Édition du jeudi 8 février 2024 |
Assurances
Assurance des communes : les premières pistes de la mission conduite par Alain Chrétien
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La question de l'assurabilité des communes a été très largement abordée au Sénat, hier, entre plusieurs questions posées au gouvernement, d'une part, et l'audition du maire de Vesoul, Alain Chrétien, d'autre part, qui a commencé à dévoiler les premières pistes de la mission que lui a confiée le gouvernement.Â
Pas moins de trois questions ont été posées au gouvernement, hier au Sénat, sur lles difficultés que rencontrent les communes pour s'assurer, ce qui témoigne du caractère particulièrement préoccupant de la situation. Else Joseph, sénatrice des Ardennes, a évoqué l’explosion des cotisations, et « l’épée de Damoclès » de la résiliation anticipée pour ceux qui refusent les hausses. Dans son département, la communauté Ardennes métropole « a constaté une augmentation de sa cotisation de 50 % », et les petites communes rurales sont également touchées. « Sans assurances, la libre administration des collectivités locales est compromise », a conclu la sénatrice.
Rachid Temal, sénateur du Val-d’Oise, a également relayé les difficultés de plusieurs communes de son département, qui se sont ou bien vu notifier brutalement la fin de leur contrat, ou bien « ont reçu des courriers de leur compagnie d'assurance les informant du doublement, du triplement, voire parfois davantage, de leur police d'assurance ». Le sénateur s’est dit favorable à « la création d’une assurance publique afin de permettre aux collectivités de bénéficier d’une assurance à un coût acceptable ».
Dans leurs réponses à ces questions, plusieurs ministres, sans nier le problème, se sont contentés de renvoyer aux conclusions de la mission confiée à Alain Chrétien, en ne rejetant a priori « aucune piste ».
Les communes rurales moins touchées
Hasard du calendrier, c’est le même jour que le maire de Vesoul a été auditionné par la commission des finances du Sénat, dans le cadre d'une table ronde avec les réprésentants des associations d'élus (AMF, Régions de France, Intercommunalités de France et Départements de France) pour débattre de cette question et présenter le fruit de ses premières réflexions, avant la remise de son rapport qui devrait intervenir « fin mars, début avril ». Rappelons qu’Alain Chrétien – par ailleurs vice-président de l’AMF – s’est vu confier à l’automne une mission de réflexion, en collaboration avec Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama, afin de trouver « des solutions pérennes et de long terme » sur ce sujet.
Alain Chrétien, devant les sénateurs, a commencé par faire un état des lieux du problème, estimant que globalement il ne touche pas ou peu les petites communes rurales, où « les risques sont très limités ». Ce sont les petites villes, villes moyennes « et même grandes métropoles » qui, en revanche, subissent de plein fouet « un désistement massif » des assureurs, parce que ce sont dans ces communes que sont centralisés les biens à risque (écoles, piscines, équipements, etc.). « Y compris des communes qui n’ont été touchées ni par les émeutes ni par des catastrophes naturelles, comme Vesoul, où au 31 décembre dernier tous les contrats ont été résiliés : dommages aux biens, responsabilité civile, protection fonctionnelle, flotte automobile – rideau ! », s’est indigné Alain Chrétien.
Pour lui, le problème a débuté bien avant les émeutes de l’été dernier, en 2021. Les dossiers des collectivités sont « compliqués, trop compliqués pour les assureurs » au regard du chiffre d’affaires relativement faible qu’ils génèrent (environ 1 % du chiffre d’affaires total du secteur, estime Alain Chrétien). « Les assureurs se disent donc : ‘’On ne va pas s’embêter avec ces gens-là, sortons’’. »
Pour le maire de Vesoul, la solution est donc de « redonner envie aux assureurs de nous assurer », ou en d’autres termes, de « rassurer les assureurs ».
