Édition du mercredi 7 février 2024

Restauration collective
Application de la loi Egalim dans la restauration collective : le gouvernement demande de passer à la vitesse supérieure
Une circulaire de l'ancienne Première ministre, datant de fin décembre, vient d'être rendue publique par le ministère de l'Agriculture. Elle appelle à la « mobilisation »  sur le respect des obligations « Egalim » dans la restauration collective, et invite les collectivités territoriales qui le peuvent à aller plus loin que la loi. 

C’est l’un des derniers textes signés de la main d’Élisabeth Borne, quelques jours avant sa démission forcée. Une circulaire aux ministres et aux préfets, datée du 21 novembre, a été publiée la semaine dernière au Bulletin officiel du ministère de l’Agriculture, et appelle à la « mobilisation » pour mettre en œuvre les dispositions législatives en matière de restauration collective. Si les prescriptions de l’ancienne Première ministre concernent avant tout la fonction publique de l’État, il est précisé que « les collectivités territoriales (…) sont invitées à suivre les prescriptions », car « l’ensemble des décideurs publics doit être mobilisé pour réussir (la) transition alimentaire dans la restauration collective ». 

Obligations législatives

Pour mémoire, deux lois successives sont venues fixer les nouvelles règles en matière de restauration collective, outre la loi AGEC du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. D’abord la loi Egalim 1 du 30 octobre 2018, qui a fixé des objectifs obligatoires à atteindre au 1er janvier 2022 dans tous les restaurants collectifs : servir au moins 50 % de « produits durables et de qualité », dont au moins 20 % de produits « bio ». Par la suite, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2023, de servir un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires et les restaurants administratifs « de l'État, de ses établissements publics et des entreprises publiques nationales », il est devenu obligatoire à compter du 1er janvier 2023 de servir un menu végétarien au moins une fois par semaine. La même loi a lancé une expérimentation permettant aux collectivités volontaires de proposer quotidiennement le choix d’un menu végétarien. S’agissant de cette dernière, terminée fin août 2023, faute de suites concluantes, l’AMF a demandé l’absence de traduction législative.

Enfin, toujours dans la loi Climat et résilience, l’article 237 impose une nouvelle règle qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 : les viandes et produits de la mer servis dans la restauration collective doivent, à hauteur de 60 % minimum, répondre à des critères de qualité et de durabilité. Pour les restaurants collectifs gérés par l’État, ce taux est de 100 %. 

Ces différentes dispositions, explique l’ancienne Première ministre dans la circulaire, sont insuffisamment respectées. Selon un premier bilan de l’application de la loi Egalim, réalisé en 2021, seuls 15 % des restaurants collectifs respectaient alors totalement les préconisations de la loi (les collectivités étant, en la matière, les meilleures élèves). La Première ministre appelle donc à ce que soient mobilisés « les moyens nécessaires pour être en conformité avec la loi, au plus vite ». Y compris sur les dispositions les plus récentes – celles qui sont entrées en vigueur cette année, portant à 60 % le taux de viandes et de produits de la mer « durables ». Le taux de 100 % est réservé à la fonction publique de l’État mais, on l’a dit, la Première ministre invite les collectivités locales à suivre le mouvement. 

Inscription obligatoire sur Ma cantine

Pour tenir cet objectif, un outil essentiel est la plateforme « Ma cantine » développée par le ministère de l’Agriculture, qui non seulement offre toutes sortes de ressources documentaires mais, surtout permet le « rapportage » (reporting) des données d’achat de chaque cantine inscrite sur la plateforme. Ainsi, non seulement ces données peuvent être consolidées à l’échelle nationale, mais les usagers, de surcroît, peuvent avoir accès en toute transparence aux chiffres de la cantine qu’ils – ou leurs enfants – fréquentent. 

Sur environ 90 000 cantines répertoriées dans le pays, près de 28 000 sont inscrites sur le portail, dont une très grande majorité de cantines scolaires (19 000) environ. Mais seulement environ 17 500 cantines publient leurs données d’achat sur le site. Et un nombre encore plus faible d’établissements (2 300) ont entamé une démarche de « diagnostic », permettant de mesurer leur degré d’application de la loi Egalim. Et les résultats ne sont pas très bons : pour 2023, annonce le site, seulement 10 % des cantines ayant démarré un diagnostic atteignent les objectifs de la loi Egalim. Le taux moyen d’achats bio, parmi ces 2 300 cantines, est de 14 %, et celui des aliments « durables et de qualité », hors bio, également de 14 %. 

