Édition du jeudi 16 novembre 2023

Immigration
Immigration : le Sénat adopte un texte considérablement durci
Le projet de loi sur l'immigration, dans une version presque intégralement récrite par le Sénat, a été adopté mardi par 210 voix contre 115. Beaucoup plus dur que le texte initial présenté par le gouvernement, ce texte suscite l'incompréhension des associations humanitaires, qui parlent de « déraison ».

Avec quelque 120 articles ou dispositions nouvelles, le texte issu des débats en séance publique au Sénat n’a plus grand-chose à voir avec lui que le gouvernement avait déposé. Conçu à l’origine comme un texte alliant « le répressif et le social », le volet social a été réduit à la portion congrue tandis que le volet répressif a été très fortement durci. C’est ce qu’a résumé la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie en lançant au ministre de l’Intérieur, qui avait déclaré il y a quelques semaines vouloir « être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants » : « Il ne s'agit plus que d'être méchant avec tout le monde ». Ce que Gérald Darmanin a vivement contesté, demandant à la gauche de « ne pas caricaturer ce texte », qui « comprend des mesures de régularisation », allie « fermeté contre les délinquants, intégration, simplification des procédures », et contient « des mesures que jamais la gauche n’a proposées en cinquante ans ».

Durcissement

Si le Sénat a en effet adopté quelques mesures proposées par la gauche, comme la possibilité de régulariser certains sans-papiers victimes de marchands de sommeil, la tonalité générale du nouveau projet de loi est néanmoins clairement au durcissement – avec un texte bien plus dur que les fameuses lois Pasqua de 1993.

L’une des mesures les plus emblématiques adoptées au Sénat est la suppression de l’aide médicale d’urgence (AME), remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU) bien plus restreinte (lire Maire info du 8 novembre). Mais des dizaines d’autres mesures destinées à durcir le droit actuel du séjour des étrangers ont été adoptées, sans qu’il soit possible d’en faire ici une liste exhaustive. Citons en vrac : le rétablissement du délit de séjour irrégulier et celui des quotas migratoires, le renforcement du contrôle de l’immigration étudiante, la limitation à trois du nombre de renouvellements consécutifs d’une carte de séjour, l’allongement de 5 à 10 ans de la période de séjour sur le territoire pour pouvoir espérer obtenir la nationalité, le durcissement des possibilités de regroupement familial et d’acquisition de la nationalité par le mariage, la radiation automatique de Pôle emploi et de la Sécurité sociale des personnes ayant été notifiées d’une décision de refus de séjour, de retrait de titre ou document de séjour ou d’expulsion, l’obligation pour un étranger assigné à résidence de payer lui-même les frais de cet hébergement…

Un nouvel article permet de priver un étranger de l’acquisition de la nationalité par droit du sol s’il « n’est manifestement pas assimilé à la communauté française ». Un autre – qui choque particulièrement les associations – impose une présence « stable et régulière » sur le territoire de cinq années pour pouvoir toucher les allocations familiales et l’APL ou pour bénéficier du Dalo. Y compris pour les étrangers en situation régulière.

Les mesures qui concernent les maires

Certaines mesures de ce texte concernent directement les maires ou plus généralement les collectivités territoriales.

Le nouvel article 1er D a trait au regroupement familial. Il impose au maire de la commune de résidence d’un étranger souhaitant procéder au regroupement familial de vérifier « les conditions de logement et de ressources » de la personne.

Par ailleurs, un nouvel article vise à renforcer la protection des maires dans le cadre des mariages frauduleux. Lorsque le procureur de la République est saisi à propos d’un projet de mariage douteux, il peut, sous quinze jours, ou bien faire opposition au mariage, ou bien permettre sa célébration, ou bien décider de surseoir à la célébration pendant un mois, le temps de diligenter une enquête. L’amendement adopté dans le projet de loi allonge ce délai de sursis à deux mois renouvelables.

Le texte permet également de refuser la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour, ou de retirer celle-ci à tout étranger qui se serait rendu coupable de violence contre un élu.

