Édition du vendredi 29 mars 2024 |
Assurances
Assurances des collectivités : 15 propositions et un guide pratique pour la passation des marchés publics
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Après avoir adopté à l'unanimité le rapport de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités locales le 27 mars, la commission des Finances du Sénat a saisi l'Autorité de la concurrence pour que celle-ci examine ce secteur « atrophié » et « quasi monopolistique ». Par ailleurs, les sénateurs demandent en urgence une extension des pouvoirs du Médiateur de l'assurance.
« Il y a urgence ! Les difficultés sont grandissantes et dès le 1er juillet prochain, un nombre important encore de collectivités risquent de se trouver en grande difficulté, pour ne pas dire dans l'impasse », après des résiliations ou des fins de contrat, s’inquiète le rapporteur de la mission d’information sur les problèmes assurantiels des collectivités locales du Sénat, Jean-François Husson. Le sénateur de la Meurthe-et-Moselle, agent d’assurance de profession, a mené, en compagnie de 16 autres sénateurs, une mission dans « des délais très contraints » (la mission a commencé ses travaux le 30 janvier 2024) pour tenter d’apporter des solutions « pertinentes » et à très court terme aux collectivités.
Phénomène d’ampleur
Les travaux « confirment l'ampleur des problèmes d'assurance des collectivités », a indiqué Jean-François Husson lors de la présentation de son rapport à la presse le 28 mars. La mission a recueilli 713 contributions lors d’une consultation en ligne des élus entre le 31 janvier et le 28 février : absence de réponse aux appels d’offres (pour 24 % des répondants), tarifs élevés, hausse des montants des primes (94 % ont subi une hausse de leurs cotisations) et des franchises (24 % des répondants), difficultés dans l’exécution des contrats (48 % évoquent une dégradation de la relation avec leur assureur au cours des dix dernières années).
Depuis le 1er janvier 2023, 20 % des collectivités répondantes ont subi une résiliation de contrat à l’initiative de l’assureur, souligne le rapport.
La mission a relevé que l’assurance la plus problématique concernait le « dommage aux biens » qui est une assurance non obligatoire mais essentielle. 9 % seulement des collectivités répondantes pratiquent l’auto-assurance contre 91 % qui ont recours à des contrats d’assurance dommages aux biens.
Si le problème assurantiel des collectivités est général, les communes de plus de 5000 habitants «subissent plus fortement la dégradation de leur relation avec leur assureur », selon le rapport.
Les assureurs ont conduit les collectivités dans une impasse
Mais les sénateurs ont été surpris par les causes réelles de cette crise : « Les émeutes de l'été 2023 ou les événements climatiques récents n'ont été que le révélateur d'un problème préexistant. Le vrai fait préjudiciable aux collectivités est en fait l'atrophie du marché de l'assurance avec une quasi-absence totale de concurrence, liée uniquement au comportement des assureurs et absolument pas aux collectivités ou à la hausse de la sinistralité de ces collectivités. Sans concurrence, les collectivités se retrouvent dans une forme d'impasse, totalement soumises aux décisions de leur assureur voire à l'absence d'assureurs. »
Cette « atrophie du marché » résulte, selon les travaux de la mission, d’une « politique très agressive de la Smacl, engagée dans une "course au volume" pour devenir numéro un sans pour autant disposer d’une gestion suffisamment saine pour le lui permettre, et d’une guerre des prix sous l’influence notable d’assureurs européens qui ont pénétré intempestivement ce marché avant de s’en désengager. » La conséquence aujourd’hui est « un marché divisé en deux segments, dont chacun est dominé par un unique assureur : Groupama pour les collectivités de moins de 10 000 habitants, Smacl Assurances SA pour les autres », adossée aujourd’hui à la Maif.
Problème structurel
Autrement dit, le problème rencontré aujourd’hui par les collectivités provient, selon la mission, de la structure même du marché des assurances et pas d’une hausse de la sinistralité, comme les assureurs ont pu le laisser entendre jusqu’à maintenant. Les chiffres annoncés le 27 mars par France Assureur (la fédération des assurances) semblent confirmer les conclusions de la mission sénatoriale : en 2023, les catastrophes climatiques en France ont coûté 6,5 milliards d'euros. Certes ce coût augmente, mais il reste inférieur à l’année 1999, marquée par les tempêtes Lothar et Martin (13,8 milliards d’euros en euros constants) et à l’année 2022 (10 milliards d’euros).