Il n’est donc pas surprenant que le gouvernement cherche à relancer le dispositif et accélérer son application. Il est demandé à tous les ministres et aux préfets de veiller à ce que tous les établissements sous leur tutelle soient inscrits sur la plateforme, « saisissent les informations relatives à leurs achats alimentaires, les publient et les télédéclarent ». Élisabeth Borne rappelle que « l’inscription de tous les restaurants collectifs sur Ma cantine est obligatoire, ainsi que la saisie (…) des informations à télédéclarer ». Sauf que ce n'est pas si simple : l'AMF a eu plusieurs fois l'occasion d'alerter l'État sur les difficultés que peuvent rencontrer les communes – notamment les plus petites – pour télédéclarer, parmi lesquelles le mande de personnel ou les dfifficultés à obtenir des données auprès des délégataires.

Projets alimentaires territoriaux

La Première ministre rappelait par ailleurs que plus de 400 projets alimentaires territoriaux (PAT), en 2023, étaient déployés localement, « avec l'ambition de fédérer les différents acteurs d'un territoire autour de la question de l'alimentation ». 

« Un des objectifs des PAT est notamment d'accompagner la restauration collective, en lien avec les filières des territoires dans l'atteinte des objectifs d'approvisionnement en produits durables et de qualité, rappelait en conclusion Élisabeth Borne. Il convient donc de mobiliser au mieux ces dispositifs qui sont des leviers en matière d'animation, de formation, de mise en réseau des gestionnaires de restauration collective et de mise en relation avec les fournisseurs de denrées alimentaires. Les Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf}, et notamment les Services régionaux de l'alimentation (Sral), sont les interlocuteurs privilégiés des restaurants collectifs pour une mise en lien avec les PAT et leurs réseaux régionaux. » 

Notons enfin que l'AMF va publier prochainement les résultats de sa nouvelle enquête relative à la restaurations scolaire.




Terrorisme
Risque terroriste à l'échelle communale : le rôle du maire dans la prévention et l'intervention
La commission prévention de la délinquance et sécurité de l'AMF s'est réunie hier autour du sujet de la sensibilisation au risque terroriste à l'échelle communale. Maires et représentants des services de sécurité ont fait un point sur les rôles de chacun, alors que le sujet du terrorisme reste particulièrement d'actualité.

Alors que le procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, qui avaient fait quatre morts en mars 2018, dont le gendarme Arnaud Beltrame, s'est ouvert il y a quelques jours devant la Cour d'assises spéciale de Paris, le sujet du terrorisme reste une préoccupation majeure des maires de France. 

Hier, à l’occasion d’une réunion de la commission prévention de la délinquance et sécurité de l’association des maires des France, co-présidée par Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël, et Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy, le risque terroriste à l’échelle communale a fait l’objet de plusieurs échanges entre les représentants des forces de l’ordre et les élus. 

David Lisnard, président de l’AMF, a rappelé « l’intérêt majeur » de ce sujet, qui rejoint d’autres travaux menés au sein du groupe de travail dédié aux risques et crises, sous la co-présidence d’Éric Ménassi, maire de Trèbes et Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-La-Napoule. « Sur le risque terroriste, lorsque survient un phénomène de malveillance extrême, l’approche des pouvoirs publics locaux est similaire à celle qu’il faut suivre lorsqu’il y a un risque naturel majeur soudain », explique David Lisnard. « Il faut être efficace sur les trois premières minutes » et pour cela, « la préparation des services et le développement d’un civisme est fondamental pour que les habitants aient les bons comportements ». Pour Éric Ménassi, les maires doivent « se préparer au pire », « avoir conscience du risque et en faire une force »

« Toutes les communes sont concernées »

« L’actualité nous rappelle combien les communes sont vulnérables », indique le maire de Trèbes qui précise qu’aujourd’hui, le terrorisme frappe n’importe où : « il n’y a plus de situation géographique privilégiée ». Il prend l’exemple de sa ville qui compte 6 000 habitants, « nichée au cœur de l’Occitanie et que rien ne prédestinait à cette barbarie » (attentat du 23 mars 2018 dans le supermarché de Trèbes). 

Le constat est largement confirmé du côté des forces de l’ordre et des forces spéciales. Mathieu Debatisse, commissaire divisionnaire et sous-directeur adjoint de la sous-direction anti-terroriste explique que « toutes les communes sont concernées » par le risque terroriste. Le commissaire divisionnaire observe une « émergence des extrémismes » avec notamment « une montée en puissance des mouvances d’ultra gauche et d’ultra droite marquée par une aggravation des phénomènes de violences ». Il cite aussi les phénomènes séparatistes qui touchent principalement les communes de Corse qui ont connu plusieurs attentats et tentatives d'attentats en octobre dernier. Enfin, il confirme que le risque d'attaque n'est pas corrélé au nombre d’habitant et que récemment, de plus en plus de petites communes semblent être des cibles privilégiées. 

Le colonel Alexandre du GIGN ajoute que celui-ci est le « premier partenaire de la gendarmerie (qui couvre 90 % du territoire) » et qu'une réorganisation a été faite récemment au niveau de la répartition des effectifs, signe que le risque est bel et bien partout  : 400 effectifs du GIGN sont répartis en 7 antennes métropolitaines et 250 opérateurs au sein de 7 antennes en outre-mer.

Le rôle pivot du maire 

Philippe Tireloque, inspecteur général et directeur national adjoint de la Sécurité publique, a rappelé que les maires sont des « facilitateurs de proximité ». Au niveau de prévention d’abord, Mathieu Debatisse qualifie les maires de « premiers connaisseurs communaux et experts en charge de la détection des signaux faibles et des lieux qui peuvent faire l’objet d’une attaque ». Le maire doit pouvoir en effet identifier les lieux « à risques » et les porter à la connaissance des services de police. Une anticipation logistique est indispensable pour déterminer des hypothèses de crise (lieu d’accueil anticipé, association à mobiliser, etc). Philippe Tireloque attire l’attention des élus sur l’importance de mener une sensibilisation sur le long terme auprès des citoyens. Il prend notamment l’exemple des établissements scolaires, où selon lui, il est « indispensable d’organiser des exercices » pour les personnels et les élèves en cas d’attaque terroriste, et ce dès l’école élémentaire. 

Pendant la crise, le maire va « être à la croisée des chemins pour répondre aux sollicitations », selon Mathieu Debatisse. « La crise terroriste a une spécificité que n’a pas les autres crises : l’historien nous apprend que la neutralisation d’un auteur ne neutralise pas la menace qu’il représente », indique le commissaire divisionnaire. Ainsi, le maire comme les agents, doivent pouvoir coopérer de manière fluide et organisée.

Enfin, en post-crise, les maires doivent notamment s’occuper de la prise en charge des impliqués résidant ou non de la commune. Une démarche de retour d'expérience sera aussi à engager.  Le maire a surtout « un rôle de communication fondamental auprès de la population ». Pour le maire de Trèbes, « cette prise de parole doit être réfléchie et mesurée ».

Police municipale et PCS 

Quelques points d’insatisfactions ont été soulevés hier. Dans les faits, les polices municipales sont très souvent les équipes primo-intervenantes en cas d’attaque terroriste. Jean-Paul Jeandon confirme : lors de l’attaque de Conflans-Sainte-Honorine (assassinant de Samuel Paty), les premiers arrivants ont été les policiers municipaux. Cependant, dans les petites communes par exemple, elles ne sont pas toujours en en capacité d’apporter le premier niveau de riposte aux terroristes notamment d’un point de vue matériel ou encore au niveau de leur formation. Julien Smati, maire de Rillieux-la-Pape, insiste notamment sur ce besoin de former davantage les policiers municipaux au risque terroriste. Noemie Angel, directrice générale adjointe en charge du développement et de la qualité de la formation du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT), a rappelé que des formations sont proposées à destination des policiers municipaux en ce sens.

Autre sujet : les Plans communaux de sauvegarde. Jean-Michel Fauvergue, ancien chef du Raid et ancien député de la majorité, désormais consultant en sécurité, a précisé qu’un travail était en train d’être réalisé pour intégrer la prise en compte des risques liés aux actes de terrorisme dans les PCS et les plans intercommunaux de sauvegarde (PICS). Une évolution est donc attendue, confirme Philippe Tireloque. 