« Faire revenir les assureurs »
Pour le maire de Vesoul, la solution souvent citée – et le jour même encore par Rachid Temal – de créer un pôle public d’assurance public pour les collectivités est « une fausse bonne idée ». « D’abord parce que cela existe déjà, avec la SMACL. Ensuite parce que cela consisterait à concentrer le risque sur un seul acteur, ce qui le rendrait plus fragile. »
Il estime au contraire qu’il faut multiplier au maximum le nombre d’assureurs, afin de partager le risque, ce qui implique de « redonner confiance aux assureurs ». Pour cela, il paraît indispensable à Alain Chrétien « d’intégrer profondément la culture du risque dans le fonctionnement de nos collectivités ». Car pour « rassurer les assureurs », il faut déjà que les élus aient à cœur de limiter au maximum, en amont, les risques, par une politique de prévention. Notons que le maire de Vesoul semble en accord avec le gouvernement sur ce sujet, puisque dans la séance de questions au gouvernement d’hier, la ministre Aurore Bergé a répondu à Rachid Temal, comme piste de réflexion sur l’assurabilité des communes : « Je pense ainsi à un renforcement de la prévention, s'agissant notamment des risques liés au dérèglement climatique. On estime ainsi que la fréquence des inondations baisse de 40 % dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI). »
Pour cela, a poursuivi Alain Chrétien, il est indispensable que des progrès soient faits sur « la connaissance du patrimoine » : un assureur sera d’autant plus enclin à accepter d’assurer une commune qu’il aura une vision claire de ce qu’il assure, dans les moindres détails.
Enfin, le maire de Vesoul estime qu’il y a une réflexion à avoir sur les procédures de passation de marché avec les assureurs. La plupart des maires utilisent systématiquement la procédure d’appel d’offres, qui ne semble pas la plus adaptée à Alain Chrétien, « parce qu’elle ne permet pas de suffisamment bien définir le besoin et donc à l’assureur de bien y répondre ». Il lui paraît que la procédure de marché négocié serait plus adaptée, mais « c’est une procédure lourde et complexe », et qui nécessiterait, de surcroît, d’être juridiquement sécurisée par l’État. Alain Chrétien estime qu’il faudrait commencer par la rédaction, par l’État, d’un nouveau guide du bon usage du Code des marchés publics, en la matière.
En conclusion, le maire de Vesoul a répété que ce n’est pas en « tapant sur les assureurs qu’on les fera revenir ». Il semble réfléchir à un dispositif à trois étages, selon la gravité des sinistres. « Pour les plus petits sinistres » – il a évoqué un rétroviseur cassé ou une vitre brisée – « oui, il faudra faire de l’auto-assurance. Au niveau supérieur, comme l’incendie d’une école, il faut faire revenir les assureurs. Encore au-dessus, pour les risques majeurs, c’est aussi à l’État de prendre ses responsabilités. Il lui revient d’assurer la sécurité publique. S’il ne le fait pas, qu’il paye. »
D’ici un à deux mois, la mission rendra ses conclusions. Ce ne sera pas la fin de l’histoire, a prévenu Alain Chrétien. « Ce ne seront que de premières préconisations », et le travail devra continuer pendant des mois, au moins, vu la complexité du problème.
Voir l’audition d’Alain Chrétien devant les sénateurs.
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Éducation
Éducation : une proposition de loi pour faciliter l'organisation des voyages scolaires dans toutes les communes
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Le 1er février, les députés ont adopté en première lecture à l'Assemblée nationale une proposition de loi « visant à relancer l'organisation des classes de découverte ». Celle-ci propose notamment la création d'un fonds d'aide national au bénéfice des écoles du premier degré.
« Malgré l’absence de chiffres précis, les acteurs de terrain (enseignants, parents d’élèves, associations d’éducation populaire) alertent tous : le nombre de voyages scolaires a drastiquement diminué après la crise covid et les contraintes qui pèsent sur leur organisation sont devenues bien trop lourdes ». C’est ce que rapporte la députée Émilie Bonnivard qui a présenté en tant que rapporteure, le 1er février dernier, sa proposition de loi visant à relancer l'organisation des classes de découvertes.