Enfin, le texte a créé une nouvelle obligation de débat annuel au Parlement sur la politique d’immigration, débat qui sera précédé de la remise d’un rapport du gouvernement sur cette politique. Ce rapport devra obligatoirement comprendre un chapitre consacré aux « actions conduites par les collectivités territoriales » en matière d’immigration et d’intégration.

Et l’article 3 ?

L’article 3 du texte, qui permettait une possibilité de régularisation temporaire pour des travailleurs sans-papiers dans les secteurs dits « en tension », et dont Les Républicains avaient fait une ligne rouge, a été supprimé. Après de longues négociations, il a été remplacé par un nouvel article présenté par la rapporteure de la commission des lois, Muriel Jourda, qui certes permet une régularisation temporaire de ces travailleurs mais ne la rend pas de droit : elle serait soumise « au seul pouvoir discrétionnaire du préfet », peut-on lire dans l’exposé des motifs.

Pour Les Républicains en effet, la procédure prévue dans le texte initial créait un « droit à la régularisation », droit qui n’existe pas – le Conseil constitutionnel ayant récemment rappelé que « aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ». Créer un tel droit, estime LR, « créerait manifestement une prime à la fraude et une nouvelle incitation à l’immigration irrégulière ». Mais Muriel Jourda estime néanmoins que certains de ces travailleurs sont « indispensables à la vitalité de certains secteurs économiques ». Elle a donc proposé – et fait voter – un nouvel article, avec des critères nettement « resserrés ». Un travail sans papiers pourrait prétendre à l’obtention d’une carte de séjour « travailleur temporaire » valable un an, sous trois conditions : avoir exercé un emploi en tension pendant 12 mois au moins dans les deux dernières années ; occuper un tel emploi au moment de la demande ; et avoir résidé en France de façon ininterrompue depuis au moins trois ans. Si toutes ces conditions sont remplies, le préfet examinerait le dossier et la décision reviendrait à lui seul. La rédaction adoptée précise que lors de l’examen du dossier, le préfet devra prendre en compte, « outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, ainsi qu’aux principes de la République ».

Les associations appellent à « un sursaut »

Dans un communiqué publié mardi, une trentaine d’associations dont la Cimade, la Ligue des droits de l’Homme, Emmaüs, Médecins du monde, la Ligue de l’enseignement, le Secours catholique et Médecins du monde, dénoncent avec virulence « un acharnement aussi déraisonné que dangereux pour les personnes exilées ». Qualifiant « d’aberrant et consternant » la suppression de l’AME, les associations s’indignent notamment du délai de cinq ans pour pouvoir percevoir les prestations sociales, qui « ne fera que freiner l’insertion en particulier des familles et des femmes ». « Aucune mesure pouvant ‘’rendre la vie impossible’’ aux personnes exilées n’a été épargnée, conformément aux ambitions de longue date du ministre de l’Intérieur. »

Les associations appellent « les citoyens et citoyennes à se mobiliser et les députés à un sursaut de lucidité pour que le seul cap à tenir soit celui de l’humanité, de la dignité et de l’égalité des droits ».

Ce texte a été transmis à l’Assemblée nationale, qui n’a pas encore fixé de date d’examen.

          




Catastrophes
Le gouvernement envisage de modifier les critères de classement en état de catastrophe naturelle
Le gouvernement, qui va mettre en place un « fonds d'urgence exceptionnel » pour les habitants sinistrés en Bretagne à la suite du passage des tempêtes Ciaran et Domingos, ne se montre plus fermé à une modification des critères permettant le classement en état de catastrophe naturelle, estimant que « nos règles ne sont pas adaptées au dérèglement climatique ».

Un total de 181 communes dans le Pas-de-Calais et de 24 dans le Nord ont déjà été reconnues mercredi en état de catastrophe naturelle après les crues et inondations de ces derniers jours (lire Maire info d’hier).  

« On parle énormément du Pas-de-Calais mais je n’oublie pas qu’il y a eu quelques jours auparavant une tempête en Bretagne, avec des habitants qui n’ont pas droit aux règles de catastrophe naturelle », a souligné le ministre ce matin sur France 2. Il a en effet rappelé qu’en termes d’assurances, « un cyclone c’est une catastrophe naturelle ; une inondation c’est une catastrophe naturelle ; une tempête ce n’est pas une catastrophe naturelle », évoquant des grilles inadaptées au dérèglement climatique.

