Édition du lundi 12 fĂ©vrier 2024 |
Gouvernement
Réformes à venir : le Premier ministre donne des précisions sur la forme, mais pas sur le fond
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Le Premier ministre, dans une interview au Parisien ce week-end, est revenu sur sa feuille de route pour l'année 2024. Sans donner encore les clarifications attendues sur celles qui concernent les collectivités locales.
Si le Premier ministre, dans l’interview qu’il a donnée au Parisien hier, ne fait pas d’annonce réellement nouvelle, il donne du moins le calendrier législatif des mois à venir, avec plusieurs projets de loi qui seront présentés. Calendrier dans lequel, peut-on remarquer, ne figure pas le texte sur le statut de l’élu, pourtant promis par Élisabeth Borne pour le premier semestre. Cela ne signifie pas, naturellement, que le projet de loi ne sera pas présenté, mais il n’apparaît pas au rang des « priorités » mises en avant par le nouveau locataire de Matignon.
Simplification et normes
Le sujet de la « simplification » est, en revanche, au centre de cette interview. Gabriel Attal avait annoncé lors du discours de politique générale que les comités et commissions « inutiles » allaient être supprimés – il précise dans l’interview que le gouvernement en a identifié « une quarantaine ». Il annonce également que « 250 procédures de la vie quotidienne » vont être simplifiées. En matière de logement, « simplification » également avec, « d’ici quelques jours », l’annonce des 20 territoires où le gouvernement va expérimenter « une simplification drastique de toutes les procédures pour qu’on puisse y construire rapidement des logements », avec un objectif de 30 000 en trois ans. Il faudra regarder de près cette expérimentation, afin de savoir à quel étage de décision le gouvernement souhaite supprimer ou raccourcir, l’expérience de ces dernières années ayant montré que le gouvernement est prompt à sacrifier l’avis des maires sur l’autel de la « simplification ».
Sur la modification de la loi SRU annoncée, le Premier ministre ne donne pas de précisions, si ce n’est que celle-ci sera présentée « avant l’été ».
Gabriel Attal revient également sur le chantier de la suppression des normes, et annonce « avant l’été » un « projet de loi Macron 2 », référence à la loi Macron du 6 août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances », à l’époque où l’actuel président de la République était ministre de l’Économie. C’est cette loi, notamment, qui a libéralisé le transport interurbain routier et créé ce qui est resté sous le nom des « cars Macron ».
Dans son interview, le Premier ministre affirme que les normes représentent « 60 milliards d’euros de pertes économiques pour nos entreprises ». Ce chiffre a de quoi surprendre. D’où vient-il ? En dehors de la très libérale fondation Ifrap, qui brandit dans chacune de ses publications un chiffre de « 80 milliards » d’euros comme « coût de la sur-administration », le chiffre de 60 milliards semble venir du lointain rapport de la commission Attali de 2010. Cette commission nommée par Nicolas Sarkozy, rappelons-le, avait pour nom « Commission pour la libération de la croissance française »… et Gabriel Attal, dès le début de son interview d’hier, parle du futur projet de loi Macron 2 comme d’un texte permettant de « libérer la croissance » – la filiation semble claire.
Mais il faut noter que dans son rapport, Jacques Attali ne parle pas de 60 milliards de « pertes pour les entreprises ». Il écrit que « le coût engendré par la complexité normative (…) est estimé à 60 milliards d’euros », à l’échelle de la nation toute entière, ce qui n’est pas du tout la même chose – une bonne partie de ce coût étant supporté par l’État lui-même, par exemple.
Jeunesse
Concernant la jeunesse, il n’y a pas d’annonce nouvelle dans l’interview au Parisien, si ce n’est, en matière « d’autorité » que le gouvernement réfléchit à pouvoir appliquer « des sanctions éducatives beaucoup plus tôt, sans attendre de convoquer un conseil de discipline ». Il a également l’ambition de « réfléchir à l’évolution du cadre dès le primaire ».
Les mesures sur la justice des mineurs (travaux d’intérêts éducatifs dès 13 ans) seront présentées « au printemps ». C’est également au printemps que seront expérimentés les « internats gratuits » sous l’égide des départements, « sur simple accord des parents ».