Les réassureurs interrogés par la mission se sont montrés « confiants », aux dires du rapporteur. « Ils ont durci leurs conditions en termes de protection et de sécurité », pour pouvoir garantir une prise en charge des sinistres. Mais ils ont aussi expliqué que le marché existe et « qu’il est cyclique ». En revanche, ils ont alerté les sénateurs sur d’autres risques : événements climatiques, risques cyber, émeutes et mouvements populaires, ces deux derniers risques étant « insuffisamment matures, c’est-à-dire difficiles à maîtriser et pour lesquels on ne connaît pas l’ampleur. Sur les émeutes et mouvements populaires, je dirais que c’est l’affaire de tous », estime Jean-François Husson, car « dans des pays qui sont en bonne santé, où il y a une dynamique, il n’y a pas de tensions sociales ».
Actions des collectivités
Partant de ces analyses, la mission fait quinze propositions (adoptées à l’unanimité le 27 mars par la commission des Finances du Sénat), dont la plus emblématique est d’étendre de toute urgence les pouvoirs du Médiateur de l’assurance (avec un périmètre semble-t-il plus large que l’option activée à l’automne 2023 par le gouvernement). « Il faut lui permettre d’intervenir plus vite et mieux. C’est l’interlocuteur idéal pour remettre les acteurs autour de la table et améliorer les relations. Il peut reconsulter le marché, desserrer l’étau. Il pourrait être saisi par les collectivités et aurait une obligation de moyens pour trouver une solution d’assurance aux collectivités. »
La mission souhaiterait également obliger les assureurs à signaler leur intention de résilier un contrat au moins six mois avant l’échéance et à indiquer le motif.
Les collectivités, si elles sont les victimes, peuvent aussi parvenir à améliorer la situation. Elles « doivent mettre en place des actions visant à mieux connaître leur patrimoine à assurer, à mieux identifier leurs risques et à les prévenir le mieux possible, afin de négocier des marchés au plus près de leurs besoins réels et au meilleur coût », préconise le rapport. Elles doivent aussi accepter davantage le système des franchises pour « permettre le recentrage des contrats sur les principaux risques, la diminution de leur coût » et gérer elles-mêmes les petits risques. Elles ont également un gros travail à faire sur la prévention et avec les agents dans l’utilisation, par exemple, des véhicules.
L’État doit aussi prendre sa part, selon la mission. La direction des affaires juridiques des ministères de l’Économie et des Finances pourrait actualiser son guide sur la passation des marchés publics, donner des conseils pour assurer un meilleur dialogue avec les assureurs dans le cadre de la commande publique. En attendant, la mission a pris les devants et publie un Guide pratique à destination des collectivités pour la passation des marchés publics d’assurance.
Dotation de solidarité
Sur le plan financier, l’État pourrait piocher dans la réserve des 40 millions d’euros provisionnés pour la dotation de solidarité aux collectivités victimes d’évènements climatiques ou géologiques (DSEC). Cette dotation pourrait être élargie aux cas d’émeutes. « Ce serait une opération neutre pour les finances de l’État puisque ces 40 millions inscrits au budget de l’Etat ne sont quasiment jamais dépensés », suggère Jean-François Husson.
Charge aussi à l’État de reprendre des propositions de la mission sénatoriale et de la mission attribuée par le gouvernement à Alain Chrétien, maire de Vesoul, et à Jean-Yves Dagès, ancien président de la fédération nationale Groupama. Le rapport de ces derniers est attendu début avril.
Les sénateurs souhaitent revoir les conditions de fonctionnement du marché des assurances. Outre l’adoption du rapport de la mission d’information, la commission des Finances du Sénat a donc également saisi l’Autorité de la concurrence pour que celle-ci donne son avis et propose éventuellement « des mesures à même de remédier aux éventuels dysfonctionnements identifiés, et en particulier celles permettant de stimuler le jeu concurrentiel dans le secteur des assurances des collectivités territoriales », peut-on lire dans le courrier de saisine.