« On est en train de travailler sur la totalité des événements climatiques pour revoir la grille des catastrophes naturelles, la manière dont on les prend en charge, nos règles ne sont pas adaptées au dérèglement climatique », a déclaré Christophe Béchu. 

Changement de pied

Cette déclaration semble donc ouvrir la voie à une remise à plat des critères ouvrant ou non le droit à la reconnaissance en état de catastrophe naturelle, comme le demandent depuis longtemps un certain nombre de parlementaires – ce qui constitue un réel changement de pied. 

En effet, dans sa réponse à une question posée en 2019 par une députée, qui relevait qu’il se produit désormais « plusieurs dizaines de tornades par an » en France métropolitaine et estimait qu’il fallait « revoir les critères de classement », le ministère de l’Intérieur se montrait clair dans son refus de modifier les critères : l’état de catastrophe naturelle ne peut être, pour les dégâts dus au vent, qu’en cas de cyclone, c’est-à-dire si les vents « ont atteint ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafales ». Ces critères correspondent à des cyclones de catégorie 4 ou plus, qui ne se produisent pas en dehors des zones tropicales. En conséquence, seuls les territoires ultramarins peuvent être concernés par cet aléa. En métropole, les dommages dus au vent tempétueux sont couverts par la garantie TNG (tempête, neige et grêle). Le gouvernement, dans sa réponse, jugeait alors ce dispositif « adapté à l'exposition de la France aux évènements pluvio-orageux de forte intensité ». 

Fonds d’urgence

Le ministre a par ailleurs annoncé qu’« à la demande du président de la République, nous travaillons en ce moment-même à la mise en place d’un fond d’urgence et de solidarité qui permettra d’accompagner de façon exceptionnelle ceux qui en Bretagne ont été touchés par les tempêtes Ciaran et Domingos ». «On est en train de dimensionner [l’enveloppe] avec le préfet de région, il n’est pas question qu’on abandonne » les personnes sinistrées, ajoutant des précisions seraient apportées « dans les prochaines heures ».

Concernant les assureurs, il a estimé qu’« on ne peut pas être dans une situation, quand on a un tel niveau de détresse, qui consiste à appliquer les petites lignes en italique qui sont écrites en bas des contrat, on a besoin d’une forme de compassion et d’urgence pour l’accompagnement ».

Christophe Béchu a également alerté, lors de cet entretien : « Ce que l’on vient de vivre en quelques mois, c’est ce qui nous attend : plus de pluie l’hiver, moins d’eau l’été. C’est pour cela que quand on a un épisode avec des pluies aussi importantes, il faut quand même se demander comment on lutte contre le gaspillage d’eau et pour éviter que dans quelques mois on se retrouve avec des difficultés dans un certain nombre d’endroits. »




Transition écologique
Transition écologique : les élus veulent davantage de marge de manœuvre, selon un rapport du Sénat
Un rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été remis hier au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Une vingtaine de recommandations ont été formulées pour mieux accompagner les élus dans la réussite de la transition environnementale de leur collectivité.

« Comment engager et réussir une transition environnementale ? » C’est le sujet d’un rapport réalisé par le Sénat et donc les conclusions ont été rendues hier au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Pour répondre à cette question, les rapporteurs Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche ont auditionné plus de 50 élus, sondé 150 acteurs de la transition et experts et reçu plus de 40 contributions écrites d’avril à octobre 2023.