Enfin, la relation déséquilibrée entre le maire et les forces de sécurité a aussi été reconnue et reste regrettée par certains maires qui aimeraient avoir accès à des informations comme par exemple les fichés S ou encore les suivis d’enquête. Philippe Tireloque rappelle qu’une circulaire datant de 2018 a renforcé l’échange d’informations en matière de prévention de la radication de la violence qui cadre strictement les informations auxquelles le maire peut avoir accès (lire Maire info du 30 mai 2018). 

Jeux olympiques et paralympiques 2024 

La réunion a aussi été l’occasion d’évoquer la situation particulière que le pays va connaître au niveau de sa sécurité cet été 2024. « L’installation des sites olympiques en juin va demander beaucoup d’effectifs et donc de transferts de renforts nationaux vers Paris, explique Philippe Tireloque. Certaines journées importantes des Jeux nécessiteront le déplacement de plus de 40 000 fonctionnaires certains jours. En plus de cela, il y aura le Tour de France, le championnat d’Europe de football 2024 dont la finale est prévue pour le 14 juillet, les fêtes locales, les férias, etc… On va massivement utiliser les forces mobiles pour éviter de trop déplacer les policiers de province vers Paris ».

La situation est donc tendue et le défi sera de maintenir un niveau de sécurité élevé dans toutes les communes de France, aussi bien pour préserver la vie culturelle des communes (lire Maire info du 18 janvier) que pour contrer d’éventuelles attaques terroristes. Pour cela, il faut que les élus locaux « se préparent en amont avec les services de l’État » afin de réussir « ce défi majeur », conclu Philippe Tireloque.
 




Élus locaux
L'Assemblée vote des mesures face aux violences sur les élus locaux
Face à l'essor inquiétant des violences contre les élus locaux, l'Assemblée nationale a voté mardi une batterie de mesures d'un texte sénatorial, prélude au chantier plus large d'une meilleure valorisation de l'engagement au service de la démocratie locale.

Insultes, menaces, dégradations et parfois même agressions physiques: les députés ont énuméré dans l’hémicycle la palette des violences subies par les élus locaux, en lançant l’examen d’une proposition de loi déjà adoptée en première lecture par le Sénat. Ils ont évoqué l’agression récente d’un adjoint au maire en Seine-Maritime, pour une place de parking. Et rappelé l’incendie volontaire du domicile du maire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) et l’attaque à la voiture bélier du domicile de celui de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), qui avaient marqué les esprits l’an dernier.

Le texte sénatorial ne vise pas à faire des élus « des privilégiés » mais à mieux les protéger, a plaidé sa rapporteure Renaissance à l’Assemblée, Violette Spillebout. En commission, la députée du Nord avait confié avoir été elle-même confrontée « à la menace de diffuser des photos pornographiques » pendant la dernière campagne municipale à Lille.

L’examen de la proposition de loi doit se poursuivre mercredi, mais les députés ont déjà voté mardi, à une large majorité, une de ses mesures phares: l’alignement des sanctions prévues, en cas de violence contre des élus locaux, sur celles qui visent des dépositaires de l’autorité publique comme les policiers.

« Surenchère pénale »

Seules voix dissonantes, les Insoumis ont déploré une « surenchère pénale », le député Sébastien Rome jugeant qu’il fallait avant tout « s’attaquer aux causes » de violences liées à un « malaise démocratique ». LFI a en revanche soutenu la création d’une peine de travail d’intérêt général en cas d’injures publiques contre des personnes dépositaires de l’autorité publique, dont les élus locaux, une mesure étendue par les députés aux outrages et à la diffamation publique.

Une circonstance aggravante a en outre été prévue pour les cas de harcèlement, notamment en ligne, lorsque la victime est titulaire d’un mandat électif.

Une mesure votée mardi a particulièrement fait débat : l’allongement de trois mois à un an des délais de prescription en cas d’injures et de diffamation publique, dans les cas où elles visent un élu ou un candidat à un mandat électif. Ces délits sont prévus dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et des élus de la majorité comme des oppositions se sont opposés sans succès, malgré l’appui du gouvernement, à une modification de l’« équilibre délicat » de ce texte emblématique.

L’Assemblée a par ailleurs donné son feu vert à la création d’une circonstance aggravante quand des atteintes à la vie privée d’un candidat à un mandat local sont commises pendant une campagne électorale.

« Choc d’attractivité »

Parmi les autres mesures votées: l’octroi rendu automatique de la protection fonctionnelle aux maires et élus municipaux ayant un mandat exécutif, quand ils sont victimes d’agressions ou d’injures. Face à l’impossibilité pour des parlementaires de créer des dépenses publiques, Violette Spillebout en a appelé au gouvernement pour pouvoir étendre ultérieurement à tous les élus locaux cette prise en charge de mesures de protection et d’assistance.

Au-delà de ces mesures sur la sécurité, des députés de tous les bancs ont appelé à une plus vaste réforme du statut de l’élu local, pour faire face à la crise des vocations qui plombe la démocratie locale.

Violette Spillebout a rappelé avoir déposé une proposition de loi avec le député communiste de Seine-Maritime Sébastien Jumel, espérant qu’elle puisse être examinée fin mars à l’Assemblée, lors d’un créneau dédié à des textes transpartisans. Leur texte vise à « créer un véritable choc d’attractivité ». Il s’inspire d’un rapport que les deux élus ont récemment co-rédigé, et sur lequel le Premier ministre Gabriel Attal a dit vouloir s’appuyer pour « mettre en place un véritable statut de l’élu local » (lire Maire info du 22 décembre). 

Ils proposent notamment l’instauration d’« une indemnité d’engagement citoyen » accessible à tous les conseillers municipaux, l’allongement de la durée maximale du congé de formation des élus locaux ou encore l’inscription des élus ayant conservé un emploi salarié sur la liste des salariés protégés, comme les délégués syndicaux.




Discriminations
Les fonctionnaires se sentent plus souvent victimes de discrimination que les salariés du privé
L'Insee publie ce matin des statistiques sur les « traitements inégalitaires » et discriminations au travail, où l'on apprend que les fonctionnaires déclarent nettement plus fréquemment être victimes de discriminations que les autres catégories de salariés. Éléments d'explication.

Les données de l’Insee portent sur l’année 2021. Cette année-là, 9,1 % des personnes en emploi ont déclaré « avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations dans leur emploi actuel ». Ce taux est nettement plus important chez les femmes (11,3 %) que chez les hommes (7 %), ce qui n’a rien d’étonnant puisque le principal motif de discrimination évoqué est le sexisme : parmi les femmes qui se disent victimes de traitement inégalitaire, 30 % citent le sexisme (2 % chez les hommes). Plus les femmes sont diplômées, plus elles déclarent de traitements inégalitaires : 13 % des femmes ayant un niveau bac+3 se jugent discriminées, contre 10 % pour les non-bachelières.

Par ailleurs, plus de 23 % des personnes en emploi « en mauvaise santé » ou en situation de handicap jugent être victimes de pratiques inégalitaires au travail. 

La troisième cause fréquente de discriminations est l’origine : 4,9 % des salariés d’origine immigrée qui déclarent avoir subi des traitements inégalitaires . Et « plus de la moitié des immigrés [victimes de discrimination] déclarent leurs origines comme motif principal de discrimination », précise l’Insee. 

De façon contre-intuitive, les discriminations selon l’âge touchent davantage les jeunes que les anciens : plus de 15 % des 15-29 ans se sentent victimes de traitements inégalitaires en raison de leur âge, contre moins de 10 % des 50-74 ans. 

14 % des fonctionnaires se sentent discriminés

L’un des enseignements les plus frappants de cette étude est que les fonctionnaires constituent, et d’assez loin, la catégorie la plus touchée par les traitements inégalitaires : près de 14 % des fonctionnaires se disent victimes de discrimination, contre 9 % de l’ensemble des personnes en emploi et un peu moins de 10 % pour les salariés en CDI. 

La seule autre catégorie qui s’approche de ce chiffre est celle des salariés  en CDI dans les entreprises de plus  de 250 personnes, avec près de 12 % de personnes qui s’estiment discriminées. De façon claire, les discriminations augmentent en fonction du nombre de salariés dans les entreprises : dans celles de moins de 10 salariés, à peine un peu plus de 6 % des salariés se jugent victimes de discrimination, soit deux fois moins que dans les très grandes. 

L’Insee avance deux raisons à cette proportion plus importante de fonctionnaires et de salariés des grandes entreprises qui disent avoir subi des discriminations. D’abord, le fait que ces catégories de salariés sont en général en emploi au même poste depuis plus longtemps : 72 % des fonctionnaires, par exemple, ont une ancienneté de plus de 10 ans dans leur administration, contre « 44 % des titulaires d’un CDI ». Ils ont donc, du fait de leur ancienneté, « une plus grande probabilité d’avoir été confrontés à ces situations ». 

Deuxième raison identifiée par l’Insee : les agents de la fonction publique et les salariés des grandes entreprises bénéficient d’une « sensibilisation plus forte » aux questions de discriminations : campagnes de prévention, dispositifs de signalement, présence de référents… 

Cette enquête est en effet déclarative : elle porte sur le « sentiment de discrimination » des personnes. Autrement dit, elle ne reflète certainement pas totalement la réalité, puisqu’il existe forcément des personnes qui sont discriminées sans le savoir ou qui ne souhaitent pas l’exprimer. 

Reste que ce sentiment pèse beaucoup sur la qualité de vie au travail : selon l’Insee, 62 % seulement des personnes s’estimant discriminées se disent satisfaites de leur travail, contre 90 % de celles qui ne s’estiment pas victimes de traitement inégalitaire. Un tiers de ces personnes souhaitent même quitter leur emploi, soit trois fois plus que les personnes qui ne se jugent pas être discriminées. 




Montagne
Stations de ski : la Cour des comptes alerte sur un modèle économique « en déclin », face au changement climatique
D'ici 2050, seules « quelques stations » pourront maintenir leur modèle actuel, préviennent les magistrats financiers, qui s'inquiètent du faible nombre de communes en ayant pris conscience. Une analyse qui fait bondir les associations d'élus de la montagne.

Le modèle économique des stations de ski françaises « s’essouffle » et serait même en situation de « déclin ». C’est le constat fait par la Cour des comptes dans un rapport, publié hier et qui analyse les effets du changement climatique sur les stations de montagne et leur adaptation qui ne serait pas « à la hauteur » du phénomène.

Le sujet a son importance. Classée au deuxième rang mondial des destinations de tourisme hivernal derrière les Etats-Unis, la France doit au tourisme montagnard près du quart des nuitées touristiques du pays (22,4 %), selon les données de la Cour. 

Vulnérabilité des Alpes du sud

Dans ce contexte, la Cour rappelle que, « à compter de la fin des années 2000, la diminution de l’activité ski et l’inadaptation croissante du patrimoine immobilier des stations ont commencé à fragiliser l’équilibre financier des remontées mécaniques et l’économie locale qui en découle pour partie ». Un impact financier qui « ira croissant » dans les années à venir, selon la Cour. 

Mais ce n’est pas tout. Depuis le début du siècle, et encore plus depuis les années 2010, l'économie des stations de ski se trouve « durablement affectée par le changement climatique » et les projections des scientifiques sur l'enneigement « à moyen et long terme » des stations de ski françaises font état de « situations critiques nombreuses ».

Déjà « fragilisées par le manque d’enneigement et l’érosion de leur clientèle de skieurs, de plus en plus de stations ne sont déjà plus en capacité d’atteindre l’équilibre d’exploitation », préviennent ainsi les magistrats.

Résultat, ils prédisent qu'elles seront toutes « plus ou moins atteintes » à l'horizon 2050, bien qu'elles soient « inégalement vulnérables » au changement climatique. Si « quelques stations pourraient espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance », celles situées dans les Alpes du sud risquent d’être frappées « plus rapidement que les autres », assure la Cour.

Pourtant, « cette tendance à la baisse de l’activité de ski est insuffisamment prise en compte par les collectivités territoriales », d'après la Cour. Une situation qu'elle explique par le fait que l'activité est « présumée rentable parce qu’elle l’a généralement été par le passé, et les plans d’affaires n’analysent pas les changements de tendance en cours ».

Concrètement, sur les dix stations présentant le « score de vulnérabilité » le plus faible, figurent « neuf stations des Alpes du nord et une seule station des Alpes du sud ». Si « la plupart des stations de très grande taille sont peu impactées par le changement climatique à court terme et bénéficient en outre d’une forte capacité de l’autorité organisatrice à s’adapter » (c’est le cas de Tignes, Val-Thorens, Chamonix, les Ménuires, Val-d’Isère ou les Deux-Alpes), ce n’est pas le cas de tout le domaine skiable. Loin de là.

Parmi les stations considérées comme les plus vulnérables, huit sont situées « dans les Alpes du sud et plus particulièrement dans le département des Hautes-Alpes » alors que « seules deux stations sont situées dans les Pyrénées et dans les Alpes du nord ». Une situation qui s’explique pour l’essentiel par « la combinaison d’un risque climatique important, de territoires peuplés et bien équipés sur le plan des domaines skiables (fort risque socio-économique), et d’autorités organisatrices qui disposent d’une surface financière réduite (faible capacité à s’adapter) », expliquent les magistrats.

Des politiques d’adaptation « pas à la hauteur »

Or les politiques d’adaptation des acteurs de la montagne restent « en deçà des enjeux », déplorent les magistrats financiers. À leurs yeux, celles-ci reposent « essentiellement sur la production de neige » qui, par essence, reste une action de « court terme » car elle « ne constitue qu'une protection relative et transitoire contre les effets du changement climatique ». D’autant plus problématique que « son coût est important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures ». 

De plus, l'impact de la production de neige sur les ressources hydriques est « sous-estimé dans de nombreux territoires », met en garde la Cour, jugeant « nécessaire » que les autorisations de prélèvements d’eau destiné à la production de neige tiennent « davantage compte des prospectives climatiques ».

Bien que les politiques d’adaptation reposent également sur le développement d’activités de diversification, elles ne le sont que « dans une proportion […] réduite » et sont « rarement adossées à un véritable projet », regrette-t-elle.

« Réalisées au fil de l’eau, elles tendent souvent à reproduire le modèle du ski, fondé sur des investissements importants et une forte fréquentation, sans plan d’affaires permettant d’établir leur pertinence économique », dénoncent les magistrats financiers, avant d’enfoncer le clou : « Les initiatives des collectivités territoriales sont peu coordonnées entre elles, entraînant un risque de concurrence entre territoires. »

Les auteurs du rapport égratignent, toutefois, une « planification écologique de l’État peu opérationnelle » qui « ne permet pas d’impulser une réelle dynamique de changement ». De la même manière, les régions « ne souhaitent pas orienter les choix locaux, en dépit de leurs compétences en matière de planification touristique ».

« Caricature »

Afin de mieux prendre en compte le changement climatique et de « mieux structurer l’action des collectivités territoriales », la Cour préconise donc l’élaboration de « véritables plans d’adaptation » par chaque station de montagne et le conditionnement des financements publics « à l’existence de ces plans et à leur respect ». 

Elle promeut également la mise en place d’une gouvernance « élargie au-delà des seules communes, associant acteurs publics et privés » et réclame la création d’un « observatoire national » regroupant toutes les données de vulnérabilité en montagne accessibles à tous les acteurs locaux.

Enfin, elle propose la création d’un « mécanisme de solidarité financière » entre les stations au regard des importants investissements nécessaires à la mise en place d’un tourisme « quatre saisons » et le démantèlement des installations de remontées mécaniques obsolètes, que « les stations les plus affectées par le changement climatique auront du mal à financer ».

Les acteurs de la montagne n’ont pas tardé à réagir – vivement – aux conclusions du rapport de l’institution de la rue Cambon. « Notre déception est grande de voir nos efforts aujourd’hui caricaturés par la Cour des Comptes », a ainsi déploré le président du syndicat professionnel Domaines skiables de France (DSF), Alex Maulin.

Dans un communiqué commun rédigé avec l’Association nationale des élus de la montagne (Anem) et celle des maires des stations de montagne (ANMSM), son syndicat affirme que le rapport « minimise de manière importante l’effort d’adaptation des stations engagé depuis de nombreuses années » et « ne tient pas compte de l’engouement persistant des clientèles pour les sports de neige ».

« La Cour disposait de capacités d’investigation étendues : elle aurait pu faire apparaître les forces tout autant que les faiblesses d’un modèle qui, s’il doit certes évoluer, n’est pas sur le point de disparaitre comme [elle] le laisse penser », déplorent ainsi les trois organismes.

Consulter le rapport.
 







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