Édition du jeudi 23 novembre 2023

Statut de l'élu
Conditions d'exercice du mandat : il est temps d'agir !
Lors du débat consacré aux conditions d'exercice du mandat, le 22 novembre, dans le cadre du 105è congrès de l'AMF, les élus ont unanimement demandé des mesures fortes pour conforter leur engagement et renforcer l'attractivité de la fonction de maire. Ils ont reçu le soutien de l'Assemblée nationale et du président du Sénat. L'AMF, qui a présenté ses propositions en la matière début novembre, veut un engagement concret du gouvernement.

« Il est impératif d’améliorer les conditions d’exercice du mandat pour conforter l’engagement actuel des élus, susciter des vocations et diversifier le profil des élus locaux », a alerté Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41) et coprésidente du groupe de travail « conditions d’exercice des mandats locaux » de l’AMF, lors du débat consacré à ce sujet, le 22 novembre, dans le cadre du 105è congrès. Revalorisation des indemnités, formation, conciliation du mandat avec l’activité professionnelle et la vie familiale, accès aux droits sociaux, retraite, validation des acquis de l’expérience (VAE), les sujets sont nombreux et figurent parmi la soixantaine de propositions formulées, début novembre, par l’AMF qui les a transmises au gouvernement. « Les élus doivent gérer simultanément trois temps : le temps privé, le temps professionnel et le temps du mandat », a résumé Frédéric Roig, maire de Pégairolles-de-l’Escalette (34) et coprésident du groupe de travail de l’AMF, pour illustrer l’équation très difficile que les élus doivent résoudre et que beaucoup ont découvert après leur élection en 2020. 

Une difficile conciliation entre le mandat et l’activité professionnelle

Une équation qui concerne de plus en plus d’élus « car 60 % des maires exercent aujourd’hui une activité professionnelle, deux tiers à temps partiel et un tiers à temps complet », a souligné Martial Foucault, directeur du Cevipof, en rappelant quelques enseignements de la vaste enquête menée avec l’AMF à laquelle plusieurs milliers d’élus ont répondu. Facteur aggravant, « 85 % des maires que nous avons interrogés ont déclaré ne pas s’être souciés des conditions d’exercice de leur mandat avant leur engagement, a-t-il indiqué. Beaucoup d’entre eux ont dû réorganiser totalement leur vie professionnelle depuis trois ans et faire un choix difficile : abandonner leur activité professionnelle pour exercer leur mandat, avec une perte de ressource à la clé. Ou conserver leur métier en redevenant conseiller municipal ». Lorsqu’ils tentent de mener de front mandat et activité professionnelle, les choses peuvent se révéler complexe comme en a témoigné, le 22 novembre, devant ses collègues élus, Laurent Roussel, 1er adjoint au maire de Fontainebleau (77), élu en 2020, dont l’employeur a, selon lui, jugé ce « cumul » incompatible avant de le « placardiser ». L’élu bataille depuis aux prud’hommes pour faire valoir ses droits.  

Une revalorisation nécessaire des indemnités de fonction

Dans ce contexte, la revalorisation des indemnités devient prégnante « même si elle ne conditionne pas l’engagement », souligne Martial Foucault (lire ci-contre). « Les maires ne s’engagent pas pour gagner de l’argent mais ils ne veulent pas en perdre non plus », a-t-il résumé. Autrement dit, les élus demandent un retour sur leur investissement personnel dans le mandat qui ne doit pas se traduire par un sacrifice financier. Car la charge de travail déclarée par les maires est significative. Elle « s’établit en moyenne à 32 heures », révèle l’enquête, oscillant « entre 25 heures pour les maires de petites communes et 50 heures pour les communes de plus de 9 000 habitants ». Rapporté aux indemnités perçues, «  le taux horaire s’établit à 10,9 €/heure pour les maires des communes de moins de 500 habitants (soit exactement le taux du smic horaire en juillet 2023) contre 20,4 €/heure pour les maires des communes de plus de 50 000 habitants », souligne le Cevipof. Loin du salaire d’un cadre moyen. « Ceci explique pourquoi ils sont aujourd’hui 48 % à juger leur indemnité insuffisante - et même 78 % parmi les maires des communes de 9 000 habitants et plus-, contre seulement 25 % en 2020 », révèle l’enquête du Cevipof. « Nous ne demandons pas de privilèges mais simplement la reconnaissance de la responsabilité que le suffrage universel nous a confiée », a résumé Frédéric Roig.  