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Social
Au congrès de l'Unccas, l'inquiétude et la colère
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Pour son 93e congrès, l'Union des centres communaux d'action sociale (Unccas) a choisi d'aborder franchement les sujets qui fâchent, en évoquant les multiples crises (sociale, du logement, climatique etc.) qui touchent les communes et leurs habitants. Plusieurs alertes sont lancées, notamment sur le grand âge et le logement. Â
« Après les 10 milliards de crédits non consommés, (...) les 20 milliards d’économies pour le projet de loi de finances en 2025, sans oublier les recommandations de la Cour des comptes qui parle de 50 milliards d’économies à trouver, nous ne pouvons qu’être inquiets ! », lâche Luc Carvounas. Le maire d’Alfortville et président de l’Unccas est loin d’être le seul des 600 congressistes réunis aux Docks du Havre, pendant trois jours, du 27 au 29 mars, à redouter que les dépenses sociales et des collectivités soient « percutées par ces coups de rabot ». L’ambiance est plutôt morose, et l’annonce, mercredi soir, d’une réforme de l’assurance chômage fait craindre à certains une nouvelle crise.
Une succession de crises
Dans les allées du congrès, les maires, adjoints en charge du social et responsables de CCAS, témoignent. Des demandes d’aide qui explosent pour les uns, « + 30 % en 2023 ! » ; des situations « ingérables », pour d’autres, comme la gestion de sans-abris évacués de Paris « pour cause de Jeux olympiques », récupérés à la descente d’un bus et qu’il faut héberger. Une autre élue énumère les difficultés du service d’aide à domicile. Une élue de Mayotte, éprouvée par la situation qui se dégrade depuis des années sur l’île, profite de l’atelier consacré aux crises climatiques pour livrer son désarroi, vis-à-vis de « ces jeunes laissés à la rue », « des enfants déscolarisés », « des cas de choléra qui se multiplient », « des bateaux de migrants qui continuent d’arriver tous les jours », tandis que le problème de la rareté de l’eau n’est que temporairement résolu… Alors « parler de risque, pour nous c’est une continuité et permanent […] On a pourtant prévenu depuis des années, mais on reste mis de côté », se désole-t-elle.
Crise sociale, climatique, économique,… Toute la journée de jeudi, les différents intervenants n’ont cessé de décrire leurs incidences et surtout regretté le manque d’envergure des réponses déployées. Ce qui vaut cette réaction de Daniel Golberg, président de l’Uniopss : « Le problème avec le mot crise, c’est qu’il évoque quelque chose de subit, un choc avec un retour possible. Or le changement climatique, par exemple, n’est pas une crise, mais une forme de transformation dans laquelle l’ensemble de la société doit se projeter. Idem pour la crise sociale. Donc notre société doit plutôt prévoir et accompagner plutôt que seulement réparer ».
Dans le baromètre de l’action sociale dévoilé lors de ce congrès, à la question sur les risques auxquels les générations seront exposées, le dérèglement climatique, s’installe comme un risque majeur pour plus de la moitié des Français, suivi de la pauvreté, cité par une personne sur deux. En troisième position, la délinquance (39 %), juste avant la guerre (30 %). Le chômage, pourtant premier sujet de préoccupation il y a quelques années, n’est cité que par moins d’un Français sur cinq (16 %).
Le risque de « porte à faux »
Le président de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité), Pascal Brice, s’indigne lui aussi : « La pauvreté et la précarité s’installent et s’enracinent. Chez les travailleurs, les femmes, les retraités, les jeunes. De même, une partie de la classe moyenne est fragilisée. La question de l’assistanat ou de l’immigration se posent donc, mais de ces constats, de ce que nous vivons tous les jours, de l’épuisement des équipes – qu’en tirons nous ? une punition collective ? Ou sommes-nous capables de construire quelque chose sur la solidarité ! ».
