections du Cerema pour 2028.

Consulter les projections du Cerema pour 2050 et 2100.




Environnement
« Polluants éternels » : les députés veulent interdire certains produits et votent pour le principe du pollueur-payeur
Le texte prévoit l'interdiction à partir de 2026 de la fabrication, l'importation et la vente de certains produits contenant des PFAS. Les industriels rejetant dans l'environnement ces substances néfastes pour la santé devront s'acquitter d'une redevance pour la dépollution.

Les députés ont adopté, à l’unanimité, hier, en première lecture, une proposition de loi écologiste visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS (per- et polyfluoroalkylées), plus couramment appelés « polluants éternels », du fait de leur dangerosité sur la santé. 

Présents dans la fabrication des poêles en Teflon, des vêtements en GoreTex ou encore des cosmétiques et des emballages pour leurs propriétés anti-adhésives et imperméables, ces produits chimiques doivent leur surnom à leur très grande stabilité et à leur cycle de vie très long puisqu’ils persistent dans l’environnement – air, sol et eau – de façon presque illimitée.

« Une première avancée majeure » 

L'article principal de ce texte présenté dans le cadre de la « niche » parlementaire des écologistes prévoit ainsi d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des substances PFAS, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. L'ensemble des textiles seront concernés par l'interdiction à compter du 1er janvier 2030. 

Ce texte est « une première avancée majeure » sur « un problème sanitaire d'une gravité et d'une portée absolument inédites », a voulu retenir le député à l’origine cette proposition de loi, Nicolas Thierry (Gironde, écologiste), regrettant toutefois que « le lobby grossier d'un industriel ait pu avoir un écho auprès de députés ».

En effet, l'application de l'interdiction aux ustensiles de cuisine, initialement prévue dans le texte, a été supprimée par une partie des députés RN, LR et de la majorité qui ont retenu les arguments des fabricants concernant les risques pour l'emploi, ceux-ci s'étant fortement mobilisés cette semaine. 

Le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, a, par ailleurs, défendu l'idée qu’il fallait agir au niveau européen pour interdire certains PFAS, en s'inscrivant dans le cadre du règlement européen sur les produits chimiques Reach.

Contribution aux agences de l’eau

L'application du principe pollueur-payeur à « l’effort de dépollution » a également été adoptée par les députés, malgré l'opposition du gouvernement.

Le texte ajoute ainsi les PFAS à « la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau », indiquait le rapporteur dans l’exposé des motifs, précisant que cette contribution directe des entreprises rejetant ces substances serait « fléchée vers les agences de l’eau ». 

« Les collectivités, qui devront faire face à l’enjeu massif de la dépollution de l’eau contaminée par les PFAS, pourront ainsi s’appuyer sur les ressources des agences de l’eau », expliquait-il. 

« Le seuil de perception de la redevance est fixé à 100 grammes et son taux atteindrait 100 euros pour 100 grammes », a indiqué Nicolas Thierry dans l’hémicycle, en soulignant « qu’une dizaine de sites seulement rejetaient plus d’un kilogramme de PFAS par an », et ce « ne sont pas des très petites, petites et moyennes entreprises », mais des industriels.

L’assemblée a également validé l'obligation de contrôler la présence de PFAS dans l'eau potable. Les agences régionales de santé devront ainsi rendre publics « le programme d’analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional ».

17 000 sites contaminés en Europe

Il y aurait environ 17 000 sites contaminés en Europe - dont 2 100 à des niveaux dangereux pour la santé - par les polluants dits « éternels », avait révélé une enquête journalistique publiée il y a un an par 17 médias, dont Le Monde et le Guardian qui avaient localisé vingt usines de production de PFAS, dont cinq en France, et 230 usines identifiées comme utilisatrices de PFAS.

Les scientifiques ont alerté depuis plusieurs années de l’effet néfaste sur la santé des ces produits, dont plusieurs sont classés cancérogènes. Ils seraient également responsables de problèmes cardiovasculaires, de baisse de fertilité ou de cholestérol et joueraient un rôle très important dans l’émergence de l’obésité.

Ce texte, qui pourrait désormais être repris par les sénateurs écologistes dans le cadre de la journée qui leur est réservée le 30 mai, était le premier des huit présentés par les députés dans le cadre de leur « niche » parlementaire.