« On a jamais eu autant besoin du maire et, dans le même temps, son statut est précaire, son exposition juridique extrême et sa charge mentale énorme !, a témoigné Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen-sur-Seine (93). Je suis inquiet sur la pérennisation de la fonction, sur l’engagement, notamment des jeunes, qui pourrait aboutir à une crise des vocations en 2026. Il est urgent que l’État soutienne résolument les élus locaux ». Un constat partagé par Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi (81) : « Il faut réenchanter la fonction la fonction de maire et cela passe par une amélioration des conditions d’exercice du mandat ». 

Passer des paroles aux actes !

Sur ce sujet, les bonnes volontés ne manquent pas. Le Sénat est à l’origine de la proposition de loi « renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires », qui a reçu le soutien du gouvernement. En cours de discussion au Parlement, elle renforce notamment les sanctions des auteurs de violences à l’encontre des élus. La Délégation aux collectivités territoriales du Sénat a rendu public, mi-novembre, un rapport sur le régime indemnitaire des élus municipaux, assorti de 8 recommandations visant à « garantir une meilleure protection matérielle des élus afin de faciliter et sécuriser l'exercice du mandat d'élu local ». Pour sa présidente, Françoise Gatel, « les maires ont besoin de moyens et de considération. Nos propositions sont sur le bureau du gouvernement qui a la main sur le sujet », a déclaré la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, le 22 novembre, en souhaitant que « ce congrès de l’AMF soit celui de la détermination et de la volonté » en la matière. 

Le président du Sénat a pour sa part annoncé qu’« une proposition de loi sur les conditions d’exercice du mandat sera déposée au Sénat en début d’année prochaine » pour que « les bonnes intentions se traduisent en actes ». Pour Gérard Larcher, « il est temps de reconnaître à sa juste valeur le travail des élus locaux pour le compte de l’État et de leurs concitoyens. Le temps est à l’action ! », a-t-il lancé, partageant le souhait formulé par Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF : « il faut donner une traduction législative et règlementaire à nos propositions ». 

L’Assemblée nationale n’est pas en reste : une mission d’information sur le statut de l’élu, créée au sein de la délégation aux collectivités, pilotée par les députés Violette Spillebout (59) et Sébastien Jumel (76), rendra ses conclusions début décembre et devrait aboutir « au dépôt d’une proposition de loi transpartisane sur le sujet qui tiendra compte des travaux en cours au Sénat », a précisé la députée du Nord devant les congressistes. Ce texte « traitera tous les aspects du statut et demandera à l’Etat de mettre les moyens financiers car ce n’est pas à la commune de financer ce statut », a souligné son homologue de Seine-Maritime, Sébastien Jumel.

Le gouvernement semble plein de bonnes intentions. « Nous allons travailler sur un statut de l’élu en partenariat avec l’AMF pour résoudre tous les irritants », a déclaré Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, le 21 novembre, devant les maires. La Première ministre, qui intervient jeudi 23 novembre après-midi lors de la séance de clôture du Congrès, pourrait détailler les premières mesures qui devraient figurer dans un projet de loi au printemps prochain, – pas avant « le mois de juin », a précisé Dominique Faure un peu plus tard au micro de Maire info