La question des moyens est bien sûr posée. Dans son message vidéo aux congressistes, le président de l’AMF, David Lisnard, prévient : « Ce travail [auprès des personnes les plus en difficulté] ne peut exister que si nos communes ont les moyens de travailler ! ». Pour les élus, il s’agit autant de moyens financiers que de marges de manœuvre. Pour Marylène Millet, maire de Saint-Genis-Laval, co-présidente de la commission sociale de l’AMF, « il faut aussi peut-être redonner un récit qui soit positif, pour contrer les préjugés sur l’action sociale qui coûterait ‘’un pognon de dingue’’… ».
Christophe Bouillon, maire de Barentin, président de l’Association des petites villes de France, veut, lui, insister sur « les choses qui marchent », « l’innovation sociale » et appelle à « faire confiance aux acteurs locaux ». Un message repris par sa collègue maire de Nantes et présidente de France urbaine, Johanna Rolland, qui veut croire aussi « qu’un chemin d’espoir est possible », à condition d’avoir « un état stratège qui refait de la lutte contre la pauvreté une priorité ».
Quelques annonces à confirmer
Les CCAS vont chercher les rares bonnes nouvelles là où ils peuvent. Ils saisissent donc celle annoncée via un message vidéo par la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, d’une « prochaine rencontre avec les signataires » de la lettre envoyée en janvier 2024, à l’initiative de l’Unccas, et co-signée de l’ensemble des associations d’élus et plusieurs collectifs et fédérations d’acteurs associatifs (lire Maire info du 8 février 2024). « Je suis satisfait de cet engagement que j’attendais », a réagi Luc Carvounas devant la presse.
Autre début de bonne nouvelle, si les CCAS doivent pour l’heure se contenter d’une « petite » loi Bien vieillir, loin de la loi Grand âge attendue depuis des années, la ministre veut « reprendre le sujet », assure le président de l’Unccas. « C’est la quatrième ministre en deux ans, mais la première, quand elle parle bien-vieillir, qui utilise le même langage que nous, qui pense aménagement de l’espace public, transports, etc. », précise Luc Carvounas à Maire info.
Mercredi, les élus ultramarins ont, eux, appris le dépôt prochain d’une proposition de loi reprenant la première proposition du Manifeste pour les Outre-mer publié par l’Unccas en novembre 2023. Le sénateur du Nord (et ancien président de l’Unccas) Patrick Kanner en sera l’auteur. « Ce n’est qu’un début », reconnait-il puisque la proposition ne traite que de la création d’une « Agence d’évaluation des politiques publiques dans les Outre-mer ». « Mais c’est un acte politique fort », défend-il.
Chantier logement
De son côté, l’UNCCAS va engager un nouveau – et vaste – chantier, sur le logement (de l’hébergement d’urgence aux résidences seniors). Avec un rendez-vous donné le 3 octobre à Montpellier pour une journée de travail. Le congrès a d’ores et déjà servi de caisse de résonance sur plusieurs sujets à creuser. À l’instar du dernier mis sur la table : la réforme de la loi SRU et la priorité mise sur le logement intermédiaire.
« C’est très dangereux ! », s’alarme Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat, qui « rappelle que cette réforme n’a été demandée par personne, ni les opérateurs ni les associations d’élus ». Isabelle Le Calennec, maire de Vitré, vice-présidente de l’Unccas et de l’AMF, et référente sur ce dossier, acquiesce. « Attention aux décisions qui ont des conséquences très lourdes ! À Vitré, la demande de logements sociaux a été multipliée par trois entre 2019 et 2023, et le taux de satisfaction divisé par 4 ! Il nous faut une stratégie ! », pour construire et rénover « là où sont les besoins ».
Elle conclut, agacée à propos d’une autre réforme annoncée, cette fois sur les attributions de logements sociaux : « Ce n’est pas non plus d’une réforme des attributions dont nous avons besoin mais d’attribuer des logements. Or pour cela... il faut en avoir ! ».