Une circulaire datant du 13 juin 2023 a fixé un objectif ambitieux : celui de donner la possibilité à tout élève, quel que soit son milieu social d’origine et donc les ressources familiales, de « bénéficier d’au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire ». Cette proposition de loi vise à, selon la députée de Savoie, à « se donner les moyens d’atteindre cet objectif ». Adopté à l’unanimité, le texte doit désormais être discuté au Sénat.
Lever le frein financier
« Le coût des classes de découverte a explosé ces dernières années », explique la rapporteure dans l’Hémicycle. Avec l’inflation, le coût des transports et des hébergements a drastiquement augmenté. Ainsi, « il est de plus en plus difficile de tenir l’objectif d’un reste à charge minimal voire financièrement supportable pour les familles – condition de possibilité pour que tous les enfants d’une classe puissent partir », indique Émilie Bonnivard.
Le rapport de la commission sur la proposition de loi indique également que « l’hétérogénéité des restes à charge reflète l’engagement variable des communes dans le financement des voyages scolaires. On constate une forme d’iniquité nationale d’accès auxdits voyages en fonction des choix politiques et des marges de manœuvre budgétaires des collectivités. Les inégalités se creusent entre les enfants des territoires les plus riches et les enfants des territoires les moins aisés, ou n’ayant pas une politique volontariste en la matière ». De plus, « les régions et les départements peuvent parfois apporter leur contribution, mais leur implication reste très hétérogène ».
Fonds national
L’article 1er de la proposition de loi instaurerait, au bénéfice des écoles publiques et privées sous contrat du premier degré (écoles maternelles et élémentaires), un fonds national de soutien au départ en voyage scolaire. « Le montant de l’aide varie en fonction de la durée du voyage scolaire. Il tient compte des différences de situation sociale entre les écoles ». Les conditions d’attribution seraient fixées par décret.
Après l’examen en commission des affaires culturelles et de l'éducation de l’Assemblée nationale, le montant de trois millions d'euros attribué pour ce fonds a été supprimé. Le montant du fonds devrait être arrêté chaque année dans le cadre de la loi de finances.
C’est en effet une participation financière de l’État qui est attendue pour soutenir les voyages scolaires. « L’absence de dispositif au niveau national nourrit les inégalités territoriales et l’iniquité entre les enfants en fonction de la commune où ils habitent, indique la rapporteure. De fait, alors qu’aujourd’hui le budget des voyages scolaires augmente significativement, on constate que, dans la très grande majorité des cas, il n’existe que trois principaux financeurs : les écoles elles-mêmes, la commune et la famille ».
Valoriser l’engagement des enseignants
L’article 2 prévoit l’instauration d’une prime pour les enseignants accompagnateurs et organisateurs de voyages scolaires. « L’organisation d’un voyage scolaire nécessite de nombreuses heures de préparation. Concernant la période du séjour en lui-même le temps de travail dépasse largement le cadre habituel », déplore la rapporteure. La proposition de loi vise à valoriser l’engagement des professeurs à travers une reconnaissance financière.
Concrètement, les enseignants organisateurs pourront bénéficier des indemnités prévues par le Pacte enseignant pour des séjours d'une durée de trois nuitées au moins (part fonctionnelle de l’ISAE).
« Le texte initial prévoyait de manière proportionnelle d’attribuer une part, une demi-part ou une part entière de Pacte en fonction du nombre de nuitées et ce à partir d’une nuitée. Nous avions évoqué en commission un amendement de la majorité fixant à trois nuitées le seuil minimal ouvrant droit à cette rétribution. Je souhaite que nous puissions arriver à deux nuitées pour une part de PACTE soit 1 250 euros afin d’encourager les séjours de durée moyenne à longue et que le dispositif soit simple et opérant », explique la députée qui espère trouver un compromis sur ce point essentiel pour les enseignants.
Quatre nouveaux articles ont été adoptés en commission. L’article 2 bis introduit la « reconnaissance législative des séjours et des voyages scolaires, qui participent de l’acquisition de la culture générale par les élèves ». L'article 2 ter vise à favoriser et à encourager les voyages scolaires en informant et accompagnant la communauté éducative et en sensibilisant les futurs enseignants lors de leur formation initiale. Autre ajout : l'article 2 quater prévoit la production d’un rapport par le gouvernement sur les modalités d'indemnisation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) participant à des voyages scolaires. Pour finir, l'article 2 quinquies formule une demande de rapport au gouvernement afin d'obtenir des données chiffrées sur l'organisation et le financement des voyages scolaires.
La proposition de loi a été transmise au Sénat, sans que l'on connaisse pour l'instant la date d'examen de ce texte.
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Social
Face à la progression de la pauvreté, les élus locaux et les associations appellent l'État au « sursaut »
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Sous l'égide de l'Unccas, plusieurs associations et représentants d'élus locaux viennent de se rassembler et réclament au gouvernement, dans un contexte inflationniste, des « mesures concrètes et pragmatiques » rapides afin de soutenir les Français les plus en difficulté.Â
Face à la situation sociale « alarmante » dans laquelle se trouve le pays, une douzaine de représentants des grands acteurs associatifs et d’élus locaux* viennent d’écrire, sous l’égide de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Uncass), à la nouvelle ministre des Solidarités, Catherine Vautrin, dans le but d’être reçus par elle.
En cause, la situation dans laquelle se retrouve une partie de la population et qui suscite « la plus vive inquiétude » des élus locaux et du monde associatif. Les signataires se disent ainsi confrontés « quotidiennement » à une « accentuation des situations de précarité ». Dans ce contexte, ils appellent « à un véritable sursaut ».
« Aggravation de la pauvreté »
Associations et élus locaux se sont ainsi réunis, le 24 janvier dernier, pour « évoquer les perspectives d’une mobilisation dont nous aspirons à ce qu’elle permette de préserver une cohésion sociale mise en danger par l’aggravation de la pauvreté pour une part croissante de nos concitoyens ».
Car la situation se dégrade dans tous les territoires du pays, que ce soit « en zone rurale comme dans nos villes, villages et quartiers, dans l'Hexagone et dans les outre-mer », constatent-ils. Ils déplorent ainsi que « la précarité gagne du terrain » aussi bien chez les « jeunes », les « enfants » que les « personnes âgées aux petites retraites », mais aussi les « travailleurs pauvres », les « familles monoparentales », les « personnes isolées » ou encore les « bénéficiaires de minima sociaux par ailleurs trop souvent stigmatisés ». Des profils qui peuvent aller « de la précarité à la très grande pauvreté ».
Alors que, durant ces 25 dernières années, jamais autant de personnes n’avaient vécu sous le seuil de pauvreté (plus de 9 millions, soit 1,5 million de plus que 20 ans plus tôt), la Fondation Abbé-Pierre s'est dernièrement inquiétée du nombre de personnes à la rue en constante augmentation, en particulier celui d'enfants. Plus de 8 300 personnes ont ainsi été refusées chaque soir par le 115 à l'automne dernier, contre 6 300 un an plus tôt. En outre, « il y avait 920 demandes d’hébergement émanant d’enfants non pourvues chaque soir à l’automne 2020, 1 700 en 2022 et plus de 2 800 en octobre 2023 », constatait la Fondation, rappelant que « cette situation a conduit des maires de grandes villes à attaquer l’État en justice pour les carences de son action ».
Bien que les bénévoles et les travailleurs sociaux tentent d’apporter des réponses à ces personnes, les signataires rappellent que leurs « marges s’amenuisent » et qu’ils sont « eux aussi confrontés à une forme d’épuisement ».
D’autant que le Pacte des solidarités, qui vise à lutter contre la pauvreté et vient d’entrer en vigueur en 2024, met encore trop de temps à produire ses effets. Élus locaux et associations réclament donc des « mesures fortes à la hauteur des enjeux » et ont donc proposé à la nouvelle ministre des Solidarités « une rencontre » afin de, « mettre en œuvre rapidement des mesures concrètes et pragmatiques au profit de nos concitoyens les plus en difficulté ».
À noter, par ailleurs, que le collectif d'associations Cause Majeur! – qui regroupe 24 associations dans la protection de l'enfance (Cnape, Apprentis d'Auteuil, SOS Villages d'enfants...) – a demandé, hier, que l'accompagnement des jeunes issus de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) par les services sociaux se poursuive jusqu'à 25 ans, quelle que soit leur nationalité.
Pour rappel, les départements doivent accorder des « contrats jeune majeur » (CJM) aux jeunes issus de l'ASE à leur majorité, y compris les mineurs étrangers non accompagnés (MNA). Mais la loi immigration, promulguée fin janvier, vient de priver ces derniers du bénéfice des contrats s'ils font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
* Les présidents du collectif Alerte, l’AMF, la Fédération des acteurs de la solidarité, Régions de France, le Secours catholique, Intercommunalités de France, France urbaine, Villes de France, l’Association des petites villes de France (APVF), l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ainsi que Villes et Banlieues
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Numérique
Plaintes en ligne, identité numérique : les grands chantiers numériques du ministère de l'Intérieur sur le point d'aboutir
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En Conseil des ministres, hier, le ministre de l'Intérieur a fait le point sur l'avancée des chantiers numériques de son ministère, en particulier le dossier de l'identité numérique.Â
Curieuse période que cette sorte de long entre-deux pendant lequel un demi-gouvernement gère les affaires courantes en attendant l’annonce de la deuxième partie du remaniement, repoussée de jour en jour. Avec, en conséquence, des Conseils des ministres éclairs, depuis le début janvier, sans présentation de textes majeurs – sans faire offense au projet de loi d’accord entre la France et la Papouasie-Nouvelle-Guinée présenté hier.
En attendant, les ministres peuvent au moins présenter des « communications » sur des sujets de long terme. C’est ce qu’a fait Gérald Darmanin hier, avec une communication sur « la transformation numérique du ministère de l’Intérieur ».
Plaintes en ligne
Le numérique est en effet « au centre des préoccupations stratégiques » du ministère, avec des moyens conséquents, puisque quelque 7 milliards d’euros seront consacrés à ce sujet dans les cinq ans à venir.
Premier chantier : la plainte en ligne, qui devrait enfin voir le jour cette année. Pour l’instant, les citoyens n’ont la possibilité que de faire une « pré-plainte » en ligne, qui doit ensuite être suivie d’un passage physique au commissariat ou à la gendarmerie, avec des temps d’attente souvent importants. Deux dispositifs vont être déployés. D’abord, pour les plaintes contre X pour atteinte aux biens (déclaration de vol ou de cambriolage, par exemple), « un site dédié permettra de déposer une plainte en remplissant simplement un formulaire en ligne ». Le système est en expérimentation en Gironde, et il fonctionne bien : 3 000 déclarations sont déposées chaque mois par ce biais. Le ministère annonce que ce dispositif sera étendu à l’ensemble du territoire « d’ici l’été ».
Pour les autres plaintes, elles pourront bientôt se faire à distance, par webcam, le ministère créant pour cela le néologisme de « visioplainte ». « Le plaignant peut ainsi simplement réserver un créneau et faire sa déposition en échangeant à distance par visioconférence avec un policier ou un gendarme ». Ce dispositif est en expérimentation dans la Sarthe et les Yvelines, et sera généralisé « à l’automne ».
Par ailleurs, le ministère va mettre en œuvre – sans précision de date pour l’instant – un dispositif appelé « 17Cyber », destiné à répondre en urgence aux victimes de cybercriminalité (« SMS frauduleux, escroqueries, usurpation de comptes de réseaux sociaux, rançongiciels, etc. ». Ce service permettra aux victimes « d'obtenir des conseils personnalisés, voire une mise en relation, pour les menaces qui le nécessitent, avec un opérateur spécialisé du ministère de l'intérieur et des outre-mer ».
Identité numérique
Deuxième chantier d’importance : l’identité numérique. Il s’agit d’un sujet majeur, qui fait l’objet de travaux depuis plusieurs années, avec des bénéfices considérables pour l’usager si le chantier aboutit, mais aussi des risques importants qui amènent l’État à agir avec la plus grande prudence. Il s’agit de la possibilité de prouver son identité en ligne, lors d’une démarche dématérialisée, de façon sécurisée et fiable. Jusqu’à présent, aucun dispositif n’était jugé assez fiable pour permettre d’éviter, à un moment de la démarche, l’obligation de présenter des papiers d’identité « physiques ». Cas d’école : la demande de procuration électorale en ligne. Si la presque totalité de la démarche est aujourd’hui dématérialisée, il reste néanmoins obligatoire de se déplacer à un moment à la gendarmerie ou au commissariat pour présenter ses papiers et prouver ainsi son identité.
C’est pour dépasser cette difficulté que le gouvernement a lancé en 2018 le programme interministériel FIN (France identité numérique), chargé de concevoir « une solution d’identification numérique » parfaitement fiable et sécurisée, sans risque d’usurpation d’identité.
L’objectif est en grande partie atteint, puisqu’il existe désormais une application mobile, France identité, testée à grande échelle (en version « bêta ») et fonctionnelle. Seule contrainte : l’application ne peut fonctionner que pour les personnes disposant d’une carte d’identité à puce (format carte bancaire). C’est en effet uniquement en « communiquant » avec la puce de la carte d’identité (via le NFC) que l’application pourra générer une carte d’identité numérique sur le smartphone de l’utilisateur.
L’application permet d’ores et déjà de générer « un justificatif d’identité à usage unique qui remplace les photocopies de carte d’identité », et d’accéder, via FranceConnect, à « plus de 1800 démarches administratives en ligne ». Le ministère de l’Intérieur indique en outre qu’il est désormais possible d’ajouter son permis de conduire dans l’application : « Les policiers et les gendarmes pourront le contrôler sans contact lors des opérations routières. »
Enfin, la mise en œuvre progressive de cette application va permettre pour la première fois, d’ici juin prochain, de tester la dématérialisation totale de la demande de procuration électorale en ligne pour les élections européennes. Mais, si l’on en croit le communiqué du ministère, il restera une étape de sécurité à franchir, dans les 50 communes qui vont expérimenter le dispositif : effectuer « une comparaison d'empreintes devant l'agent de mairie chargé des titres ». Maire info reviendra dans une prochaine édition sur ce dispositif, qui n'est pas de toute simplicité.
Intelligence artificielle
Le ministre de l’Intérieur a également évoqué les travaux en cours sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. Celle-ci est par exemple expérimentée pour la retranscription automatique des enregistrements d’auditions de mineurs victimes, ce qui génère « un gain de temps significatif pour les enquêteurs ».
Autre application possible : la détection précoce des feux de forêt. Le ministère de l'Intérieur va expérimenter cet été dans les Pyrénées-Orientales « un drone à énergie solaire couplé à de l'IA, (qui) procèdera à la détection précoce des fumées de feux de forêt et permettra de donner l'alerte immédiatement avec des premières indications de surface et de localisation, gagnant ainsi de précieuses minutes. Il permettra également le suivi des zones après incendie avec une analyse détaillée post-feu facilitant les retours d'expériences et les travaux de réhabilitation. »
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Rénovation urbaine
La rénovation urbaine a produit des effets très divers selon France Stratégie
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Seuls les quartiers les plus démolis ont vu la part de leurs ménages les plus pauvres reculer, selon un bilan de France Stratégie. Pour la Fondation Abbé-Pierre, ces opérations Anru n'ont « pas bouleversé du tout la ségrégation spatiale ».
Après plus de quinze ans de mise en œuvre, « peut-on dire que le Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) a eu un impact significatif sur l’offre de logements et sur le peuplement dans les quartiers rénovés ? » C’est la question à laquelle a tenté de répondre France Stratégie dans une note d’analyse publiée hier, au moment où l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) célèbre ses 20 ans.
La réponse n'est que partiellement positive. Les lourdes opérations de démolitions et de reconstructions lancées il y a plus de 20 ans dans les quartiers les plus défavorisés ont donc, au moins en partie, enrayé leur appauvrissement, assurent les auteurs de l’étude qui ont comparé 497 quartiers classés « zones urbaines sensibles » (ciblés par le PNRU) à un groupe de 240 quartiers dit « contrôles », aux caractéristiques similaires mais non rénovés.
Réduction du parc social
Résultat, la part des ménages les plus pauvres (appartenant au premier décile) a ainsi reculé de 17 % entre 2003 et 2019 dans les quartiers où les démolitions ont été les plus intenses, soit « un quart des quartiers ciblés ».
Reste que « la rupture de tendance observée après le lancement du PNRU ne concerne en réalité, pour les quartiers rénovés les plus intensément démolis, que le parc social », celui-là même qui accueille le plus de ménages pauvres. Le PNRU a ainsi causé une baisse de 9 % de la proportion de logements sociaux dans les quartiers fortement démolis.
Pour le parc privé en revanche, France Stratégie ne note « pas d’inflexion majeure » et « il n’est de toute façon pas possible d’y mesurer d’effet causal du PNRU ».
Par conséquent, la baisse de la part des habitants les plus pauvres s’est faite « au profit d’un accroissement du poids des ménages de niveau de vie modeste et moyen » et a été principalement causée par « la démolition des logements qui accueillaient le plus de ménages pauvres et dans une mesure nettement moindre par la construction de logements accueillant des ménages moins souvent pauvres », expliquent les auteurs de l’étude.
Il ressort ainsi que le PNRU a eu « un impact causal significatif à la fois sur l’offre de logements et sur le peuplement des quartiers ciblés. Mais cet impact s’observe essentiellement dans les quartiers où les opérations de démolition ont été les plus intenses, des quartiers en moyenne nettement moins peuplés que les autres quartiers ciblés par le PNRU ».
Impact « quasi nul » pour les quartiers peu démolis
En effet, dans les quartiers rénovés moins intensément démolis (soit « les trois quarts restants des quartiers ciblés »), l’impact du PNRU n’est pas comparable. Il a même été « nul et non statistiquement significatif ». Pire, il n’a pas permis d’empêcher « une légère augmentation de la part des ménages les plus pauvres », selon les auteurs de l’étude.
« Dans les quartiers rénovés avec des démolitions moins intenses, et a fortiori dans ceux n’ayant pas fait l’objet d’un programme de rénovation, c’est à un appauvrissement général de quartiers déjà pauvres que l’on a assisté entre 2003 et 2019, avec une hausse de la part des ménages des trois premiers déciles et une baisse de la part des ménages de tous les autres déciles », constate ainsi France Stratégie.
Reste que, pour vraiment juger de l’efficacité du PNRU, France Stratégie estime qu’il conviendrait « d’aller plus loin et de mesurer ce que le programme a changé en termes de sécurité, d’accès à l’emploi, de réussite éducative, ou encore de mobilité sociale et géographique ». Sur le plan environnemental, « il semble en outre essentiel d’évaluer les gains de long terme présumés en termes de consommation énergétique, après prise en compte du coût environnemental élevé des opérations de démolition et de reconstruction ».
Du côté de la Fondation Abbé Pierre, on estime que l’étude est « un peu optimiste quand elle met l'accent sur ce qui bouge ». « En réalité, ce ne sont pas des choses qui changent fondamentalement la composition du quartier et ces ménages très pauvres sont essentiellement remplacés par des ménages qui sont quand même assez pauvres », a ainsi souligné Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation, pour qui « les opérations Anru n'ont pas bouleversé du tout la ségrégation spatiale [...] mais elles ont permis d'investir relativement massivement dans des quartiers largement oubliés ».
Consulter l’étude.
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Journal Officiel du jeudi 8 février 2024
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
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Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
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