Dans ce cadre, on peut également noter qu’ils ont fait adopter une autre proposition de loi en faveur de prix planchers pour les agriculteurs afin de leur garantir « un revenu digne », malgré l'opposition de la majorité et du gouvernement. Le texte prévoit ainsi un prix minimal d'achat fixé par « une conférence publique » dans les filières qui le souhaitent, ou sur décision du gouvernement en cas de désaccord. Ce qui permettrait de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic, le prix minimum pouvant être revu tous les quatre mois.

Consulter le texte adopté.




Biodiversité
Une proposition de loi pour instaurer un plan national de lutte contre le frelon asiatique
« Apporter des réponses locales cohérentes et coordonnées » pour lutter contre la prolifération des frelons asiatiques : tel est l'objet de la proposition de loi approuvée cette semaine par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Tour d'horizon.

Déposée en février dernier par le sénateur de Lot-et-Garonne Michel Masset, la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole a été approuvée à l’unanimité par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable mercredi. Le texte a été enrichi de six amendements.

En moins de vingt ans, après l’introduction accidentelle en France de cette espèce exotique envahissante lors d’une importation de poteries chinoises, le frelon asiatique a rapidement colonisé l’ensemble des départements français, à raison d’une progression en moyenne de 78 km par an. 

Cet insecte représente un risque pour les abeilles, pour la filière apicole, mais aussi pour les citoyens. « Selon GDS France, environ 20 % de la mortalité de l’abeille domestique est imputable au frelon asiatique. » De même, comme le souligne le rapport de la commission de l’aménagement du Sénat, les pertes directes imputables au frelon asiatique sont estimées à 11,9 millions d’euros par an pour la seule filière apicole. L’enjeu est aussi sanitaire puisque ces insectes peuvent se montrer très agressifs aux alentours de leurs nids. On se souvient notamment de deux cyclistes qui, en été 2022, ont été piqués une cinquantaine de fois chacun sur la commune de Briennon (Loire).

« Sans une action forte de l'État qui en a pourtant les capacités, nous n'aurons pas les moyens de lutter efficacement contre cette espèce dévastatrice », peut-on lire dans l’exposé des motifs. 

Besoin d’une action coordonnée 

Les sénateurs constatent que les collectivités n'ont pas attendu l'État notamment « pour soutenir les groupements de défense sanitaire, les associations d'apiculteurs et les chambres d'agriculture luttant contre le frelon asiatique ». A l’échelle des communes par exemple, « les maires, sollicités directement par leurs administrés, sont aux avant-postes de cette politique » et « essayent autant que faire se peut de financer ici et là des pièges et participent aux destructions de nids mais sans coordination avec les autres territoires faute de moyens ».

Pour Michel Masset et ses collègues, c’est là où le bât blesse : « les actions de lutte contre le frelon asiatique ont été mises en œuvre en ordre dispersé, sans réel appui ni accompagnement de l’État face à cette menace nouvelle sur la filière apicole ».

Du côté de l’État, les sénateurs soulignent que son action s’est résumée jusqu’ici en la mise en place de mesures réglementaires – comme son classement en 2016 sur la liste européenne des espèces exotiques envahissantes préoccupantes par exemple – et « en des financements au Muséum national d’histoire naturelle et à des organismes techniques, comme l’ITSAP2, pour favoriser la connaissance de l’espèce et la recherche de solutions de lutte plus efficaces ».

Pourtant, un rapport d’inspection publié en 2010 sur le frelon asiatique recommandait « l’élaboration d’un plan d’action cohérent et coordonné par l’État, dans le but d’organiser les relais de la puissance publique sur le territoire ». Ce dernier étant « resté lettre morte », la proposition de loi vise à pallier ce manque. 

Soutien aux collectivités

L’article unique de la proposition de loi vise donc « à doter la France d'un outil de lutte globale, cohérent et efficace. »

Premièrement, trois précisions sont apportées concernant la lutte contre le frelon asiatique. Le texte prévoit que le plan de lutte national puisse déterminer les « orientations nationales et des indicateurs de suivi, afin d’améliorer le régime de surveillance et de lutte contre le frelon asiatique dans un cadre coordonné ». Deuxièmement, le texte prévoit que le plan détermine « les financements dédiés à la recherche et à la validation de systèmes de piégeage et de protection plus efficaces »

Enfin, le plan national de lutte contre le frelon asiatique devrait également déterminer l’accompagnement des collectivités pour répondre aux enjeux locaux, dans le cadre des plans départementaux. Le texte propose concrètement d’intégrer au plan de lutte « un soutien de l'État aux collectivités territoriales, qui assument aujourd'hui la quasi-intégralité des dépenses publiques de la lutte contre cette espèce ». Le texte « prévoit en outre un classement des départements en fonction de l’importance des dégâts causés par le frelon asiatique, dans une logique de proportionnalité de l’action publique. »

Deux dispositifs complémentaires sont prévus notamment la mise en place d’un régime indemnitaire forfaitaire ouvert aux apiculteurs ayant subi un préjudice économique imputable au frelon asiatique. Un amendement prévoit que son bénéfice serait ouvert aux seuls chefs d’exploitation apicole, dont le revenu repose principalement sur l’exploitation des ruchers et la vente des produits de la ruche. 