Sécurité
Au mois de mars, annonce le Premier ministre, un « grand plan anti-stups » sera présenté, en particulier destiné aux « villes moyennes », qui sont « victimes d’un tsunami blanc avec une arrivée massive de cocaïne ». Par ailleurs, une « nouvelle stratégie de lutte contre les cambriolages » sera présentée « avant les départs en grandes vacances », sans plus de précisions.
Santé et social
Sur la santé, Gabriel Attal a rappelé qu’il entend mettre en place, d’ici l’été, « dans tous les départements », un SAS (service d’accès aux soins), plateforme téléphonique permettant d’être orienté vers la médecine de garde ou l’hôpital, ou encore de bénéficier rapidement d’une visio-consultation. Si, dans certains territoires, les médecins libéraux « ne jouaient pas le jeu », le Premier ministre « n’exclut pas de réintroduire les obligations de garde ».
En matière sociale, pour lutter à la fois contre « la fraude et le non-recours », le gouvernement va expérimenter « le pré-remplissage des formulaires de la prime d’activité et du RSA » : « L’État est capable de savoir combien vous gagnez pour prélever vos impôts, il doit être capable de savoir combien vous gagnez pour verser les aides auxquelles vous avez droit ».
À la rentrée prochaine, le gouvernement présentera « un projet de loi pour l’acte II de la réforme du marché du travail ». Il faudrait d’ailleurs, plutôt, parler de l’acte III, le premier ayant été la publication des ordonnances de 2017 réformant le Code du travail, et le deuxième la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail. Objectif affiché par le Premier ministre : « Faire en sorte que l’écart entre travail et inactivité soit toujours plus important. »
Déficit
Gabriel Attal a confirmé les annonces du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui prévoit une ponction considérable de l’ordre de 12 milliards d’euros dans le budget pour 2025. « Nous devrons tous faire des efforts pour éviter la catastrophe », estime Gabriel Attal, y compris « les collectivités ». Le Premier ministre n’évoque toutefois pas, pour l’heure, de ponctions sur leurs dotations, mais plutôt des économies de fonctionnement. Il estime par exemple à « un milliard d’euros par an » le coût des collectivités « qui font toujours travailler moins de 35 h leur personnel », ajoutant : « Peut-on continuer ainsi ? »
Il faut noter, une fois encore, que le terme de « décentralisation » n’est pas utilisé une seule fois dans cette longue interview, alors même que la mission pilotée par Éric Woerth doit rendre ses conclusions dans la semaine à venir. Ce sujet semble bien, manifestement, en dehors des radars du nouveau Premier ministre.
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Outre-mer
Gérald Darmanin annonce la fin du droit du sol à Mayotte et la mise en place d'un « rideau de fer » maritime
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Le ministre de l'IntĂ©rieur, GĂ©rald Darmanin, a annoncĂ© hier plusieurs mesures radicales pour rĂ©pondre Ă la colère des habitants et des Ă©lus de Mayotte, dont la fin des visas territorialisĂ©s, une nouvelle opĂ©ration de dĂ©mantèlement des bidonvilles et, surtout, la fin du droit du sol dans ce dĂ©partement.Â
C’est tout un symbole de la détérioration de la situation : acclamé lors de sa précédente visite à Mayotte, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a cette fois été accueilli par les quolibets des membres du collectif Forces vives. Et tandis que le ministre, accompagné de la nouvelle ministre chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, se rendait à la préfecture, des échauffourées éclataient entre manifestants et forces de l’ordre.
Mais l’ambiance a rapidement changé au cours de la journée, parce que le ministre n’est pas arrivé les mains vides. À la veille de son arrivée, le collectif Forces vives, qui organise les blocages et la quasi-paralysie de l’île depuis le 22 janvier (lire Maire info de vendredi), avait prévenu par voie de communiqué : « Votre visite ne sera tolérée que si elle apporte des engagements concrets répondant à nos revendications », faute de quoi elle sera considérée comme « une provocation ». « Vos opérations coup de poing antérieures, bien que grandement médiatisées, n’ont pas réussi à endiguer le flot constant de la criminalité et de l’immigration illégale. Les efforts que vous citez, tels que le plan Shikandra et Wuambushu semblent dérisoires devant l’ampleur de la crise que nous vivons ».
Quelques heures après l’arrivée de Gérald Darmanin, les collectifs annonçaient la levée des barrages pour mercredi. Que s’est-il passé entretemps ?
Nombreuses mesures sur l’immigration
L’annonce la plus spectaculaire faite par le ministre de l’Intérieur concerne le droit du sol. « Nous allons prendre une décision radicale qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle, a-t-il annoncé dès sa descente d’avion. Il ne sera plus possible de devenir Français si on n’est pas soi-même enfant de parents français. (…) Il ne sera plus possible de mettre un enfant au monde ici et d’espérer devenir Français de cette façon. (…) C'est une mesure extrêmement forte, nette, radicale, qui évidemment sera circonscrite à l'archipel de Mayotte. »
La deuxième annonce concerne les visas territorialisés – cette spécificité mahoraise dont les collectivités exigent la suppression depuis des semaines : à Mayotte, les titres de séjour délivrés aux immigrants illégaux ne sont valables qu’à Mayotte, ce qui signifie que ceux-ci sont, en quelque sorte, « coincés » sur l’île et ne peuvent en sortir. Ces visas territorialisés « n’ont plus lieu d’être », a annoncé hier Gérald Darmanin, et leur suppression sera proposée dans un projet de loi sur Mayotte qui sera présenté « dans les semaines qui viennent ».
La troisième mesure annoncée concerne le regroupement familial : les dispositions de la toute récente loi Immigration qui durcit les conditions de celui-ci à Mayotte (minimum de 3 ans de séjour dans le département « sous couvert d'un titre d'une durée de validité d'au moins cinq ans ») seront mises en place de façon « immédiate ». Le ministre espère que cette mesure conduira à « diviser par cinq les regroupements familiaux ».
Enfin, Gérald Darmanin a annoncé l’organisation d’une nouvelle opération de démantèlement des bidonvilles, qu’il a baptisée « Wambushu 2 », et la mise en place d’un « rideau de fer » autour de l’île pour empêcher les arrivées de migrants, avec « le concours du ministère des Armées », afin « d’empêcher le passage des kwassa-kwassa et des filières d’immigration irrégulière ». « Très concrètement dans les prochains jours, vous verrez un changement radical », a promis le ministre aux Mahorais.
Enfin, Gérald Darmanin a promis « l’évacuation totale du camp de Cavani » – autre revendication pressante des collectifs. « Les personnes qui ont l’asile vont pouvoir être rapatriées dans l’Hexagone, tous ceux qui n’ont pas eu l’asile (…) doivent dans les heures qui viennent être assignés à résidence (…) pour une expulsion immédiate, notamment vers l’Afrique des Grands lacs ou Madagascar ».
Le ministre a également annoncé plusieurs dispositions pour lutter contre la délinquance des jeunes, avec notamment le renforcement de la présence du GIGN.
Aucune mesure sociale n’a, en revanche, été annoncée pour ce département qui est, et de très loin, le plus pauvre de France.
Problèmes constitutionnels
L’annonce concernant le droit du sol fait évidemment couler beaucoup d’encre depuis hier, entre louanges de la droite (dont une partie réclame l’extension de cette mesure à tout le territoire) et colère de la gauche, qui rappelle que le droit du sol est une constante du droit français depuis le Code Napoléon, sauf sous le régime de Vichy.
On ignore, à cette heure, quand sera présenté ce projet de réforme constitutionnelle. Une fenêtre de tir va se présenter avec le projet de réforme constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie, qui a déjà été présenté en Conseil des ministres et devrait être discuté rapidement au Parlement (lire Maire info du 1er février). Le gouvernement pourrait-il ajouter un chapitre à ce texte pour y intégrer sa proposition sur Mayotte ?
On peut d’ailleurs relever une forme de contradiction dans les propos tenus hier par Gérald Darmanin, qui déclarait, à propos des visas territorialisés, que cette mesure n’a « plus lieu d’être » parce que « Mayotte est un territoire commun à l’ensemble de la République ». Brandir, d’une main, l’unité de la République pour supprimer les visas territorialisés et, de l’autre, les spécificités mahoraises pour y modifier la Constitution, promet d’âpres débats dans les semaines qui viennent.
Sur un plan pratique, rappelons qu’une réforme constitutionnelle, pour être adoptée, doit d’abord être votée par les deux chambres, avant d’être examinée par le Congrès, c’est-à-dire l’ensemble des députés et sénateurs réunis à Versailles, qui devront l'adopter à la majorité des trois cinquièmes.
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Finances locales
Répartition de la DGF : 10 millions d'euros supplémentaires accordés à la DSU
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Le Comité des finances locales a décidé de porter, cette année, la hausse de la dotation de solidarité urbaine de 140 à 150 millions d'euros. Elle sera donc au même niveau que celle de la dotation de solidarité rurale.
Le Comité des finances locales (CFL) s’est réuni, la semaine dernière, afin de déterminer la traditionnelle répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF), comme chaque année à la même époque. Avec à la clé une petite surprise : ses membres ont décidé de donner un coup de pouce à la dotation de solidarité urbaine (DSU) par rapport à ce qui avait été décidé dans la loi de finances pour 2024.
DSR : une hausse concentrée sur les bourgs-centres et la péréquation
Alors que la DGF a été augmentée de 320 millions d'euros par rapport à l’an passé (soit 27,2 milliards d’euros), le CFL a ainsi choisi d’accorder une hausse supplémentaire de 10 millions d’euros de la DSU afin de porter la progression de cette dotation de 140 à 150 millions d'euros cette année, à hauteur de l’augmentation de la dotation de solidarité rurale (DSR). La dotation nationale de péréquation (DNP) a, pour sa part, été une nouvelle fois gelée en 2024, tandis que la dotation d'intercommunalité connaît une progression de 90 millions d’euros.
S’agissant de la répartition de l’accroissement de la DSR, les membres du CFL ont opté pour le même arbitrage que l’an passé. Sur les trois fractions à répartir (péréquation, bourg-centre, cible), le comité était, toutefois, contraint par la loi de consacrer au minimum 60 % de l’accroissement de la DSR sur la fraction « péréquation ».
Sur les 40 % restants sur lesquels il avait la main, il a donc décidé, « à l’unanimité moins une voix », de maintenir un « ciblage prioritaire » sur les bourgs-centres et les communes les moins aisées : 30 % de l’accroissement de la DSR va ainsi à la fraction « bourg-centre », 10 % à la fraction « cible » – qui permet de soutenir les 10 000 communes rurales les plus défavorisées – et donc 60 % à la fraction « péréquation ».
Répartition de l’écrêtement
Outre les 10 millions supplémentaires accordés à la hausse de la DSU, d’autres coûts internes à la DGF ont dû être financés par le CFL, notamment ceux induits par la progression de la population des communes, à hauteur de 31,6 millions d’euros.
Le montant prévisionnel des redéploiements à financer s’établirait ainsi à un peu plus de 42 millions d’euros. Dans ce cadre, le comité a décidé de répartir l’écrêtement « pour 60 % par minoration de la dotation forfaitaire des communes d’une part », soit un peu plus de 25 millions d’euros, et, d’autre part, « pour 40 % par minoration de la part compensant la suppression de la « part salaires » de la taxe professionnelle des établissements publics de coopération intercommunale », soit environ 17 millions d’euros.
À noter que, s’agissant de la progression de la dotation d’intercommunalité (90 millions d’euros), la loi impose que les 60 millions d’euros issus de sa part non financée par le solde de la dotation d’aménagement sont « financés par minoration de la part compensant la suppression de la « part salaires » de la taxe professionnelle des EPCI ».
Du côté des départements, le comité a décidé, « à l’unanimité » de ne pas aller au-delà de la hausse de 10 millions d’euros des dotations de péréquation décidée en loi de finances pour 2024 et d’en flécher les trois quarts en direction des départements ruraux (à travers la dotation de fonctionnement minimale), les 25 % restants étant affectés aux départements urbains (via la dotation de péréquation urbaine).
Si l’on ajoute les 22,4 millions d’euros liés à l'accroissement de la population, le tout sera financé par un écrêtement de la dotation forfaitaire des départements.
Le CFL a, par ailleurs, tenu sa deuxième réunion de travail consacrée à la réforme de la DGF dans la foulée de la séance plénière, la première s'étant tenue fin janvier. Une séance durant laquelle avaient été présentées « les principes directeurs pour une DGF plus équitable et plus lisible ». Cette refonte de la DGF par le CFL a été annoncée par Emmanuel Macron en novembre dernier, mais celui-ci n’avait toujours pas saisi officiellement, fin janvier, l’instance sur ce chantier.
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Fonction publique
Les difficultés de logement des agents pèsent sur l'attractivité des emplois publics
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Une note du think tank « Le sens du service public » montre que la question de l'accès au logement vient s'ajouter notamment à celle de la rémunération pour expliquer les problèmes de recrutement rencontrés par les employeurs publics.
Si le niveau de rémunération des agents publics constitue la cause la plus fréquemment citée pour expliquer le déficit d’attractivité de la fonction publique, les difficultés d’accès au logement s’avèrent être également un frein au recrutement de nouveaux talents. C’est, en substance, un des constats sur lequel s’appuie le groupe de réflexion « Le sens du service public », dans une note publiée en janvier, pour formuler un certain nombre de propositions.
Partant du constat que les trois versants de la fonction publique éprouvent de plus en plus de difficultés pour attirer des compétences nouvelles et régénérer leurs effectifs, le think tank note que cette crise d’attractivité touche désormais un nombre croissant de métiers et fragilise l’action publique dans la plupart des territoires. Selon « Le sens du service public », le niveau insuffisant de rémunération des agents, généralement invoqué pour expliquer le déficit de candidats, ne suffit plus pour expliquer l’ampleur du phénomène. « La difficulté des agents publics à trouver un logement joue également un rôle central dans cette crise », observe Johan Theuret, directeur général adjoint Ville de Rennes et Rennes Métropole et membre fondateur du think tank.
Il apparait, en effet que, comme l’ensemble des Français, les agents publics doivent faire face à d’importantes difficultés pour se loger à un prix acceptable et à une distance raisonnable de leur lieu de travail. Ceci dans un contexte général de dégradation du pouvoir d’achat. Selon les chiffres de l’Insee cités par le groupe de réflexion, la part des dépenses liées au logement dans la consommation finale des ménages est passée de 20,1 % en 1990 à 26,7 % en 2022 après voir atteint le pic de 28,4 % en 2020. Elle peut même représenter aujourd’hui jusqu’à 40 % du revenu des ménages dans certaines zones tendues.
L’accès au logement, un élément de concurrence favorable au privé
« Dans de nombreux territoires, la hausse continue des prix du logement et la pénurie de logements constituent des obstacles indépassables au recrutement d’agents publics, notamment dans les métropoles et zones urbanisées à forte attractivité », souligne, dans sa note, « Le sens du service public ».
Une situation qui conduit une importante proportion d’agents à s’éloigner du lieu d’exercice professionnel pour trouver un logement en adéquation avec un pouvoir d’achat très contraint. Un éloignement qui va non seulement à l’encontre des objectifs de la transition écologique -avec notamment une hausse des temps et des coûts de transport individuels et collectifs- mais qui engendre de surcroit de la fatigue physique et psychique, renforçant ainsi l’usure professionnelle au sein des organisations publiques. Pour le collectif animé par Johan Theuret, ce sont les agents de catégorie C qui sont le plus impactés par ce phénomène d’éloignement et éprouvent les plus grandes difficultés à venir travailler dans le secteur public en milieu urbain.
Accroître les marges de manœuvre des employeurs publics
Autre point relevé par le think tank : les agents des trois versants de la fonction publique ne bénéficient pas pour se loger des mêmes leviers que les salariés des entreprises privées. Est cité notamment le dispositif Action logement qui concerne exclusivement le secteur privé et constitue aujourd’hui un élément jouant au désavantage des agents publics dans un contexte de concurrence sur certains métiers en tension. « Ce handicap pourrait se creuser encore davantage à l’heure où des entreprises privées envisagent même d’aller encore plus loin dans la participation à l’effort de logement de leurs salariés », selon le groupe de réflexion.
Dans ce contexte, « Le sens du service public » estime que les employeurs publics devraient pouvoir agir plus facilement sur le logement des agents car l’habitat constitue « un facteur déterminant en matière d’attractivité et de fidélisation des agents publics ». Il observe d’ailleurs qu’un certain nombre de collectivités et d’établissements publics ont d’ores et déjà misé sur le logement des agents pour en faire « un levier au bénéfice de la continuité du service public ». Une démarche qui a permis à plusieurs entités publiques de « se lancer dans la valorisation de leurs patrimoines, ou dans la valorisation d’actions partenariales en matière de soutien au logement des agents publics, mais aussi de mettre en place des offres de services dédiées ».
Le groupe de réflexion formule ainsi plusieurs propositions susceptibles de répondre à la fois aux besoins des agents et à l’intérêt des employeurs publics. Parmi ces préconisations, l’idée de la participation obligatoire de l’employeur à l’effort de logement des agents publics, à l’image de ce qui se fait en matière de santé et de prévoyance. Sur ce sujet, trois chantiers pourraient être lancés : l’activation des filières d’accès au logement social, l’attribution d’un chèque « logement » ou encore la contribution des employeurs à des outils de financement et à la production de logements.
D’autres pistes sont également évoquées : la révision de l’indemnité de résidence allouée aux agents en actualisant notamment son mode de calcul, son niveau et son zonage ; l’introduction de « critères d’exemplarité » (en fixant notamment des objectifs écologiques et de préservation de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle) dans les politiques de logement en faveur des agents publics ou encore la constitution d’une offre de logement temporaire et de logement d’urgence afin de « garantir aux agents en mutation ou en changement de situation de famille de pouvoir être logés dignement et de ne pas peser sur la continuité de service ».
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Santé publique
Santé mentale des étudiants : les collectivités ont aussi un rôle à jouer
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Les élus peuvent agir en faveur de la santé des étudiants à travers différents choix de politiques publiques ou actions avec les acteurs de proximité d'un territoire. C'est ce que met en lumière un nouveau guide réalisé par l'association des villes universitaires de France (Avuf).
Selon les chiffres de Campus France, la France compte plus de 3 500 établissements, publics et privés, d’enseignement supérieur : 72 universités, 25 communautés d’universités et d’établissements, 271 écoles doctorales, 227 écoles d’ingénieurs, 220 écoles de commerce et de management, 45 écoles supérieures d’art publiques, 22 écoles d’architecture et 3 000 écoles et instituts privés. Au total, 2,5 millions d’étudiants suivent un cursus dans l’enseignement supérieur et 12 % d’entre eux sont étrangers.
Même si certaines villes concentrent davantage d’étudiants que d’autres, les étudiants vivent dans des territoires qui ne peuvent pas se circonscrire aux grandes villes. Ainsi, beaucoup de communes sont concernées, de près ou de loin, par la santé étudiante, « dans la mesure où de très nombreuses compétences qu’elles exercent jouent sur l’environnement et le cadre de vie, et donc sur la santé globale des habitants, dont étudiants et autres apprenants ».
Il y a quelques semaines, l’association des villes universitaires de France (Avuf) a publié un guide pratique intitulé « Prendre soin de nos étudiants ». Ce dernier constitue « une boîte à outils qui offre des solutions aux spécificités de chaque ville et intercommunalité », comme l’indique Michaël Delafosse, maire de Montpellier et vice-président de l'Avuf, dans l’éditorial du guide.
Sur une cinquantaine de pages, des démarches et méthodes d’intervention de promotion de la santé en direction de la population étudiante sont présentées, ainsi que des exemples de dynamiques partenariales à mettre en place ou encore des actions concrètes menées par certaines collectivités.
Un enjeu local
43 % des étudiants présentaient des signes de détresse psychologique en 2021, selon l’Observatoire de la vie étudiante. Dans ce contexte, l’action des élus est « légitime » et « pertinente ». En effet, « l’élu local est en première ligne. (…) En réponse aux besoins repérés, l’élu local – le maire, ses adjoints, les conseillers municipaux – fort de cette connaissance des modes de vie, des équipements et services communaux, des actions de proximité, occupe une place privilégiée et dispose d’atouts pour agir ».
Les collectivités disposent de compétences et de leviers notamment au niveau des municipalités (culture, loisirs, développement économique, transports, aménagement du territoire, élaboration de politiques…). Elles peuvent aussi, comme le rappellent les auteurs du guide, « adapter l’offre de services aux besoins des étudiants, soutenir un mode de vie actif et soutenir la sécurité alimentaire ».
Les étudiants représentent en effet une population à part entière que les élus doivent prendre en compte. Il faut savoir notamment que « la précarité financière est une raison souvent invoquée par les étudiants pour expliquer l’adoption d’habitudes délétères pour la santé » et que 6 étudiants sur 10 déclarent s’être déjà sentis submergés par leur quotidien. « Parmi les particularités locales, la population estudiantine, la jeunesse en général, est une composante qui demande par sa force mais aussi ses fragilités, une attention particulière », peut-on lire dans le guide.
Contrat local de santé
Le contrat local de santé (CLS) est la principale méthode d’intervention de promotion de la santé en direction de la population étudiante. C’est un outil qui, pour rappel, est prévu par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009 et réaffirmé par la loi de Modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Ce contrat permet « la rencontre du projet porté par l'ARS et des aspirations des collectivités territoriales pour mettre en œuvre des actions, au plus près des populations ». Comme le souligne l’Avuf, son objectif principal est de répondre aux enjeux de santé sur les territoires.
Ainsi, « certains CLS peuvent être entièrement construits autour d’une population spécifique étudiante ou comporter un volet étudiant important ». La communauté d’agglomération Paris Saclay a par exemple élaboré un CLS « Jeunes et étudiants » afin notamment de créer un atelier de santé intercommunal dans les 4 quartiers prioritaires de l’agglomération et de faciliter plus largement le recours aux soins des étudiants et jeunes. La ville de Saint-Quentin a, elle, opté pour ajouter un volet « Étudiant » dans son CLS. Plusieurs actions ont été menées sur le campus universitaire mais aussi dans la ville avec un volet sport-santé et nutrition important.
Il est aussi conseillé dans le guide de mettre en place des actions avec une communication sur les réseaux sociaux importante avec, par exemple, le développement de campagnes de sensibilisation en ligne. Certaines idées très innovantes sont aussi à retrouver dans ce guide : à Bordeaux par exemple, un escape game virtuel a été développé pour aider les étudiants à mieux gérer leurs émotions.
Enfin, comme le souligne Catherine Vautrin, présidente de l’Avuf et désormais ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, « les villes jouent le rôle d’un véritable ministère de la proximité ». « Les événements spécifiquement étudiants, organisés par les établissements ou leurs associations font parfois l’objet de demande de soutien aux collectivités, qui sont autant d’occasions de proposer aux organisateurs des temps ou des espaces ciblés sur la santé. Mais les villes peuvent aussi organiser leurs propres démarches « aller vers », en déclinant des dispositifs conçus pour toute la population, à l’image de l’unité mobile de prévention à Montpellier, ou dans le cadre de leurs actions phare sur la vie étudiante ».
Le défi du renoncement aux soins
« Face au défi du renoncement aux soins de plus d’un tiers des étudiants, essentiellement pour des raisons financières », les collectivités locales peuvent également agir.
Les centres de santé municipaux « lorsqu’ils existent, ou d’autres centres de santé, associatifs, mutualistes ou universitaires que les communes ou intercommunalités soutiennent, le plus souvent sur l’immobilier » peuvent être un levier pour les collectivités qui souhaitent remédier à ce problème qui ne touche pas uniquement les étudiants mais aussi de nombreuses personnes précaires ou vivant dans des déserts médicaux. Le document rappelle que « les centres de santé peuvent être choisis comme « médecin traitant » par les étudiants éloignés de leur domicile habituel ».
L’Atelier santé ville est aussi un outil « souple qui peut être directement géré par un service de la commune ou une structure permettant la coopération avec des partenaires tels qu’une association » à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Autre possibilité : « les collectivités peuvent faciliter l’accès des étudiants aux soins de ville (après des médecins libéraux) dans le cadre d’interventions en soutien à des CPTS (Communautés professionnelles territoires de santé) en lien avec les ARS, ou à des réseaux de généralistes engagés. Ces réseaux créés jusqu’à présent par quelques universités permettent à leurs étudiants d’être mis en contact avec des médecins généralistes du territoire volontaires, acceptant de les recevoir dans les 48h de la demande, sans dépassement d’honoraire ».
Télécharger le guide.
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Journal Officiel du dimanche 11 février 2024
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Journal Officiel du samedi 10 février 2024
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
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