Proposition de loi socialiste

Ajoutons enfin que jeudi matin, au congrès de l’AMF, plusieurs députés socialistes dont Stéphane Delautrette et Christine Pires Beaune, ont déposé, à leur tour, une proposition de loi « visant à améliorer l’exercice du mandat ». La particularité de cette proposition de loi, expliquent ses auteurs, est qu’elle vise à traiter en une fois toutes les problématiques (sécurité juridique, agressions, indemnités, conciliation avec l’activité professionnelle, formation, etc.), plutôt que de voir se multiplier les textes « en silo ». Pour la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune, les auteurs de ce texte, qui se sont très largement inspirés des propositions de l’AMF, de l’APVF et de l’AMRF, sont dans une démarche « transpartisane » et ouvrent le texte à la signature de « tous ceux qui le voudront ». « Le chef de l’État veut une loi sur les conditions d’exercice du mandat, a conclu la députée, nous lui disons ‘’chiche’’ et nous lui fournissons une base de travail ». Maire info reviendra, dans une prochaine édition, sur le contenu précis de ce texte. 
 




Congrès des Maires de France
Emmanuel Macron veut une décentralisation « réelle et audacieuse », les élus attendent des actes
Sans s'être rendu ni au congrès ni au salon des maires cette année, Emmanuel Macron s'est engagé mercredi, devant un millier d'élus réunis à l'Élysée, à mener dans « l'année qui vient » une décentralisation « réelle et audacieuse », accompagnée d'une « refonte » de la fiscalité locale.

« Nous avons un système qui est cul par-dessus tête », a lancé à son auditoire le président de la République, fixant « quatre objectifs pour l’année qui vient » pour « désembrouiller » le fonctionnement des collectivités locales.

À commencer par la décentralisation, qu’il souhaite « réelle et audacieuse » pour que chacun sache enfin « clairement qui fait quoi » car « le partage des compétences ça ne marche pas ». Et de prendre pour exemple le RSA sur lequel « les départements n’ont aucune responsabilité », tout en se demandant s’il est « raisonnable » de garder « l’essentiel de la politique du logement au niveau central ».

Quitte à redistribuer les cartes, le chef de l’État s’est aussi dit « prêt à ce qu’on rouvre » le débat sur la fiscalité, en confiant au Comité des finances locales « un travail de refonte de la DGF » – la dotation globale de financement, principale ressource des communes, départements et régions – pour aboutir à « un système plus juste, plus clair et plus lisible ». Un rapprochement qui peut surprendre, dans la mesure où « le débat sur la fiscalité » n'est pas même que celui sur la DGF, qui est une dotation. 

Le chef de l’État a ensuite vanté « le couple maire-préfet » en modèle d’une simplification qui supposera selon lui de « bousculer un peu tout le monde », en donnant « plus de place à la déconcentration et au droit de déroger ». Il a notamment, rapporte Le Monde, évoqué la piste de « redonner le pouvoir au préfet sur tous les services et agences de l’État », ce qui est une revendication de l'AMF depuis plusieurs années, qu’a rappelée David Lisnard en ouvrant le congrès des maires. 

Ce chantier nécessitera toutefois d’être « courageux sur la responsabilité pénale des décideurs locaux, qu’ils soient élus ou fonctionnaires », a ajouté Emmanuel Macron, estimant que « le risque judiciaire a inhibé l’initiative ».

Exercice du mandat 

Reconnaissant qu’il n’avait « pas réussi à entraver » les démissions de maires, signe d’un « découragement », il a indiqué qu’un texte de loi abordant notamment les questions de rémunération, de formation et de reconversion des élus locaux serait « finalisé l’année prochaine » pour « régler une partie du problème ».

Un discours bien accueilli par le maire de Briançon (Hautes-Alpes), Arnaud Murgia, qui a jugé le chef de l’Etat « au rendez-vous des annonces concrètes » avec la volonté « d’ouvrir les bons chantiers de manière pertinente ». Le président « a posé les vrais sujets », a également estimé Thibault Guignard, édile de Ploeuc-L’Hermitage (Côtes-d’Armor), qui retient qu’Emmanuel Macron s’est exprimé « avec les mots de quelqu’un qui a compris le message des maires ». Plusieurs élus ont, par la suite, estimé que si le discours est intéressant, ils attendent néanmoins qu’il se traduise en actes, car ce ne serait pas la première fois que des promesses faites  au moment du congrès des maires finissent aux oubliettes. 