Le texte prévoit surtout une obligation, pour tout propriétaire, de déclarer la présence de nids de frelons asiatiques à la préfecture départementale. Leur destruction serait prise en charge par la préfecture qui « détermine s’il y a lieu de faire procéder à la destruction du nid au regard du danger qu’il représente pour la santé publique et du cycle biologique de l’espèce ». 

La proposition de loi sera discutée en séance publique jeudi prochain.  




Polices municipales
Beauvau des polices municipales : les concertations démarrent aujourd'hui
Comme prévu depuis février dernier, le Beauvau des polices municipales a été lancé aujourd'hui par le gouvernement. Prérogatives des policiers municipaux, revalorisation statutaire et indiciaire, enjeux de recrutement et de formation : plusieurs sujets seront sur la table pendant ce cycle de négociations.

On compte actuellement 26 000 policiers municipaux en place et employés par plus de 4 500 communes. Les maires envisageaient de recruter 11 000 agents d'ici 2026, dont 3 500 pour combler les départs en retraite et 7 500 recrutements (dont 3 500 pour Paris) pour renforcer les effectifs. Notons qu'en 2022, le CNFPT a formé 2 672 policiers municipaux stagiaires, soit un tiers de plus que l’année précédente.

Cependant la tâche n’est pas aisée et les collectivités peinent à recruter. Pour rendre plus attractif le métier de policier municipal, un Beauvau des polices municipales organisé par le gouvernement, a été lancé ce matin au ministère de la Justice, réunissant les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux et des gardes-champêtres, les employeurs territoriaux et quatre ministres : Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité. Selon nos confrères de La Gazette, quatre rendez-vous de ce type auront lieu ces prochains mois. La prochaine se tiendra à Beauvau le 16 mai. Une autre suivra le 27 mai à la Grande-Motte. 

« Nouvelle étape de la revalorisation du métier » 

Ce cycle de concertation inauguré ce jour fait notamment suite à la récente adoption par le CSFPT (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale), du projet de décret sur la rémunération indemnitaire des policiers municipaux et gardes-champêtres, qui n’avait pas évolué depuis près de 20 ans (lire Maire info du 28 mars). 

Comme le rappelle Dominique Faure dans un entretien accordé à Ouest-France, « les organisations syndicales des policiers municipaux et les maires nous demandaient de revoir deux éléments importants dans la rémunération des policiers municipaux : leur indice et leur régime indemnitaire. En lien avec Gérald Darmanin, nous avons d’abord dialogué avec eux tout au long de l’année 2023 sur ces deux sujets. La revalorisation de l’indice a été décidée à l’été, et celle du régime indemnitaire a été approuvée la semaine dernière »

Selon la ministre, le Beauvau des polices municipales est une « nouvelle étape de la revalorisation du métier ». Le communiqué du gouvernement précise que cette première rencontre devra permettre d’aborder notamment le rôle et la position des polices municipales et « leur collaboration avec les autres forces de sécurité intérieure ». Enfin, « dans un second temps seront abordées les questions relatives aux prérogatives et aux moyens des policiers municipaux pour exercer efficacement leurs missions. »

Les associations d’élus, dont l’AMF, depuis plusieurs années – notamment depuis le Beauvau de la sécurité qui a eu lieu en 2021 – demandaient que soit relancée la réflexion sur le rôle et la place des polices municipales, mais aussi sur les questions de statut et de recrutement de celles-ci. C’est chose faite. Reste à voir si les propositions des associations d’élus seront entendues. 

C’est notamment sur la question de la « collaboration avec les autres forces de sécurité intérieure » que le gouvernement souhaite aborder que l’AMF veillera au grain. Comme elle l’avait rappelé il y a trois ans, la police municipale, lorsque le maire décide d’en créer une – ce qui relève de sa stricte liberté – « doit agir en complémentarité des forces de police ou de gendarmerie et non en substitution, au besoin via une contractualisation choisie » (lire Maire info du 12 janvier 2022). Maire info reviendra lundi sur le sujet.
 







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