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Aménagement numérique du territoire
Pour réussir le Plan France très haut débit, collectivités et opérateurs attendent une réponse politique de l'État
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86 % des locaux du territoire sont désormais éligibles à la fibre jusqu'à l'abonné. L'objectif du 100 % fibre en 2025 ne sera que partiellement atteint et la fermeture prochaine du réseau cuivre exige un changement de méthode aussi bien de la part des opérateurs que de l'État.
Alors que le déploiement de la fibre doit se terminer bientôt et que la fermeture du réseau cuivre approche, « une grande bascule » s’impose, selon les mots de Sébastien Côte, commissaire général des États généraux des Réseaux d’initiative publique (Rip), à l'occasion des débats qui ont eu lieu hier aux États Généraux des Rip, à Deauville.
Le Plan France très haut débit est certes une réussite : plus de 21 millions de foyers sont abonnés à la fibre en 2023. « La France est le pays en Europe avec le plus de clients connectés et le plus de foyers raccordables », indique Gaël Sérandour, directeur adjoint des investissements numériques à la Banque des Territoires. Néanmoins, beaucoup reste encore à faire et les derniers déploiements se font davantage dans la douleur que les premiers, car ils sont plus complexes et plus coûteux. Les faits sont là : « Le Plan France très haut débit n’est pas terminé, il reste six millions de prises à raccorder et pas loin de 20 millions de foyers », constate Marc Leblanc, président d’Objectif Fibre, en ouverture des débats d'hier.
100 % fibre… ou presque
« Certains objectifs n’ont pas été atteints et tout n’est pas parfait », a reconnu Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Très Haut Débit et Mobile au sein de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). 100 % des locaux ne seront pas raccordables à la fibre en 2025. Une baisse du rythme global des déploiements FttH est en effet à déplorer. « On est sur une pente descendante car le plus dur reste à faire. Pour atteindre les objectifs, il faudrait rendre éligibles 3 millions de locaux en 2024 et en 2025 », ce qui va être compliqué.
Ainsi, le directeur des programmes est très clair : « Tout le monde ne sera pas fibré en 2025 ». Les quatre départements de la Bretagne seront raccordés à 100 % à la fibre en 2026 ; Mayotte n’a toujours pas commencé le chantier et la Guyane rencontrera aussi probablement des difficultés pour respecter l’échéance 2025. L’ANCT observe également une baisse des déploiements en zone d’initiative publique avec des disparités importantes selon les territoires. Certains départements ont une couverture FttH en dessous de 50 %.
À l’échelle des communes, le 100 % fibre rencontre aussi des obstacles. « Le 100 %, on n’y sera jamais vraiment et c’est pour cela qu’il faut résoudre les cas particuliers », indique Philippe Le Grand, président d’Infranum. Ces cas particuliers sont les raccordements dits complexes. Rappelons que le gouvernement avait annoncé vouloir « mettre en place une solution mutualisée de l’investissement en génie civil pour ces raccordements, grâce au soutien de la Caisse des dépôts. Cette dernière portera l’investissement et louera l’infrastructure aux opérateurs. » Cependant, la problématique des raccordements complexes n’a pas été entièrement résolue, notamment lorsque des surcoûts interviennent et qu’ils sont demandés directement aux clients.
Enjeu territorial
Pour Michel Sauvade, co-président de la commission numérique de l’AMF, le déploiement de la fibre a été « remarquable » mais certains « points d’attention » sont à prendre en compte pour achever le Plan France très haut débit « dans de bonnes conditions. »
D’abord, « ceux qui sont laissés pour compte vivent une situation insupportable ». Les maires constatent régulièrement des cas ubuesques où un foyer bénéficie d’un raccordement tandis que son voisin l’attend toujours, et ce aussi bien dans les villes qu’en milieu rural. Ces situations ternissent d’autant plus l’image de la fibre, et certains administrés confient ne pas vouloir faire cette bascule qui sera pourtant inévitable avant 2030.
Les échecs de raccordements et le délai de traitement des pannes n’aident pas non plus à redorer le blason du réseau. Michel Fricout, vice-président du Conseil départemental du Calvados, déplore des délais de traitement des pannes de service trop longs : « Les explications techniques sont inaudibles pour nos concitoyens et il ne faut pas oublier que la satisfaction de ces derniers doit être notre moteur ». Il propose notamment que les raccordements puissent parfois se faire sans sous-traitance (mode OI, OI pour Opérateur d’Infrastructure) lorsqu’ils sont complexes notamment.