Le président de l’Association des maires de France (AMF), David Lisnard, est d’ailleurs resté sceptique. « L’AMF attend des actes », a réagi le maire de Cannes auprès de l’AFP, notant tout de même que « certains éléments » avancés par le chef de l’Etat « reprennent les propositions et aspirations répétées » des élus locaux.




ZAN
Aménagement des territoires : le ZAN fait salle comble au Congrès des maires
Deux points-info successifs se sont tenus hier au 105e Congrès des maires sur le zéro artificialisation nette (ZAN), pour rappeler les règles qui s'appliquent. Éminemment technique et politique, le sujet reste inflammable chez les élus.

Décrypter les textes parus (ou attendus), partager les remontées de terrain et donner la parole aux maires, tels étaient les objectifs des points-info « ZAN », portés hier au Congrès des maires par Constance de Pélichy, co-présidente de la commission aménagement du territoire de l’AMF, maire de La Ferté-Saint-Aubin (Loiret), vice-présidente de la communauté des communes des Portes de Sologne, mais aussi Sylvain Robert, co-président de la commission aménagement du territoire de l’AMF, maire de Lens (Pas-de-Calais) et président de la communauté d’agglomération de Lens Liévin. 

Plus de deux après la loi Climat et résilience de 2021, corrigée par la loi d’initiative sénatoriale du 20 juillet 2023, faut-il encore avoir peur du ZAN ? Vu la tension palpable hier, dans la salle Nation du Congrès pleine à craquer, les inquiétudes restent vives. Crainte d’une « France à deux vitesses », difficultés à se projeter et à établir une stratégie foncière, manque structurel d’ingénierie : malgré les assouplissements de la loi de 2023, la mise en application du ZAN reste complexe et contraignante, d’autant que « le compteur tourne » depuis 2021. C’est en effet cette date qui marque le début de la première période d’application du dispositif (2021-2031), visant à diviser par deux la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) par rapport à la décennie précédente (2011-2021), avant la mise en application du ZAN en tant que tel sur la décennie 2031-2041, pour aboutir au solde zéro en 2050.

Adapter la trajectoire ZAN aux enjeux locaux 

Venu représenter l’État, Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable à la DHUP du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a patiemment exposé le dispositif actuel. En revenant au diagnostic initial : « sur la décennie précédente, nous avons consommé 24 000 hectares d’Enaf chaque année, soit près de 5 terrains de football par heure – avec des conséquences écologiques, sociologiques et économiques très importantes. Tous les territoires sont concernés, y compris les zones très peu denses. Partagé internationalement, l’objectif ZAN est apparu en France avec le plan Biodiversité de 2018, repris par la convention citoyenne sur le climat, pour être finalement encadré par les lois de 2021 et 2023 ». L’ambition est claire, il s’agit de « définir un nouveau modèle d’aménagement durable des territoires, et de mobiliser le déjà-là ». 

Si la maîtrise de l’étalement urbain est un principe fondamental du Code de l’urbanisme depuis la loi SRU de 2000, la loi Climat et résilience fixe des objectifs quantitatifs et consacre des notions essentielles, telles que la consommation d’Enaf, définie comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés, ou l’artificialisation des sols qui implique une atteinte à leurs fonctions écologiques et agronomiques. 

Par ailleurs, « la loi de 2023 a apporté certains correctifs au dispositif de 2021, comme la valorisation des efforts de renaturation dès la première décennie 2021-2031. ». De même que le nouveau décret dit « nomenclature des sols », dont la première version a été attaquée par l’AMF devant le Conseil d’État) , considère les jardins publics comme non artificialisés – tandis que tous les bâtis, y compris agricoles, sont considérés comme artificialisés… À vérifier lors de la publication prochaine des textes.