« J’appelle les élus, les agents territoriaux et les services déconcentrés de l’État à se saisir de ce rapport, véritable boussole pratique pour répondre aux interrogations qu’ils rencontrent sur la transition environnementale », indique Françoise Gatel, présidente de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Sensibilisation et formation 

Comme le rappellent les sénateurs, « les élus locaux, comme toujours, sont en première ligne » et doivent donc régler à la fois les difficultés liées aux changements climatiques et apporter des solutions à court et long terme.  Ainsi, les élus locaux « sont confrontés à deux grands champs d’action complémentaires : l’atténuation, qui demande de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et préserver les puits et réservoirs de GES (forêts, sols…) et l’adaptation, qui est la démarche d’ajustement au climat actuel et à venir, ainsi qu’à ses conséquences ». Une mission complexe qui nécessite donc une formation et une sensibilisation « de tous les acteurs : élus, collaborateurs d’élus, agents publics, préfets et sous-préfets, agents des services déconcentrés et partenaires de la collectivité ».

La mission recommande « d’ajouter, dans les conditions de délivrance de l’agrément préalable aux organismes formateurs d’élus locaux, l’obligation pour toute formation d’intégrer les enjeux de transition environnementale et de résilience territoriale. Les rapporteurs incitent aussi les départements à mettre en place un dispositif de formation des élus du bloc communal dans le prolongement du programme de sensibilisation lancé par l’État en préfecture ».

Agir progressivement 

Le rapport pointe la nécessité de « construire progressivement une capacité d’action locale en s’appuyant sur une connaissance précise ». Ainsi, les élus doivent « s’approprier les sujets à l’échelle de (leurs) territoire (…) pour ne pas prescrire directement des solutions qui risquent d’être insatisfaisantes ou inadaptées ».

Pour ce faire, les rapporteurs ont identifié un besoin d’accompagnement des collectivités pour renforcer ce travail de diagnostic qu’il faut mener en amont (climat, ressources, biodiversité, données socio-économiques, cartographie des acteurs, …) dans la prochaine génération de Contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Par ailleurs, le Sénat recommande de « mettre gratuitement à disposition des élus locaux un bouquet de données territorialisées relatives aux enjeux environnementaux (climat, vivant, etc.) ». Les rapporteurs expliquent également qu’il serait bénéfique pour les élus locaux d’intégrer aux plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde certains nouveaux risques liés à l’environnement (sécurité alimentaire, eau, etc.), notamment pour améliorer la qualité des diagnostics.

Enfin, les élus interrogés ont indiqué qu’il fallait d’abord « commencer par des projets concrets » pour, par la suite, engager « une dynamique vertueuse ». Les élus recommandent aussi « de viser une approche globale, dite systémique, c’est-à-dire d’intégrer dans toute action et politique publique les enjeux environnementaux. Cette approche systémique demande de transformer les organisations et les habitudes de travail (…) ». 

« L’État doit changer de méthode »

Les élus locaux interrogés estiment que « l’État doit changer de méthode » à partir de deux mots d’ordre : simplification et différenciation. En effet, les élus attendent de l’État qu’il « fixe la stratégie et les grands objectifs » avec « une contractualisation locale au lieu d’imposer une solution uniforme et générale, par définition inadaptée aux contextes locaux ». Les élus « attendent de la cohérence dans l’action des services, agences et démembrements de l’État au niveau local »

Dans le même esprit, la logique d’appels à projets décriée depuis plusieurs années par l’AMF doit être abandonnée selon les élus interrogés dans le cadre de cette mission. Cette méthode de financement conduit, selon eux, « à des visions fragmentées, opportunistes, construites dans l’urgence et peu documentées ». Un « cadre contractuel global pluriannuel, avec une mise en œuvre souple en pratique, centré sur des objectifs clairs, différenciés et réalistes, avec une évaluation simple mais solide » serait davantage pertinent selon les élus. 

Le rapport recommande de « mettre en place une feuille de route transversale de la transition environnementale des services, opérateurs et structures de l’État déconcentré, coordonnée et suivie par le préfet » et de « faire des CRTE le support d’une programmation pluriannuelle des financements ».

Côté budget, selon le rapport de l’économiste Jean Pisani-Ferry sur l’évaluation des impacts macroéconomiques de la transition écologique, « pour atteindre la neutralité carbone, la France devra investir 66 milliards d’euros supplémentaires par an d’ici à 2030 soit, pour les collectivités, au moins 12 milliards euros d’investissement annuel de 2021 à 2030 alors qu’elles n’en réalisent à ce jour qu’environ 5,5 milliards par an ». Face à cette insuffisance, le Sénat propose notamment de pérenniser le Fonds vert et d’augmenter son montant. 

Les règles budgétaires et comptables doivent aussi évoluer selon ce rapport qui dénonce des incohérences : « rigidité de la séparation budgétaire entre les sections de fonctionnement et d’investissement qui distille l’idée que les dépenses d’investissement sont forcément vertueuses tandis que les dépenses de fonctionnement sont par principe à réduire » ; « encadrement des dépenses de fonctionnement par la contractualisation avec l’État (« contrats de Cahors ») avec une rigueur particulière sur les dépenses de personnels » ; « doxa sur l’endettement qui n’incite pas à investir et qu’il serait possible de faire évoluer en identifiant une dette « verte » » ; « fiscalité locale rarement incitative » ; « fonds de compensation de la TVA aux effets contreproductifs comme, par exemple, la sortie de son assiette des dépenses de plantations d’arbres et de débitumisation, pour un montant très proche de 500 millions d’euros, qui correspond à la rallonge du Fonds vert annoncée le 11 octobre 2022 »... 

Les sénateurs plaident pour engager une réflexion pour proposer des évolutions de ces règles et étudier l’ « extension des modalités de garantie des prêts contractés par les opérateurs et partenaires des collectivités (EPL) pour des projets de transition écologique ».

Un débat intitulé « Réussir la transition écologique dans le respect des libertés locales » aura lieu mardi matin au Congrès des maires en présence du ministre de 10 heures à midi dans le grand auditorium. 

Télécharger l'Essentiel du rapport. 




Société
Dérives sectaires : le gouvernement dévoile un projet de loi visant à durcir les sanctions pénales
Le texte, présenté en Conseil des ministres du 15 novembre, crée deux nouveaux délits, ainsi que des circonstances aggravantes pour mieux lutter contre les dérives sectaires. Le gouvernement a également mis au point sa stratégie nationale pour mobiliser les acteurs.

Les dérives sectaires ont connu un « quasi-doublement entre 2015 et 2021 », selon le gouvernement. Les premières Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires des 9 et 10 mars dernier (lire notre article) avaient donné lieu à un certain nombre de travaux dont la stratégie nationale et le projet de loi, présenté ce mercredi, tirent les conséquences.

La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires est destinée « à mobiliser les pouvoirs publics ». Elle repose sur trois axes :  prévention, accompagnement des victimes, renforcement des outils juridiques. 

Campagne de sensibilisation

Une campagne nationale de sensibilisation et d’information du public, ainsi que des actions plus coordonnées et ciblées envers les élus et les professionnels sont annoncées. Celles-ci porteront essentiellement sur les réseaux sociaux (mise en place d’un circuit de signalements de contenus illicites et éducation à l’esprit critique – à noter que les grandes plateformes ne seront soumises, pour les questions de dérives sectaires, qu’au droit résultant de la future loi sur l'espace numérique dont le contenu est encore en cours de discussion au Parlement et qui transpose le « Digital service act » européen), la protection des enfants exposés à des dérives sectaires, et l’action au niveau européen dans le cadre d’un observatoire européen des dangers liés aux organisations à caractère sectaire. 

Réseau territorial

L’amélioration du soutien et de l’accompagnement des victimes de dérives sectaires passera par la mise en place d’un réseau territorial. Dans chaque préfecture, des référents seront nommés et chargés d’organiser ce réseau avec les associations, les acteurs de l’aide aux victimes. Il s’agira aussi de mieux comprendre ces phénomènes en soutenant des travaux de recherche. Ces actions doivent permettre à terme de mieux accompagner et donc de mieux indemniser les victimes.

Le troisième volet de cette stratégie nationale porte sur le renforcement de l’arsenal juridique et se concrétise dans le projet de loi, premier texte législatif sur le sujet depuis la loi About-Picard du 12 juin 2001. Le texte comporte sept articles avec un accent particulier mis sur les questions de santé.

Le champ de la santé particulièrement visé

Un pan entier du projet de loi est consacré à ce champs qui concerne aujourd’hui 25 % des signalements à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaire (Miviludes). Est ainsi créé un nouveau délit dit de « provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé ». Ce délit sera puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Par ailleurs, les parquets informeront les ordres des professionnels de santé (médecins, infirmiers…) des condamnations, même non définitives, et des placements sous contrôle judiciaire des professionnels soumis à leur contrôle. Autre innovation : dans les procédures judiciaires, le ministère public ou la juridiction saisie pourra solliciter les services de l’État, en particulier la Miviludes, pour les éclairer sur les mouvements sectaires ou phénomènes en cause. 

Délit de sujétion psychologique ou physique

Un autre chapitre du texte renforce la répression avec un article créant un nouveau délit pour le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique par « l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement ». Ce nouveau délit autonome pourra être puni de trois d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Les victimes, qui subissent généralement une altération de leur santé physique ou mentale, pourront, de la sorte voir leur préjudice reconnu et donc mieux indemnisé. Ce délit de sujétion s’ajoute au délit déjà existant sur l’abus de faiblesse, qui subsiste.

Un autre article crée, au sein de code pénal, une circonstance aggravante pour les crimes et délits, les actes de torture et de barbarie, les violences sur mineurs ou sur personnes vulnérables et les escroqueries, commis dans un contexte de dérives sectaires. 

Les associations pourront se constituer partie civile 

Un troisième chapitre du projet de loi renforce l’accompagnement des victimes en permettant à un plus grand nombre d’associations luttant contre les dérives sectaires de se constituer partie civile pour mieux défendre les victimes. Aujourd’hui, seule l’Unadfi peut entamer cette démarche. Le projet de loi instaure un système d’agrément par le ministère de la Justice des associations concernées.

C’est la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville Sabrina, Agresti-Roubache, qui porte le projet de loi. Aucun calendrier quant à l’examen du texte par le Parlement n’a été révélé pour le moment. La ministre débute cependant la communication sur le texte en rencontrant, ce jeudi 16 novembre, les associations spécialisées dans la lutte contre les dérives sectaires, réunies pour l’occasion dans les locaux de la Miviludes. 




Fonction publique
Le service de l'intérêt général reste la première motivation des agents publics
Destinée à trouver de nouveaux leviers d'attractivité de la fonction publique, la consultation lancée par Stanislas Guerini autour du programme FP+ décrypte les fondements de l'engagement des agents, tout en les interrogeant sur les propositions du ministère pour répondre aux enjeux d'attractivité.

Alors que le recul de l’attractivité de la fonction publique est pointé dans de nombreuses études et rapports officiels, les valeurs du service public constituent toujours le principal motif de l’engagement des femmes et des hommes qui choisissent de faire carrière dans les administrations et les services de l’État, les collectivités territoriales et les hôpitaux publics. C'est ce que montrent les premiers résultats de la consultation en ligne lancée en juin dernier par le ministère de la Transformation et de la fonction publiques. Une consultation à laquelle plus de 110 000 agents titulaires et contractuels ont participé (dont 24,7 % de territoriaux) en l’enrichissant de près de 273 000 contributions sur les engagements pris par le ministre Stanislas Guerini dans le cadre du programme Fonction Publique +. 

Selon les premières données quantitatives présentées le 14 novembre par le ministre, c’est « le désir de servir l’intérêt général » qui apparait comme la première motivation de l’entrée dans la fonction publique. 65 % des répondants à la consultation, placent, en effet, la volonté d’accomplir des missions pour le bien public parmi les cinq premiers critères de leur engagement professionnel. Pour 36 % des agents territoriaux, cette motivation constitue même le premier facteur de l’entrée au sein de la fonction publique. À noter que « la sécurité de l’emploi » et le « contact avec les usagers » sont les deux autres critères les plus fréquemment cités par les personnels des trois versants. Une analyse des données selon le statut et la catégorie d’emploi des agents fait apparaître des priorités différentes. Ainsi, si les agents titulaires déclarent rester essentiellement dans la fonction publique pour la sécurité de l’emploi, les contractuels mettent surtout en avant l’utilité de leur mission. Par ailleurs, les agents des catégories A+ et A indiquent vouloir poursuivre leur carrière au sein de la fonction publique en raison de leur désir de servir l’intérêt général, ceux des catégories B et C plébiscitent d’abord la sécurité de l’emploi.

Les agents peu enclins à conseiller une carrière publique à leurs proches

Sans surprise, « le statut ou le prestige social », « le salaire » et « l’image positive de la fonction publique » arrivent en queue de peloton des réponses exprimées par les participants à la consultation. Ces derniers semblent, en outre, peu enclins à conseiller à leurs proches de devenir à leur tour agents publics. À la question de chiffrer sur une échelle de 1 à 10 le niveau de recommandation qu’ils formuleraient auprès d’un proche pour l’inciter à s’engager dans le secteur public, les répondants donnent une note légèrement en-dessous de la moyenne (4,9 sur 10). Le sentiment des agents des collectivités est encore plus marqué : les territoriaux n’attribuent qu’une note de 4,6 sur 10 quand il s’agit de recommander la fonction publique. La même note de 4,6 est attribuée par les agents communaux, alors qu’elle est sensiblement supérieure chez les agents travaillant dans les régions (5,5 sur 10).

L’épuisement professionnel, préoccupation n°1 en matière de santé au travail 

La consultation lancée par le ministère accorde également une place importante aux problématiques liées à la santé au travail. Ainsi, les agents ont été invités à classer les mesures qui devraient être prises en priorité par les employeurs publics. Les actions contre l’épuisement professionnel sont les plus attendues (27,3 %) devant la lutte contre les risques psychosociaux (23 %) et la prise en charge de la santé mentale (17 %). La prévention des troubles musculosquelettiques (14,6 %) et l’allègement de la fatigue physique (11,7 %) figurent également parmi les principales demandes des agents.

En matière d’aménagement du temps de travail, la consultation révèle également les souhaits des agents publics. 72,3 % des répondants souhaitent, par exemple, atteindre l’objectif de la semaine de 35 heures sur quatre jours ou de 70 heures sur deux semaines. Si moins d’un agent sur cinq (19,4 %) bénéficie déjà d'un aménagement de son temps de travail (29,5% dans les collectivités territoriales), la consultation met en évidence l’intérêt marqué des personnels des trois versants (72,6 %) pour une réorganisation de leur temps de travail, toutes catégories confondues.  

Les engagements du programme FP+ peinent à convaincre

Invités, par ailleurs, à se prononcer sur les six engagements pris par le ministère pour répondre aux enjeux d’attractivité (pratiques managériales, santé au travail, outils et espaces de travail, ressources humaines, égalité professionnelle, logement), les agents se montrent assez partagés. Moins d’un répondant sur deux (47,3 %) estime, en effet, que le programme FP+ peut constituer une réponse adaptée. À noter que ce sont les répondants issus de la territoriale qui semblent les plus convaincus, avec 51,4 % de réponses positives. De même, l’idée lancée par le ministère de créer un label FP+, qui pourrait être affiché par les employeurs répondant à l’ensemble des engagements, ne parait pas susciter l’enthousiasme des répondants. Seulement 35,5 % d’entre eux déclarent que la mise en place d’un tel label les inciterait à candidater à un poste, tandis que 13,4 % se disent encore indécis sur ce sujet. 

Cette première synthèse quantitative devrait être complétée par les données qualitatives issues des propositions des agents. Stanislas Guérini devrait  également, dans les prochaines semaines, annoncer les enseignements qu’il en tire dans le cadre du projet de loi en préparation sur la fonction publique. 






Journal Officiel du jeudi 16 novembre 2023

Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Arrêté du 10 novembre 2023 relatif à la détermination pour l'année universitaire 2023-2024 du nombre de places maximal attribué aux collectivités mentionnées à l'article 1er du décret du 19 octobre 2023 portant expérimentation d'un programme de formation en mobilité des cadres de Guadeloupe, de Martinique et de Saint-Martin
Ministère de la Transition énergétique
Arrêté du 19 octobre 2023 modifiant des dispositions relatives aux contrôles dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie

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