Autre point noir soulevé lors des échanges d’hier : « Le taux de fibrage des entreprises en France n’est pas satisfaisant », comme le rappelle Michel Sauvade. Selon David Elfassy, président d'Altitude infra, « 63 % des entreprises déclarent être raccordées » aujourd’hui. L’enjeu économique est pourtant de taille pour les communes et leur attractivité.
L’État interpellé
Si, les années précédentes, les regards étaient davantage tournés vers les opérateurs pour obtenir des réponses notamment sur la qualité des déploiements, cette année l’État a fait l’objet de nombreuses mises en cause. Cela n’a rien d’étonnant puisque, rappelons-le, dans le cadre du plan de 10 milliards d'euros d'économies annoncé par Bruno Le Maire, le plan France très haut débit (PFTHD) a perdu 40 % de ses crédits. Le Plan a subi « une annulation de 38 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 117 millions d'euros de crédits de paiement du programme 343 » (lire Maire info du 27 février).
« L’État ne peut pas persévérer dans cette méthode et se comporter comme cela », a déclaré Philippe Le Grand. Aussi bien du côté de l’AMF que des opérateurs, le manque de concertation de la part de l’État a été amèrement regretté.
Hervé Rasclard, directeur général d’Infranum, rappelle également que « l’État finance le Plan à 10 % et que le reste représente beaucoup d’argent privé. Pour réussir, on demande simplement un portage politique des sujets essentiels ». « Les collectivités ont été des aiguillons essentiels, l’État a mis en place un plan et la filière a relevé le défi » mais pour réussir le défi de la complétude, « il va falloir mettre en place un système » et plus particulièrement « un dispositif mutualisé ».
Il y a un an maintenant, l’Avicca et InfraNum présentait un « good deal » du numérique qui prévoyait notamment la création d'un fonds de péréquation des réseaux optiques estimé à plusieurs centaines de millions d’euros à fiscalité constante (lire Maire info du 15 mars 2023).
Les acteurs attendent « un stimulus politique », un « retour à un État stratège qui ne renonce pas aux objectifs collectifs ». « Nous attendons tous que le gouvernement fasse son travail », a conclu Michel Sauvade qui espère la mise en place d’une communication volontariste sur le cuivre et une meilleure concertation de tous les acteurs afin de conduire la France vers le succès.
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Commerce
Transformation des zones commerciales : une deuxième vague d'appel à projets, après le succès de la première
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Bercy a dévoilé ce matin les 74 communes lauréates de l'appel à projets « Plan de transformation des zones commerciales ». Au vu du succès de l'opération, une deuxième vague a été aussitôt lancée, pour laquelle les candidats pourront se déclarer dès le deuxième trimestre.Â
Lancé en septembre dernier (lire Maire info du 12 septembre), cet appel à projets a rencontré un succès inattendu même par le gouvernement, au point qu’il a dû augmenter le nombre de projets éligibles et abonder l’enveloppe initialement prévue. Preuve, s’il en fallait, que la question du réaménagement des zones commerciales en entrée de ville est une préoccupation majeure pour les maires.
Différents niveaux d’aides
Il existe aujourd’hui quelque 1500 zones commerciales en entrée de ville, dont la surface cumulée est de 500 millions de mètres carrés, soit 5 fois la surface de Paris. Elles sont, rappelle le gouvernement, confrontées à plusieurs problématiques : esthétique, artificialisation des sols et biodiversité, vieillissement du parc… En pleine crise du logement se pose également la question de l’optimisation du foncier « pour pallier la pénurie de logements ».
L’appel à projets, doté initialement de 24 millions d’euros, visait trois types de structures : les zones commerciales dynamiques situées en zone dense, celles en déprise et celles situées en zones peu denses. Objectif, transformer les zones commerciales en « quartier de vie », avec plusieurs options possibles : réduction des parkings et remplacement par des espaces végétalisés, réduction de la surface de vente en réunissant plusieurs commerces dans un seul bâtiment, et récupération du foncier pour construire du logement, etc.
Les projets retenus bénéficieront d’une aide de l’État pour financer les études préalables (75 000 euros par projet) et l’assistance à maîtrise d’ouvrage (75 000 euros également). Pour les opérations concernant les zones en déprise, l’État va financer par ailleurs « une partie du déficit d’opération commerciale », lorsqu’il s’agira de remplacer les friches ou les commerces en difficulté par de la renaturation ou du changement d’activité, à hauteur de 500 euros par mètre carré de surface commerciale bâtie restructurée et 100 euros par mètre carré de surface non bâtie.
74 lauréats
L’appel à projets a suscité « un vif intérêt », se réjouit le ministère de l’Économie et des Finances, qui le pilote : 112 dossiers ont été déposés et instruits, ce qui est « trois fois plus » que ce que le ministère attendait. Ce qui a obligé l’État à augmenter de 2 millions d’euros l’enveloppe prévue initialement, passée de 24 à 26 millions d’euros.
74 projets ont été sélectionnés, dont 63 bénéficieront d’une aide en ingénierie (pour un total de 5,7 millions d’euros). Onze autres projets seront financés au titre du déficit des opérations, pour un total de 20,3 millions d’euros. « La diversité des enjeux traités révèle le changement de philosophie opéré autour de ces zones commerciales, qui ne sont désormais plus uniquement pensées à travers le prisme du commerce, mais intègrent la nécessaire diversification des usages à venir de ces espaces, l’optimisation de gisements fonciers importants, ainsi que toutes les dimensions de l’économie de proximité », se félicite Bercy.
Les projets sélectionnés sont répartis de façon assez homogène sur le territoire – dans environ la moitié des départements – et concernent autant des bourgs que des petites villes (comme Dizy, dans la Marne, 1 492 habitants), des villes moyennes et des grandes villes (Dijon, Bordeaux, Tours, Marseille…). La majorité des lauréats bénéficient des financements d’autres grands programmes : 22 communes font partie du programme Action Cœur de ville et 26 du programme Territoires d’industrie.
Deuxième vague
Devant « l’engouement » suscité par cet appel à projets, et conscient que « des projets de requalification des zones commerciales voient le jour partout sur le territoire mais ne peuvent se concrétiser faute de moyens suffisants », le gouvernement a annoncé ce matin une nouvelle vague de candidatures, qui sera lancée au deuxième trimestre. Elle bénéficiera d’une nouvelle enveloppe de 8 millions d’euros.
Olivia Grégoire, ministre chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, a salué « le succès extraordinaire » de cette opération, qui « démontre que le projet répond à un besoin fort pour nos commerçants, nos territoires et nos concitoyens ». « Le moment est venu de réinventer un modèle hérité des années 1960. »
Télécharger le dossier de presse et la liste des 74 lauréats.
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Sécurité routière
Après l'Assemblée, le Sénat vote la création d'un « homicide routier »
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Le nouveau délit d'« homicide routier » doit se substituer à celui d'homicide involontaire lorsque le conducteur est notamment sous l'emprise de l'alcool. L'instauration de peines planchers introduite en commission a finalement été retirée.
Les sénateurs ont adopté, mercredi soir, en première lecture, la création d’une nouvelle infraction d'« homicide routier » pour les accidents de la route, visant à remplacer la qualification d’homicide involontaire, lorsque le conducteur responsable a commis « une faute importante, telle qu’un grand excès de vitesse, la consommation d’alcool ou de stupéfiants ou encore un délit de fuite ».
Adoptée à l’unanimité en début d’année par l’Assemblée, cette proposition de loi transpartisane a, toutefois, été en partie remaniée par les sénateurs qui ont étendu le champ de cette nouvelle infraction.
Langage de la justice « inadaptée »
Dans de telles circonstances (excès de vitesse, consommation d’alcool…), la qualification « involontaire » est jugée « inadaptée » et est « très mal vécue » par les victimes et familles de victimes, qui réclament « de longue date la création de cette [nouvelle] qualification », expliquaient les députés à l’origine de ce texte, qui vise donc à répondre à cette demande.
« Nous savons que la Justice, parfois, par son langage, ajoute aux malheurs des victimes et de leur famille, [c’est pourquoi] il est de notre devoir que notre droit n'aggrave pas, par ses mots, la souffrance des victimes », a défendu, en séance, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, estimant que « la qualification pénale d’homicides ou de blessures involontaires n’est pas appropriée lorsque le conducteur s’est mis délibérément dans un état ou une situation faisant encourir un risque avéré aux usagers de la route ».
Il a, par ailleurs, assuré que cette proposition de loi « n’est pas que symbolique » ni « qu’une œuvre sémantique » visant à nommer « avec justesse » des « comportements inacceptables », elle « accroit aussi la répression ». « Les mots emportent des conséquences sur le déroulement des enquêtes, sur les audiences, sur la prise en charge des victimes », a-t-il rappelé.
En effet, en se différenciant des homicides et des blessures involontaires, ce nouveau régime d’infraction « ne devrait pas laisser les magistrats indifférents dans leur appréciation de la faute pénale commise, ce qui pourrait entraîner un durcissement du prononcé des peines », ont fait valoir les députés à l’origine du texte, qui prévoit notamment des « peines complémentaires », telles que la confiscation du véhicule, l’annulation du permis de conduire, le suivi d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière…
Circonstances aggravantes
Les sénateurs ont, cependant, décidé d’intégrer à cette nouvelle dénomination « toutes les atteintes aux personnes commises par un conducteur », même dans le cas de fatigue au volant, par exemple. Sans revenir, néanmoins, sur la différenciation des peines encourues.
Ils ont ainsi élargi les notions d’homicide routier et de blessures routières pour y « inclure tous les cas où des morts ou blessures sont survenues par le fait d’une personne ». Dans un amendement adopté en commission, le rapporteur Francis Szpiner (LR) a ainsi estimé que « créer une distinction entre homicide routier et homicide involontaire du fait d’un accident de la route paraît en effet difficile à justifier ».
« On ne peut pas dire qu'il y a les victimes de première classe et les victimes de deuxième classe », a ainsi soutenu le député de Paris. « Tous les deuils se valent mais tous les actes répréhensibles ne se valent pas », lui a rétorqué la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie.
Les députés avaient également inscrit dans la loi de nouvelles circonstances aggravantes, telles que « le port du téléphone portable tenu en main ou l’usage d’écouteurs », ainsi que « la non-assistance à personne en danger au même titre que le délit de fuite ».
L'homicide routier serait ainsi passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’il est commis par « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité », et qualifié d’« homocide routier involontaire » par Francis Szpiner. S'agissant de ce qui correspond à « l'ancien homocide involontaire aggravé », la peine s'établirait à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsqu'il y a « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi » ainsi que dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsqu'il existe au moins deux circonstances aggravantes.
Débat sur les peines planchers
« Pas favorable à la nouvelle architecture [du texte] issue de la commission », le ministre de la Justice a ironisé sur « la créativité et l’inventivité » de son rapporteur et la complexité des ajouts sénatoriaux, apportant à ce texte initialement plutôt consensuel une coloration plus politique.
Les débats se sont ainsi exacerbés sur la question des peines planchers, initialement introduites en commission par Francis Szpiner qui a proposé d’établir une peine minimale de deux ans de prison pour certains cas d'homicide routier. Totalement opposé à cette mesure, le ministre de la Justice a rappelé que ces peines « n’ont pas montré leur efficacité et pas entraîné une baisse de la délinquance ».
En séance, les sénateurs n’ont finalement pas retenu cette mesure de Nicolas Sarkozy abandonnée depuis 2014. « Cette réintroduction […] mériterait a minima un débat plus approfondi », ont ainsi jugé les sénateurs dans une série d’amendements identiques, estimant qu’« en l'état des choses, l'appréciation des juges, souveraine et individualisé, demeure la manière la plus convaincante, si ce n'est la seule manière de rendre la justice pénale dans un état de droit ».
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Journal Officiel du vendredi 29 mars 2024
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