La loi de 2023 a également défini un nouveau calendrier pour la déclinaison de la trajectoire ZAN dans les documents d’urbanisme : les Sraddet (ou Sdrif, SAR, Padduc) devront établir les cibles infrarégionales d’ici au 22 novembre 2024, les Scot devront ensuite les décliner d’ici au 22 février 2027, et les PLU(i) et cartes communales d’ici au 22 février 2028.

Autre innovation – et promesse d’Élisabeth Borne au Congrès 2022 : un compté à part est instauré pour les projets d’envergure européenne et nationale, avec un mécanisme de mutualisation du forfait de 12 500 ha. L’arrêté fixant la liste des projets concernés est attendu « dans les premiers mois de 2024 », a annoncé Jean-Baptiste Butlen.

Par ailleurs, le texte sénatorial instaure une « garantie rurale » ou surface minimale de consommation d’un hectare pour chaque commune dotée d’un document d’urbanisme avant août 2026 (au moins prescrit), de même qu’il prend en compte les spécificités des communes littorales (érosion côtière, obligation de recomposition spatiale).

Donner aux maires les outils de maîtrise foncière

À la demande de l’AMF, la loi de 2023 a étendu le droit de préemption urbain aux projets de renaturation et de renouvellement urbain. Il instaure aussi un sursis à statuer temporaire pour permettre aux élus de décaler jusqu’à 2028 les décisions d’autorisation d’urbanisme. 
Autres outils : le bonus constructibilité « friches », ou encore la possibilité de définir des zones de renaturation dans les documents d’urbanisme. Jean-Baptiste Butlen a par ailleurs rappelé l’existence du Fonds vert, porté à 2,5 milliards dans son 2e volet, et qui, comme l’a rappelé le ministre Christophe Béchu la veille au Congrès, pérennise notamment le fonds friches jusqu’en 2027, et sort du cadre biaisé des appels à projets ou manifestation d’intérêt. 

Côté données, l’État met à disposition gratuitement celles du Cerema, garant de l’observatoire national de l’artificialisation, et représenté lors du débat par Annabelle Ferry, directrice Territoires et ville et Martin Bocquet, directeur d'études foncier. « Le Cerema produit des outils et des accompagnements », a ainsi rappelé Annabelle Ferry. Trois centres de ressources sont mobilisables : le portail de l’artificialisation, « datafoncier », et le site des outils de l’aménagement. Aux côtés de Cartofriches et d’Urbanvitaliz, Urbansimul permet la visualisation de l’ensemble des données foncières. Autres outils étatiques : « Zéro logement vacant », ou encore l’application « Muse », qui permet de prendre en compte la multifonctionnalité des sols. 

Mais pour mobiliser ces outils, encore faut-il pouvoir disposer de l’ingénierie suffisante… Karine Hurel, déléguée générale adjointe de la Fédération nationale des agences d’urbanisme est ainsi venue rappeler le rôle des 51 agences d’urbanisme sur le territoire, dont les missions statutaires intègre le ZAN, tout comme celles des établissements publics fonciers. « Le ZAN est un nouveau dess(e)in de territoire qui s’annonce : il faut être accompagné. Concrètement, nous aidons les élus pour la mise en application du sursis à statuer et du DPU issus de la loi de 2023. Nous proposons aussi des stratégies de densification, en identifiant le foncier invisible : les dents creuses, le micro-foncier, les entrées de ville, ou encore les espaces périurbains… C’est un travail de dentelle, il n’y a jamais qu’une solution ». 

La territorialisation, un acte politique fort conduit par les régions

Intervenant au débat, Guillaume Guérin, président de la communauté urbaine Limoges Métropole (Haute-Vienne), vice-président de l’AMF a, de son côté, fait le tour des associations départementales de maires pour parler ZAN. « Beaucoup de remontées de terrain ont été reprises dans la loi de 2023, mais il reste des écueils : la mise en adéquation du dispositif avec la réalité est toujours problématique. L’exécutif doit entendre l’inquiétude des maires. Il y a toujours un fort besoin d’ingénierie, et le mécanisme des grands projets entraîne déjà une concurrence entre régions. Sans compter qu’on nous impose un nouveau modèle d’aménagement du territoire : c’est la fin du modèle pavillonnaire, la fin de la France des propriétaires ! ». 

