Édition du jeudi 7 mars 2024

Budget
Réduction des dépenses : Bruno Le Maire remet en question le nombre d'échelons de collectivités locales
Les ministres chargés de l'économie et du budget ont annoncé hier, à l'Assemblée nationale, que les économies sur le budget 2025 s'élèveront à 20 milliards d'euros au lieu de 12, en plus des 10 milliards déjà actés le mois dernier.

Trente milliards d’euros d’économies en un an. Si Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, hier, ont réfuté avec énergie toute idée de « rigueur », la somme est considérable. Les ministres ont été clairs : les 10 milliards d’euros supprimés par décret, en février, le seront de façon « pérenne ». Mais, a précisé Thomas Cazenave, ministre chargé des Comptes publics, ce n’est qu’une « première étape » : dans le projet de loi de finances pour 2025, il faudra aller plus loin, et ce seront 20 milliards d’euros supplémentaires – et non 12 comme le ministre le prévoyait en janvier – qui seront ponctionnés sur le budget « de l’État et de la Sécurité sociale ». 

Pas « d’austérité »

Ces annonces ont été faites dans le cadre d’une audition des ministres par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Bruno Le Maire a débuté l’audition par un long discours illustré de « slides » destinées à alerter sur l’état des finances publiques : avec des dépenses équivalentes à environ 58 % du PIB, la France « a le niveau de dépenses le plus élevé des pays développés ». Cet écart, explique le ministre, « s’explique principalement par la dépense sociale », puisque la France « dépense 6 points de PIB de plus que la moyenne des autres pays européens sur les prestations sociales, la santé et les retraites ». Cette présentation donne, évidemment, des indications sur les intentions du gouvernement en matière d’économies budgétaires. 

Bruno Le Maire a récusé fermement toute intention « d’austérité » : « Arrêtons les fantasmes, regardons les chiffres, la France n’a jamais connu d’austérité depuis 50 ans », a affirmé le ministre. Estimant que les dépenses publiques ont « doublé en 23 ans », passant de « 760 milliards à 1 600 milliards » entre 2000 et 2023, il a ironisé : « Ça fait cher l’austérité ». Ces chiffres, notons-le, sont donnés en euros courants, sans tenir compte de l’inflation, ce qui fausse un peu la perspective.

Face à « l’envolée » des dépenses publiques, Bruno Le Maire a donné « trois options » : « Ne rien faire », ce qui serait « irresponsable » et reviendrait à « jeter l’argent par les fenêtres » ; « augmenter les impôts », ce qui serait « une impasse » – Bruno Le Maire a même crânement affirmé « jamais je n’augmenterai les impôts » ; et enfin, « rétablir sans délai nos finances publiques », ce qui, on l’a compris, est l’option choisie par le gouvernement. 

L’absentéisme dans la territoriale pointé du doigt

Pour cela, le gouvernement veut commencer par rompre avec la logique selon laquelle « l’exceptionnel devient du permanent ». Les dispositifs décidés pendant le covid-19 ou la crise énergétique doivent donc être « débranchés », y compris le bouclier tarifaire sur l’électricité dont le ministre estime qu’il n’y a « plus besoin ». 

Le deuxième « pilier » de la stratégie gouvernementale est la réduction des dépenses de l’État, entamée avec le décret d’annulation de crédits de février. Bruno Le Maire a insisté : ces annulations « n’ont rien à voir avec la purge que certains voudraient présenter », puisque les budgets, malgré les annulations, restent en hausse. Sur la mission écologie, par exemple, « les crédits ont augmenté de 64 % entre 2017 et 2024. Après annulations, ils augmentent encore de 41 % ». 

Troisième pilier : « faire des choix de politiques publiques ». Le ministre a rappelé que ces dépenses publiques se répartissent en trois grandes parts : « 50 % de dépense sociale, 30 % de dépenses de l’État, 20 % de dépenses des collectivités locales ». Et dans la foulée, il a été clair : « Tout le monde doit participer au rétablissement des finances publiques » – sous-entendu, les collectivités aussi. 

