Édition du mercredi 27 mars 2024 |
Finances locales
Réduction des dépenses : les comptes des collectivités se dégradent, le gouvernement leur demande davantage d'« efforts »
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Alors que le déficit du pays a été plus important que prévu en 2023, selon les données que vient de publier l'Insee, Bruno Le Maire souhaite faire porter l'effort sur les dépenses sociales et les collectivités. Ces dernières s'y opposent.
Avec un déficit à 5,5 % du PIB en 2023, contre 4,9 % initialement prévu, « l'objectif n’a pas été atteint ». Si le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a sobrement commenté les chiffres du déficit public, rendu publics hier par l’Insee dans le cadre de la présentation des comptes nationaux des administrations publiques, il en a rapidement « tiré les conséquences » en ciblant, dans la foulée, les dépenses sociales et les collectivités comme vecteurs principaux de ses pistes d’économies. Dans le but de redresser les comptes de l’État.
Pourtant, les données révélées par l’Insee ne laissent pas apparaître une santé financière éclatante des administrations publiques locales (Apul), qui regroupent pour l’essentiel les collectivités, mais aussi les organismes divers d’administration locale (Odal), tels que la Société des grands projets, Île-de-France Mobilités ou les CCAS, et représentent 20 % de la dépense publique.
Dégradation portée par les communes et les départements
Alors que l’État a vu son déficit une nouvelle fois progresser et que les administrations de sécurité sociale ont, elles, accru leur excédent, les Apul ont fini l’année 2023 avec un besoin de financement en hausse.
Ce dernier s’est ainsi creusé de 8,9 milliards d’euros (pour s’établir à près de 10 milliards d’euros, contre 155 milliards d’euros pour celui de l’État), conséquence de l’accélération des dépenses, d’un côté, et du ralentissement des recettes, de l’autre.
L’Insee pointe notamment le « net repli des droits de mutation à titre onéreux » (DMTO) affectés aux communes et aux départements « après plusieurs années de grand dynamisme » et le retournement du marché immobilier. Et ce, malgré « une nouvelle hausse de la taxe foncière ».
Résultat, « l’essentiel de la dégradation du solde est porté par les communes (- 2,6 milliards d’euros) et les départements (- 4,8 milliards d’euros) », le solde des organismes divers d’administrations locales (Odal) s’étant dégradé « plus modérément » (- 500 millions d’euros).
S’agissant de la dette, l’Insee signale que les administrations publiques locales ont vu la leur augmenter de 5,8 milliards d’euros, principalement du fait « des titres de long terme ». Une hausse qui serait due « à la fois aux collectivités locales (+ 2,4 milliards d’euros) et aux organismes divers d’administration locale (+ 3,1 milliards d’euros) ».
« On nous dit que les collectivités seraient tellement en bonne santé qu'elles devraient être visées par une nouvelle cure d'austérité. Ces chiffres nous prouvent que non », a ainsi commenté, hier à l’AFP, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel.
Si l’Insee ne fournit, toutefois, pas de précisions supplémentaires sur les finances des collectivités elles-mêmes, on peut rappeler que, dans une note publiée la semaine passée, le rapporteur du budget à l’Assemblée Jean-René Cazeneuve (Renaissance) a constaté que l’épargne brute des collectivités avait plongé dans le rouge l'an passé (8,3 %).
Malgré cela, il estimait que les finances locales avaient connu une année 2023 « plutôt positive », assurant que les capacités d'autofinancement du bloc communal avaient atteint « des niveaux records » (+ 9,8 %), contrairement aux départements (- 22,1 %) et aux régions (-4,6 %), tout comme leur « trésorerie ». Mais l'AMF a critiqué la méthode du député du Gers qui comparait la situation actuelle avec celle de 2017 pour étayer son argumentation.
Reste que ce dernier reconnaissait que « l’exercice 2023 a mis en lumière l’existence des fragilités financières de certaines collectivités » et invitait « à la plus grande prudence » pour 2024 du fait « du contexte économique et des tensions internationales ».
Les dépenses des collectivités ciblées
Dans ce contexte de dérapage des comptes publics, Bruno Le Mairea immédiatement appelé à « une prise de conscience collective », hier sur RTL, estimant que « ça ne peut plus être open bar ».
À ses yeux, « il y a nécessité à faire des choix dans les dépenses publiques », dans « toutes les dépenses » que ce soit « celles de l’État, les dépenses sociales et des collectivités locales », mais sans « piocher dans les poches des Français ». « C’est ce que je propose, ce n’est pas un serrage de ceinture mais c’est faire des choix » et des « efforts supplémentaires », a-t-il assuré, confirmant les récents signaux émis par Emmanuel Macron.
« Il faut voir la magnitude, la raison de ce dérapage et voir derrière d'où il vient et donc qui y contribue », a ainsi déclaré le chef de l’État, la semaine dernière à l’occasion du Conseil européen, insistant sur le fait que « la dépense publique n'est pas faite que de la dépense d'État ». Un ciblage implicite des collectivités locales et des dépenses sociales, notamment celles de santé et de l’assurance-chômage.
Bruno Le Maire a, cependant, indiqué, hier lors d'un point presse, qu’« il ne s'agit pas de contraindre les finances publiques locales et les collectivités locales », mais de les inviter à mettre en œuvre « librement » des mesures d'économies dans le cadre d’une « concertation », et alors qu’une réduction de 10 milliards d’euros de crédits sur les dépenses de l’État a été annoncée pour 2024 et qu’une autre de 20 milliards d’euros est déjà prévue pour 2025.
« Aucune raison » d’être mis à contribution
Une proposition pas vraiment au goût de ces dernières. « La baisse cumulée de la dotation globale de fonctionnement, en euros constants, a représenté un effort de 70 milliards d'euros depuis 2014 », a ainsi réagi André Laignel.
« Nous avons déjà beaucoup participé à la solidarité financière, donc nous n'avons aucune raison d'être mis à contribution d'un dérapage budgétaire manifeste qui est de la seule responsabilité de l'Etat », a fustigé le premier vice-président délégué de l’AMF, avant de souligner que la dette des collectivités pèse « moins de 10 % de la dette publique ».
« Faire les poches des collectivités, c'est quand même une drôle de méthode de la part de Bruno Le Maire. Cela reviendrait presque à nous reprocher d'être en bonne santé », a déclaré de son côté Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, quand Régions de France a rappelé que « depuis 30 ans la dette des collectivités rapportée au PIB est stable » et que leurs finances sont « forcément équilibrées, sinon elles risquent la tutelle ».
À noter que les sénateurs sont également montés au créneau. « Depuis septembre dernier, nous savons que le gouvernement va dans le mur. Maintenant que l’on se crashe, on va se laisser le temps de rencontrer les collectivités pour avancer petit à petit ? Je n’y crois pas », a ainsi déploré Thierry Cozic (PS), vice-président de la commission des finances, en assurant que « l’autonomie financière des collectivités est déjà remise en question, elles n’ont plus de marge de manœuvre ».
« C’est impensable et inacceptable », a confirmé, pour sa part, la présidente de la commission des affaires économiques Dominique Estrosi Sassone (LR), estimant que l’« on ne peut pas faire des demandes d’économies à l’emporte-pièce, les collectivités sont déjà dans une situation difficile ».
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Droit
Le fossé se creuse entre usagers et services publics, selon la Défenseure des droits
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La situation des services publics et le respect des droits dans les Outre-mer se sont fortement dégradés durant l'année 2023. La Défenseure des droits pose « un regard inquiet sur l'état des droits et libertés dans notre pays » dans le rapport annuel publié hier.
Selon le rapport annuel du Défenseur des droits publié hier, 137 894 réclamations, informations et orientations ont été portées auprès de l’autorité, soit une hausse de 10 % par rapport à 2022. Parmi les réclamations, 92 400 concernent les relations avec les services publics en 2023, un chiffre inédit et en augmentation de 12 %.
Les services publics apparaissent en effet comme une thématique prédominante dans les réclamations reçues en 2023 avec un taux de 8 %. Le premier motif de saisine de l’institution reste celui des atteintes aux droits des étrangers qui atteignent désormais 28 %. Les réclamations en matière de discrimination sont aussi particulièrement nombreuses en 2023 dans le domaine de l’emploi privé par exemple (2 %), la fonction publique (3 %) ou encore le logement (2 %).
Cette nette hausse des saisines inquiète la Défenseure des droits, Claire Hédon, qui constate que 2023 « fut une année de particulière fragilisation des droits, et de banalisation des atteintes aux droits ». Elle précise que cette fragilisation « n’est pas nouvelle et s’inscrit dans une tendance de fond ».
Services publics : forte hausse des réclamations
Pension de vieillesse (25 %), prestations familiales (16 %), assurance maladie (15 %), aide sociale (12 %) : de nombreuses demandes liées aux services publics concernent la protection et la sécurité sociales. D’autres portent sur les droits des étrangers : titre de séjour (74 %), regroupement familial (5 %), naturalisation (4 %)… La justice également a fait l’objet de réclamations liées aux services publics concernant pour plus de la moitié le droit des détenus (56 %) ou encore l’état civil (12 %).
La hausse des réclamations portées à propos des services publics s’explique selon le rapport « en grande partie du fait de la difficulté d’accès à ces services dans les territoires ». Le Défenseur des droits constate – et ce n’est pas une nouveauté – que « les services publics se sont éloignés des usagers du fait d’une dématérialisation excessive, de fermetures de guichets et font peser sur les usagers la charge administrative ».
Le rapport met notamment en cause le manque de moyens alloué à cette problématique mettant en cause la relation des usagers avec les services publics. Pour la Défenseure des droits, « la création du dispositif des espaces France services permet de combler cette distance dans le lien population/services publics ». Cependant, « l’accueil offert aux usagers dans ces structures ne saurait être la réponse unique aux difficultés que chacun peut rencontrer avec les organismes chargés de mission de service public ».
Le rapport souligne également qu’en 2023, une évaluation de l'accueil téléphonique de quatre organismes, à savoir la Cpam, la CAF, Pôle emploi et la Carsat, a été menée. Résultats : 40 % des appels n'ont pas abouti et le taux de réponses satisfaisantes à une demande d'informations ne dépasse jamais 60 %. Pour la Défenseure des droits, c’est encore une occasion de rappeler que « la dématérialisation des procédures administratives doit être une offre complémentaire, non substitutive, au guichet, au courrier papier et au téléphone, afin de garantir un accès équitable aux services publics » et prendre davantage en compte certains publics vulnérables.
Alerte sur les territoires d’outre-mer
Le rapport annuel 2023 du Défenseur des droits dédie une place importante à la situation des territoires ultramarins. « Plusieurs déplacements et travaux de l’institution sur la question du respect des droits et libertés et de la garantie de l’accès aux droits notamment aux Antilles, Mayotte et à La Réunion ont marqué l’année 2023 », indiquent les auteurs. Plusieurs problématiques ont été dénoncées en 2023 par l’institution comme les « nombreuses défaillances de la part des services publics qui entraînent des conséquences significatives dans les conditions de vie et le quotidien des habitants » aux Antilles.
Concernant la préoccupante situation de Mayotte, la Défenseure des droits rappelle « que la nécessité de garantir l’ordre public et la sécurité ne pouvait autoriser des atteintes aux droits et libertés fondamentales » dénonçant ainsi l’expulsion et la destruction de plusieurs domiciles qui constitue « l’une des atteintes les plus graves ». Pour rappel, le gouvernement a lancé en avril 2023 l’opération Wuambushu qui vise à réduire l’habitat insalubre, lutter contre la délinquance et expulser les migrants en situation irrégulière, pour la plupart venus de l’archipel des Comores voisines (lire Maire info du 24 avril et Maire info du 23 mai).
L’institution a aussi alerté le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies « sur les atteintes récurrentes aux droits des enfants à Mayotte, notamment le droit à l’éducation ». Plus globalement, « dans l’hexagone le droit à l’éducation a été remis en cause pour 27 000 élèves à la rentrée 2023 du fait d’une absence ou d’un retard significatif d’affectation au lycée. À ce chiffre, il faut ajouter les milliers d’enfant d’Outre-mer qui n’ont pas accès à l’école », dont la plupart sont à Mayotte.
Les difficultés liées à l’éloignement des services publics sont aussi croissantes en outre-mer. « Mayotte souffre en outre d’un inégal accès aux services publics en matière de santé, de prestations sociales et de logement extrêmement critique ». Le rapport dénonce « des atteintes aux droits ont été amplifiées par une nouvelle crise de l’eau » à Mayotte mais aussi « les lacunes dans l'offre de transport en commun » aux Antilles par exemple. Ainsi le Défenseur des droits alerte les pouvoirs publics sur les nombreuses défaillances constatées dans le fonctionnement des services publics : l’accès à l’eau, aux transports, à l’école, ou encore, aux soins… Les citoyens réunionnais ont aussi largement saisi le Défenseur des droits « sur des difficultés liées à l’éloignement des services publics, à la numérisation des démarches administratives et à l’existence de discriminations, notamment en raison du handicap, de l’état de santé ou de l’origine ».
Le rapport fait également état d’un recul des droits fondamentaux des personnes étrangères, d’atteintes aux droits de l’enfant qui se multiplient, des discriminations toujours très présentes et des contrôles d’identité insuffisamment encadrés. Au regard de ces constatations, l’institution développe plus que jamais « une stratégie de "l’aller-vers" afin de pallier les difficultés que rencontrent de nombreuses personnes dans leurs démarches ».
Consulter le rapport annuel 2023.
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Gens du voyage
Les aires d'accueil de grands passages de gens du voyage devront rester ouvertes jusqu'au 31 octobre
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L'habituelle instruction ministérielle concernant la préparation des stationnements des grands groupes de gens du voyage vient d'être publiée. Elle met notamment l'accent, cette année, sur les difficultés que pourrait causer la concomitance des grands déplacements et des Jeux olympiques et paralympiques. Â
Comme chaque année au début du printemps, le gouvernement publie une instruction aux préfets en vue de préparer au mieux les grands déplacements de gens du voyage qui ont lieu entre mai et octobre. Objectif de cette instruction 2024 : « Assurer la disponibilité des aires d'accueil et anticiper des risques de sur-occupation ou d'indisponibilité », par « une amélioration de la prévisibilité des grands passages ». La ministre signataire de cette instruction, Dominique Faure, attire l’attention des préfets sur « l’importance de préparer le plus en amont possible le stationnement des grands groupes de caravanes (…), en lien avec les représentants des collectivités territoriales et des EPCI ».
L’influence de JOP
Depuis la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il existe une procédure d’information préalable des autorités locales par les groupes de voyageurs. Dans le cas, notamment, où un déplacement impliquera la présence de plus de 150 caravanes, les représentants doivent informer trois mois à l’avance le préfet de région, le préfet du département et le président du conseil départemental concernés. Le préfet du département doit répercuter l’information aux maires ou aux présidents d’EPCI concernés deux mois avant l’installation, de façon que l’occupation des terrains puisse être programmée en amont.
Pour plus de fluidité, le gouvernement demande aux préfets d’inciter les représentants des associations de gens de voyage à envoyer directement une copie de leur demande d’installation aux maires/présidents d’EPCI concernés.
Cette année, la situation risque d’être compliquée par l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, événement qui est « susceptible de modifier les déplacements habituels de gens du voyage et pourrait générer des flux importants au sein de certains départements ». La tenue des Jeux pouvant « avoir un impact sur le calendrier des déplacements de certains grands groupes », il est demandé cette année aux gestionnaires des aires d’accueil « de les maintenir ouvertes de manière prolongée », soit jusqu’au 31 octobre.
État des lieux
Les services du ministère insistent sur la nécessité, tant pour les associations que pour les élus, de respecter les « procédures formalisées ». Côté association, il est rappelé que toute demande doit mentionner « les dates prévisionnelles d'arrivée et de départ du groupe, les besoins en emplacements de caravanes et les coordonnées du président de l'association ainsi que celles de son représentant local ». Côté élus, les maires et les présidents d’EPCI doivent se voir mettre à disposition « un modèle de protocole d’occupation temporaire, afin de fixer aussi précisément que possible les conditions de mise à disposition et d’occupation du terrain », et un modèle d’état des lieux. En effet, « l'expérience démontre que la réalisation d'états des lieux d'entrée et de sortie systématiques ainsi que la mise en place d'un cautionnement (…) peuvent être de nature à prévenir les difficultés lors du stationnement et à éviter les dégradations des équipements mis à disposition des groupes ».
Les préfets inviteront les maires et présidents d’intercommunalité à « entamer un dialogue constructif » avec les responsables associatifs, afin d’anticiper les besoins.