De son côté, Laurent Mary, directeur général adjoint transports et aménagement du territoire à la région Normandie, est venu témoigner du long parcours d’un Sraddet pour intégrer le ZAN. « C’est l’histoire d’une région et d’un président, Hervé Morin, qui initialement ne croit pas du tout à ce machin qu’est le ZAN. A l’été 2021, la loi Climat et résilience est adoptée : après la circulaire ZAN de 2018, c’est la sidération. Les Sraddet doivent organiser la territorialisation des objectifs, et être approuvés d’ici le 22 février 2024 (initialement). ».

La région fixe dès décembre 2021 dans son Sraddet un objectif – non contraignant – de diviser par 2 en 10 ans le rythme de la consommation foncière. Puis une concertation est organisée à partir d’avril 2022 pour intégrer les obligations de la loi Climat. Au menu : concertation technique et politique, réunion des élus du conseil régional et du Ceser, etc. Une proposition de modification de Sraddet est établie, l’autorité environnementale est saisie, les différents acteurs sont consultés et le projet mis à disposition du public. La modification du Sraddet est finalement approuvée par arrêté préfectoral en mai 2023. 

« C’est un acte politique très clair de territorialiser les objectifs du ZAN. Il s’agit d’anticiper pour préparer toutes les transitions : écologique, numérique, énergétique, socio-économique, mais aussi, la réindustrialisation. Plusieurs critères ont été pris en compte pour cette territorialisation en Normandie : le dynamisme économique, l’emploi salarié, l’évolution démographique, la consommation d’espaces sur 2011-2020, mais aussi le maillage territorial ou les surfaces protégées. Comme l’autorise la loi, nous ne nous sommes pas appuyés sur les données nationales du Cerema pour établir ces trajectoires, mais sur celles de la cartographie de la consommation foncière (CCF), dont la production est réalisée pour la région par l’EPF ». Le ZAN sera-t-il décliné en 13 versions selon chaque région ? La loi le permet, comme le veut la décentralisation. 

Revoir le débat « ZAN : décryptage d'une loi complexe » en vidéo sur le site de l'AMF. 




Ecole
Éducation : l'école ne se transformera pas sans les maires, promet Gabriel Attal
Le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a participé hier à un Forum dédié à l'Éducation au congrès des maires. Il a invité les élus à construire une « alliance profonde » avec l'État et leur a dévoilé plusieurs pistes de réformes à venir.

L'éducation est une thématique incontournable du Congrès des maires. Cette année, le forum s'est tenu en présence du ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal. Celui-ci a rejoint la salle une cinquantaine de minutes après le début des échanges, laissant le temps aux maires de faire un rapide tour d’horizon de leurs constats et attentes sur l’évolution de la place du maire dans la gouvernance des écoles de premier degré.

Les maires, à la sortie du forum, ont indiqué avoir été « impressionnés » par l’exercice de questions-réponses auquel s’est livré le ministre, satisfaits de sa « disponibilité ». Qu’importe presque alors, pour certains, si le ministre n’a pas répondu à toutes les attentes exprimées durant la première partie du forum notamment sur la rénovation du bâti scolaire – le plus gros chantier à venir des communes – ou sur le fonds de développement des activités périscolaires.

Rénovation du bâti scolaire, le chantier du siècle

Frédéric Leturque, co-président avec Delphine Labails de la commission Éducation de l’AMF, a rappelé au ministre la note de la rénovation énergétique du bâti scolaire : 40 milliards d’euros. L’État ne met sur la table qu’à peine 10 %. Le ministre a assuré que sur ce sujet, l’État est « au rendez-vous », sans apporter de réelles réponses aux élus. 

Autre sujet de friction : le financement des AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap). Le ministre se retranche derrière l’arrêt du Conseil d’État pour expliquer qu’il n’a que peu de marges de manœuvre pour desserrer la charge pesant sur les collectivités sur les temps périscolaires. Mais il ne ferme pas la porte. 

