Édition du vendredi 2 février 2024

Agriculture
Le gouvernement calme la colère des agriculteurs mais irrite les défenseurs de l'environnement
Le Premier ministre a fait hier une nouvelle salve d'annonces destinées aux agriculteurs, avec cette fois un effet immédiat : les barrages sont en train d'être levés, du moins ceux contrôlés par la FNSEA et les Jeunes agriculteurs, qui ont obtenu satisfaction sur la presque totalité de leurs revendications. Quitte à reculer sur certaines mesures environnementales.

Cette fois-ci semble être la bonne : alors qu’après les annonces faites vendredi dernier, les syndicats agricoles avaient maintenu et même augmenté la pression, celles d’hier ont eu pour effet un appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) à lever les barrages. Dès hier soir, de premiers blocages ont été suspendus, d’autres le seront dans la matinée. Seule la Confédération paysanne, à cette heure, appelle à « poursuivre la mobilisation », estimant qu’aucune réponse satisfaisante n’est venue sur la question du « revenu paysan ». 

Troubles anormaux du voisinage

C’est un véritable catalogue de mesures qui a été annoncé hier, puis diffusé sous forme de communiqué du Premier ministre. Si la totalité des demandes de la FNSEA (lire Maire info du 25 janvier) n’a pas été satisfaite, on n’en est toutefois pas très loin. 

Les « réponses » du gouvernement sont orientées autour de plusieurs axes : souveraineté alimentaire, reconnaissance du métier d’agriculteur, rémunération, protection contre la concurrence, simplification des normes.

Les premières mesures sont plutôt d’ordre symbolique, visant à montrer à quel point, pour reprendre les termes de Gabriel Attal, la France « aime ses agriculteurs » : il sera inscrit dans la loi que l’agriculture « est d’intérêt général au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ». Le gouvernement entend également inscrire dans la loi la notion de « souveraineté agricole et alimentaire ». 

Sujet important pour les maires : le gouvernement promet d’accélérer l’adoption de la proposition de loi sur les « troubles anormaux du voisinage », visant à limiter des actions en justice contre les nuisances sonores ou olfactives des exploitations agricoles, souvent intentées par des « néo-ruraux ». Cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale le 4 décembre dernier et a été transmise au Sénat. Gabriel Attal a annoncé hier que le gouvernement portera un amendement « relatif à l’évolution de l’activité de l’exploitation de l’activité agricole dans des conditions normales ». « Quand on choisit la campagne, on l’assume », a-t-il ajouté à destination des « néo-ruraux ». 

Rémunération des agriculteurs

Le plan prévu par le gouvernement prévoit une réflexion sur le calcul des retraites des agriculteurs, et un important travail pour améliorer le respect des lois Egalim : les contrôles seront « doublés », une mission parlementaire va être chargée d’évaluer l’application de cette loi, et le gouvernement promet de mieux contrôler « l’achat de produits durables et de qualité par la restauration collective et la commande publique ». Il veut également porter une « extension de la loi Egalim au niveau européen ». 

L’abandon de la hausse du gazole non routier (GNR) a été confirmé, et le gouvernement fait diligence pour l’application de cette mesure : Bercy annonce ce matin que le guichet permettant de demander une avance sur « le taux super-réduit » a déjà été ouvert. 

Le gouvernement confirme également le passage à 90 % de la prise en charge des frais vétérinaires pour le traitement des épizooties, et le versement des aides de la PAC d’ici au 15 mars au plus tard. 

Des mesures de « compétitivité » ont été annoncées, dont une application directe de la toute nouvelle loi immigration : le secteur de la production agricole va être reconnu comme « secteur en tension », ce qui permettra l’octroi, pour les travailleurs agricoles étrangers, l’octroi d’une carte de séjour temporaire. 