À aucun moment le ministre de l’Économie, pas plus que son collègue des Compte publics, n’a évoqué de coup de rabot sur les dotations aux collectivités pour l’an prochain. En revanche, ils ont donné des pistes « d’économies » dans le fonctionnement de celles-ci. Par exemple : « Est-il vraiment légitime et pouvons-nous encore nous permettre que le nombre de jours d’absence parmi les personnels des collectivités locales soit de 17 par an, quand il est de 12 dans le privé, et de 10 dans les services de l’État ? Est-ce que vous trouvez ça juste ? Est-ce que vous trouvez ça raisonnable ? », a demandé le ministre, comme si cet état de fait découlait d’un choix conscient et assumé des employeurs territoriaux. 

Cette problématique de l’absentéisme dans la fonction publique territoriale est bien réelle, comme l’a encore montré à l’automne dernier l’Observatoire de la MNT (lire Maire info du 11 octobre). Mais elle mérite d’être traitée avec sérieux et sans sous-entendre, comme c’est trop souvent le cas, que les employeurs territoriaux se montreraient trop « laxistes » face à l’absentéisme d’agents « fainéants ». En réalité, l’absentéisme plus important dans la territoriale que dans le privé ou dans la fonction publique de l’État est dû pour l’essentiel à l’âge des agents : rappelons que l’âge moyen des agents de la territoriale est de 48 ans, contre 44 ans en moyenne pour les trois versants et 41 ans pour le secteur privé (chiffres de la MNT). Et la récente réforme des retraites, mécaniquement, ne pourra qu’aggraver le phénomène. Il faut également citer une typologie des métiers bien plus favorable à l'émergence de maladies profesionnelles : rappelons que plus de 75 % des agents de la FPT sont en catégorie C, en grande partie sur des métiers d’exécution incluant du port de charges, de la station debout (voirie, bâtiments, atsem, crèches, etc…).

Derrière cette question se cache donc la problématique, bien plus complexe à traiter, de l’attractivité de la fonction publique territoriale, qui ne se résoudra certainement pas par des coupes franches dans les budgets de fonctionnement. 

Revoici le « trop de strates »

Au-delà de cet exemple très spécifique, Bruno Le Maire a ressorti un vieux serpent de mer : le millefeuille territorial. « Est-ce que vous trouvez légitime, juste et raisonnable que nous gardions encore un tel empilement d’échelons d’administrations locales ? », a-t-il demandé aux députés de la commission des finances. Ajoutant dans la foulée : « Pour moi, la réponse est non. » Ce sujet va donc obliger à « faire des choix » : « En matière de dépenses publiques, l’empilement n’est pas une option, le choix est une nécessité ». 

Voilà qui interroge. On se rappelle qu’en novembre dernier, le président de la République avait annoncé confier une mission au député Éric Woerth sur la décentralisation, avec entre autres pour mission de mener une réflexion sur « la simplification de l’organisation territoriale en vue de réduire le nombre de strates décentralisées, aujourd’hui trop nombreuses ». Interrogé par Maire info sur ce sujet lors du Congrès des maires, Éric Woerth s’était montré rassurant : « J’ai dit au président de la République, quand j’ai été nommé, que dans mon esprit il n’y avait aucune conclusion (visant à) supprimer un niveau de strate ». 

Dans l’esprit d’Éric Woerth, peut-être. Mais dans celui de Bruno Le Maire, il reste à savoir si les choses sont aussi claires. Les mots ont un sens : si le ministre estime qu’il n’est ni « légitime », ni « juste », ni « raisonnable » de conserver « un tel empilement d’échelons d’administrations locales », cela signifie qu’il entend proposer de réduire cet « empilement ». Le gouvernement devra rapidement préciser ses intentions sur ce sujet – et le Premier ministre, faire savoir s’il partage sur ce thème les convictions de son ministre de l’Économie. 
 




Statut de l'élu
Statut de l'élu : les mesures déjà adoptées par le Sénat
L'examen de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local se poursuit aujourd'hui au Sénat, en séance publique. Une trentaine d'amendements ont été adoptés. Revue de détail.

La proposition de loi déposée par Françoise Gatel au Sénat, « portant création d’un statut de l’élu local », est débattue en séance publique depuis mardi. La ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a répété le 5 mars, dans Le Figaro, qu’elle entendait soutenir un certain nombre de propositions contenues dans ce texte, tout comme dans celui qui sera débattu à l’Assemblée nationale, présenté par Violette Spillebout et Sébastien Jumel. 

Les « souhaits » du gouvernement

La ministre se dit « favorable à un statut de l’élu » qui serait adopté avant les élections municipales de 2026, et soutient notamment l’idée d’une revalorisation des indemnités des élus : « Nos élus locaux ne sont pas indemnisés à la hauteur de leur engagement. » Elle souhaite d’ailleurs que l’indemnité soit « ouverte aux conseillers délégués, (…) ainsi qu’aux autres conseillers municipaux », fût-ce de manière « symbolique ». 

Dominique Faure veut aussi avancer sur la formation des élus (« je veux que chaque nouveau maire dispose de trois jours de formation ») et que « les entreprises accompagnent mieux leurs salariés qui exercent une fonction élective ». Elle entend aussi « permettre aux collectivités de compléter les indemnités journalières versées par la sécurité sociale pour les élus lors d’un congé maternité ». 

Enfin, Dominique Faure soutient l’idée « d’une validation des acquis de l’expérience pour faciliter la reconversion des élus à la fin du mandat, mieux articuler vie d'élue locale et vie professionnelle ». 

Amendements du gouvernement

Le gouvernement a déposé, dans le cadre du débat au Sénat, plus d’une vingtaine d’amendements à ce texte, dont certains ont déjà été discutés – et plusieurs rejetés par le Sénat. 

Le gouvernement souhaitait notamment supprimer la disposition prévue dans le texte visant à accorder une « bonification » à certains élus (dont les maires, les adjoints, les présidents et vice-présidents d’EPCI) en matière de retraite, sous forme de l'attribution d’un trimestre supplémentaire par mandat, dans la limite de huit. Le gouvernement a demandé la suppression de ce dispositif, mais le Sénat l’a refusé. 

De même, le gouvernement a demandé la suppression de l’article 4 de la proposition de loi. Celle-ci vise à étendre aux communes de moins de 3 500 habitants, et non de 1 000 comme c’est le cas aujourd’hui, le bénéfice de la dotation particulière élus locaux (DPEL). Le gouvernement s’y est opposé, arguant que la loi de finances pour 2024 a procédé à une revalorisation de la DPEL et qu’il « n'apparait pas opportun de procéder à une nouvelle modification de la dotation avant même sa répartition pour 2024 qui permettrait de mesurer les effets de cette première réforme ». Le Sénat a rejeté l’amendement gouvernemental et maintenu l’article 4. 

Le gouvernement n’a pas eu plus de chance avec son amendement visant à supprimer l’article 8, qui vise à obliger les employeurs à octroyer jusqu’à 20 jours ouvrables de congé, « pour participer à la campagne électorale », aux candidats aux élections notamment municipales. Craignant « d’importants effets de bord économiques » pour les entreprises, le gouvernement souhaitait supprimer cette disposition, qui a finalement été maintenue. 

Débat également sur la rédaction de l’article 9, qui a trait aux autorisations d’absence que l’employeur doit accorder aux élus pour l’exercice de leur mandat. Les sénateurs ont rejeté les dispositions envisagées par le gouvernement et conservé leur version, bien qu’amendée : il serait notamment ajouté aux motifs d’absence « les cérémonies publiques » et les réunions « organisée par l’EPCI, le département ou la région », quand l’élu y représente sa commune. Les sénateurs ont également voté le fait que « en cas de déclenchement d’une alerte rouge par le préfet sur le territoire de la commune, les membres du conseil municipal exerçant une fonction dans le secteur privé ou occupant une fonction dans le secteur public bénéficient d’un forfait temps de repos de 24 heures. Durant cette période, tout rappel professionnel et convocation liée à leur activité privée sont suspendus afin de permettre un temps de repos avant la reprise de leur activité ».

Les autres amendements gouvernementaux n’ont pas encore été discutés. 

Articles additionnels

À l’heure où nous écrivons, 9 articles de la proposition de loi ont été adoptés, sur 28, et 4 articles supplémentaires ont été ajoutés par amendement. L’un d’entre eux (article 5 bis) vise à obliger le gouvernement à publier, dans les 12 mois qui suivront la promulgation de la loi, « un ‘’Statut de l’élu local’’ rassemblant l’ensemble des dispositions statutaires applicables aux titulaires d’un mandat électif local ». Cette tâche est, jusqu’à présent, assurée par les services de l’AMF. 

Un autre article additionnel important a été adopté (8A) : il supprime l’incompatibilité entre un mandat communautaire et un emploi salarié au sein d’une commune membre de l’EPCI, cette incompatibilité étant jugée « disproportionnée » par les auteurs de l’amendement, le risque de conflit d’intérêt « n’existant pas » dans ce cas. L’incompatibilité demeurerait, en revanche, entre le mandat de conseiller communautaire et celui de salarié de l’EPCI. 

Indemnités

Le Sénat a adopté sans difficulté les articles concernant la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints. Dans l’état actuel du texte, l’indemnité maximale versée aux maires serait portée à 1 115 euros dans les communes de moins de 500 habitants (contre 1 048 actuellement), à 1829 dans les communes de 500 à 999 (contre 1 657 actuellement) et à 2 343 euros dans les communes de 1000 à 3 499 habitants (contre 2 121 actuellement). 

L’article 2 a également été adopté. Il modifie le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire « pour mieux indemniser les adjoints au maire et les conseillers municipaux ». Le rapport de la commission des lois précise que cet article « prévoit que les indemnités de fonction des adjoints aux maires et des exécutifs départementaux et régionaux sont par principe fixées au maximum légal ». Toutefois, l’assemblée délibérante peut, sur demande du maire ou du président, fixer un montant inférieur à ce taux légal. 

Les sénateurs ont adopté l’article 5 du texte, qui rendrait obligatoire le remboursement par la commune des frais des transports « engagés par les élus pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion a lieu hors du territoire de celle-ci ». Ce remboursement n’est pour l’instant que facultatif. L’article 5 rendrait également « obligatoire la prise en charge par la collectivité des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique engagés par les élus en situation de handicap ». 

Parmi les articles qu’il reste à examiner, on suivra de près, notamment, ceux visant à améliorer la prise en charge des frais de garde et d’assistance (article 16), celui qui obligerait l’employeur à suspendre temporairement le contrat de travail d’un élu suppléant à la fonction d’un maire empêché pour raisons médicales (article 17), ou encore celui modifiant les règles de la protection fonctionnelle (article 19). 
 




Aménagement numérique du territoire
Implantation d'antennes-relais : une proposition de loi pour donner plus de pouvoirs aux maires
Une proposition de loi visant à favoriser la mutualisation des infrastructures de téléphonie mobile en donnant aux maires des leviers pour rationaliser l'implantation des antennes relais a été déposée il y a quelques jours au Sénat.

L’implantation de nombreuses antennes-relais au sein des communes crée, depuis plusieurs années, des crispations et des tensions. Souvent les maires se retrouvent démunis face à ces installations qui prolifèrent à mesure que la couverture mobile du territoire avance sous l’impulsion du New deal mobile lancé en 2018.

C’est ce qu’a observé la sénatrice des Alpes-Maritimes, Patricia Demas, dans son territoire. « Maires démunis », « déploiement anarchique des antennes », « compromis rarement trouvé » : Patricia Demas avait d’ailleurs alerté le gouvernement sur le sujet l’année dernière à l’occasion d’une question écrite : « Dans la commune de Saint-André-de-la-Roche dans (son) département, aux côtés des élus locaux, les citoyens manifestent pour obtenir la mutualisation d'un pylône susceptible d'accueillir l'antenne relais d'un nouvel opérateur ». 

Et le sujet est national. La présidente de l’Arcep, Laure de la Raudière, avait annoncé l’année dernière que la priorité pour les années à venir était d’améliorer le « recours à la mutualisation des pylônes : c’est avant tout une nécessité écologique mais aussi une demande de plus en plus importante des élus et de nos concitoyens qui réclament de la connectivité, certes, mais pas à n’importe quel prix ».

Le 20 février dernier, Patricia Demas a déposé au Sénat une proposition de loi visant à favoriser la mutualisation des infrastructures de téléphonie mobile en donnant aux maires des leviers pour rationaliser l'implantation des antennes relais. Déjà plus d’une trentaine de sénateurs ont signé cette proposition de loi, dont le sénateur Patrick Chaize, président de l’Avicca. 

Car la mutualisation est loin d’être un automatisme pour les opérateurs, ce que pointent de nombreux maires comme Michel Sauvade, maire de Marsac-en-Livradois et co-président de la commission numérique de l’AMF, qui déplorait en octobre dernier la présence « trois antennes situées dans un périmètre de 50 mètres » dans sa commune. 

La mutualisation : obligation ou suggestion ? 

Ce qui pose problème actuellement — et fait débat depuis déjà des années — c’est la question de la mutualisation des antennes relais. En effet, l'article D. 98-6-1 du Code des postes et communications électroniques prévoit que les opérateurs exploitant des réseaux de communications électroniques doivent faire « en sorte, dans la mesure du possible, de partager les sites radioélectriques avec les autres utilisateurs de ces sites ». Par ailleurs, ils doivent privilégier toute solution de partage avec un site ou un pylône existant, veiller à ce que l'accueil ultérieur d'opérateurs soit rendu possible ou encore répondre aux demandes raisonnables de partage de ses sites ou pylônes émanant d'autres opérateurs. Une règle qui ne contraint en aucun cas les opérateurs mais qui les « incite » à opter pour la mutualisation.

En pratique, ces incitations ne sont que très rarement respectées, notamment pour des raisons stratégiques et commerciales. Et comme le Conseil d'État a considéré que ces dispositions n'instituaient aucune obligation à la charge des opérateurs (CE, 2 mars 2012, n° 352013, Société Orange France), la situation n’évolue pas. 

Pourtant, plusieurs tentatives législatives ont été menées durant les dernières années sur ce sujet épineux. D’abord, depuis la promulgation de la loi Reen, à la demande du maire et seulement à titre d’information, le DIM peut comprendre la justification du choix de l’opérateur de ne pas recourir à une solution de partage du site ou du pylône. Cette disposition ne s’applique pas partout, elle concerne les « communes rattachées à la catégorie des communes rurales, comprenant les niveaux « bourgs ruraux », « rural à habitat dispersé » et « rural à habitat très dispersé », au sein de la grille communale de densité telle que publiée en ligne par l’INSEE lors du dépôt du dossier d’information ».  

En 2016, lors des travaux législatifs menés dans le cadre de la loi Montagne I, un rapport de force avec les opérateurs s’était illustré clairement entre le gouvernement, qui vise un objectif ambitieux en matière de connectivité mobile, et les opérateurs. Si certains députés voulaient introduire dans cette loi Montagne de 2016 la possibilité d’obliger les opérateurs à mutualiser, cette idée avait déclenché la colère des opérateurs qui indiquaient dans une tribune que « vouloir décider par la loi, à la place des opérateurs, les modalités selon lesquelles ils devront investir et construire leurs réseaux mobiles dans des parties entières du territoire, en les contraignant à adopter certaines formes d’organisation et de mutualisation de leurs installations, n’aura pas l’effet attendu » (lire Maire info du 19 décembre 2016).

Le sujet est donc complexe et créé des crispations dans les territoires depuis longtemps. Résultat : le pouvoir des maires reste limité et rien ne bouge. 

Justifier auprès du maire le non-recours à la mutualisation

C’est donc dans ce contexte que la sénatrice des Alpes-Maritimes a déposé une proposition de loi composée de trois articles. 

Interrogée par Maire info, la sénatrice explique que « l’idée de l’article 1er est de systématiser au moment du dossier d’information en mairie les éléments qui conduisent à ne pas avoir recours à la mutualisation ». 

Rappelons que le maire aujourd’hui est uniquement « destinataire d'un dossier d'information en mairie (DIM) un mois avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme, et même si l'implantation est soumise à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme par le maire, ses marges de manœuvre sont limitées ».

La sénatrice propose donc le renforcement de l'information des élus locaux sur les projets des opérateurs, avec des éléments techniques et opérationnels pouvant justifier le choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. La disposition serait applicable quelles que soient les zones (rurales, denses ou très denses). 

Renforcer les pouvoirs de l’Arcep

Le cœur de la proposition de loi est de mettre à disposition des maires un levier qui n’existe pas actuellement. Ainsi, « durant les 15 jours ouvrés du dossier d’information en mairie, le maire aurait la possibilité de saisir l’Arcep pour un contradictoire », explique la sénatrice. 

L’article 2 prévoit donc de compléter la liste des prérogatives de l’Arcep et « d’affirmer explicitement parmi les objectifs de l’Arcep le rôle de contrôle de la mutualisation des infrastructures » et de lui donner « une mission de règlement des différends ».

L’article 3 prévoit que le maire puisse contester le choix d’un opérateur de ne pas recourir à la mutualisation. « L’Arcep pourrait, dès lors qu’elle est saisie par le maire, réaliser dans un délai de 6 mois maximum un contradictoire ou des éléments qui tendraient soit à imposer à l’opérateur une mutualisation soit à ne pas le faire », souligne Patricia Demas. 

Il est important de noter que si le maire conteste le choix de l’opérateur, il est impossible pour ce dernier de « déposer une déclaration préalable ou une demande d’autorisation d’urbanisme avant que l’autorité n’ait rendu sa décision ». Si l’Arcep ne répond pas dans un délai de 6 mois, « le dossier d’information devient caduc et un nouveau dossier doit être remis au maire ou au président de l’intercommunalité ». 

La sénatrice précise que ces dispositions s’appliqueraient vraisemblablement dans des cas litigieux et non pas à chaque demande d’installation d’une antenne : « Tous les maires ne vont pas systématiquement saisir l’Arcep mais l’usage voudra que l’édile puisse avoir cette possibilité en cas de litige », précise la sénatrice. On peut envisager aussi qu'avec tous les éléments communiqués au maire concernant le choix de ne pas mutualiser, l'élu puisse juger nécessaire par lui-même la construction d'une nouvelle antenne. « Aujourd’hui, il n’y a pas de possibilité d’initier un contradictoire », ce qui engendre des frustrations chez les maires et des incompréhensions chez les citoyens. 




Élus locaux
Le Conseil constitutionnel appelé à trancher sur la modulation des indemnités des conseillers municipaux en fonction de leur assiduité
Le Conseil d'État a transmis au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) sur l'interdiction de moduler les indemnités des élus en fonction de leur assiduité dans les communes de moins de 50 000 habitants. Explications.

C’est un cas intéressant qui va être tranché par le Conseil constitutionnel, sur demande du Conseil d’État. Il concerne la possibilité qui est donnée par la loi aux seules communes de plus de 50 000 habitants de diminuer les indemnités des élus qui ne participent pas régulièrement aux réunions. 

L’objet du litige

C’est la commune de La Madeleine, dans le Nord, qui a saisi le Conseil d’État sur cette question. Lors de la séance du 20 juin 2020 du nouveau conseil municipal installé en 2020,  celui-ci a en effet délibéré sur les indemnités de fonction des élus municipaux, et la délibération contient la formule suivante : « Conformément à l’article 37 du règlement intérieur du conseil municipal, la fonction de conseiller municipal implique nécessairement d’être assidu aux réunions des commissions permanentes et du conseil municipal. À ce titre, l’indemnisation de cette fonction est modulée en fonction de la présence aux réunions précitées. Au cours d’un même semestre, trois absences non justifiées conduisent à une réduction de 25 % du montant net de l’indemnité versée. Cet abattement sera appliqué à l’indemnité versée au cours du semestre suivant. » La même délibération liste les causes d’absence « justifiée » qui ne donneront pas lieu à un retrait (maladie, congé maternité, nécessité impérieuse, etc.).

Problème : la commune de La Madeleine compte environ 21 000 habitants. Or le Code général des collectivités territoriales ne permet une telle modulation des indemnités en fonction de l’assiduité que dans les communes de plus de 50 000 habitants. L’article L 2123-24-2 est parfaitement clair sur ce sujet : « Dans des conditions fixées par leur règlement intérieur, le montant des indemnités de fonction que le conseil municipal des communes de 50 000 habitants et plus alloue à ses membres peut être modulé en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres. »

Sur la base de cet article, un conseiller municipal a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du conseil municipal de la commune. Laquelle commune a répondu en contestant cet article du CGCT, estimant qu’il méconnaît « le principe d’égalité devant la loi » – estimant qu’il n’y a guère de raison objective pour que les élus des communes de moins de 50 000 habitants ne soient pas, en la matière, soumis aux mêmes conditions que les élus des communes plus grandes. 

Question « sérieuse »

Le tribunal administratif de Lille a considéré la question comme suffisante pertinente pour être transmise au Conseil d’État. Et ce dernier – bien que le ministère de l’Intérieur ait estimé que la question de la conformité de ces dispositions à la Constitution ne se posait pas – a décidé de transmettre la question au Conseil constitutionnel sous forme de QPC (question prioritaire de constitutionnalité). En effet, écrit le Conseil d’État dans sa décision du 5 mars, la question de savoir si « ces dispositions, en excluant les communes de moins de 50 000 habitants de la possibilité de moduler le montant des indemnités de fonction que le conseil municipal alloue à ses membres en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres, introduisent une différence de traitement qui n’est pas en rapport direct avec l’objectif que s’est assigné le législateur et qu’elles portent ainsi atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », est « sérieuse ». 

Rappelons que le Conseil constitutionnel peut être saisi d’une QPC sous plusieurs conditions : notamment, il ne doit pas s’être déjà prononcé sur la constitutionnalité de la question en litige ; et la question doit présenter « un caractère sérieux ». 

La question a donc été transmise aux Sages, qui statueront à une date qui n’a pas encore été définie (le délai légal maximum est de trois mois). On saura donc avant l’été si cet article du CGCT est conforme à la Constitution ou s’il ne l’est pas, auquel cas il serait aussitôt abrogé. 




Handicap
Fonctionnaires handicapés : les aides à l'insertion doivent être simplifiées, selon la Cour des comptes
Malgré le redressement de sa situation financière et l'amélioration du taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, l'instance chargée de leur insertion doit encore simplifier ses aides et ses conventions, selon les magistrats financiers.

Le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) doit simplifier l’accès à ses aides et ses conventions triennales, tout en évaluant l’efficacité de ses actions. C’est ce que réclame la Cour des comptes dans un rapport publié hier et consacré à la gestion, entre 2017 et 2022, de cette instance chargée de l'insertion des personnes handicapées dans l'emploi public.

Notoriété « renforcée » dans la territoriale

Si dans son précédent rapport portant sur les exercices 2011-2015, la Cour allait jusqu’à s’interroger sur « l'intérêt de maintenir l'établissement », celle-ci s’est adoucie en constatant que sa situation financière s'est « redressée » et qu'il a « renforcé sa notoriété », en particulier auprès de la fonction publique territoriale (FPT) grâce au « relais efficace » des délégués territoriaux au handicap (DTH). Le FIPHFP apparaît, dorénavant, « bien inséré » dans la FPT et y jouit « d’une bonne image et d’une bonne visibilité auprès des employeurs ». 

En outre, « des progrès ont été enregistrés » en termes de taux d’emploi des personnes handicapées, sa principale raison d’être. En effet, en 2022, ce taux s'élevait à 5,45 % dans la fonction publique (contre 5,18 % en 2017), même s'il reste, toutefois, toujours en dessous des objectifs fixés par la loi puisque le FIPHFP a pour mission d'aider l'État, les collectivités et les hôpitaux à atteindre le taux légal de 6 % d'agents handicapés dans leurs effectifs. 

À ce titre, seule la territoriale a dépassé les objectifs fixés avec 6,72 % d'agents en situation de handicap, en très légère hausse par rapport 2017, contre 4,36 % pour la fonction publique d’État (FPE), en baisse, et 5,53 % pour la fonction publique hospitalière (FPH), qui reste stable. Des résultats qui s’expliquent notamment par la structure de chaque versant. Le fait que les trois-quarts des agents territoriaux appartiennent à la catégorie C est ainsi « susceptible de favoriser l’accès à l’emploi de personnes handicapées, comparativement moins diplômés que la population active dans son ensemble », explique la Cour.

A noter que pour atteindre ce taux de 6 %, l’établissement public - créé en 2005 par la loi pour l’Egalité des droits et des chances - a plusieurs leviers : soit accorder des aides directes aux employeurs (via par exemple le financement de prothèses auditives, de fauteuils roulants ou de l’adaptation d'un poste de travail...), soit signer des conventions par lesquelles ils s'engagent sur plusieurs années à améliorer l'insertion ou le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap. 

Des actions directes en recul

Malgré ses améliorations, ce fonds reste difficile d’accès. Preuve en est que les actions directes envers les employeurs ont marqué le pas de 2017 à 2022, « les aides au catalogue [ayant] représenté une part des dépenses en baisse et le conventionnement de même, malgré la priorité que le FIPHFP dit leur donner, par rapport au total des dépenses d’intervention ». Pour cette raison, la Cour estime qu’il doit simplifier ses aides et ses conventions. 

Parmi les huit recommandations formulées par les magistrats financiers, ceux-ci préconisent d’abord « d’alléger les modalités de sollicitation des aides figurant à son catalogue » en « relevant le plafond », en « autorisant les demandes multiples » et en « engageant en tout ou partie la dépense d’aide ponctuelle a priori ». La simplification des règles d’instruction des demandes doit ainsi permettre une obtention de ces aides « plus aisée et plus rapide ». 

Les magistrats de la rue Cambon réclament également une simplification des conventions triennales bilatérales afin de « mieux tenir compte des besoins, de la taille et de la capacité à faire des employeurs publics et de faciliter leur renouvellement ». Ce renouvellement des conventions avec le FIPHFP doit en particulier « être facilité et accéléré » car il reste à ce jour « presque aussi lourd qu’une demande initiale de conventionnement ».

En outre, ils plaident pour que soit réalisée une évaluation de « l’efficacité des dépenses d’intervention par type d’actions conduites (offre catalogue, convention bilatérale triennale avec un employeur, actions intermédiées en partenariat) ». L’impact final de l’action du FIPHFP est aujourd’hui « trop peu étudié » et « ne permet pas de valider l’utilité de ses financements ni de les prioriser en fonction de leurs résultats », estiment-ils, soulignant que, « à cet égard, les conventions doivent davantage inciter au recrutement plutôt que de financer majoritairement le maintien dans l’emploi, notamment avec les ministères ».

De confortables réserves financières

Reste que la Cour des comptes se pose, désormais, la question de l’emploi des « réserves accumulées » par le Fonds, au regard de sa nouvelle situation financière excédentaire. Sous l’effet de plusieurs facteurs, l’établissement a, en effet, perçu « des recettes abondantes » en 2021 et 2022 qui ont conduit à « une augmentation inédite » de ses réserves.

Ce qui fait dire à la Cour que le FIPHFP « doit rapidement faire la preuve qu’il est capable de mobiliser ces marges de manœuvre prioritairement au profit de ses actions en propre, plutôt que dans le cadre de partenariats au poids croissant, pour pouvoir justifier sa raison de subsister en tant qu’établissement public indépendant ». 

« Au risque du manque de ressources, se substitue ainsi […] celui d’une thésaurisation non justifiée », préviennent les magistrats qui assurent que « ce contexte requiert l’élaboration urgente par le FIPHFP d’un plan stratégique opérationnel formalisant en particulier sa politique d’intervention et ses priorités ».

Et d’ajouter : « Plus fondamentalement, compte tenu du besoin de désendettement de l’État, la question de l’utilisation de ces excédents, le cas échéant au profit d’autres actions en faveur de l’insertion dans l’emploi des personnes handicapées, doit être posée. Leur maintien au sein du FIPHFP devrait être subordonné à une démonstration plus claire de l’utilité des financements de celui-ci pour le maintien dans l’emploi et plus fondamentalement pour le recrutement, qui fait défaut à ce jour. »

Un « début de mise en oeuvre » depuis 2023

Les magistrats jugent, par ailleurs, que cette situation financière doit entraîner « une prise en compte plus équilibrée des trois fonctions publiques ». Car, contrairement à la FPT, « la fonction publique hospitalière ne bénéficie pas de dépenses d’intervention du fonds à hauteur de celles des autres fonctions publiques, ce qui impose au FIPHFP de mieux faire connaître son offre dans ce secteur ».

Dans leur réponse à la Cour, les représentantes de l'établissement ont indiqué partager ces constats et assuré que la plupart des préconisations ont fait l’objet « d’un début de mise en œuvre » depuis 2023 ou allaient être prises en compte.

Elles précisent, toutefois, que « les excédents constatés ces dernières années, dus notamment à des recettes exceptionnelles, n'ont pas une nature structurelle et sont en cours de diminution ». « Il convient donc de les affecter en priorité à des dépenses d'intervention ponctuelles ou à des partenariats structurants limités dans le temps, plutôt qu'à des dépenses de fonctionnement pérennes », ont-elles fait valoir.

Consulter le rapport.






Journal Officiel du jeudi 7 mars 2024

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2024-177 du 6 mars 2024 portant diverses dispositions relatives aux offices publics de l'habitat
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 29 février 2024 précisant la liste des produits relevant de chaque catégorie de produits soumise à l'obligation d'acquisition de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées

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