Interpellé sur les enfants vivant en hébergement, le ministre reconnaît que « pour les enfants placés (ASE) et ceux en hébergement d’urgence », la réponse n’est aujourd’hui « pas à la hauteur ». Il évoque la mise en oeuvre à la prochaine rentrée scolaire de l’identifiant pour chaque élève. « Cela va simplifier le partage d’informations et la capacité à scolariser plus vite des enfants en urgence », explique le ministre, qui reste « ouvert » à « d’autres mesures ».

Des pistes de réformes

La détermination du ministre en faveur du respect de la laïcité (notamment l’interdiction de l’abaya) a été largement saluée. « On doit réaffirmer fortement nos valeurs, ce que j’ai fait avec la décision sur le port de l’abaya. Cela ne veut pas dire qu’on est au bout des atteintes à la laïcité à l’école », explique Gabriel Attal. 

Le ministre a également été applaudi sur ses intentions de réformes, qui seront dévoilées en décembre et janvier, dont « une réforme profonde de la formation initiale des enseignants »

Rappelons également que le ministre « veut reconquérir le mois de juin » « avec le décalage de mars à juin des épreuves du bac », « comme la tenue des conseils de classe le plus tard possible en juin » ou encore « les épreuves de BEP en juillet ». 

Interpellé sur les besoins spécifiques des territoires ultramarins, le ministre acquiesce, mais ne promet rien. Il veut « aussi » porter l’attention sur « les signes d’espoir » en citant un exemple à Mayotte (sur l’apprentissage de la lecture). Il a enfin souligné l’intérêt de classes bilingues français-créole et prévoit un déplacement en Guyane. 

Revoir le débat sur l'école sur le site de l'AMF.




Politique de l'eau
Gemapi : le gouvernement publie le décret sur le transfert des digues, pourtant rejeté par les élus
Le gouvernement a publié ce matin le décret relatif au transfert de la gestion des digues domaniales aux communes et groupements de collectivités territoriales concernés par la Gemapi. Un texte qui avait été, en septembre, unanimement rejeté par les représentants des élus. 

Étrange calendrier. En plein congrès de l’AMF, au moment où les ministres se succèdent à la tribune pour parler « co-construction », « liberté d’action pour les maires », et après les déclarations du chef de l’État hier pour louer « le droit à déroger », le gouvernement publie au Journal officiel le décret organisant le transfert de gestion des digues domaniales, qui aura lieu dans deux mois maintenant. Alors que les élus sont, depuis dix ans, vent debout contre la façon dont cette réforme a été menée. 

Vide juridique 

On arrive en effet au terme du délai fixé par la loi Maptam du 27 janvier 2014, qui donnait dix ans pour préparer le transfert des digues domaniales (appartenant à l’État) aux communes et EPCI compétents, qu’il convient maintenant, apprend-on dans le texte, d’appeler les « gémapiens ». Ce transfert a été assorti de la création d’une compétence « exclusive et obligatoire » et, rappelons-le, d’une nouvelle taxe pour financer cette l’exercice de cette compétence, la taxe Gemapi. 

La loi Maptam prévoyait que pendant la phase transitoire – 2014-2024 – l’État continuerait de gérer et entretenir les digues « pour le compte de l’autorité locale titulaire de la compétence Gemapi ». À l’issue de ce délai, soit le 24 janvier prochain, les digues seront mises à disposition des « gemapiens ». L’État ayant constaté que des « questionnements sur les modalités opérationnelles » se sont faits jours à l’approche de la date fatidique, il a élaboré un décret pour « clarifier » ces dernières. C’est ce décret qui a été présenté devant le Conseil national d’évaluation des normes le 7 septembre dernier, et reçu un avis unanimement défavorable des représentants élus. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement de le publier quand même. On peut, au passage, s’étonner du fait que comme souvent, ce projet de décret a été présenté aux élus dans les conditions de « l’extrême urgence », ce qui ne laisse à ceux-ci que 72 h pour l’examiner et rendre un avis, quatre mois avant l’échéance de janvier 2024, alors que l’État avait 10 ans pour se préparer. 