Lutte contre la concurrence

Gabriel Attal a affirmé que la France va s’opposer à la signature de l’Union européenne sur l’accord Mercosur – même si l’on se demande comment, dans la mesure où il n’existe pas de droit de véto dans ce domaine. Une mesure va être prise « avant le Salon de l’agriculture » pour empêcher l’importation en France de fruits et légumes traités avec du thiaclopride, un pesticide de la classe des néonicotinoïdes. L’usage de ce produit est interdit en Europe, mais dont l’importation de produits traités hors d’Europe au thiaclopride ne l’est pas. La France entend donc le faire seule. 

Simplification

Gabriel Attal a par ailleurs annoncé une longue série de « clauses sectorielles » pour simplifier la vie des différents types d’agriculteurs – éleveurs et viticulteurs en particulier. 

Outre des mesures fiscales et la promesse que la France va « porter une évolution de la réglementation européenne » sur les jachères, le gouvernement s’est engagé à publier rapidement le nouveau Plan loup et un nouvel arrêté « encadrant les tirs ». 

Quelque 230 millions d’euros de mesures d’aides aux viticulteurs seront amenées entre 2024 et 2025, ainsi que 50 millions d’euros pour l’agriculture bio. 

Un « mois de la simplification » est lancé dans tout le pays, sous la forme d’une vaste concertation, sous l’égide des préfets, visant à « interroger la pertinence des normes », et à inscrire d’éventuelles modification dans le futur projet de loi agricole. Ce sera un petit « mois », puisque le gouvernement s’engage par ailleurs à présenter ce projet de loi « avant le Salon de l’agriculture », soit avant le 24 février. 

Sur les dix normes dont la simplification ou la suppression ont été annoncées par Gabriel Attal la semaine dernière (lire Maire info de lundi), le travail a déjà commencé, puisqu’un premier décret, sur le curage des cours d’eau agricoles, a déjà été publié hier. 

Reste à traiter, entre autres, plusieurs sujets qui intéressent particulièrement les maires : le chantier des zones humides, la réglementation sur les obligations légales de débroussaillement et celle sur les haies. On notera également que le Premier ministre a annoncé hier le lancement d’un chantier sur « la meilleure protection du foncier agricole dans la politique de l’urbanisme, incluant la question des compensations », sujet sur lequel les maires attendront sans doute des précisions. 

Pause sur Écophyto

Enfin, et c’est certainement le sujet le plus sensible, Gabriel Attal a annoncé une « mise à l’arrêt » du plan Écophyto, « le temps de rediscuter les indicateurs, les zonages et les mesures de simplification, par exemple sur le registre numérique, dans un objectif de non-surtransposition, et de préservation de notre environnement et de la santé de nos concitoyens ». Le Conseil stratégique du plan Écophyto est tout simplement « supprimé » et le calendrier de l’Anses (agence de sécurité sanitaire » va être « réaligné », afin notamment que celle-ci « continue d’intégrer les dernières connaissances scientifiques et techniques ». Enfin, sur les zones de non-traitement (ZNT), dans lesquelles, notamment à proximité des écoles, l’utilisation de produits phytosanitaires est interdite, le gouvernement promet de « faire appel des décisions de justice sur les chartes départementales ». Des associations de défense de l’environnement ont en effet récemment obtenu des tribunaux l’annulation de certains arrêtés préfectoraux approuvant des chartes locales, au motif que celles-ci ne seraient pas assez rigoureuses (lire Maire info du 12 janvier). 

Le plan Écophyto, rappelons-le, est le troisième du nom et vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en 2030 de 50 % par rapport à 2017. 

Les écologistes « abasourdis »

Ces annonces sur le plan Écophyto, si elles semblent satisfaire les principaux syndicats agricoles, ont fait bondir les associations et partis écologistes ainsi que la gauche – le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, parlant de « contresens total » et de « droit à polluer ». 

Du côté d’Europe-Écologie Les Verts, on se dit « abasourdis », tandis que plusieurs ONG environnementales parlent d’un « recul historique » – France nature environnement évoquant un « très mauvais signal » à l’heure où la biodiversité recule de façon catastrophique. Les militants écologistes insistent sur le fait que les principales victimes des pesticides sont les agriculteurs eux-mêmes, en termes de santé, l’écologiste Marie Toussaint parlant de « cadeau empoisonné aux agriculteurs ». D’autres soulignent le télescopage entre cette décision et les révélations récentes du Monde et de France info, selon lesquelles les principales sources d’eau minérale naturelle du pays sont contaminées par des traces de pesticides. Quant aux élus, ils ont des raisons de s’inquiéter aussi, lorsque l’on sait, comme l’a rappelé la FNCCR au printemps dernier, le surcoût considérable du traitement de l’eau lorsque celle-ci est contaminée par des produits phytosanitaires.

Du côté du gouvernement, on cherche à déminer. L’entourage du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, indique ce matin qu’il n’est absolument pas question « d’abandonner » le plan Écophyto, mais « de prendre le temps de le retravailler pour qu’il soit compris, utile et efficace ». Le cabinet du ministre indique également qu’il n’est pas question de remettre en cause les ZNT. 




Aménagement numérique du territoire
Couverture mobile : les zones blanches s'effacent, la 4G s'installe
Cinq ans après le lancement du New deal mobile pour généraliser la 4G et accélérer la couverture mobile des territoires, l'heure du bilan a sonné. L'Arcep publie un point d'étape qui montre une progression significative de la couverture mobile en France.

La couverture mobile s’est sensiblement améliorée depuis le lancement du New deal mobile. Conclu en janvier 2018 entre le gouvernement, l’Arcep et les quatre opérateurs mobiles, cet accord vise la généralisation d’une « couverture mobile de qualité pour tous les Français, où qu’ils habitent ». L’accord prévoit notamment l’installation de 5 000 pylônes d'ici 2027 pour éradiquer les zones blanches.

Hier, l’Arcep a publié un communiqué dans lequel un point d’étape est fait sur la couverture mobile et ses avancées, de 2018 à 2023. Le régulateur rend « compte du chemin parcouru depuis 2018, tant du point de vue de la couverture que de la qualité des services mobiles ».

Le boom de la 4G

Du côté du très haut débit mobile, l’Arcep pointe qu’entre 2017 et 2022, le nombre de sites équipés en 4G a plus que doublé et les opérateurs mobiles ont déployé la 4G sur 9 600 à 15 500 sites environ selon les opérateurs. Au total, alors que 45 % du territoire bénéficiait d’une couverture 4G en 2018, 88 % du territoire est désormais couvert en 4G (chiffre du troisième trimestre 2023). 

Ainsi, il est particulièrement important de noter qu'en 5 ans, la part du territoire située en zone blanche de la 4G est passée de 11 % à 1,9 %. Pour rappel, 5 000 zones blanches ont été identifiées dans le cadre du New deal mobile et devront être « effacées définitivement » à l'horizon 2027. Cet objectif risque cependant de ne pas suffire et beaucoup se disent favorables à la création d’un nouveau New deal mobile. Sur ce sujet, le gouvernement travaille avec l’ANCT « à sonder les équipes projets pour faire remonter les besoins nécessaires à l’issue du New deal mobile. »  Le but : « terminer la première génération de ce New deal mobile » et préparer la suivante (lire Maire info du 17 avril)

Selon les chiffres du gendarme des télécoms, « en quelques années, la couverture mobile en 4G s’est rééquilibrée » puisqu’en 2015, « seuls six départements, tous situés en Île-de-France, étaient couverts à plus de 90 % de leur surface » et qu’en 2022 « seuls six départements métropolitains disposent d’une couverture de leur territoire inférieure à 90 % ».

Connectivité et qualité 

De manière générale, la qualité des services augmente, même si elle le fait plus lentement. En effet, en ce qui concerne le service voix et SMS, « le taux de la population bénéficiant d’une bonne couverture, qui se situait entre 98,6 % et 99,3 % fin 2020, se situe désormais de 99,5 % à 99,7 % fin 2022 » en fonction des opérateurs. « Sur la même période, le taux de la population bénéficiant d’une « très bonne couverture » qui se situait entre 91,2 % et 93,6 % selon l’opérateur fin 2020, oscille entre 92,3 % et 96,1 % fin 2022 », indique l’Arcep. 

Les constatations sont également positives du côté de la qualité de service de l’internet mobile. « En matière de débits par exemple, entre 2018 et 2023, la proportion des mesures ayant relevé un débit descendant à au moins 3 Mbit/s passe de 77 % à 88 %. Sur cette même période, la proportion de mesures supérieures à 8 Mbit/s, progresse encore plus fortement, passant de 64 % à 82 % ».

Des progrès qui restent à faire en zones rurales 

Les zones rurales ont, elles aussi, profité de cette amélioration de la couverture mobile pendant ces dernières années. C’est notamment grâce au dispositif du couverture ciblée que la progression a pu se faire. Ce dispositif « vise à améliorer de manière localisée la couverture de zones dans lesquelles un besoin d'aménagement numérique du territoire a été identifié par les collectivités et le Gouvernement. Les opérateurs doivent assurer chacun la couverture de 5 000 zones, au plus tard 24 mois après la date de désignation de la zone concernée par arrêté. »

Les déploiements se sont donc réalisés et continuent de se faire progressivement. L’Arcep indique qu’au 30 septembre 2023, « 4 374 zones à couvrir ont été désignées et plus de 2 600 sites mis en service ». « Le dispositif a également eu un effet important sur la mutualisation des infrastructures mobiles en zone rurale. Plus de 90 % des sites déployés dans le cadre de ce dispositif sont mutualisés par les quatre opérateurs », ajoute le régulateur. Le dispositif devrait produire ses effets jusqu’à fin 2026. Par ailleurs, « les obligations fixées dans le cadre des autorisations de fréquences de la bande 3,5 GHz (bande cœur de la 5G) contribueront également à cette amélioration avec le déploiement d’au moins 25 % des nouveaux sites dans les communes des zones peu denses et celles des territoires d’industrie ». 

La couverture dans les zones rurales reste « perfectible » pour le régulateur. Plusieurs retards dans le cadre de ce dispositif ont par exemple été observés par l’Arcep en 2023. Cependant, les élus sont davantage consultés sur le terrain et le gouvernement souhaite « conforter les dynamiques locales existantes » jusqu’en 2025 notamment avec les équipes projets régionales ou départementales. 
 




Catastrophes
Lancement du dispositif Mieux reconstruire après inondations dans 351 communes des Hauts-de-France
Le gouvernement a publié ce matin plusieurs arrêtés relatifs au dispositif « Mieux reconstruire après inondation », qui va, pour la première fois, être appliqué aux communes du Nord et du Pas-de-Calais frappées par les inondations de novembre et janvier.

Trois ans après avoir été voté dans le cadre de la loi de finances pour 2021, le dispositif Mieux reconstruire après inondation, financé par le Fonds Barnier, va être expérimenté pour la première fois dans les Hauts-de-France, comme s’y était récemment engagé le gouvernement. 

Un arrêté a été publié ce matin au Journal officiel pour fixer les modalités de cette expérimentation, et un autre pour déterminer les communes entrant dans le dispositif. Il s’agit des 301 communes du Pas-de-Calais et des 50 communes du Nord qui ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite des inondations survenues en novembre dernier, et/ou fin décembre et début janvier. Tous les habitants sinistrés de ces 351 communes sont donc éligibles à ce dispositif, que les maires de ces communes ont donc tout intérêt à faire connaître. 

Fonds Barnier

Pour mémoire, le dispositif Mieux reconstruire après inondation est issu de l’article 224 de la loi de finances pour 2021, qui dispose que ce dispositif, créé à titre expérimental pour trois ans « à partir de la désignation d’au moins une commune », est financé par le FPRNM (Fonds de prévention des risques naturels majeurs ou Fonds Barnier), et qu’il bénéficie « aux biens à usage d'habitation couverts par un contrat d'assurance ». En dehors de cela, cet article ne disait strictement rien de plus sur ce dispositif. 

Les détails sont désormais connus, depuis l’arrêté publié ce matin, qui fixe avec précision le champ d’application du dispositif, son financement et les modalités de son exécution. 

Le dispositif fonctionne en deux temps : l’établissement d’un « diagnostic de vulnérabilité », puis l’exécution de travaux de réduction de celle-ci. Mais il est clairement précisé que l’établissement du diagnostic n’est « pas une obligation ». Il joue en revanche sur le taux de subventionnement des travaux.

Diagnostic de vulnérabilité

Le diagnostic de vulnérabilité permet « de connaître l'état d'exposition aux inondations de chacun des bâtiments habités (…) présents sur la parcelle du propriétaire sinistré, d’identifier les fragilités principales (…), de déterminer si cet endommagement peut avoir une influence sur la sécurité des personnes et le délai de retour à la normale du fonctionnement des biens et de préconiser des travaux ». Il est établi, est-il précisé en annexe de l’arrêté, en visitant « le premier niveau du bien, le sous-sol et les abords », l’examen portant sur le réseau électrique, le vide sanitaire, les sols, plafonds, cloisons, le système d’assainissement, les façades extérieures, etc. 

Cette intervention peut se faire soit pour le compte d’une compagnie d’assurance, soit pour celui des propriétaires sinistrés, soit enfin « sous la maîtrise d’ouvrage d’une collectivité dans le cadre d’un Papi » (programme d’actions de prévention des inondations). Lorsque le diagnostic est réalisé pour le compte d’un assureur ou du propriétaire lui-même, il est financé par le Fonds Barnier à hauteur de 750 euros par intervention. Lorsqu’il est réalisé pour le compte d’une collectivité dans le cadre d’un Papi, le financement se fait « selon les modalités usuelles prévues ». 

Travaux

Une fois le diagnostic établi, le Fonds Barnier va également permettre de financer des travaux. Mais attention, il n’est pas question ici des travaux de rénovation ou de réparation des biens sinistrés, mais de travaux permettant de réduire la vulnérabilité de ces biens face aux inondations : « Obturation amovible ou définitive des ouvrants des constructions, clapets anti-refoulement » et autres dispositifs individuels de protection contre les inondations. 

Ces travaux peuvent être pris en charge par le Fonds Barnier que le diagnostic préalable ait été établi ou pas, mais pas aux mêmes taux : la prise en charge est de 100 % si le diagnostic a été réalisé, et de 60 % dans le cas contraire, ou 70 % pour les ménages modestes, selon un barème de revenus défini à l’annexe 2 de l’arrêté. 
La subvention est toutefois plafonnée, dans tous les cas, à 36 000 euros. Une avance de 60 % est versée lors de la décision attributive de subvention. Attention, les travaux ne seront subventionnables que si la demande est déposée avant le 1er septembre 2025. 

L’arrêté liste enfin les documents qui doivent figurer dans le dossier de demande de subvention. 
 




Élus locaux
Les manquements à la probité restent le principal motif de mise en cause des élus
Un « nouveau record » d'élus locaux mis en cause pourrait être atteint sur la mandature actuelle avec une hausse potentielle de 15 % des poursuites, selon l'Observatoire de la Smacl, qui demande toutefois d'interpréter ces résultats avec « précautions ».

Entre avril 1995 et juillet 2023, ce sont 5 574 poursuites pénales et 1 746 condamnations qui ont été recensées contre des élus locaux. C’est le constat fait par l'Observatoire de la Smacl (la société d'assurance des collectivités, des élus et des agents territoriaux), dans son dernier rapport annuel sur « le risque pénal des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux » dans lequel elle dresse le bilan des dernières 28 années et livre les premières estimations sur la mandature 2020-2026, à l’occasion des 10 ans des lois sur la transparence de la vie publique.

Ne prétendant pas « à l’exhaustivité », l’Observatoire s’appuie sur l’analyse de ses dossiers d’assurances, des décisions de justice et des articles publiées dans la presse pour tenir son décompte et réaliser ses projections.

Un élu mis en cause chaque jour

Selon l’Observatoire, « un nouveau record » pourrait ainsi être atteint sur la mandature actuelle (2020-2026) avec une hausse potentielle de 15 % des mises en cause par rapport à la précédente (2024-2020), alors que celle-ci constituait déjà un « record » avec une augmentation de 55 % des poursuites, une tendance jugée « particulièrement significative ».

« La barre symbolique des 2 000 élus mis en cause a été franchie » lors de la dernière mandature, explique le responsable de l’Observatoire Smacl, Luc Brunet, dont les « estimations affinées » à mi-mandat lui « permettent d’anticiper » que plus de 2 300 élus devraient être poursuivis entre 2020 et 2026, sur les près de 600 000 élus locaux que compte le pays.

Une fois consolidées, les années 2021 et 2022 devraient même « être proches du record constaté en 2014 ». Après trois années de baisse (entre 2016 à 2018), « le contentieux pénal des élus est reparti à la hausse depuis 2019 et devrait refranchir la barre des 400 élus mis en cause par an, seuil qui n’avait jusqu’ici été franchi qu’en 2014 », indiquent les auteurs du rapport.

Alors que le taux de mise en cause pénale reste de 0,351 % toutes infractions confondues pour l’ensemble des élus (y compris ceux de l’opposition), celui-ci est sans surprise plus important pour les chefs des exécutifs locaux (maires, présidents de groupement de collectivités, de département ou de régions). De 2,48 % au global, il a atteint les 2,80 % chez les maires, lors du dernier mandat. Les élus qui ne sont pas titulaires de fonctions exécutives sont donc moins exposés aux poursuites

Six élus poursuivis sur dix finalement relaxés

Résultat, « en moyenne, c’est un élu local qui fait l’objet d’une mise en cause pénale par jour », souligne Luc Brunet, tout en insistant sur le fait que « poursuite ne vaut pas condamnation ».

En effet, les élus poursuivis ne sont évidemment pas nécessairement condamnés. Avec un taux de condamnation moyen de 37,7 % ces 28 dernières années, ce sont même plus de six élus poursuivis sur dix qui bénéficient au final d’une décision qui leur est favorable. Des proportions que l’on retrouve d’ailleurs également chez les fonctionnaires mis en cause.

Entre avril 1995 et juillet 2023, la Smacl a donc recensé 1 746 condamnations prononcées contre des élus locaux sur les 5 574 poursuites pénales initiales. Sur la dernière mandature, si plus de 750 élus devraient au final être condamnés (à l’achèvement des procédures), « près de 1 300 poursuites devraient se solder favorablement pour les élus poursuivis ».

D’où « l’importance du principe de la présomption d’innocence », rappelle la société d’assurance. Cependant, « même soldée par une relaxe, une procédure pénale n’est jamais neutre pour un élu, y compris sur sa vie privée. Aux yeux de l’opinion publique le mal est fait », prévient Luc Brunet qui résume la situation ainsi : « Même dans la relaxe demeure souvent le poison d’un doute ».

Les « manquements à la probité », principal motif

Pour quels motifs sont généralement poursuivis les élus locaux ? Loin devant, ce sont les mises en cause pour « manquements à la probité » qui arrivent en tête devant les « atteintes à l’honneur » et « à la dignité ». 

Les condamnations suivent la même logique puisque quasiment la moitié d’entre elles concernent là aussi des « manquements à la probité », très largement devant les « atteintes à l’honneur », « à la dignité » et « à la confiance », réparties de manière relativement identiques.

A noter que depuis 1995, la proportion des motifs de poursuites et de condamnations n’ont quasiment pas évolué, les « manquements au devoir de probité » constituant également le premier motif de mise en cause et de condamnation des fonctionnaires territoriaux. 

En quantité, toutefois, le mandat en cours pourrait voir exploser les condamnations des élus pour ce motif, si l’on en croit les projections de l’Observatoire (il estime qu’elles atteindront 439, contre environ 280 sur les deux dernières mandatures), tout comme celles pour « violences sexuelles » (estimées à 61 sur cette mandature, contre 21 et 16 sur les deux précédentes).

L’Observatoire met, toutefois, en garde sur l’interprétation de l’ensemble de ses résultats, « les hausses constatées reflétant aussi en partie une meilleure efficacité de (ses) méthodes de recensement ». Il y a « un inévitable effet déformant sur nos statistiques puisque les mêmes données n’étaient pas disponibles lorsque Internet n’en était qu’à ses balbutiements », prévient-il.

Conflit d’intérêts : des règles « beaucoup trop compliquées »

Le conflit d’intérêts est donc « au cœur du baromètre du risque pénal ». Si « le délit de prise illégale d’intérêts constitue à lui seul 40 % des poursuites pour manquements au devoir de probité contre les élus locaux », précise Luc Brunet, il souligne cependant qu’il est « très facile de le commettre sans s’en rendre compte ». « Il est impératif de faire des piqûres de rappel régulières car, pris dans le train-train quotidien ou dans l’urgence, les élus peuvent oublier des règles de prudence », indique-t-il, rappelant que « le référent déontologue, obligatoire depuis le 1er juin 2023, doit pouvoir les y aider ».

Selon lui, « une réforme législative pour mieux cibler la répression sur ceux qui ont vraiment porté atteinte à l’intérêt général ne serait pas du luxe ». Estimant qu’il « n’est pas de bonne politique pénale de mettre dans le même sac de rares élus malhonnêtes avec ceux qui sont de totale bonne foi et qui n’ont recherché qu’à satisfaire l’intérêt général », il déplore que ces derniers « se trouvent cloués au pilori injustement et apparaissent aux yeux de l’opinion comme corrompus, alors qu’ils ont l’intérêt général chevillé au corps ».

Et Jérôme Baloge, le président de Smacl Assurances, de regretter « qu’un élu soit de fait considéré comme en situation de conflit d’intérêts dans de nombreuses activités liées à ses mandats. Le fait unique qu’il représente sa collectivité dans une instance décisionnelle d’une autre personne morale (association, EPL ...) est un exemple ». « Par méconnaissance des textes ou dans de rares situations, par volonté manifeste de rechercher un intérêt personnel, les lois sur la transparence de la vie publique peuvent être enfreintes », assure-t-il.

« La rédaction actuelle de l'article L.1111-6 du Code général des collectivités territoriales qui neutralise partiellement les conflits d'intérêts dans certaines situations, est un naufrage légistique », assure d'ailleurs l’un des intervenants du rapport, qu'il juge « beaucoup trop compliqué à lire et à interpréter pour nos 566 000 titulaires de mandats électoraux ». « Nul ne peut exiger d'un ou d’une élu(e) qu'il soit un professionnel du droit pour exercer en sécurité son mandat. Imaginerait-on un code de la route si mal rédigé que les usagers de la route s'interrogeraient à chaque carrefour pour deviner s'il s'agit d'une priorité, d'un stop, ou d'un sens interdit ? », s’interroge-t-il ironiquement.

Consulter le rapport.
 




Culture
Le gouvernement rappelle l'obligation de la mise en oeuvre du « 1 % artistique » par les collectivités territoriales
Dans une circulaire datée du 3 janvier 2024, Rima Abdul Malak, ex-ministre de la Culture, demande aux préfets de s'assurer du respect de l'obligation du « 1 % artistique », dans le cadre des projets engagés par les services de l'État et dans ceux relevant des collectivités territoriales.

C’est une obligation qui existe depuis plus de 70 ans maintenant. Pourtant, « les services de l'État ont plusieurs fois été alertés du non-respect de ce dispositif ou d'un manque de diligence des personnes publiques dans le respect de leurs obligations vis-à-vis des artistes ou de la conservation des œuvres ».

C’est ce qu’indique le gouvernement dans une circulaire datant du mois dernier portant sur le fameux « 1 % artistique » et rendue publique aujourd'hui. Ce dispositif prévoit concrètement une « obligation de décoration des constructions publiques » via « une procédure spécifique de commande publique d'œuvres d'art qui impose aux maîtres d'ouvrage publics de consacrer un pour cent du coût de leurs travaux à la commande ou à l'acquisition d'une œuvre existante d'un artiste vivant ».

Depuis 1951, « ce dispositif a donné lieu à plus de 12 400 projets se déployant sur l'ensemble du territoire et sollicitant plus de 4 000 artistes ». Pour éviter que la pratique soit oubliée, le gouvernement rappelle les instructions en la matière afin qu’elle soit appliquée de façon systématique, ce qui ne semble pas être le cas actuellement. « La diminution notable du nombre des projets engagés ces dernières années nécessite un rappel de cette obligation qui incombe aux maîtres d'ouvrage publics », peut-on lire dans la circulaire. 

Écoles, bibliothèques, archives 

La circulaire souligne que « les collectivités territoriales et leurs groupements sont aussi soumis à l'obligation du « 1 % artistique » pour les opérations immobilières relevant des compétences qui leur ont été transférées par l'État à partir de 1983 et des lois de décentralisation. Cela concerne notamment les écoles maternelles et primaires, collèges, lycées, bibliothèques de prêt et médiathèques ainsi que les archives. Si les collectivités ont recours à un mandat ou à une autre personne agissant pour leur compte, l'obligation s'applique également à l'opération ».

Concernant les œuvres à acquérir, elles doivent être « nécessairement des œuvres d'art originales » mais le « champ des réalisations artistiques est ouvert : dessin, peinture, sculpture, gravure, lithographie, œuvres graphiques et typographiques, signalétique originale, œuvres photographiques, œuvres utilisant la lumière, installations, œuvres des arts appliqués (design graphique ou d'objet) ».

Le gouvernement indique également que « la contribution financière de l'État à un projet de construction pourra être conditionnée au respect du dispositif du « 1 % artistique » comme au respect des autres réglementations, qui figurent parmi les obligations légales des collectivités publiques ». 

Rappelons qu’en dehors du cadre des compétences transférées par les lois de décentralisation, les collectivités territoriales peuvent néanmoins aussi prendre l'initiative d'une procédure de « 1 % artistique » et mettre en œuvre une procédure de commande publique artistique (théâtres municipaux, salles des fêtes par exemple).

Guide pratique 

Pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de cette procédure de commande publique spécifique, un guide a été réalisé en décembre 2020 par le ministère de la Culture en lien avec l’AMF. Ce dernier « reprend les étapes successives des processus de 1 % et de commande publique, depuis la formulation de la demande, avec notamment la rédaction du programme, jusqu’à l’identification des artistes et le choix de l’un d’entre eux ». 

Télécharger le guide. 

Consulter la circulaire. 
 






Journal Officiel du vendredi 2 février 2024

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 26 janvier 2024 portant désignation des communes dans lesquelles s'applique le dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation »
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 31 janvier 2024 fixant les modalités de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » créée par l'article 224 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 31 janvier 2024 fixant les modalités de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » créée par l'article 224 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais

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