Aires de grand passage
Il est rappelé dans l’instruction que les aires de grands passages (telles que définies dans le décret du 5 mars 2019) « n’ont pas vocation à se substituer aux aires d’accueil ni aux terrains familiaux ». Les préfets devront s’assurer que les caractéristiques des terrains mis à disposition sont conformes, notamment en matière d’électricité, d’eau potable et de collecte des déchets. La mise à disposition de terrains conformes est la meilleure façon d’éviter des occupations illicites de terrains privés ou publics, rappelle la ministre.
Les préfets vont aussi vérifier que les travaux d’entretien ou de rénovation des aires d’accueil « ont été entrepris, dans la mesure du possible, avant le début de la période des grands passages ».
Si besoin, les préfets proposeront de recourir à des terrains non inscrits au schéma départemental d’accueil des gens du voyage « pour en faire des aires temporaires susceptibles d’accueillir des grands groupes », quitte à mettre à disposition des terrains appartenant au domaine de l’État.
Évacuations forcées
Enfin, dans le but de limiter au maximum les troubles liés aux stationnements, les préfets doivent impérativement « procéder à la nomination d’un médiateur départemental auprès des gens du voyage ». Cette procédure a montré qu’elle permet « de pacifier les situations de conflit, d’éviter les procédures (…) lourdes et coûteuses ». Une médiation interdépartementale peut également être proposée pour « mieux répartir les flux de voyageurs entre départements limitrophes ».
Enfin, lorsque les choses se passent mal, les préfets sont invités à apporter un soin particulier à la « sécurité juridique » des éventuelles décisions de mise en demeure et d’évacuation forcée. L’année dernière en effet, « plus du quart des décisions attaquées ont été annulées ou suspendues par le juge administratif ». Point particulièrement important – et source de nombreuses annulations par le tribunal : « veiller à la compétence de l’autorité à l’origine de la demande de mise en demeure et de l’arrêté d’interdiction de stationnement ». Cette compétence, est-il rappelé dans l’instruction, « appartient en principe au président de l’EPCI, sauf si le maire de la commune s’est expressément opposé au transfert de ses pouvoirs de police ».
Les préfets devront également veiller à « caractériser précisément », dans leurs arrêtés, les risques d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques qui justifient la mise en demeure ou l’évacuation. Et ce, « y compris lorsque ces risques pèsent sur les occupants eux-mêmes (branchements électriques dangereux, eau non potable, manque de sanitaires, etc.). »
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Politique de l'eau
Augmenter et moduler le prix de l'eau pour financer le coût exponentiel de sa gestion
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Une étude complète de l'Inet étudie toutes les pistes de financements pour que les collectivités puissent faire face au véritable « mur d'investissements » qui se profile dans le domaine de la gestion de l'eau à l'heure du changement climatique, parmi lesquelles une évolution de la tarification.
Le problème n’est pas nouveau mais il ne fait qu’empirer : selon une étude de l’Institut national des études territoriales (Inet), copilotée par l’Agence France locale et le Cerema, le bloc communal fait face à un véritable « mur d’investissement » dû au sous-investissement chronique sur les réseaux d’eau potable et d’assainissement : entre 4 et 8 milliards d’euros selon les estimations.
Au rythme actuel de renouvellement, il faudrait respectivement 150 et 250 ans pour un renouvellement complet ! Il manquerait 3,2 milliards pour les infrastructures d’eau potable et d’assainissement collectif, selon le ministère de la Transition écologique (chiffre de 2020), et plus d’un milliard pour les réseaux d’eau pluviale, selon l’Union des industriels de l’eau. Le chiffre de 8 milliards est dépassé « si l’on valorise les externalités négatives sur l’environnement liées à ce manque d’investissement » : traitement des micropolluants, dommage sur les milieux aquatiques…
Une tarification plus élevée, sociale ou saisonnière
Pour les auteurs, qui explorent toutes les pistes, depuis une mutualisation de la gestion au niveau des bassins versants, jusqu’aux marchés de performance énergétique, on ne pourra pas faire l’économie à terme de l’augmentation du prix de l’eau pour l’usager.
Les auteurs s’attachent ensuite à comparer les avantages et inconvénients d’une tarification éco-solidaire, comme elle a été expérimentée depuis 2013 dans une cinquantaine de collectivités, et dont le CESE a exploré les limites dans un récent rapport (lire Maire info du 5 décembre 2023), évoquant notamment sa complexité et son aspect potentiellement injuste pour les familles nombreuses et précaires. Pour l’Inet, sa réussite passe nécessairement par la participation des usagers et l’échange de données avec les acteurs sociaux, notamment la CNAF « qui n’est pas proactive s’agissant du transfert de données sociales ».
Ce n’est pas la seule piste de modulation avancée par l’étude, qui propose aussi une tarification intégrant le coût des usages, où « la consommation d’eau pour certaines activités de loisirs (golfs, piscine individuelle, parc aquatique, station de ski) serait taxée plus fortement », une partie de cette taxe étant redistribuée pour « financer l’accompagnement au changement de ces secteurs économiques ». Cette taxe liée au « coût eau » de fabrication des produits, sur le modèle de la taxe carbone, doit cependant d’abord être validée au niveau gouvernemental.
La tarification fondée sur la saisonnalité a déjà été mise en œuvre à Grasse (Alpes-Maritime) et est sans doute une option très intéressante pour les communes touristiques ou celles connaissant des périodes de pénurie. Concrètement, il s’agit de faire payer l’eau plus cher en été. Il faut cependant veiller à ne pas avoir un impact négatif sur les ménages les plus précaires concernant leurs besoins essentiels.
Des moyens sous-mobilisés
Enfin, sans créer de nouvelles taxes, l’étude rappelle que la moitié des EPCI ne prélève pas la taxe GEMAPI, créée en 2014, plafonnée à 40 euros par an et par habitant. Or, elle est censée financer des projets liés au grand cycle de l’eau qui ont un impact direct sur sa disponibilité.
Parmi les autres sources de financement souffrant d'un non-recours important, les aides de l'agence de l'eau, qui, reconnaît l'étude, souffrent d'une « lourdeur administrative » et offrent souvent des « montants insuffisamment élevés ». Il y a aussi les fonds européens et notamment le FEADER, deuxième pilier de la PAC, « trop peu utilisés par les collectivités rurales françaises », et en particulier le « dispositif 206 FEADER sur les aides aux infrastructures hydrauliques », qui aide à la modernisation des réseaux d'irrigation agricoles, au recyclage des eaux ou encore au stockage de la ressource. L'étude reconnaît cependant que la gestion de ces fonds reste complexe, notamment depuis la régionalisation.
Il y a enfin le Fonds vert, qui, lui, est parfaitement identifié par les collectivités : comme l’a précisé le ministère de la Transition écologique, 1 871 dossiers déposés à la fin de l’année dernière sur les dossiers renaturation/désimperméabilisation, pour une somme de 718 millions d’euros, sur une enveloppe de 100 millions allouée. Sans oublier le « Plan France nation verte » et son fonds « Investissement pour la qualite des eaux et Re-UTE : eau potable, épuration, eaux de process industriel », porte par la Banque des territoires pour aider les collectivites a construire ou exploiter des dispositifs de REUT.
Toutes démarches qui nécessitent de l’ingénierie. L’étude liste les possibilités les plus récentes pour les mobiliser, notamment dans les petites communes, comme le nouveau réseau de proximité de la DGFIP, qui offre le concours gratuit de « conseillers aux décideurs locaux » sur la faisabilité d’un projet ou d’une analyse financière ; le Cerema, qui intervient essentiellement sur le grand cycle de l’eau (GEMAPI, désimperméabilisation des sols…), « mais aussi sur la REUT’ au niveau du petit cycle » ; l’Office français de la biodiversité (OFB), qui apporte également un accompagnement dans le cadre du label « Territoire engagé pour la nature » ; et enfin les agences d’ingénierie départementale dont la montée en puissance est également mise en avant.
Une meilleure gestion de la dette
Dernière option, l’étude met en avant les prêts longue durée comme l’offre à taux fixe de l’Agence France locale ou les « aqua prêts » lancés par la Banque des territoires en 2019. L’étude recommande en complément d’élaborer des plans pluriannuels d’investissement spécifiques, en particulier le « PPI bleu » qui s’attache au renouvellement des réseaux – la « mutualisation ou l’appui proposé par des conseils départementaux » pouvant fournir l’ingénierie nécessaire à leur élaboration.
La question se pose toutefois de l’avenir de ces dettes à l’heure du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux EPCI, nombre de communes de montagnes ayant mis en avant le fait qu’elles continueraient à amortir leurs dettes sans toucher de recettes (lire Maire info du 25 mars).
Un tableau synthétique à la fin de l’étude permet d’identifier plus facilement les diverses sources de financements et les projets potentiellement concernés.
Télécharger l’étude.
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Assurances
France : les catastrophes climatiques ont coûté 6,5 milliards d'euros en 2023
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En 2023, les catastrophes climatiques en France ont coûté 6,5 milliards d'euros. Les assureurs s'inquiètent du « changement d'échelle » et de l'accélération de ces évènements dévastateurs, a indiqué mercredi à l'AFP Florence Lustman, présidente de France Assureurs.
Concernant le risque climatique, nous connaissons un «changement d’échelle» manifeste, 2023 étant « la troisième année la plus grave en terme de sinistres climatiques après 1999 et 2022 », a indiqué à l’AFP la présidente de la fédération.
L’année 1999, marquée par les tempêtes Lothar et Martin, reste jusqu’ici la pire avec un coût estimé à 13,8 milliards d’euros en euros constants, suivie par 2022 dont les événement climatiques ont coûté 10 milliards d’euros aux assureurs.
Nous franchissons des « paliers successifs dans le coût du risque climatique ». Dans les années 2000 à 2008 « on était en moyenne à 2,7 milliards d’euros par an ». Ensuite entre 2010 et 2019 « on est passé à 3,7 milliards. Et si je prends la moyenne sur les quatre dernières années, dont 2022 et 2023, je suis à six milliards », a-t-elle ajouté.
Il y a eu beaucoup de phénomènes extrêmes en 2023, qui est d’ailleurs en France la deuxième année la plus chaude après 2022, dont « 15 phénomènes venteux, avec des vents de plus de 150 km/h », « 14 inondations avec à chaque fois, plus de 15 communes qui ont fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle », les « tempêtes Ciaran et Domingos qui ont touché le nord-ouest et ont occasionné 517 000 sinistres pour un coût de 1,6 milliard d’euros », et les inondations dans le nord qui ont fait « 40 000 sinistrés ».
Régime « Cat nat »
Les tempêtes, comme la grêle, sont couvertes dans les contrats dommages des assureurs, tandis que les inondations ou les sécheresses sont soumises au régime « Cat nat ». L’État prend la moitié des coûts à sa charge, permettant ainsi de réduire de moitié la facture des assureurs. « Ce partenariat public-privé a pour vocation de couvrir des risques qui sans cela deviendraient inassurables pour les assureurs », explique Florence Lustman.
L’ancien assureur Thierry Langreney a été chargé par le gouvernement d’une étude sur l’assurabilité des risques climatiques dont la publication est attendue impatiemment par le monde de l’assurance.
Une mesure très importante a déjà été prise en fin d’année dernière par Bercy pour anticiper la hausse des évènements climatiques dévastateurs avec le relèvement de la surprime « Cat Nat » de 12 % à 20 % à partir de 2025 pour tous les assurés. Mais face à cette intensification des risques, « nous considérons avoir encore des moyens d’agir via la prévention », selon la présidente de France Assureurs.
Deux missions aux conclusions très attendues
Reste que la réponse des assureurs à cette situation, notamment à l’égard des collectivités territoriales, est de plus en plus souvent de fortement augmenter le montant des franchises, voire de résilier les contrats. Alerté de la difficulté de plus en plus grande rencontrée par nombre de communes pour s’assurer, le gouvernement a nommé une mission chargée de proposer des solutions, sous la houlette notamment d’Alain Chrétien, maire de Vesoul et vice-président de l’AMF (lire Maire info du 26 octobre 2023). Cette mission va rendre ses conclusions dans les jours qui viennent.
Par ailleurs, une autre mission, désignée, elle, par la commission des finances du Sénat, planche également sur « les difficultés assurantielles des collectivités territoriales ». Elle s’est donnée pour objectif « de dresser un état des lieux de ces difficultés et de proposer des solutions à même de garantir des conditions d’assurance acceptables pour toutes les collectivités et soutenables financièrement pour l’ensemble des acteurs concernés », après avoir procédé à une consultation en ligne des élus, pendant le mois de février. Cette mission va rendre ses conclusions demain, le jeudi 28 mars.
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Journal Officiel du mercredi 27 mars 2024
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
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