Il y a également une certain audace des services de l’État à parler de « questionnements sur le modalités opérationnelles », alors que c’est en réalité la rédaction même de la loi qui créée ces difficultés. Il faut se souvenir que ce dispositif de création de la Gemapi avait été ajouté dans la loi Maptam en plein débat, par amendement, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État. Résultat, un texte particulièrement flou sur le plan juridique, qui ne prévoyait précisément les conditions dans lesquelles devait s’opérer le transfert, prévoyant simplement « une convention ». 

À quelques mois de l’échéance, le gouvernement comble ce flou de la plus mauvaise des manières : en prévoyant une simple substitution automatique de l’État aux collectivités et EPCI « gémapiens », exonérant l’État de toute obligation et ne laissant aucune place à des négociations. 

Marchés publics

Le décret indique simplement que les conventions de mise à disposition prévues dans la loi « prennent effet à compter du premier jour suivant la fin de la période transitoire ». En cas d’absence de convention, le préfet prononcera, au plus tard le 29 janvier 2024, la mise à disposition des digues aux gémapiens. La liste des ouvrages mis à dispositions sera publiée ensuite, par arrêté ministériel… c’est-à-dire que ce n’est qu’a posteriori que les communes et EPCI connaîtront les ouvrages dont elles héritent. 

Dès lors, les communes et EPCI concernés devront « assumer l’ensemble des obligations du propriétaire ». 

Le décret publié donne un certain nombre de détail sur le contenu de ces conventions. Les représentants de l’État, au Cnen, ont indiqué que ces conventions « pouvaient se présenter comme un outil opérationnel permettant de résoudre les éventuelles difficultés constatées par les parties prenantes ». 

Autre problème soulevé par les élus : celui des marchés publics passés antérieurement au transfert. Le décret ne donne guère de possibilité aux gémapiens de dénoncer certains marchés avant le transfert – ce qui entraîne, ont plaidé les élus au Cnen, « une perte d’autonomie contractuelle » pour les collectivités. Le décret finalement publié précise simplement que les contrats et marchés publics « sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire [des gémapiens] et du cocontractant ». Mais « accord » n’est pas « résiliation ». 

En revanche, l’article 3 du décret entrouvre la porte à la possibilité, « par dérogation » et à la demande de la commune ou de l’EPCI, que l’État poursuivre l’exécution d’un marché public au-delà de janvier 2024 « pour une durée strictement nécessaire au bon achèvement des travaux et prestations ». Cette dérogation n’est possible que dans le cas d’études ou de travaux déjà engagés avant la fin de la période de transition. Dans ce cas, un avenant devra être signé entre l’État, le gémapien et le cocontractant. Cette dérogation, soulignons-le, n’est pas de droit, et se fera sous conditions.

Questions financières

Les membres élus du Cnen ont donc, une fois de plus, dénoncé « un nouveau transfert de gestion qui vient grever les budgets locaux » : car à l’exception des cas prévus par l’article 3, l’ensemble des travaux d’entretien des digues reviendra, à partir du 24 janvier 2024, aux seules collectivités, ce que la « taxe Gemapi » ne suffira pas à couvrir. Les élus ont rappelé que le coût du seul diagnostic de ces ouvrages approchera le milliard d’euros, et que les travaux à prévoir, dans les années à venir, pour adapter ces ouvrages aux risques nouveaux nés du changement climatique est estimé à 15 milliards d’euros. 

Les élus ont regretté, devant le Cnen, que « le potentiel financier des collectivités soient affectés pour gérer une compétence qui incombait initialement à l’État ». 
 






Journal Officiel du jeudi 23 novembre 2023

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2023-1074 du 21 novembre 2023 relatif au transfert de la gestion des digues domaniales aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2023-1075 du 21 novembre 2023 relatif au soutien du fonds de prévention des risques naturels majeurs aux travaux de mise en conformité des digues domaniales transférées

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés